ACTE QUATRIÈME 


Premier Tableau 

Nº 29 - Chasse Royale et Orage

Pantomime 

(Une forêt d'Afrique au matin. Au fond, un rocher très 
élevé. Au bas et à gauche du rocher, l'ouverture d'une 
grotte. Un petit ruisseau coule le long du rocher et va 
se perdre dans un bassin naturel bordé de joncs et de 
roseaux. Deux naïades se laissent entrevoir un instant 
et disparaissent; puis on les voit nager dans le bassin. 
Chasse royale. Des fanfares de trompe retentissent au 
loin dans la forêt. Les naïades effrayées se cachent 
dans les roseaux. On voit passer des chasseurs tyriens, 
conduisant des chiens en laisse. Le jeune Ascagne, à 
cheval, traverse le théâtre au galop. Le ciel s'obscurcit, 
la pluie tombe. Orage grandissant... Bientôt la tempête 
devient terrible, torrents de pluie, grêle, éclaires et 
tonnerre. Appels réitérés des trompes de chasse au 
milieu du tumulte des éléments. Les chasseurs se 
dispersent dans toutes les directions; en dernier lieu 
on voit paraître Didon vêtue en Diane chasseresse, 
l'arc à la main, le carquois sur l'épaule, et Énée en 
costume demi-guerrier. Ils sont à pied l'un et l'autre. 
Ils entrent dans la grotte. Aussitôt les nymphes des bois 
paraissent, les cheveux épars, au sommet du rocher, 
et vont et viennent en courant, en poussant des cris 
et faisant des gestes désordonnés. Au milieu de leurs 
clameurs, on distingue de temps en temps le mot: Italie! 
Le ruisseau grossit et devient une bruyante cascade. 
Plusieurs autres chutes d'eau se forment sur divers 
points du rocher et mêlent leur bruit au fracas de la 
tempête. Les Satyres et les Sylvains exécutent avec les 
Faunes des danses grotesques dans l'obscurité. La 
foudre frappe un arbre, le brise et l'enflamme. Les 
débris de l'arbre tombent sur la scène. Les Satyres, 
Faunes et Sylvains ramassent les branches enflammées, 
dansent en les tenant à la main, puis disparaissent avec 
les nymphes dans les profondeurs de la forêt. La 
tempête se calme. Les nuages s'élèvent.) 

Deuxième Tableau 

(Les jardins de Didon sur le bord de la mer. 
Le soleil. se couche.) 

Nº 30 - Recitatif 

ANNA
Dites, Narbal, qui cause vos alarmes?
Le jour qui termina la guerre et ses malheurs
N'a-t-il pas vu briller la gloire de nos armes?
Les Tyriens ne sont-ils pas vainqueurs?

NARBAL
Pour nous de ce côté plus rien n'est redoutable;
Les Numides chassés dans leurs déserts de sable,
Pris de nos murs ne reparaîtront pas;
Et le glaive terrible
Du héros invincible
Nous a délivrés d'Iarbas.
Mais Didon maintenant oublie
Les soins naguère encore à son esprit si chers;
En chasses, en festins, elle passe sa vie;
Les travaux suspendus, les ateliers déserts,
Le séjour prolongé du Troyen à Carthage
Me causent des soucis que le peuple partage.

ANNA
Eh! ne voyez-vous pas, Narbal, qu'elle l'aime,
Ce fier guerrier, et qu'il ressent lui-même
Pour ma soeur un amour égal?

NARBAL
Quoi!

ANNA
De l'ardeur qui les anime
Quel malheur craignez-vous?
Didon peut-elle avoir un plus vaillant époux,
Carthage, un roi plus magnanime?

NARBAL
Mais le destin impérieux
Appelle Énée en Italie!

ANNA
Une voix lui dit: Pars! 
Une autre voix lui crie: Reste!
L'amour est le plus grand des dieux.

Nº 31 - Air et Duo 

NARBAL
De quels revers menaces-tu Carthage,
Sombre avenir?
Je vois sortir
De sinistres éclairs du sein de ton nuage!
Jupiter! dieu de l'hospitalité,
En exerçant la vertu qui t'est chère,
Avons-nous donc, avons-nous mérité
Les coups de ta colère?

ANNA
Vaine terreur!
Carthage est triomphante!
Notre reine charmante
Aime un héros vainqueur,
Une chaîne de fleurs les enlace;
Bientôt ils vont s'unir.
Telle est la menace
Du sombre avenir.

Nº 32 - Marche pour l'entrée de la Reine

(sur le thème du Chant National) 

(Entrent Didon, Énée, Panthée, Iopas, Ascagne. Didon 
va s'asseoir avec Anna sur une estrade, ayant Énée et 
Narbal auprès d'elle.) 

Nº 33 - Ballets 

a) Pas des Almées 

b) Danse des Esclaves 

c) Pas d'Esclaves nubiennes 

ESCLAVES NUBIENNES
Ha! Ha!
Amaloué
Midonaé
Faï caraïmé
Deï beraïmbé
Ha! Ha!

(La reine descend de l'estrade et va s'étendre à l'avant-
scène sur un lit de repos, de manière à présenter son 
profil gauche au spectateur. Énée debout d'abord.) 

Nº 34 - Scene et chant d'Iopas 

DIDON
(languissamment)
Assez, ma soeur, je ne souffre qu'à peine
Cette fête importune...

(Sur un signe d'Anna les danseurs se retirent.) 

Iopas, chante-nous,
Sur un mode simple et doux,
Ton poème des champs.

IOPAS
A l'ordre de la reine
l'obéis.

(Un harpiste thébain vient se placer auprès d'Iopas 
et accompagne son chant. Le costume du harpiste est 
le costume religieux égyptien.) 

O blonde Cérès,
Quand à nos guérets
Tu rends leur parure
De fraîche verdure,
Que d'heureux tu fais!
Du vieux tabous,
Du jeune pasteur,
La reconnaissance
Bénit l'abondance
Que tu leur promets.
O blonde Cérès, etc. 
Le timide oiseau,
Le folâtre agneau,
Des vents de la plaine
La suave haleine,
Chantent tes bienfaits.
Féconde Cérès, etc.

Nº 35 - Recitatif et quintette 

DIDON
(l'interrompant)
Pardonne, Iopas, ta voix même,
En mon inquiétude extrême,
Ne peut ce soir me captiver...

ÉNÉE
(allant s'asseoir aux pieds de Didon)
Chère Didon!

DIDON
Énée,
Ah! daignez achever
Le récit commencé
De votre long voyage
Et des malheurs de Troie.
Apprenez-moi le sort
De la belle Andromaque…

ÉNÉE
Hélas! en'esclavage
Réduite par Pyrrhus,
Elle implorait la mort;
Mais l'amour obstiné
De ce prince pour elle
Sur enfin la rendre infidèle
Aux plus chers souvenirs...
Après de longs refus,
Elle épousa Pyrrhus.

DIDON
Quoi! la veuve d'Hector!

ÉNÉE
Sur le trône d'Epire
Elle est ainsi montée.

DIDON
Ô pudeur!

(à part)

Tout conspire
A vaincre mes remords et mon coeur est absous.

(Ascagne appuyé sur son arc et semblable à une statue 
de l'Amour, se rient debout au côté gauche de la reine, 
Anna inclinée appuie son coude sur le dossier du lit de 
Didon. Auprès d'Anna, Narbal et Iopas debout.) 

Andromaque épouser l'assassin de son père,
Le fils du meurtrier de son illustre époux!

ÉNÉE
Elle aime son vainqueur, 
L'assassin de son père,
Le fils du meurtrier de son illustre époux.

DIDON
Tout conspire, etc.

(Didon ayant le bras gauche posé sur l'épaule 
d'Ascagne, de façon que sa main pend devant la 
poitrine de l'enfant, celui-ci retire en souriant du doigt 
de la reine l'anneau de Sichée, que Didon lui reprend 
ensuite d'un air distrait et qu'elle oublie sur le lit de 
repos en se levant.) 

ANNA
(montrant Ascagne)
Voyez, Narbal, la main légère
De cet enfant, semblable à Cupidon,
Ravir doucement à Didon
L'anneau qu'elle révère.

IOPAS ET NARBAL
Voyez, Narbal/Je vois la main légère, etc.

DIDON
(rêvant)
Le fils du meurtrier de son illustre époux!... 
Tout conspire, etc.

ÉNÉE
Didon soupire...
Mais le remords s'enfuit, 
Et son coeur est absous!...
Didon soupire...
Mais son coeur, oui, son coeur est absous.

ANNA, IOPAS ET NARBAL 
Tout conspire, etc.

Nº 36 - Recitatif et Septuor 

ÉNÉE
Mais bannissons ces tristes souvenirs.

(Il se lève.) 

Nuit splendide et charmante!
Venez, chère Didon, respirer les soupirs
De cette brise caressante.

(Didon se lève o son tour.) 

DIDON, ÉNÉE, ASCAGNE, ANNA, IOPAS 
NARBAL, PANTHÉE ET LE CHOEUR
Tout n'est que paix et charme autour de nous!
La nuit étend son voile et la mer endormie
Murmure en sommeillant les accords les plus doux.

(Tous les personnages, excepté Énée et Didon, se 
retirent peu o peu vers le fond du théâtre et finissent 
par disparaître tout à fait.) 

Nº 37 - Duo 

(Clair de lune) 

DIDON, ÉNÉE
Nuit d'ivresse et d'extase infinie!
Blonde Phoebé, grands astres de sa cour,
Versez sur nous votre lueur bénie;
Fleurs des cieux, souriez à l'immortel amour!

DIDON
Par une telle nuit, le front ceint de cytise,
Votre mère Vénus suivit le bel Anchise
Aux bosquets de l'Ida.

ÉNÉE
Par une telle nuit, fou d'amour et de joie,
Troïlus vint attendre aux pieds des murs de Troie
La belle Cressida.

DIDON, ÉNÉE
Nuit d'ivresse et d'extase infinie!
Blonde Phoebé, etc.

ÉNÉE
Par une telle nuit la pudique Diane
Laissa tomber enfin son voile diaphane
Aux yeux d'Endymion.

DIDON
Par une telle nuit le fils de Cythérée
Accueillit froidement la tendresse enivrée
De la reine Didon!

ÉNÉE
Et dans la même nuit hélas! l'injuste reine,
Accusant son amant, obtint de lui sans peine
Le plus tendre pardon.

DIDON, ÉNÉE
Ô nuit d'ivresse et d'extase infinie, etc.

(Ils marchent lentement vers le fond du théâtre en se 
tenant embrassés, puis ils disparaissent en chantant. 
Au moment où les deux amants qu'on ne voit plus 
finissent leur duo dans la coulisse, Mercure paraît 
subitement dans un rayon de la lune non loin d'une 
colonne tronquée où sont appendues les armes d'Énée. 
S'approchant de la colonne il frappe de son caducée 
deux coups sur le bouclier qui rend un son lugubre et 
prolongé.) 

MERCURE
(d'une voix grave, et étendant le bras du côté de la mer)
Italie! Italie! Italie!

(Il disparaît.) 


ACTE CINQUIÈME 

Premier Tableau 

(Le bord de la mer couvert de tentes troyennes. On 
voit les vaisseaux troyens dans le port. Il fait nuit. 
Un jeune matelot phrygien chante en se balançant 
au haut du mât d'un navire. Deux sentinelles montent 
la garde devant les tentes au fond de la scène.) 

Nº 38 - Chanson d'Hylas 

HYLAS
Vallon sonore,
Où dès l'aurore
Je m'en allais chantant, hélas!
Sous tes grands bois chantera-t-il encore,
Le pauvre Hylas?...
Berce mollement sur ton sein sublime,
Ô puissante mer, l'enfant de Dindyme!
Fraîche ramée,
Retraite aimée
Contre les feux du jour, hélas!
Quand rendras-tu ton ombre parfumée
Au pauvre Hylas?...
Berce mollement sur ton sein sublime,
Ô puissante mer, l'enfant de Dindyme!
Humble chaumière,
Où de ma mère
Je reçus les adieux.

1e SENTINELLE
Il rêve à son pays...

2e SENTINELLE
Qu'il ne reverra pas.

HYLAS
Hélas!
Reverra-t-il ton heureuse misère,
Le pauvre Hylas?...
Berce mollement sur ton sein sublime, sublime,
Ô puissante mer, l'enfant...

(Il s'endort.) 

Nº 39 - Recitatif et Choeur 

(Entrent Panthée et les Chefs troyens.) 

PANTHÉE
Préparez tout, il faut partir enfin.
Énée en vain
Voit avec désespoir l'angoisse de la reine,
La gloire et le devoir sauront briser sa chaîne 
Et son coeur sera fort au moment des adieux.

PANTHÉE, LES CHEFS
Chaque jour voit grandir la colère des dieux.
Des signes effrayants déjà nous avertissent;
La mer, les monts, les bois profonds gémissent;
Sous d'invisibles coups nos armes retentissent;
Comme dans Troie en la fatale nuit,
Hector, dont l'oeil courroucé luit,
En armes apparaît; un choeur d'ombres le suit;
Et ces morts irrités
La nuit dernière encore ont crié trois fois...

LES OMBRES
Italie! Italie! Italie!

PANTHÉE, LES CHEFS
Dieux vengeurs! c'est leur voix!...
Nous avons trop longtemps bravé l'ordre céleste;
Quittons sans plus tarder ce rivage funeste!
A demain! à demain!
Préparons tout, il faut partir enfin.

(Ils entrent dans les tentes.) 

Nº 40 - Duo 

(Les deux soldats en sentinelle marchent, l'un de droite 
à gauche, l'autre de gauche o droite. Ils s'arrêtent de 
temps en temps l'un près de l'autre vers le milieu du 
théâtre.) 

1e SENTINELLE
Par Bacchus! ils sont fous avec leur Italie!...
Je n'ai rien entendu.

2e SENTINELLE
Ni moi.

1e SENTINELLE
La belle vie,
Pourtant, qu'on mène ici!

2e SENTINELLE
Dans plus d'une maison
Nous trouvons et bon vin et grasse venaison.

1e SENTINELLE
A ma belle Carthaginoise,
Je puis déjà parler phénicien.

2e SENTINELLE
La mienne comprend le Troyen,
M'obéit sans me chercher noise.

1e SENTINELLE
La tienne comprend le Troyen?

2e SENTINELLE
M'obéit sans me chercher noise.
La femme n'est point rude ici pour l'étranger.

ENSEMBLE
Non! la femme n'est point rude ici pour l'étranger.

1e SENTINELLE
Et l'on nous veut faire changer
Ces douceurs contre un long voyage!

2e SENTINELLE
Les caresses de l'orage!

1e SENTINELLE
La faim.

2e SENTINELLE
La soif.

1e SENTINELLE
Vingt maux d'enfer!

2e SENTINELLE
Et tous les ennuis de la mer!

1e SENTINELLE
Maudite folie!

2e SENTINELLE
Pour cette Italie...

1e SENTINELLE
Où nous devons jouir du fruit de nos travaux...

ENSEMBLE
En nous faisant rompre les os!

2e SENTINELLE
Encor pâtir!

1e SENTINELLE
Encor pâtir!
Notre lot est l'obéissance.

2e SENTINELLE
Silence!
Je vois Énée à grands pas accourir.

(Les deux sentinelles s'éloignent et disparaissent.) 

Nº 41 - Récitatif Mesure et Air 

ÉNÉE
(s'avançant dans une grande agitation)
Inutiles regrets!... je dois quitter Carthage!
Didon le sait... son effroi, sa stupeur,
En l'apprenant, ont brisé mon courage...
Mais je le dois... il le faut!...
Non, je ne puis oublier la pâleur
Frappant de mort son beau visage,
Son silence obstiné, ses yeux
Fixes et pleins d'un feu sombre...
En vain ai-je parlé des prodiges sans nombre
Me rappelant l'ordre des dieux,
Invoqué la grandeur de ma sainte entreprise,
L'avenir de mon fils et le sort des Troyens,
La triomphale mort par les destins promise,
Pour couronner ma gloire aux champs ausoniens;
Rien n'a pu la toucher; sans vaincre son silence
J'ai fui de son regard la terrible éloquence.
Ah! quand viendra l'instant des suprêmes adieux,
Heure d'angoisse et de larmes baignée,
Comment subir l'aspect affreux
De cette douleur indignée?...
Lutter contre moi-même et contre toi, Didon!
En déchirant ton coeur implorer mon pardon!
En serai-je capable?... En un dernier naufrage,
Ah! puisé-je périr, si je quittais Carthage
Sans te revoir pourtant!...
Sans la voir? lâcheté!
Mépris des droits sacrés de l'hospitalité!
Non, non, reine adorée,
Ame sublime et par moi déchirée,
O reine adorée! Non, je veux te revoir,
Une dernière fois presser tes mains tremblantes,
Arroser tes genoux de mes larmes brûlantes,
Dussé-je être brisé par un tel désespoir.

Nº 42 - Scene 

CHOEUR D'OMBRES
Énée!...

ÉNÉE
Encor ces voix!

(Les quatre spectres voilés paraissent successivement, 
l'un à l'entrée des coulisses à gauche du spectateur 
l'autre à l'entrée des coulisses à droite, les deux autres 
au fond du théâtre. Au-dessus de la tête de chacun 
d'eux brille une couronne de petites flammes pâles.) 

ÉNÉE
De la sombre demeure,
Messager menaçant, qui donc t'a fait sortir?...

SPECTRE DE PRIAM
(visible)
Ta faiblesse et ta gloire... 

ÉNÉE
Ah! je voudrais mourir!

SPECTRE DE PRIAM
Plus de retards!

SPECTRE DE CHORÈBE 
(invisible)
Pas un jour!

SPECTRE D'HECTOR ET CASSANDRE
(invisibles)
Pas une heure!

SPECTRE DE PRIAM
(levant son voile devant les yeux d'Énée)
Je suis Priam!... il faut vivre et partir!

(Sa couronne s'éteint, il disparaît. Énée, s'élançant 
éperdu vers le côté droit de la scène y rencontre le 
spectre de Chorèbe.) 

LE SPECTRE DE CHORÈBE
(levant son voile)
Je suis Chorèbe!
Il faut partir et vaincre!

(Sa couronne s'éteint, il disparaît. Énée, reculant vers 
le fond du théâtre y rencontre les deux autres spectres. 
Cassandre a le bras gauche appuyé sur l'épaule 
d'Hector. Hector est armé de pied en cap.) 

ÉNÉE
(les reconnaissant au moment où ils se dévoilent)
Hector! dieux de l'Erébe!...
Cassandre!...

SPECTRES DE CASSANDRE ET HECTOR
Il faut vaincre et fonder!...

(Leurs couronnes s'éteignent, ils disparaissent.) 

ÉNÉE
Je dois céder
A vos ordres impitoyables!
J'obéis, j'obéis, spectres inexorables!
Je suis barbare, ingrat; vous l'ordonnez, grands dieux!
Et j'immole Didon, en détournant les yeux!

Nº 43 - Scene et Choeur 

ÉNÉE
(passant devant les tentes)
Debout, Troyens, éveillez-vous, alerte!
Le vent est bon, la mer nous est ouverte!
Eveillez-vous!
Il faut partir avant le lever du soleil!

LES TROYENS
(dans les tentes)
Alerte!... entendez-vous, amis, la voix d'Énée?...

(Ils sortent des tentes.) 

Donnez partout le signal du réveil...

ÉNÉE
(à un chef)
Va, cours, porte cet ordre à l'oreille étonnée
D'Ascagne: Qu'il se lève et qu'il se rende à bord!
Avant le jour il faut quitter le port.
Ma tâche, jusqu'au bout, grands dieux, sera remplie,
Alerte, amis! profitons des instants!
Coupez les câbles, il est temps!
En mer! en mer! Italie! Italie!

CHOEUR
Voici le jour, profitons des instants!
Coupons les câbles, il est temps!
En mer! en mer! Italie! Italie!

ÉNÉE
(se tournant du côté du palois de Didon)
A toi mon âme! Adieu! digne de ton pardon,
Je pars, noble Didon!
L'impatient destin m'appelle;
Pour la mort des héros, je te suis infidèle.

(Tous se précipitent hors de la scène dans diverses 
directions, comme pour faire des préparatifs de 
départ. On voit les vaisseaux commencer à se mettre
en mouvement. Eclairs et tonnerre lointain.) 

Nº 44 - Duo et Choeur 

DIDON
Errante sur tes pas,
Sous la foudre qui gronde,
J'ai voulu voir, je vois et ne crois pas...
Tu prépares ta fuite?

ÉNÉE
En ma douleur profonde,
Chère Didon, épargnez-moi!

DIDON
Tu pars? tu pars?
Sans remords! Quoi!
Dédaigneux du sceptre de Lybie,
En m'arrachant le coeur tu cours en Italie!

ÉNÉE
J'ai trop tardé... 
Des dieux les ordres souverains...

DIDON
Il part!... il suit la voix d'implacables destins,
Sans écouter la mienne! à ses lâches dédains
Il me voit exposer ma douleur surhumaine.

(Elle voit un groupe de Troyens sourire en la 
regardant.) 

Et ma beauté de reine
Aux rires insolents de ces ingrats Troyens!...

ÉNÉE
Didon!

DIDON 
Sans qu'à l'aspect d'une telle misère
La pitié d'une larme humecte sa paupière!
Tu pars? Non! ce n'est pas Vénus qui t'enfanta,
Quelque louve hideuse aux forêts t'allaita!

ÉNÉE
O Reine, quand à vous se dévoua mon âme,
Elle subit la loi d'un immortel amour,
Et jusqu'au dernier jour
Mon coeur vivra de cette flamme...

DIDON
Tais-toi! rien ne t'arrête;
La mort qui plane sur ma tête,
Ma honte, mon amour, notre hymen commencé,
Mon nom du livre d'or dès ce jour efface!
Encor, si de ta foi, j'avais un tendre gage,
Oui, si d'un fils d'Énée
Le fier et doux visage
Me rappelant tes traits, souriait sur mon sein,
je serais moins abandonnée... 

ÉNÉE
Je vous aime, Didon; grâce! l'ordre divin
Pouvait seul emporter la cruelle victoire. 

(On entend la fanfare de la marche troyenne.) 

DIDON
A ce chant de triomphe où rayonne ta gloire,
Je te vois tressaillir!
Tu pars?

ÉNÉE
Je dois partir... 

DIDON
Tu pars?

ÉNÉE
Mais pour mourir,
Obéissant aux dieux,
Je pars et je vous aime!

DIDON
Ne sois pas plus longtemps par mes cris arrêté,
Monstre de piété!
Va donc, va! je maudis et tes dieux et toi-même!

(Elle sort.) 

(Des groupes de soldats troyens occupés des 
préparatifs du départ, passent et se dirigent 
vers les vaisseaux.) 

ÉNÉE, LES TROYENS
Italie!

(Ascagne arrive conduit par un chef troyen. 
Énée monte sur un vaisseau.) 

Deuxième Tableau 

(Un appartement de Didon. Le jour se lève.) 

Nº 45 - Scene 

DIDON
Va, ma soeur, l'implorer,
De mon âme abattue
L'orgueil a fui. Va! ce départ me tue
Et je le vois se préparer.

ANNA
Hélas! moi seule fus coupable,
En vous encourageant à former d'autres noeuds.
Peut-on lutter contre les dieux?...
Son départ est inévitable,
Et pourtant il vous aime.

DIDON
Il m'aime! non! non! son coeur est glacé!
Ah! je connais l'amour, et si Jupiter même
M'eût défendu d'aimer, mon amour insensé
De Jupiter braverait l'anathème.
Mais va, ma soeur, allez, Narbal, le supplier
Pour qu'il m'accorde encore
Quelques jours seulement. Humblement je l'implore:
Ce que j'ai fait pour lui, pourra-t-il l'oublier,
Et repoussera-t-il cette instance suprême
De vous, sage Narbal, de toi, ma soeur, qu'il aime?...

Nº 46 - Scene 

CHOEUR
(au loin derrière la scène)
En mer, voyez! six vaisseaux! sept! neuf! dix!

IOPAS
(entrant)
Les Troyens sont partis!

DIDON
Qu'entends-je?

IOPAS
Avant l'aurore
Leur flotte était en mer, on l'aperçoit encore!

DIDON
Dieux immortels! il part! Armez-vous, Tyriens!
Carthaginois, courez, poursuivez les Troyens!
Courbez-vous sur les rames,
Volez sur les eaux,
Lancez des flammes,
Brûlez leurs vaisseaux!
Que la ville entière...
Que dis-je?... impuissante fureur!
Subis ton sort et désespère,
Dévore ta douleur,
Ô malheureuse!
Et voilà donc la foi de cette âme pieuse!
J'offrais un trône!... Ah! je devais alors
Exterminer la race vagabonde
De ces maudits, et disperser sur l'onde
Les débris de leurs corps!
C'est alors qu'il fallait prévoir leur perfidie,
Livrer leur flotte à l'incendie,
Et me venger d'Énée et lui servir enfin
Les membres de son fils en un hideux festin!
A moi, dieux des enfers! l'Olympe est inflexible!...
Aidez-moi ! que par vous mon coeur soit enflammé
D'une haine terrible
Pour ce fugitif que j'aimai!
Du prêtre de Pluton, qu'on réclame l'office!
Pour apaiser mes douloureux transports,
A l'instant même offrons un sacrifice
Aux sombres déités de l'empire des morts!
Qu'on élève un bûcher!
Que les dons du perfide
Et ceux que je lui fis,
Dans la flamme livide,
Souvenirs détestés, disparaissent!... Sortez!

NARBAL
(à Anna)
Son regard m'épouvante, ô princesse, restez!

DIDON 
Anna, suivez Narbal. 

ANNA
Que ma soeur me pardonne!

DIDON 
Je suis reine et j'ordonne;
Laissez-moi seule, Anna.

(Anna, Narbal et Iopas sortent.) 

Nº 47 - Monologue 

(Didon parcourt la scène en s'arrachant les cheveux,
se frappant la poitrine et poussant des cris inarticulés.) 

DIDON
Ah! Ah!

(Elle s'arrête brusquement.) 

Je vais mourir...
Dans ma douleur immense submergée
Et mourir non vengée!...
Mourons pourtant! Oui, puise-t-il frémir
A la lueur lointaine de la flamme de mon bûcher!
S'il reste dans son âme quelque chose d'humain.
Peut-être il pleurera sur mon affreux destin.
Lui, me pleurer!...
Énée!... Énée!...
Oh,! mon âme te suit,
A son amour enchaînée,
Esclave, elle l'emporte en l'éternelle nuit...
Vénus! rends-moi ton fils!... Inutile prière
D'un coeur qui se déchire!... A la mort tout entière
Didon n'attend plus rien que de la mort.

Nº 48 - Air 

DIDON
Adieu, fière cité, qu'un généreux effort
Si promptement éleva florissante;
Ma tendre soeur qui me suivis errante,
Adieu, mon peuple, adieu; adieu, rivage vénéré,
Toi qui jadis m'accueillis suppliante;
Adieu, beau ciel d'Afrique, astres que j'admirai
Aux nuits d'ivresse et d'extase infinie;
Je ne vous verrai plus, ma carrière est finie!...

(Elle sort à pas lents.) 

Troisième Tableau 

Nº 49 - Ceremonie Funèbre 

(Une partie des jardins de Didon, sur le bord de la mer.
Un vaste bûcher est élevé; on y monte par des gradins 
latéraux. Sur la plate-forme du bûcher sont placés un 
lit, une toge, un casque, une épée avec son baudrier, 
et un buste d'Énée.) 

(Entrent les Prêtres de Pluton, revêtus de costumes 
funèbres; ils viennent processionnellement se grouper 
auprès de deux autels où brillent des flammes 
verdâtres, puis Anna, Narbal, et enfin Didon voilée 
et couronnée de feuillage. Pendant la première partie 
du choeur des prêtres, Anna, s'approchant de sa soeur, 
lui dénoue sa chevelure et lui ôte le cothurne de son 
pied gauche.) 

CHOEUR DE PRÊTRES DE PLUTON
Dieux de l'oubli, dieux du Ténare, 
Au coeur blessé rendez la force et le repos!
Des profondeurs du noir Tartare
Entendez-nous, Hécate, Erèbe, et toi Chaos!

ANNA, NARBAL
(étendant le bras droit du côté de la mer)
S'il faut enfin qu'Énée aborde en Italie,
Qu'il y trouve un obscur trépas!
Que le peuple latin à l'ombrien s'allie
Pour arrêter ses pas!
Percé d'un trait vulgaire en la mêlée ardente,
Qu'il reste abandonné sur l'arène sanglante,
Pour servir de pâture aux dévorants oiseaux!
Entendez-nous, Hécate, Erèbe, et toi Chaos!

LES PRÊTRES, ANNA, NARBAL
Dieux de l'oubli, dieux du Ténare, etc.

Nº 50 - Scene 

DIDON
(parlant comme en songe)
Pluton... semble m'être propice...
En ce cruel instant... Narbal... ma soeur...
C'en est fait... achevons le pieux sacrifice…
Je sens rentrer le calme... dans mon coeur.

(Deux prêtres portant le premier autel s'avancent 
de gauche à droite, deux autres portant le second 
s'avancent de droite à gauche et font en se croisant 
ainsi le tour du bûcher. Didon, le pied gauche nu, 
les cheveux épars, après avoir déposé sur l'un des 
autels sa couronne de feuillage, le suit d'un pas 
saccadé. Pendant ce mouvement processionnel, Anna 
est à genoux à droite de la scène et Narbal à gauche. 
Entre eux le grand prêtre de Pluton, debout, étend, 
en la tenant des deux mains, la fourche plutonique vers 
le bûcher. Enfin, saisie d'une énergie convulsive, Didon 
monte d'un pas rapide les degrés du bûcher. Parvenue 
au sommet, elle saisit la toge d'Énée, détache le voile 
brodé d'or qui couvre sa tête, et les jetant l'une et 
l'autre sur le bûcher, elle dit:) 

D'un malheureux amour, funestes gages,
Dans la flamme emportez avec vous mes chagrins!

(Elle considère les armes d'Énée.) 

Ah!

(Elle se prosterne sur le lit, qu'elle embrasse avec des 
sanglots convulsifs. Elle se relève et prenant l'épée elle 
dit d'un ton prophétique:) 

Mon souvenir vivra parmi les âges.
Mon peuple accomplira d'héroïques destins.
Un jour sur la terre africaine,
Il naîtra de ma cendre un glorieux vengeur...
J'entends déjà sonner son nom vainqueur.
Annibal! Annibal! d'orgueil mon âme est pleine!
Plus de souvenirs amers!
C'est ainsi qu'il convient de descendre aux enfers!

(Elle tire l'épée du fourreau, se frappe et tombe 
sur le lit.) 

Nº 51 - Choeur 

TOUS
Ah! au secours! au secours! la reine s'est frappée!

(Narbal sort comme pour aller chercher du secours.) 

CHOEUR
(derrière la scène et accourant)
Quels cris! ah! dans son sang trempée
La reine meurt!

(Narbal rentre, le grand choeur entre en scène.) 

Est-il vrai? jour d'horreur!

DIDON
(se relevant appuyée sur son coude)
Ah!

(Elle retombe.) 

ANNA
(sur le bûcher)
Ma soeur!

(Didon se relève.) 

DIDON
Ah!...

(Elle lève les yeux au ciel et retombe gémissant.) 

ANNA
C'est moi,
C'est ta soeur qui t'appelle...

DIDON
(se relevant à demi)
Ah! Des destins ennemis... implacable fureur...
Carthage périra!

Nº 52 - Imprécation 

(On voit dans une gloire lointaine le Capitole Romain 
au fronton duquel brille ce mot, Rome. Devant le 
Capitole défilent des légions et un empereur entouré 
d'une cour de poètes et d'artistes. Pendant cette 
apothéose, invisible aux Carthaginois, on entend 
au loin la marche troyenne transmise aux Romains 
par la tradition et devenue leur chant de triomphe.) 
DIDON
Rome... Rome... immortelle!

(Elle retombe, et meurt. Anna tombe évanouie à
côté d'elle. Le peuple de Carthage, s'avançant vers 
l'avant-scène et tournant le dos au bûcher, lance son
imprécation, premier cri de guerre punique, 
contrastant par sa fureur avec la solennité triomphale.) 

CHOEUR
Haine éternelle à la race d'Énée!
Qu'une guerre acharnée
Précipite à jamais nos fils contre ses fils!
Que par nos vaisseaux assaillis
Leurs vaisseaux dans la mer profonde
Périssent abîmés! que sur la terre et l'onde
Nos derniers descendants, contre eux toujours armés,
De leur massacre, un jour, épouvantent le monde!



ACTO CUARTO 


Escena Primera 

Nº 29 - Cacería Real y Tormenta. 

Pantomima 

(Bosque frondoso en las cercanías de Cartago. 
Al fondo, un peñasco y a la derecha de él, la 
entrada de una cueva. Un arroyo corre y muere 
en un lago bordeado por juncos y cañas. Dos 
náyades se dejan ver un instante y desaparecen; 
después nadan en el arroyo. Cacería real. La 
música de las trompas resuenan lejos. Las 
náyades asustadas se ocultan en las cañas. 
Se ven pasar los cazadores tirios con perros. 
Ascanio, a caballo, atraviesa la escena al galope. 
El cielo se obscurece y llueve. La tormenta crece 
poco a poco... granizo, relámpagos y truenos. 
Llamadas reiteradas de las trompas de caza en 
medio del ruido de la tormenta. Los cazadores 
se dispersan en todas direcciones, en último 
lugar aparecen Dido vestida de Diana cazadora 
con el arco en la mano y el carcaj a la espalda, 
y Eneas vestido de guerrero. Ambos han 
descabalgado y van a pie. Entran en la cueva. 
Las ninfas del bosque aparecen en la cima 
del peñasco. Llevan los cabellos sueltos y 
corren, de aquí para allá, , gritando y 
gesticulando de forma desordenada. En medio 
de sus exclamaciones, se escucha de vez en 
cuando la palabra: "Italia" El arroyo crece y 
se transforma en una cascada cuyo ruido se 
mezcla al de la tormenta. Los sátiros y silvanas 
ejecutan junto a los faunos danzas grotescas en la 
oscuridad. Un rayo cae sobre un árbol, lo rompe 
y lo incendia. Los restos del árbol caen sobre el 
escenario. Los sátiros, faunos y silvanas recogen 
las ramas ardiendo y bailan con ellas en la mano. 
Después, todos desaparecen en las profundidades 
del bosque. La tempestad se calma. Las nubes se 
disipan.) 

Escena Segunda 

(Los jardines de Dido al borde del mar. 
El sol se oculta.) 

Nº 30 - Recitativo 

ANA
Dime, Narbal, ¿qué te preocupa?
Hoy han terminado las desgracias de la guerra.
¿Acaso nuestras armas no han vencido?
¿No han resultado los tirios vencedores?

NARBAL
Por ese lado no debemos temer nada.
Los númidas fueron destruidos en el desierto,
nunca más se acercarán a nuestras murallas.
La terrible espada 
del héroe invencible
nos ha librado de Iarbas.
Pero Dido, se olvida de su deber,
y pasa su tiempo en cacerías y festines.
Las obras están inacabadas y los talleres desiertos.
Me inquieta la prolongada permanencia 
del troyano en Cartago.
Y el pueblo es de mi misma opinión...

ANA
¡Eh! ¿No te das cuenta, Narbal, que ella le ama?
¿Qué ama a ese apuesto guerrero 
y que él siente lo mismo hacia mi hermana?

NARBAL
¿Cómo?

ANA
¿Qué desgracia temes 
de la pasión que les une?
¿Puede tener Dido un esposo más valiente,
y Cartago un rey más magnánimo?

NARBAL
¡Pero el destino, tirano,
empuja a Eneas hacia Italia!

ANA
Una voz le dice: "¡Parte!". 
Otra voz le grita: "¡Quédate!"
La voz del amor vencerá.

Nº 31 - Aria Y Dúo 

NARBAL
¿Qué desgracias reserva el futuro 
a Cartago?
¡Las intuyo entre los deslumbrantes
reflejos de su velo!
¡Júpiter, dios de la hospitalidad,
ejerce la virtud que te es más querida!
¿Acaso nos merecemos
los golpes de tu cólera?

ANA
¡Estás equivocado!
¡Cartago es poderosa!
Nuestra encantadora reina
ama a un héroe victorioso.
Una cadena de flores los entrelaza
y muy pronto se unirán.
¡Ésa es la desgracia
Que nos reserva el futuro!

Nº 32 - Marcha para la entrada de la Reina

(Sobre el tema del Himno Nacional.) 

(Entran Dido, Eneas, Panteo, Iopas y Ascanio.
Dido se sienta junto a Ana en un estrado; 
Eneas y Narbal lo hacen cerca de ellas.) 

Nº 33 - Ballets 

a) Baile de las bailarinas egipcias 

b) Baile de las esclavas 

c) Baile de las esclavas nubias 

ESCLAVAS NUBIAS
¡Ah! ¡Ah!
Amaloué
Midonaé
Faï caraïmé
Deï beraïmbé
¡Ah! ¡Ah!

(La reina desciende del estrado y se recuesta 
sobre un diván, de manera que presenta su 
perfil derecho al espectador. Eneas de pie) 

Nº 34 - Escena y Canto de Iopas 

DIDO
(aburrida)
Es suficiente, hermana mía, 
me aburre esta fiesta inoportuna...

(A un gesto de Ana los bailarines se retiran.) 

Iopas:
¡Canta con tu dulce voz,
un poema pastoril!

IOPAS
El deseo de la reina
es una orden para mí.

(Un arpista tebano se sitúa junto a Iopas y lo 
acompaña en su canto. El vestido del arpista es
el de un sacerdote egipcio.) 

¡Oh, dorada Ceres!
Cuando recubres nuestros campos 
con tus vestiduras 
de fresco verdor,
¡qué dichosos nos haces!
Del viejo granjero
al joven pastor,
todos reconocen y bendicen 
la abundancia
que tú les otorgas.
¡Oh, dorada Ceres! etc.
Del tímido pajarillo
al juguetón cordero;
del vendaval de la llanura
a la suave brisa,
todos cantan tus bondades.
Fecunda Ceres, etc.

Nº 35 - Recitativo y quinteto 

DIDO
(Interrumpiéndolo.)
Perdona, Iopas, pero incluso tu voz
es incapaz de calmar la inquietud
que me invade esta tarde...

ENEAS
(Se sienta a los pies de Dido)
¡Querida Dido!

DIDO
Eneas 
¡ah! compláceme 
y acaba el relato que comenzaste
de tu largo viaje
y las desgracias de Troya.
Cuéntame qué sucedió
con la bella Andrómaca...

ENEAS
¡Ay! Pirro la convirtió en su esclava
y ella sólo deseaba la muerte.
Pero el ferviente amor
que ese príncipe sentía por ella,
al fin venció 
a los más queridos recuerdos...
Tras muchas dudas y rechazos,
ella consintió 
en desposarse con Pirro.

DIDO
¿Cómo?... ¡La viuda de Héctor!

ENEAS
Ahora, ella está sentada 
en el trono de Epiro.

DIDO
¡Oh, pudor!

(Aparte.) 

Todo coincide.
Esto hace que mis remordimientos se disipen...

(Ascanio, apoyado sobre su arco y semejante a 
una estatua de Amor, se ríe cerca de la reina. 
Ana apoya su codo sobre el respaldo del lecho 
de Dido. Detrás de Ana, Narbal e Iopas en pie.) 

¡Andrómaca casada con el asesino de su padre!
¡Con el hijo de quien mató a su ilustre esposo!

ENEAS
Ella ama a quien la conquistó, 
aunque sea el asesino de su padre 
y el hijo de quien mató a su ilustre esposo.

DIDO
Esto hace que mis remordimientos, etc.

(Dido tiene el brazo izquierdo sobre la espalda de 
Ascanio, de tal forma que su mano cuelga ante el 
pecho del niño, el cual retira sonriendo del dedo 
de la reina el anillo de Siqueo, que Dido toma 
después con aire distraído y que se olvida sobre el 
lecho al levantarse.) 

ANA
(Señalando a Ascanio.)
Mira, Narbal, la manita de ese niño,
como si fuera Cupido,
devuelve a Dido 
el anillo que ella ha olvidado.

IOPAS Y NARBAL
Mira, Narbal / la manita, etc.

DIDO
(como soñando)
¡El hijo de quien mató a su ilustre esposo!...
Esto hace que mis remordimientos se disipen...

ENEAS
Dido suspira...
¡Pero el remordimiento de su corazón 
desaparece!
Dido suspira…
Pero su corazón, sí, su corazón perdona.

ANA, IOPAS Y NARBAL
Esto hace que sus remordimientos se disipen...

Nº 36 - Recitativo y Septeto 

ENEAS
Pero no pensemos más en esos tristes recuerdos.

(Se levanta.) 

¡Qué noche tan espléndida!
Venid, querida Dido, 
disfrutemos de esta acariciadora brisa.

(Dido se alza a su vez.) 

DIDO, ENEAS, ASCANIO, ANA, IOPAS
NARBAL, PANTEO, CORO
¡Todo respira paz a nuestro alrededor!
La noche extiende su velo y la mar murmura,
soñando, los sonidos más dulces.

(Todos, excepto Eneas y Dido, se retiran poco 
a poco hacia el fondo de la escena y acaban por 
desaparecer) 

Nº 37 - DÚO 

(Claro de luna.) 

DIDO, ENEAS
¡Noche de embriaguez y éxtasis infinito!
Estrellas de la corona del rubio Febo,
¡derramad sobre nosotros vuestra luz bendita!
Flores de los cielos, ¡sonreíd al inmortal amor!

DIDO
En una noche como ésta, Venus, tu madre, 
coronada de flores siguió al bello Anquises 
hasta el bosque de Ida.

ENEAS
En una noche como ésta, Troilo, loco de amor,
se reunió bajo las murallas de Troya
con la bella Crésida.

DIDO, ENEAS
¡Noche de embriaguez y éxtasis infinito!
Estrellas de la corona, etc.

ENEAS
En una noche como ésta, 
la virginal Diana dejó caer al fin su velo 
ante los ojos de Endimión.

DIDO
En una noche como ésta el hijo de Citérea
¡recibirá la ternura embriagadora
de la reina Dido!

ENEAS
Y en la misma noche, ¡ay!, 
la injusta reina acusará a su amante, 
obteniendo de él el más tierno de los perdones.

DIDO, ENEAS
¡Oh, noche de embriaguez y éxtasis infinitos, etc.

(Se marchan lentamente cantando y 
entrelazados. En el momento en que 
los dos amantes, aún cantando el dúo, 
salen de escena, Mercurio aparece 
súbitamente junto a la columna en la
que están apoyadas las armas de Eneas. 
Se acerca a la columna y golpea con su 
báculo el escudo de Eneas que resuena 
con un sonido lúgubre y prolongado.) 

MERCURIO
(Con voz grave, y señalando hacia el mar.)
¡Italia! ¡Italia! ¡Italia!

(Desaparece.) 


ACTO QUINTO 

Escena Primera 

(Campamento troyano junto al mar. Se aprecian 
las naves troyanas atracadas en el puerto. 
Anochece. Un joven marinero frigio se balancea 
en lo alto del mástil de un navío. Dos centinelas 
hacen guardia al fondo de la escena.) 

Nº 38 - Canción de Hilas 

HILAS
Desde el amanecer
estoy cantando 
en este vallecillo sonoro, ¡ay!
Bajo tus grandes árboles 
¿aún puede cantar el pobre Hilas?
Acuna dulcemente en tu seno,
¡oh, poderoso mar! al hijo de Díndimo.
Fresca enramada,
acogedor refugio
contra los fuegos diurnos, ¡ay!
¿Cuándo darás perfumada sombra 
al pobre Hilas?
Acuna dulcemente en tu seno,
¡oh, poderoso mar! al hijo de Díndimo.
Humilde cabaña
donde mi madre
me dijo adiós.

PRIMER CENTINELA
Está soñando con su patria...

SEGUNDO CENTINELA
A la que no volverá a ver.

HILAS
¡Ay!
¿Volverá a ver tu añorada miseria,
el pobre Hilas?
Acuna dulcemente en tu seno,
¡oh, poderoso mar! al hijo...

(Se duerme.) 

Nº 39 - Recitativo y Coro 

(Entran Panteo y otros jefes troyanos.) 

PANTEO
¡Preparad todo, hay que zarpar!
El afligido Eneas 
ve con pesadumbre la angustia de la reina,
pero la gloria y el deber romperán su cadena.
Su corazón será fuerte en el momento del adiós.

PANTEO, JEFES
Cada día que pasa, crece la cólera de los dioses.
Funestos presagios nos advierten.
La mar, los montes y los bosques gimen.
Se oye el choque de armas invisibles.
Al igual que en Troya, aquella fatídica noche,
Héctor, con mirada terrible, se nos aparece.
Un cortejo de espectros lo acompaña.
Y esos muertos, llenos de ira, 
la noche pasada gritaron por tres veces...

LAS SOMBRAS
¡Italia! ¡Italia! ¡Italia!

PANTEO, LOS JEFES
¡Dioses vengadores! ¡Ésa es su voz!...
Hemos desobedecido demasiado tiempo 
la orden del cielo.
¡Abandonemos sin tardanza estas playas funestas!
¡Preparadlo todo! ¡Mañana debemos partir!

(entran e las tiendas.) 

Nº 40 - Dúo 

(Los dos centinelas hacen la ronda, cruzándose 
en medio de la escena, de manera que el que 
estaba a la izquierda ahora está a la derecha y 
viceversa) 

PRIMER CENTINELA
¡Por Baco! ¡Qué ansia por ir a Italia!
¡No entiendo nada!

SEGUNDO CENTINELA
Ni yo.

PRIMER CENTINELA
Aquí se está bien.
¡La vida nos sonríe!

SEGUNDO CENTINELA
En la mesa siempre hay
buen vino y carne magra.

PRIMER CENTINELA
A mi bella cartaginesa
ya puedo hablarle en fenicio.

SEGUNDO CENTINELA
La mía comprende el troyano,
y me obedece sin buscar pelea.

PRIMER CENTINELA
¿La tuya comprende el troyano?

SEGUNDO CENTINELA
Y Me obedece sin buscar pelea.
A las mujeres de aquí, les gustan los extranjeros.

LOS DOS
¡Ya lo creo! ¡Se vuelven locas por nosotros!

PRIMER CENTINELA
¡Y nuestros jefes quieren que cambiemos
estas dulzuras por un largo viaje!

SEGUNDO CENTINELA
¡Las caricias de la tormenta!

PRIMER CENTINELA
El hambre.

SEGUNDO CENTINELA
La sed.

PRIMER CENTINELA
¡Mil y una penalidades!

SEGUNDO CENTINELA
¡Y todos los peligros de la mar!

PRIMER CENTINELA
¡Maldita locura!

SEGUNDO CENTINELA
Por ir a Italia...

PRIMER CENTINELA
Donde viviremos del sudor de nuestra frente...

LOS DOS
¡Hasta rompernos los huesos!

SEGUNDO CENTINELA
¡Otra vez hacernos a la mar!

PRIMER CENTINELA
¡Otra vez hacernos a la mar!
¡Ése es el premio por nuestra lealtad!

SEGUNDO CENTINELA
¡Calla!
Por ahí veo venir a Eneas.

(Los centinelas se alejan y desaparecen.) 

Nº 41 - Recitativo y Aria 

ENEAS
(Entrando, muy agitado.)
¡Inútiles recuerdos! ¡Debo dejar Cartago!
Dido lo sabe... su desesperación, su desasosiego...
Cuando la vi, mi valor flaqueó...
Pero mi deber... ¡lo exige!
No puedo olvidar la mortal palidez de su rostro;
su silencio... la llama sombría de sus ojos...
En vano le he hablado de las innumerables 
hazañas a las que me tienen destinado los dioses;
la grandeza de mi ardua empresa;
el porvenir de mi hijo y de todos los troyanos;
la heroica muerte que el destino 
me tiene reservada 
para culminar mi vida en los campos italianos.
Nada de esto la ha hecho ceder... 
Sin vencer su silencio,
escapé de su terrible mirada.
¡Ah, pronto llegará el día de los amargos adioses,
de las lágrimas y de la angustia!
¿Cómo contemplar sin sufrir tanto dolor?
¡Debo luchar contra mí mismo y contra ti, Dido!
¡Romperte el corazón! 
¡Implorar tu perdón!
¿Tendré valor?... 
Abandona Cartago sin despedirme de ti, pero...
¡Puede que muera sin volverte a ver!
¿Sin verte?... ¡Cobarde!
¿Desdeñar el deber sagrado de la hospitalidad?
¡No, no, reina adorada,
alma sublime y por mí rechazada!
¡Oh, reina adorada, quiero verte otra vez!
Tomar de nuevo tus trémulas manos,
mojar tus rodillas con mis amargas lágrimas.
Estoy completamente roto por la desesperación.

Nº 42 - Escena 

CORO DE ESPECTROS
¡Eneas!...

ENEAS
¡Otra vez esas voces!

(Los cuatro espectros con velos aparecen 
sucesivamente, dos a cada lado de la boca 
del escenario y otros dos al fondo de la escena. 
Alrededor de la cabeza de cada uno de ellos 
brilla una corona de pálidas llamas.) 

ENEAS
Mensajero del más allá, 
¿quién te ha hecho salir de tu oscura morada?...

ESPECTRO DE PRÍAMO
(Visible.)
Tu debilidad y tu gloria...

ENEAS
¡Ah!... ¡Quisiera morir!

EL ESPECTRO DE PRÍAMO
¡No te retrases!

ESPECTRO DE COREBO
(Invisible.)
¡Ni un solo día!

ESPECTRO DE HÉCTOR Y CASANDRA
(Invisibles.)
¡Ni una hora!

ESPECTRO DE PRÍAMO
(Alzando su velo ante Eneas.)
¡Soy Príamo! ¡Debes vivir y partir!

(Su corona se apaga y desaparece. Eneas, se 
lanza extraviado hacia el lado derecho de la 
escena y se encuentra al espectro de Corebo.) 

ESPECTRO DE COREBO
(Alzando su velo.)
¡Soy Corebo!
¡Debes partir y vencer!

(Su corona se apaga y desaparece. Al fondo de 
la escena y aparecen los otros dos espectros. 
Casandra a su izquierda, apoyada en la espalda 
de Héctor, el cual está armado de pies a cabeza.) 

ENEAS
(Reconociéndolos)
¡Héctor!... ¡Dioses del Erebo!
¡Casandra!

ESPECTROS DE CASANDRA Y HÉCTOR
¡Debes vencer y fundar!...

(Sus coronas se apagan y desaparecen.) 

ENEAS
¡Cedo a vuestras despiadadas órdenes!
¡Obedeceré, espectros inexorables!
¡Dioses, me habéis convertido en un ingrato!
¡Sacrificaré a Dido 
cerrando los ojos!

Nº 43 - Escena y Coro 

ENEAS
(Pasando entre las tiendas.)
¡En pie, troyanos, despertaos, alerta!
¡El viento es favorable, la mar nos espera!
¡Despertaos!
¡Zarparemos antes del amanecer!

LOS TROYANOS
(Desde las tiendas.)
¡Alerta!... ¿Oís la voz de Eneas?

(Salen de sus tiendas.) 

¡Despertad a todos!...

ENEAS
(A un jefe.)
¡Corre! Lleva esta orden al asombrado Ascanio:
¡Que se levante y venga inmediatamente a bordo!
Hay que zarpar antes del amanecer.
¡Dioses, pronto cumpliré mi destino!
¡Alerta, amigos! ¡No nos demoremos!
¡Cortad las amarras! ¡Ha llegado el momento!
¡A la mar! ¡A la mar! ¡A Italia! ¡A Italia!

CORO
Ya amanece, ¡no nos demoremos!
¡Cortemos las amarras! ¡Ha llegado el momento!
¡A la mar! ¡A la mar! ¡A Italia! ¡A Italia!

ENEAS
(Se vuelve hacia el palacio de Dido.)
¡Mi alma queda junto a ti! ¡Adiós! 
¡Perdóname, Dido!
El impaciente destino me llama...
¡Por la voluntad de los muertos te soy infiel!

(Todos se precipitan fuera de la escena en varias 
direcciones, como para preparar la partida. 
Vemos algunos barcos que comienzan a moverse. 
Destellos de luz lejana.) 

Nº 44 - Dúo y Coro 

DIDO
Entre todo este griterío
te he buscado por todas partes y...
¡Mis ojos no creen lo que están viendo!...
¿Huyes?

ENEAS
¡En mi profundo dolor, querida Dido, 
abandóname!

DIDO
¿Te vas?... ¿Te vas?... ¿Y sin remordimientos?...
Por tu empresa italiana
has desdeñado el cetro de Libia
y me has arrancado el corazón.

ENEAS
He dudado demasiado 
en obedecer las órdenes de los dioses…

DIDO
¡Te marchas!... 
¡Caminas tras tu destino y me abandonas! 
¡No te importa mi profundo dolor!

(Ve a un grupo de troyanos que, mirándola,
sonríen) 

¡Y mi real belleza es la mofa
de tus insolentes e ingratos troyanos!

ENEAS
¡Dido!

DIDO
¡Tanta miseria no merece 
ni una sola lágrima de tus ojos!
¿Te marchas?... ¡No, no fue Venus quien te parió,
sino alguna repugnante loba del bosque!

ENEAS
¡Reina, mi alma te pertenecerá por siempre!
La llama del amor ha prendido en mí
y hasta el último día
mi corazón vivirá por esa llama...

DIDO
¡Cállate! Nada te detiene.
La muerte que planea sobre mi cabeza,
mi vergüenza, mi amor, nuestro himeneo,
¡mi nombre en el libro de oro desde el día aciago!
Aun si de tu amor yo tuviera una prenda...
Sí, si en mi seno 
se cobijara un hijo de Eneas,
con unos rasgos que me recordaran a ti...
Entonces me sentiría menos abandonada...

ENEAS
Te amo, Dido. ¡Perdóname! 
La orden divina me obliga a dejarte.

(Se escucha la fanfarria de la marcha troyana.) 

DIDO
¡Esos sones te llaman a la gloria!
Estás ansioso...
¿Te marchas?

ENEAS
Debo partir...

DIDO
¿Te marchas?

ENEAS
Aunque marchara hacia la muerte,
debo obedecer a los dioses.
¡Me voy queriéndote!

DIDO
¡Que mis lamentos no te demoren más tiempo!
¡Monstruo sin entrañas! ¡Vete, pues! ¡Vete! 
¡Te maldigo a ti y a tus dioses!

(Ella sale.) 

(Grupos de soldados troyanos ocupados en los 
preparativos de la partida, pasan camino de los 
barcos.) 

ENEAS, LOS TROYANOS
¡Italia!

(Ascanio llega conducido por un jefe troyano. 
Eneas embarca en su nave) 

Escena Segunda 

(Habitación de Dido. El día comienza.) 

Nº 45 - Escena 

DIDO
Deja, hermana mía, de llorar.
De mi alma abatida ha huido el orgullo.
¡Vete! Esta partida me aflige...
Ya le veo alejarse.

ANA
¡Ay de mí! Yo he sido la única culpable,
al obligaros a formar otros nudos.
¿Se puede luchar contra los dioses?
Su partida es inevitable,
aunque esté enamorado.

DIDO
¿Él, amarme? ¡No! ¡No! ¡Su corazón es de hielo!
¡Ah! Yo sé bien lo que es amar...
Aunque el mismísimo Júpiter me hubiese 
prohibido amar, mi amor hubiera desafiado 
la prohibición del dios.
Pero ve, hermana mía, con Narbal, 
y suplícale que me conceda sólo algunos días más.
Humildemente se lo imploro:
lo que hice por él, ¿podrá olvidarlo?
¿Rechazará mi última petición?

Nº 46 - Escena 

CORO
(Lejano, tras el escenario.)
¡Mirad!... ¡Seis barcos! ¡Siete!... ¡Nueve! ¡Diez!

IOPAS
(Entrando.)
¡Los troyanos han zarpado!

DIDO
¿Qué dices?

IOPAS
Antes del amanecer, su flota ya estaba en el mar.
¡Aún se puede ver!

DIDO
¡Dioses inmortales! ¡Se marcha! 
¡A las armas, tirios!
¡Cartagineses, perseguid a los troyanos!
Tomad vuestros remos,
volad sobre las aguas con teas encendidas
¡y quemad sus barcos!
Que la ciudad entera...
¿Pero qué digo? ¡Impotente furor!
¡Sufre tu suerte y desesperación,
devora tu dolor,
oh, desventurada!
¡Este es el pago a mi profundo amor!
¡Y yo que le ofrecí un trono! ¡Ah! 
Es necesario exterminar a esa raza vagabunda,
a esos malditos, y dispersar sobre las olas
los despojos de sus cuerpos.
¡Ha llegado la hora de que él pague su perfidia,
de entregar su flota a las llamas,
de vengarme de Eneas y servirle 
el cuerpo de su hijo en un macabro festín!
¡Ayudadme, dioses infernales! 
¡El Olimpo permanece sordo para mí!
¡Ayudadme! ¡Que mi corazón se llene con un odio 
terrible por ese fugitivo al que tanto amé!
¡Que Plutón venga en mi ayuda!
Para apaciguar mis dolorosos sufrimientos,
¡que se ofrezca un sacrificio a las sombrías 
deidades del reino de los muertos!
¡Preparad la hoguera!
¡Que las promesas de ese pérfido
y mis sentimientos hacia él,
desaparezcan engullidos por las lívidas llamas!
¡Salid!

NARBAL
(A Ana.)
Su mirada me espanta. ¡Oh, princesa, calmaros!

DIDO
¡Ana, sigue a Narbal!

ANA
¡Que mi hermana me perdone!

DIDO
¡Soy tu reina y te lo ordeno!
¡Déjame sola, Ana!

(Ana, Narbal e Iopas salen.) 

Nº 47 - Monólogo 

(Dido durante la escena se arranca los cabellos, 
se golpea el pecho y lanza gritos inarticulados.) 

DIDO
¡Ah! ¡Ah!

(Se detiene bruscamente.) 

Voy a morir...
¡Sumergida en un inmenso dolor
y sin ser vengada!...
¡Muramos, pues! 
¡Sí, puede que él tiemble ante el brillo lejano 
de la llama de mi hoguera!
Quizá quede en su alma un poco de piedad.
Puedes ser que llore por mi horroroso destino.
¡Él me llorará!...
¡Eneas! ¡Eneas!
¡Oh, mi alma, en la hora de la noche eterna,
sigue encadenada a la suya!
¡Venus! ¡Devuélveme a tu hijo! 
¡Inútil plegaria de un corazón que se desgarra! 
Dido sólo espera la muerte.

Nº 48 - Aria 

DIDO
¡Adiós, orgullosa ciudad, 
a la que un tenaz esfuerzo hizo floreciente!
Mi tierna hermana que me sirvió errante, adios.
Adiós, a mi pueblo. 
Adiós, playas veneradas, que lo acogisteis.
Adiós, bello cielo africano, estrellas que admiré
en las noches de embriaguez y éxtasis infinito.
¡Ya no os veré más, mi camino ha terminado!...

(Sale con paso lento.) 

Escena Tercera 

Nº 49 - Ceremonia Fúnebre 

(Un rincón de los jardines de Dido, al borde 
del mar. Una gran hoguera está colocada; se 
asciende a ella por escalones laterales. Sobre la 
plataforma de la hoguera hay un lecho, una toga, 
un casco y un busto de Eneas.) 

(Entran los sacerdotes de Plutón, vestidos con 
trajes fúnebres. Vienen en procesión y se agrupan 
junto a dos altares donde brillan llamas verdosas, 
después Ana, Narbal, y al fin Dido con velo y 
coronada de hojas. Durante la primera parte del 
coro de los sacerdotes, Ana, aproximándose a su 
hermana, le suelta la cabellera y le ata la 
sandalia del pie izquierdo.) 

SACERDOTES DE PLUTÓN
¡Dioses del olvido, dioses del Ténero,
al este corazón herido dad fuerza y sosiego!
¡Desde las profundidades del negro Tártaro,
escuchadnos, Hécate, Erebo, y tú Caos!

ANA, NARBAL
(Extendiendo el brazo derecho hacia el mar.)
Si está prescrito que Eneas llegue a Italia,
¡que tenga una obscura muerte!
¡Que el pueblo latino se oponga a su paso!
Herido, en el fragor del combate, 
quede abandonado su cuerpo 
sobre la ensangrentada arena,
¡para servir de pasto a los pájaros!
¡Escuchadnos, Hécate, Erebo, y tú, Caos!

SACERDOTES, ANA, NARBAL
Dioses del olvido, dioses del Ténero, etc…

Nº 50 - Escena 

DIDO
(Hablando como en sueños.)
Plutón... parece que me es propicio...
En este cruel instante... Narbal... hermana mía...
Ya está hecho... Acabemos el piadoso sacrificio...
Siento volver la calma... a mi corazón.

(Dos sacerdotes llevan el primer altar y se 
adelantan de izquierda a derecha, otros dos 
llevan y el segundo lo hacen de derecha a 
izquierda, encontrándose ante la hoguera. Dido, 
el pie derecho desnudo, el cabello suelto, tras 
dejar sobre uno de los altares su corona de hojas, 
los sigue decidida. Ana está de rodillas a la 
derecha y Narbal a la izquierda; en medio el gran 
sacerdote de Plutón que extiende, sosteniendo 
con dos manos, la antorcha plutónica hacia la 
hoguera. Decidida, Dido asciende con paso 
rápido los escalones de la hoguera. Llegada a 
la cima, se viste la toga de Eneas, se quita el velo 
bordado de oro que le cubre la cabeza y tirando 
uno y otro sobre la hoguera dice:) 

Funestas prendas de un desgraciado amor,
¡que se quemen junto con vosotras mis penas!

(observando las armas de Eneas.) 

¡Ah!

(Se tiende sobre el lecho, al que se abraza entre 
sollozos convulsivos. Luego se levanta y, tomando 
la espada de Eneas, dice con tono profético:) 

Mi recuerdo vivirá por siempre.
Mi pueblo cumplirá heroicos destinos.
Un día, sobre esta misma tierra africana,
Surgirá de mis cenizas un glorioso vengador...
Escucho ya sonar el nombre del conquistador.
¡Aníbal! ¡Aníbal! ¡Mi alma se llena de orgullo!
¡Basta de recuerdos amargos!
¡Es así como hay que descender a los infiernos!

(Saca la espada de la vaina, se hiere y cae sobre
el lecho.) 

Nº 51 - Coro 

TODOS
¡Ah! ¡Socorro! ¡Socorro! ¡La reina se ha herido!

(Narbal sale como para buscar socorro.) 

CORO
(Tras la escena y acudiendo.)
¡Qué gritos! ¡Ah! 
¡Bañada en sangre muere la reina!

(Narbal regresa, el gran coro entra en escena.) 

¿Es cierto?... ¡Día funesto!

DIDO
(Se yergue apoyada en el codo.)
¡Ah!

(Vuelve a caer.) 

ANA
(Sobre la hoguera.)
¡Hermana mía!

(Dido se alza de nuevo.) 

DIDO
¡Ah!

(Alza la vista al cielo y cae gimiendo.) 

ANA
¡Soy yo!
¡Es tu hermana quien te llama!

DIDO
(Se levanta a medias.)
¡Ah! ¡El destino adverso!... ¡Implacable furor!...
¡Cartago perecerá!

Nº 52 - Imprecación 

(Aparece en la lejanía el Capitolio de Roma en 
cuya fachada reluce la palabra Roma. Ante un 
emperador, rodeado de artistas, desfilan las 
legiones. Durante esta apoteosis, invisible para 
los cartagineses, se escucha a lo lejos la marcha 
troyana transmitida por la tradición a los 
romanos y transformada en su canto triunfal.) 

DIDO
¡Roma!... ¡Roma!... ¡Inmortal!

(Cae y muere. Ana cae desvanecida a su lado. 
El pueblo avanza hasta primer término y, dando 
vueltas a la hoguera, lanza su imprecación, 
primer grito de la Guerra Púnica, contrastando 
con la solemnidad de la marcha triunfal.) 

CORO
¡Odio eterno a la raza de Eneas!
¡Que una guerra encarnizada
enfrente a nuestros hijos contra los suyos!
¡Que nuestros naves aborden a las suyas
y las lleven a lo más fondo del océano!
¡Que por mar y tierra nuestros descendientes 
masacren a los suyos y sean la gloria del mundo!



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Manu cespino 2007