LA VOZ HUMANA

 

 

Monólogo en un acto para Soprano.

 

UNE FEMME 
(On sonne) 
Allô, allô...
Mais non, Madame, nous sommes 
plusieurs sur la ligne, raccrochez...
vous êt' avec une abonnée...
Mais, Madame, raccrochez vous -mêm'!...
Allô, Mad'moisel'!...
Mais non, ce n'est pas le docteur Schmit...
Zéro huit, pas zéro sept. Allô!...
C'est ridicul'...
On me demande; je ne sais pas.

(On sonne de nouveau) 

Allô!...
Mais, Madam', que voulez-vous que j'y fass'?...
Comment, ma faut'? Pas de tout...
Allô, Mad'moisel'! Dites à cette dame de se retirer.

(Elle raccroche. On sonne encore un fois) 

Allô, c'est toi?...
Oui, très bien.
C'était un vrai supplice de t'entendre à 
travers tout ce monde...
Oui... Oui... Non... 
C'est une chance... 
Je rentre il y a dix minutes. 

(Très naturelle) 

Tu n'avais pas encore appelé?...
Ah!... Non, non. J'ai diné dehors, chez Marthe...
Il doit être onze heur' un quart. 
Tu es chez toi?...
Alors regarde la pendule électrique...
C'est que je pensais...
Oui, Oui, mon chéri...
Hier soir? Hier soir je me suis couchée 
tout de suite et comme je ne pouvais pas 
m'endormir, j'ai pris un comprimé...
Non... un seul... à neuf heures...
J'avais un peu mal à la tète, 
mais je me suis secouée.
Marthe est venue. 
Elle a déjeuné avec moi. J'ai fait des courses.
Je suis rentrée à la maison. J'ai... 
Quoi?...Très forte...
J'ai beaucoup, beaucoup de courage...
Après? Après je me suis habillée, 
Marthe est venue me prendre...
Je rentre de chez elle. 
Elle a été parfaite...
Elle a cet air, mais ell' ne l'est pas.
Tu avais raison, comme toujours...
Ma robe rose... Mon chapeau noir...
Oui, j'ai encore mon chapeau sur la tête. 
Et toi, tu rentres? Tu es resté à la maison?...
Quel procès?... Ah, oui.
Allô! chéri...
Si on coupe redemande-moi tout de suite...
Allô!... Non je suis là... le sac? 
Tes lettres et les miennes...
Tu peux le fair' prendre quand tu veux...
Un peu dur...Je comprends...
Oh! mon chéri, ne t'excuse 
pas, c'est très naturel et c'est moi 
qui suis stupide... Tu es gentil...
Moi non plus, je ne me croyais pas si forte.
Quelle comédie?... Allô! Qui?...
Que je te joue la comédie, moi!
Tu me connais, 
je suis incapable de prendre sur moi...
Pas du tout... Pas du tout... Très calme...
Tu l'entendrais... Je dis: tu l'entendrais.
Je n'ai pas la voix d'une personne 
qui cache quelque chose...
Non. J'ai décidé d'avoir du courage et j'en aurai...
J'ai ce que je mérite. J'ai voulu être folle 
et avoir un bonheur fou...
Chéri, écoute... allô! chéri... Laisse... Allô! 
Laisse-moi parler...
Ne t'accuse pas. Tout est ma faute...
Si, si. Souviens toi du dimanche de Versailles 
et du pneumatique... Ah! Alors!
C'est moi qui ai voulu venir...
C'est moi qui t'ai fermé la bouch',
c'est moi qui t'ai dit que tout m'était égal...
Non... non... là tu es injuste. 
J'ai téléphoné la première, 
un mardi, je suis sûre... Un mardi vingt-sept...
Tu penses bien que je connais 
ces dates par coeur...
Ta mère? Pourquoi? 
Ce n'est vraiment pas la peine...
Je ne sais pas encore...
Oui, peut-être...
Oh! non, sûrement pas tout de suite, et toi?...
Demain? Je ne savais pas que c'était si rapide.
Alors, attends, c'est très simple: demain 
matin le sac sera chez le concierge.
Joseph n'aura qu'à passer le prendre...
Oh! moi, tu sais, il est possible que je reste, 
comme il est possible que j'aille passer 
quelques jours à la campagne, chez Marthe...
Oui, mon chéri... Mais oui, mon chéri... 

Allô! et comme ça? 
Pourtant je parle très fort...
Et là, tu m'entends? 
Je dis: et là, tu m'entends?...
C'est drôle parce que moi 
je t'entends comme si 
tu étais dans la chambre...
Allô! allô! 
Allons, bon! maintenant c'est moi 
qui ne t'entends plus...
Si, mais très loin... 
Toi, tu m'entends. 
C'est chacun son tour... 
Non, très bien.
J'entends même mieux que tout à 
l'heure, mais ton appareil résonne.
On dirait que ce n'est pas ton appareil. 
Je te vois, tu sais.

(On dirait qu'elle devine) 

Quel foulard? Le foulard rouge. 
Tu as tes manches retroussées...
Ta main gauche? le récepteur...
Ta main droite? ton stylographe. 
Tu dessines sur le buvard,
des profils, des coeurs, des étoiles... 
Ah! Tu ris! J'ai des yeux à la place des oreilles...

(Avec un geste machinal elle se touche la figure) 

Oh! Mon chéri, surtout ne me regarde pas...
Peur? Non, je n'aurai pas peur... c'est pire...
En fin je n'ai plus l'habitude de dormir seule...
Oui... oui... oui... je te promets... 
tu es gentil... Je ne sais pas. 
J'évite de me regarder. 
Je n'ose plus allumer 
dans le cabinet de toilette...
Hier, je me suis trouvé nez à nez avec 
une vieille dame...

Non, non! une vieille dame avec des 
cheveux blancs et une foule de petites rides.
Tu es bien bon!...
Mais, mon chéri, une figure admirable, 
c'est pire que tout, c'est pour les artistes.
J'aimais mieux quand tu disais: 
Regardez-moi cette vilaine petite gueule!...
Oui, cher Monsieur! 
Je plaisantais... Tu es bête...
Heureusement que tu es maladroit 
et que tu m'aimes.
Si tu ne m'aimes pas et si tu étais adroit, 
le téléphone deviendrait 
une arme effrayante.
Une arme qui ne laisse 
pas de traces, qui ne fait pas de bruit...

Moi, méchante? 
Allô! allô, chéri... 
Où es-tu? Allô, allô, Mad'moisell'...

(On sonne) 

Allô, Mad'moiselle, on coupe.

(Elle raccroche. Silence. Elle décroche)  

Allô, c'est toi?... Mais non, Mad'moiselle. 
On m'a coupée... Je ne sais pas... c'est à dire...
si, attendez... Auteil zéro quat'virgul'sept. 
Allô! Pas libre? Allô, Mad'moisell'.
Il me redemand'... Bien. 

(Elle raccroche. On sonne) 

Allô! Auteil zéro quat'virgul'sept? 
Allô! C'est vous, Joseph?...
C'est madame. 
On nous avait coupés avec Monsieur...
Pas là?... Oui, Oui, il ne rentre pas ce soir...
c'est vrai, je suis stupide! 
Monsieur me téléphonait d'un restaurant, 
on a coupé et je redemande son numéro...
Excusez-moi, Joseph. 
Merci. Bonsoir, Joseph.

(Elle raccroche. Elle ne se sent pas bien. On sonne) 

Allô! ah! chéri! c'est toi? On avait coupé...
Non, non. J'attendais... On sonnait, 
je décrochais et il n'y avait personne...
Sans doute... Bien sûr...
Tu as sommeil?...
Tu es bon d'avoir téléphoné, très bon...

(Elle pleure. Silence) 

Non, je suis là... Quoi? Pardonne, 
c'est absurde... Rien, rien, 
je n'ai rien... Je te jur' que je n'ai rien... 
C'est pareil... Rien du tout. 
Tu te trompes... Seulement, tu comprends, 
on parle, on parle...

(Elle pleure) 

Ecoute, mon amour. Je ne t'ai jamais menti... 
Oui, je sais, je sais, je te crois, 
j'en suis convaincue... non, ce n'est pas ça, 
c'est parce que je viens de te mentir, 
là, au téléphone, 
depuis un quart d'heure, 
je te mens...
Je sais bien que je n'ai plus aucune 
chance à attendre, mais mentir 
ne porte pas la chance et puis je n'aime 
pas te mentir, je ne peux pas, 
je ne veux pas te mentir, même pour ton bien.
Oh! rien de grave, mon chéri. 
Seulement je mentais en te décrivant 
ma robe et ne disant que j'avais 
dîné chez Marthe... Je n'ai pas dîné, 
je n'ai pas ma robe rose. J'ai un manteau sur 
ma chemise, parce qu'à force d'attendre 
ton téléphone, á force de regarder l'appareil, 
de m'asseoir, de me lever, 
de marcher de long en large, je devenais folle!
Alors j'ai mis un manteau et j'allais sortir, 
prendre un taxi, me fair' mener 
sous tes fenêtres, pour attendre... eh bien! 
attendre, je ne sais quoi...
Tu as raison... Si, je t'écoute... Je serai sage, 
je répondrai à tout, je te jure.
Ici... Je n'ai rien mangé. Je ne pouvais pas. 
J'ai été très malade... Hier soir, j'ai voulu 
prendre un comprimé pour dormir;
je me suis dit que si j'en prenais plus, 
je dormirais mieux et que si je les prenais tous, 
je dormirais sans rêve, sans réveil, 
je serais morte...

(Elle pleure) 

J'en ai avalé douze dans de l'eau chaude. 
Comme une masse. Et j'ai eu un rêve. 
J'ai rêvé ce qui est. je me suis réveillée toute 
contente parce que c'était un rêve, 
et quand j'ai su que c'était vrai, 
que j'étais seule, que je n'avais pas la tête sur 
ton cou, j'ai senti que je ne pouvais pas vivre...
Légère et froide et je ne sentais plus 
mon coeur battre et la mort était longue à 
venir et com'j'avais une angoisse épouvantable, 
au bout d'une heure j'ai téléphoné à Marthe...
Je n'avais pas le courag' de mourir seule. 

Chéri... chéri... il était quatre heur' du matin.
Elle est arrivée avec le docteur qui habite 
son immeuble. J'avais plus de quarant'.
Le docteur a fait une ordonnance et Marthe 
est restée jusqu'à ce soir. Je l'ai suppliée 
de partir parce que tu m'avais dit que 
tu téléphonerais et j'avais peur qu'on 
m'empêche de te parler... Très bien. 
Ne t'inquiète pas. 

(Elle pleure) 

Allô! Je croyais qu'on avait coupé...
Tu es bon, mon chéri. Mon pauvre chéri 
à qui j'ai fait du mal... Oui, parle, 
parle, dis n'importe quoi.
Je souffrais à me rouler par terre 
et il suffit que tu parles pour que 
je me sente bien, que je ferme les yeux.
Tu sais, quelque fois quand nous étions 
couchés et que j'avais ma tète à 
sa petite place contre ta poitrine,
j'entendais ta voix, exactement 
la même que ce soir dans l'appareil.

Allô! J'entends de la musique...
Je dis : J'entends de la musique...
Eh bien, tu devrais cogner au mur 
et empêcher ces voisins de jouer 
du gramophone à des heur' pareil'...
C'est inutile. Du reste le docteur 
de Marthe reviendra demain...
Ne t'inquiète pas... Mais oui.
Ell' te donnera des nouvelles...
Quoi? Oh! si, mil' fois mieux. 
Si tu n'avais pas appelé, 
je serais morte.

(Elle marche d'un côté à l'autre et sa souffrance
l'empêche de marcher) 

Pardonne-moi. Je sais que cette scène 
est intolérable et que tu as bien 
de la patience, mais comprends-moi, je souffre, 
je souffre. Ce fil, c'est le dernier qui 
me rattache encore à nous... Avant-hier soir? 
J'ai dormi. Je m'étais couchée avec le téléphone...
Non, non. Dans mon lit... Oui. Je sais. 
Je suis très ridicule, mais j'avais 
le téléphone dans mon lit et malgré tout, 
on est relié par le téléphone. 
Parce que tu me parles. Voilà cinq ans 
que je vis de toi, que tu es mon seul air respirable, 
que je passe mon temps
à t'attendre, á croir' mort si tu es 
en retard, á mourir de te croir' mort, 
á revivre quand tu entres et 
quand tu es là, en fin, à mourir de peur 
que tu partes... Maintenant, j'ai de l'air 
parce que tu me parles...
C'est entendu, mon amour, j'ai dormi. 
J'ai dormi parce que c'était la première fois...
Le premier soir on dort. 
Ce qu'on ne supporte pas 
c'est la seconde nuit, hier, et la troisièm',
demain et des jours et des jours à fair' quoi, 
mon Dieu? Et... et en admettant 
que je dorme, après le sommeil 
il y a les rêves et le réveil et manger et 
se lever, et se lever et sortir et aller où?...
Mais, mon pauvre chéri, je n'ai jamais 
eu rien d'autre à faire que toi...
Marthe a sa vie organisée... Seule...

Voilà deux jours qu'il ne quitte pas l'antichambre. 
J'ai voulu l'appeler, le caresser.
Il refuse qu'on le touche...
Un peu plus, il me mordrait. Oui, moi!
Je te jure qu'il m'effraye... 
Il ne mange plus. Il ne bouge plus. 
Et quand il me regarde il me donne 
la chair de poul'...
Comment veux-tu que je sache? 
Il croit peut-être que je t'ai fait du mal...
Pauvre bête! Je n'ai aucune raison 
de lui en vouloir...
Je ne le comprends que trop bien... Il t'aime.
Il ne te voit plus rentrer. 
Il croit que c'est ma faute... Oui, mon chéri. 
C'est entendu; Mais c'est un chien.
Malgré son intelligence, 
il ne peut pas le deviner... Mais, je ne sais pas, 
mon chéri! Comment veux-tu que je sache?
On n'est plus soi-même. 
Songe que j'ai déchiré tout le paquet de 
mes photographies d'un seul coup, 
sans m'en apercevoir. Même pour 
un homme ce serait un tour de force.

Allô! Allô! Madam' retirez-vous.
Vous êt' avec des abonnés...
Allô! mais non, Madam'...
Mais, Madame, 
nous ne cherchons pas à être intéressants...
Si vous nous trouvez ridicules, 
pourquoi perdez-vous votre temps 
au lieu de raccrocher?...
Oh!... Ne te fâche pas... En fin!...
Non, non. Elle a raccroché après 
avoir dit cette chose ignoble...
Tu as l'air frappé... Si, tu es frappé, 
je connais ta voix... Mais, mon chéri, 
cette femme doit être très mal 
et elle ne te connaît pas. Ell' croit que 
tu es comme les autres hommes...
Mais non, mon chéri, 
ce n'est pas du tout pareil... Pour les gens, 
on s'aime ou se déteste. 
Les ruptures sont des ruptures.
Ils regardent vite. Tu ne leur feras 
jamais comprendre... Tu ne leur 
feras jamais comprendre certaines choses.
Le mieux est de faire comme 
moi et de s'en moquer complètement.

(Elle pousse un cri sourd de douleur) 

Oh!... Rien. 
Je crois que nous parlons comme d'habitude 
et puis tout a coup la vérité me revient..
Dans le temps, on se voyait, 
on pouvait perdre la tête, 
oublier ses promesses, risquer l'impossible,
convaincre ceux qu'on adorait 
en les embrassant, en s'accrochant à eux.
Un regard pouvait changer tout. 
Mais avec cet appareil, 
ce qui est fini est fini...
Sois tranquille. 
On ne se suicide pas deux fois... 
Je ne saurais pas acheter un revolver...
Tu ne me vois pas achetant un revolver.
Où trouverais-je la force de combiner un mensonge, 
mon pauvre adoré?
Aucune... J'aurais dû avoir du courage.
Il y a des circonstances 
où le mensonge est utile.
Toi, si tu mentais pour rendre 
la séparation moins pénible...
Je ne dis pas que tu mentes. 
Je dis: si tu mentais et que je le sache.
Si, par exemple, tu n'étais pas chez toi, 
et que tu me dises...
Non, non, mon chéri! Ecoute... je te crois...
Si, tu prends une voix méchante...
Je disais simplement que 
si tu me trompais par bonté d'âme 
et que je m'en aperçoive,
je n'en aurais que plus de tendresse pour toi...
Allô! Allô! 

(Elle raccroche en disant tout bas et rapidement) 

Mon Dieu, fait qu'il redemande.
Mon Dieu, fait qu'il redemande.
Mon Dieu, fait qu'il redemande.
Mon Dieu, fait...

(On sonne. Elle décroche) 

On avait coupé.
J'étais en train de te dire que 
si tu me mentais par bonté et que je m'en aperçoive,
je n'en aurais que plus de tendresse pour toi...
Bien sûr... Tu es fou!
Mon amour, mon cher amour.
Je sais bien qu'il le faut, mais c'est atroce. 
Jamais je n'aurai ce courage...
Oui. On a l'illusion d'être l'un contre l'autre 
et brusquement on met des caves,
des égouts, toute une ville entre soi.
J'ai le fil autour de mon cou. 
J'ai ta voix autour de mon cou.
Ta voix autour de mon cou...
Il faudrait que le bureau 
nous coupe par hasard...
Oh! Mon chéri! Comment peux-tu imaginer 
que je pense une chose si laide?
Je sais bien que cette opération 
est encore plus cruelle à faire de ton côté 
que du mien... non...non... A Marseill'? 
Ecoute, chéri, puisque vous serez à Marseill' 
après-demain soir, je voudrais... en fin j'aimerais...
j'aimerais que tu ne descendes pas à l'hôtel 
où nous descendons d'habitude...
Tu n'es pas fâché?... Parce que les choses 
que je n'imagine pas n'existent pas,
ou bien elles existent dans une espèce de lieu 
très vague et qui fait moins de mal... tu comprends?
Merci...merci. Tu es bon. Je t'aime.

(Elle se lève et va vers le lit avec l'appareil 
à la main) 

Alors, voilà. 
J'allais dire machinalement à tout de suite...
J'en doute. Oh!... C'est mieux. 
Beaucoup mieux...

(Elle s'allonge sur le lit et elle prend le téléphone 
entre ses bras) 

Mon chéri... 
Mon beau chéri. Je suis forte...
Dépêche-toi... Vasy.
Coupe! Coupe vite!
Je t'aime, je t'aime, je t'aime, je t'aime... t'aime.

(Le récepteur tombe par terre)



     
UNA MUJER 
(Suena el Teléfono) 
¡Diga, diga!...
No, señora, hay un cruce de línea
y estamos hablando varios a la vez, cuelgue...
está hablando con una abonada...
Pero, señora, ¡cuelgue por favor!
¡Oiga, señorita!
No, no, aquí no es la casa del doctor Schmit...
Cero ocho y no cero siete. ¡Diga!...
¡Qué locura!
¿A mí me lo pregunta? ¡No lo sé!

(El teléfono suena de nuevo) 

¡Diga!...
Pero, señora, qué quiere que le haga?...
¡Cómo! ¿Que es mi culpa? En absoluto...
¡Oiga, señorita! Dígale a esa señora que cuelgue.

(Ella cuelga. El teléfono vuelve a sonar) 

¡Diga! ¿Eres tú?...
Sí, muy bien.
Era un verdadero suplicio hablar 
con toda esa gente ahí...
Sí... Sí... No...
Es una suerte... 
Acabo de llegar hace diez minutos. 

(muy natural) 

¿Me habías llamado?
¡Ah! no, no. Cené fuera, en casa de Marta.
Deben ser las once y cuarto. 
¿Estás en casa?...
Pues mira el reloj...
Es lo que yo pensaba.
Sí, Sí, cariño.
¿Ayer por la noche? Me fui a la cama en seguida,
y como no podía dormir, 
tomé una pastilla...
No, una sola, a las nueve...
Me dolía un poco la cabeza, pero se me pasó.
Vino Marta. 
Desayunó conmigo y luego hice algunas compras.
Volví a casa. Tengo... 
¿Qué?... Muy fuerte...
Tengo mucho, mucho valor...
¿Luego? Luego, me vestí
y Marta me recogió...
La acabo de dejar en su casa. 
Ha estado encantadora... 
Sí, lo parece, pero no lo es.
Tenías razón, como siempre... 
Mi vestido rosa... mi sombrero negro...
Sí, aún tengo el sombrero puesto.
Y tú, ¿vuelves ahora? ¿Te has quedado en casa? 
¿Qué juicio? Ah, sí... Dime, cariño...
Si se corta, llámame inmediatamente...
¡Diga!... No, estoy aquí... ¿el bolso?
Tus cartas y las mías....
Puedes recogerlas cuando quieras...
Un poco duro... Lo comprendo... 
¡Oh! Cariño, no te disculpes, 
es muy normal.
Soy yo la estúpida... Eres muy amable...
Yo tampoco, no me creía tan fuerte.
¿Qué comedia?... ¡Diga!... ¿Quién?
¿Que yo estoy fingiendo? ¿Yo?
Tú me conoces, 
y sabes que soy incapaz de hacer eso...
En absoluto... En absoluto... Muy tranquila...
Te darías cuenta... 
¡Digo, que te darías cuenta!
¿Tengo voz de estar 
escondiéndote algo?
No. He decidido tener valor y lo tendré...
Tengo lo que me merezco. Quise estar loca 
y tener una felicidad loca...
Cariño, escucha... ¡Diga!... Cariño. Deja... ¡Oiga!
Déjame hablar...
No te acuses. Todo es por mi culpa. 
Sí, sí. Acuérdate del domingo de Versalles 
y del neumático...¡Ah! ¿Y, entonces?
Yo fui la que quiso ir... 
Yo fui quien te cerró la boca,
yo la que dijo que todo me daba igual...
No... no... Ahora eres injusto.
Yo fui la primera que llamó, 
un martes, estoy segura... 
Martes veintisiete...
Es increíble que me sepa
esas fechas de memoria...
¿Tu madre?... ¿Por qué?...
No merece la pena, de verdad...
No lo sé todavía... 
Sí, quizás...
¡Oh! No, seguramente no de inmediato, ¿y tú?...
¿Mañana? No sabía que fuese tan urgente.
Entonces, escucha, es muy sencillo: 
mañana por la mañana le dejaré la bolsa al portero. 
José sólo tendrá que pasar a recogerla...
¡Oh! Yo, sabes, puede que me quede, 
o que me vaya a pasar 
algunos días al campo, a casa de Marta...
Sí, cariño... Sí cariño...

¡Diga! ¿Qué me dices? 
Sin embargo, estoy hablando muy alto...
Y ahora, ¿me oyes?...
Digo que si ahora me oyes...
¡Qué raro! Porque yo te oigo
como si estuvieras 
en la habitación de al lado...
¿Diga? ¿Diga? 
¡Vaya! Ahora soy yo 
la que no te oye...
Sí, pero muy lejos...
Tú me oyes. 
Cada uno tiene su turno... 
No, muy bien.
Te oigo incluso mejor que antes, 
pero tu teléfono tiene eco.
Parece como si no fuera el tuyo. 
Yo te veo, sabes.

(como adivinando) 

¿Qué pañuelo? El pañuelo rojo. 
Tienes las mangas arremangadas...
¿En tu mano izquierda? el receptor...
¿En la derecha? Tu estilográfica. 
Estás dibujando en un cartón 
perfiles, corazones, estrellas... 
¡Ah! ¿Te ríes? Tengo ojos en el lugar de orejas.

(instintivamente se toca la cara) 

¡Oh, cariño, por favor, no me mires!...
¿Miedo? No , no tengo miedo... Es aún peor...
Es que no estoy acostumbrada a dormir sola...
Sí... sí... sí... te lo prometo... 
Eres muy amable... No lo sé... 
Evito mirarme. 
No me atrevo a encender 
la luz en el baño...
Ayer, me tropecé con 
una señora mayor...

¡No, no! Una señora mayor 
con canas y un montón de arruguitas.
¡Eres muy bueno! 
Pero cariño, un rostro admirable, 
es lo peor de todo, es para los artistas.
Me gustaba más cuando me decías: 
¡Mira que cara tan feúcha tienes!
¡Sí, querido señor! 
Estaba bromeando... Eres tonto...
Menos mal que eres torpe 
y que me quieres.
Si no me quisieras y tuvieras malicia, 
el teléfono se convertiría
en un arma espantosa.
Un arma que no deja huellas, 
que no hace ruido...

¿Yo, mala? 
¡Oiga! ¡Oiga! Cariño...
¿Dónde estás?... ¿Oiga? ¿Oiga? Señorita...

(suena el teléfono) 

¿Oiga? ¡Señorita, se corta!.

(Cuelga. Silencio. Descuelga) 

¡Oiga! ¿Eres tú?... No, señorita. 
Me han cortado... No sé... Es decir...
Sí, espere... Auteil cero cuatro coma siete...
¡Sí! ¿Comunicando? ¡Oiga, Señorita!
Él me volverá a llamar... Bien. 

(Cuelga. Suena el teléfono) 

¡Oiga! ¿Auteil cero cuatro coma siete? 
¿Oiga? ¿Eres José?...
Soy la señora. 
Estaba hablando con el señor y se ha cortado... 
¿No está?... Sí, sí, no vuelve a casa esta noche...
¡Es verdad, qué tonta soy! 
El Señor me llamaba desde un restaurante, 
se ha cortado y yo he vuelvo a pedir su número...
Le pido disculpas, José. 
Gracias. Buenas noches, José.

(Cuelga. Se encuentra mal. Suena el teléfono) 

¡Diga! ¡Ah, cariño! ¿Eres tú?. Se había cortado. 
No, no, estaba esperando... Sonaba el teléfono, 
descolgaba y no había nadie...
Sin duda.. Por supuesto... 
¿Tienes sueño?...
Eres muy amable por llamar, muy bueno...

(Llora. Silencio) 

No, estoy aquí... ¿Qué? Lo siento, 
es absurdo... Nada, nada, 
no tengo nada... Te juro que no tengo nada...
Es igual... Nada en absoluto. 
Te equivocas... Sólo es que, ya me entiendes,
hablamos y hablamos...

(Llora) 

Escucha, amor mío. Yo nunca te mentí...
Sí, lo sé, lo sé, te creo, 
de ello estoy convencida... no, no es eso, 
es porque ahora acabo de mentirte, 
aquí por teléfono,
desde hace un cuarto de hora, 
te estoy mintiendo...
Sé muy bien que ya no tengo que esperar nada,
que mentir no sirve de nada y además, 
no me gusta mentirte,
no puedo, no quiero mentirte,
incluso por tu bien.
¡Oh! Nada grave, cariño, 
sólo te mentía describiendo mi vestido 
y diciendo que había cenado en casa de Marta...
No cené allí, ni tengo mi vestido rosa. 
Tengo un abrigo encima del camisón, 
pues de tanto esperar tu llamada, 
de tanto mirar el teléfono, 
de sentarme y de levantarme, 
de caminar arriba y abajo, 
¡me estaba volviendo loca!
Entonces, me puse un abrigo e iba a salir 
y tomar un taxi que me llevara hasta tus ventanas,
para esperar...
Pues sí... esperar... no sé qué. 
Tienes razón... Sí, te escucho... Seré sensata, 
te responderé a todo, te lo juro.
Aquí... No he comido nada, no podía. 
He estado muy mal... 
Anoche, quise tomar pastillas para dormir,
me dije a mí misma que si tomaba alguna más
dormiría mejor... y que si me las tomaba todas,
dormiría sin soñar, sin despertar... que moriría.

(Llora) 

Me tomé doce con agua caliente. 
Caí como un tronco y tuve un sueño. 
Soñé lo que nos está sucediendo...
Me desperté contenta porque era un sueño, 
pero al darme cuenta de que era verdad,
que estoy sola y no tengo la cabeza en tu cuello,
creí que ya no iba a poder seguir viviendo.
Me sentía ligera y fría y no sentía latir mi corazón
y la muerte tardaba en llegar,
y como mi angustia era horrorosa, 
al cabo de una hora, llamé a Marta...
No tenía valor para morir sola. 

Cariño... cariño.. eran las cuatro de la mañana
cuando ella llegó con un médico que vive 
en su mismo edificio. Tenía más de cuarenta de fiebre.
El médico me hizo una receta y Marta 
se quedó aquí toda la noche.
Yo le supliqué para que se marchara pues 
me habías dicho que me llamarías 
y tenía miedo que me impidiera hablar contigo...
Muy bien. No te preocupes. 

(Llora) 

¿Oiga?... Creía que se nos había cortado...
Eres muy bueno, cariño. 
Pobrecito, a quién le he hecho tanto daño...
Sí, habla, habla, dime cualquier cosa.
Me estaba retorciendo por el suelo, de dolor, 
y ha bastado con tu llamada para que 
me encuentre bien y cierre los ojos.
¿Sabes? Alguna vez, 
cuando estábamos acostados
y apoyaba mi cabeza en tu pecho,
oía tu voz exactamente igual 
que esta noche en el teléfono.

¿Oiga? Oigo música...
Digo que estoy oyendo música...
Pues deberías dar golpes en la pared 
e impedir que tus vecinos 
pongan el gramófono a estas horas...
Es inútil. Además, el médico de Marta 
volverá mañana...
No te preocupes... Por supuesto. 
Ella te dará noticias mías.
¿Qué? ¡Oh, sí, mil veces mejor!
Si no hubieses llamado, 
yo ya estaría muerta.

(Camina de un lado para otro, pero 
el sufrimiento le impide andar) 

Perdóname. Sé que esta escena es intolerable 
y que tienes mucha paciencia,
pero, entiéndeme, sufro, estoy muy mal.
Este hilo es el último que nos sigue uniendo...
¿Antes de ayer por la noche? Dormí.
Me dormí junto al teléfono...
No, no. En mi cama... Sí, lo sé.
Resulto ridícula, es cierto, 
pero tenía el teléfono metido en la cama;
a pesar de todo estamos unidos por él. 
Porque tú me hablas. 
Hace ya cinco años que vivo de ti, 
que eres el único aire que respiro,
que paso mi vida esperándote,
creyéndote muerto si llegas tarde, 
muriendo por creerte muerto, 
volviendo a la vida cuando entras y estás aquí,
muriéndome por miedo a que te marches...
Ahora respiro porque me estás hablando...
De acuerdo, mi amor, he dormido. 
He dormido porque era la primera vez.
La primera noche se duerme. 
Lo que no se aguanta es la segunda noche, 
la de ayer, y la tercera, la de mañana.
¿Días y días haciendo qué, Dios mío?
Y... y admitiendo que duerma, 
después del sueño están los sueños 
y el despertar y comer 
y levantarse y lavarse y salir para ir... ¿a dónde?
Pero, pobre cariñito mío, nunca tuve 
otra cosa que hacer que dedicarme a ti...
Marta tiene su vida organizada... Sola...

Hace ya dos días que 
no se mueve de la antesala.
He intentado llamarlo, acariciarlo.
No deja que le toquen...
Un poco más y casi me muerde. ¡Sí, a mí!
Me da mucho miedo, te lo juro... 
No come nada, ni se mueve. 
Cuando me mira, se me pone carne de gallina...
¿Cómo quieres que lo sepa?
Quizás se cree que te he hecho daño...
¡Pobre animal! 
Él no tiene la culpa de nada...
Le comprendo muy, pero que muy bien... 
Te quiere y no te ve volver a casa. 
Cree que es por mi culpa... Sí, cariño. 
De acuerdo, pero es un perro.
A pesar de su inteligencia, 
no lo puede adivinar...
Pero, ¡yo no lo sé, cariño 
¿Cómo quieres que lo sepa? 
No sé lo que hago. 
He roto todas mis fotografías de una sola vez, 
sin darme cuenta.
Incluso para un hombre, sería una proeza.

¡Oiga, oiga! ¡Señora, cuelgue!
Está hablando con una abonada...
¡Oiga! No, señora...
Pero, señora, 
no estamos buscando llamar la atención...
Si nos encuentra ridículos, 
¿por qué pierde el tiempo 
en vez de colgar?
¡Oh!... No te enfades... 
¡Venga!...
No, no. Colgó después de decir esa ordinariez...
Pareces enojado... 
Sí, estás enfadado, conozco tu voz...
Pero, cariño mío, 
esa mujer debe estar muy mal 
y no te conoce.
Ella cree que eres como los demás hombres...
Pero, no, cariño, no es lo mismo en absoluto...
La gente, se quiere o se detesta. 
Las rupturas son las rupturas.
Ellos miran rápido. 
Tú no les harás comprender jamás...
No les harás entender jamás ciertas cosas.
Lo mejor es hacer como yo,
que no te importen en absoluto. 

(Ella gime de dolor) 

¡Oh!... Nada.
Creo que hablamos como de costumbre 
y de repente, la verdad me vuelve a la mente.
Antes, nos veíamos, 
podíamos perder la cabeza, 
olvidar nuestras promesas, 
arriesgar lo imposible, 
convencer a los que adorábamos abrazándoles,
aferrándonos a ellos.
Una mirada podía cambiarlo todo. 
Pero con este aparato, 
lo acabado, acabado está.
Tranquilízate. Una no se suicida dos veces...
No sabría cómo comprar una pistola.
No me ves comprando una pistola.
Mi pobre adorado, 
¿de dónde iba a sacar yo 
la fuerza para mentirte?
Ninguna... Debería haber tenido valor.
Hay circunstancias en las que 
la mentira resulta útil.
Si tú me mintieras para 
hacer menos penosa la separación...
Yo no digo que estés mintiendo. 
Digo que si tú mintieras... y yo lo supiera.
Si, por ejemplo, no estuvieses en casa 
y que me dijeras...
¡No, no, no, cariño! Escucha... Yo te creo...
Sí, estás poniendo voz de malvado...
Te decía simplemente que si me mintieras 
por bondad y yo me diera cuenta, 
sentiría aún más ternura hacia ti...
¿Oiga, oiga? 

(Cuelga mientras habla en voz baja) 

Dios mío, haz que vuelva a llamar...
Dios mío, haz que vuelva a llamar...
Dios mío, haz que vuelva a llamar...
Dios mío, haz...

(Suena el teléfono. Descuelga) 

Se había cortado.
Estaba diciéndote que si me mintieses por bondad
y yo me diese cuenta, 
sentiría aún más ternura hacia ti 
Por supuesto... ¡Estas loco!
Mi amor, mi querido amor.
Sé muy bien que es necesario, pero es horrible.
Jamás tendré valor...
Sí. Tenemos la ilusión de estar uno junto al otro
y de repente, se interponen entre nosotros
sótanos, alcantarillas y toda la ciudad.
Tengo el hilo alrededor del cuello. 
Tengo tu voz alrededor de mi cuello...
Tu voz alrededor de mi cuello...
Si nos lo cortaran por casualidad... 
¡Oh, cariño mío! ¿Cómo puedes imaginar 
que esté pensando una cosa tan fea?
Sé que esta operación es aún más cruel 
por tu parte que por la mía...
No, no... ¿A Marsella? Escucha, cariño, 
dado que estarás en Marsella 
pasado mañana por la noche, quisiera... 
al menos me gustaría... 
me gustaría que no fueras al hotel 
donde solemos ir habitualmente...
¿No te importa?... Porque las cosas que 
no puedo imaginar no existen para mí,
o bien existen en un lugar indefinido 
que hace menos daño...¿Entiendes?...
Gracias... gracias. Eres muy bueno. Te quiero.

(Se dirige hacia la cama con el teléfono 
en la mano) 

Bien, ya está. Iba a decirte sin darme cuenta:
"hasta luego"...
Lo dudo. ¡Oh!... 
Mejor. Mucho mejor...

(Se tumba sobre la cama y abraza 
el teléfono) 

Cariño mío... 
Mi lindo amor. Yo soy fuerte...
Date prisa. Vamos.
¡Cuelga, corta rápido!
Te quiero, te quiero, te quiero... te quiero.

(El teléfono cae al suelo) 



Escaneado por:
José Manuel Díaz 2004