ACTE
PREMIER
(Le théâtre représente le château de Moldaw.
Par une brèche faite à la muraille, le comte
de Luddorf
et ses chevaliers viennent de
s'élancer portant
des glaives et des
flambeaux. Le baron de Moldaw, debout,
l'épée à la main, et suivi de ses vassaux,
vient de repousser une partie des
assiégeants. Il tient sous ses pieds un des
principaux chefs, tandis que le comte de
Luddorf
lève sa hache
d'armes sur un des
assiégés, qu'il a renversé. Une partie du
château est en flammes, tandis que des
galeries supérieures,
les vassaux du baron
s'apprêtent a faire pleuvoir le fer
et le feu
sur leurs ennemis. En ce moment, au
milieu des flammes qui déjà s'élèvent, et
au milieu
des combattants, un moine,
vêtu d'une robe blanche et tenant une
croix à la main, paraît sur la brèche:
c'est Pierre l'Ermite)
Scène Première
(Le Baron de Moldaw et ses vassaux,
Le Comte de
Luddorf et ses chevaliers,
Pierre L'ermite, s'élançant entre les
combattants)
PIERRE
Arrêtez, chrétiens! arrêtez!
Craignez la foudre qui s'apprête
A frapper vos fronts révoltés!
TOUS
(s'arrêtant avec crainte et respect)
Pierre le saint anachorète!
Pierre L'ermite!
PIERRE
Oui, Pierre qui maudit
Vos haines de famille et cette guerre impie
Dont la Bohême entière et s'émeut et frémit!
Bas les armes, chrétiens! que chacun se rallie
(Montrant la croix qu'il tient à la main)
A ce saint étendard,
par qui Dieu m'a conduit!
(Les combattants s'éloignent les uns des
autres et baissent la tête, mais tiennent
encore leurs glaives dans leurs mains)
Air
Dieu puissant, daigne m'entendre,
Et d'un céleste rayon
Dans leurs âmes fais descendre
La clémence et le pardon!
(Aux combattants)
Avant que le ciel ne tonne
Courbez vos fronts prosternés,
Et pour que Dieu vous pardonne,
A vos frères pardonnez!
PIERRE
Dieu puissant, daigne m'entendre,
Et d'un céleste rayon
Dans leurs âmes fais descendre
La clémence et le pardon!
TOUS
(se prosternant)
C'est Dieu que je crois entendre;
C'est un céleste rayon
Qui dans mon cur fait descendre
La clémence et le pardon!
(Ils jettent tous leurs armes; le comte et
le baron s'empressent autour de Pierre)
PIERRE
Si longtemps ennemis,
jurez vous d'être frères!
LE COMTE, LE BARON
Mon père, qu'il soit fait ainsi que Dieu l'a dit!
PIERRE
Pour éteindre à jamais ces haines centenaires,
Voici ce que ce Dieu, par ma voix,
vous prescrit:
Vous ne formerez plus
qu'une même famille!
Vous, baron de Moldaw, donnerez votre fille,
Agnès, à Théobald...
(Montrant Luddorf)
L'aîné de ses deux fils.
(Le baron et le comte
étendent tous deux la main)
Vous le jurez?... c'est bien!...
(Leur prenant les mains qu'il joint)
que vos curs soient unis...
Comme vos mains!...
(Avec exaltation)
Chez l'Infidèle, O vaillant Théobald,
pour la croix tu combats!...
Et demain, mes amis,
nous suivrons tous ses pas!
CHUR
Oui, tous!
PIERRE
(Cabalette de l'air)
C'est Dieu qui vous appelle;
C'est contre l'infidèle
Qu'il faut, dans un saint zèle,
Marcher et vous unir!
A ceux qui savent croire,
Dieu promet, pour victoire,
La palme de la gloire
ou celle du martyr!
Oui, vers vous du Jourdain,
les tribus opprimées
Étendent leurs bras suppliants;
Marchons à leur secours,
et le Dieu des armées
Conduira nos pas triomphants!
CHUR
C'est Dieu qui nous appelle;
C'est contre l'Infidèle
Qu'il faut, dans un saint zèle,
Marcher et nous unir!
A ceux qui savent croire,
Dieu promet, pour victoire,
La palme de la gloire
Ou celle du martyr!
(A la fin de cet ensemble,
on entend un bruit de marche)
LE BARON DE MOLDAW
Quel est ce bruit?
LE COMTE DE LUDDORF
C'est la marche guerrière
Des Luddorf courant aux combats!
Mon second fils, Rodolphe
au secours de son père,
Amenait, de nouveaux soldats!
LE BARON DE MOLDAW
Il assistera, comte,
à l'hymen de son frère!
(Donnant la main au comte)
Venez!
à mon Agnès je veux
Apprendre le lien qui nous unit tous deux!
(Aux soldats de Luddorf)
Et vous, amis, aux combats faisant trêves,
Entrez, avec sécurité,
Dans ce château, que défendaient nos glaives,
Et qui vous est ouvert par l'hospitalité!
CHUR
Compagnons, bas les armes!
Plus de sang! plus de larmes!
Pleins d'un joyeux transport,
Buvons... chantons en frères;
Et que le choc des verres
Succède aux cris de mort!
(Ils entrent tous dans l'intérieur du château)
Scène Seconde
(Pierre, puis Rodolphe)
RODOLPHE
(entrant vivement et regardant autour
de lui la tour, qui dans ce moment
est déserte)
Nos ennemis vaincus
ont fui loin de ce lieu!
La victoire est à nous!
PIERRE
La victoire est à Dieu!
La paix va, grâce à lui,
succéder au carnage!
RODOLPHE
(avec joie)
Quoi! la paix?...
PIERRE
Oui; la main d'Agnès
en est le gage.
RODOLPHE
(troublé)
Ah! grand Dieu!
PIERRE
Votre frère, au retour des combats,
Doit l'épouser!
RODOLPHE
Cela ne sera pas!
Romance
Premier Couplet
En vain la discorde inhumaine
Habitait ce sombre séjour;
Mon cur, à leurs serments de haine,
Répondait par des vux d'amour!
(Avec chaleur)
Agnès, ma douce idole!
Ange qui me console,
On prétend que j'immole
L'espoir que j'ai formé!
(Avec exaltation)
Non, non, plutôt la guerre,
L'exil et la misère...
(A Pierre)
Car je l'aime, mon père!
Je l'aime et suis aimé!
PIERRE
Qu'as-tu dit?
RODOLPHE
Deuxième Couplet
(Plus animé)
Contre moi, le courroux céleste
A formé ces nuds que je hais!
Malgré moi, déjà, je déteste
Ce frère qu'autrefois j'aimais!
Si l'âme de ma vie,
Mon père, m'est ravie,
Si par la tyrannie
Mon cur est opprimé,
D'un père et du ciel même
Je brave l'anathème!
Car je l'aime... je l'aime...
Je l'aime et suis aimé!
PIERRE
Amour coupable que j'abhorre!
RODOLPHE
Qui veut contraindre Agnès
est plus coupable encore!
PIERRE
Et le salut de tous,
et la voix du devoir...
RODOLPHE
Est muette en un cur en proie au désespoir!
(Pierre le prenant par la main avec
compassion, et l'amenant au bord du
théâtre, sur la ritournelle du morceau
suivant)
Duo
PIERRE
Dieu nous commande l'espérance,
Et Dieu vous soutiendra, mon fils!
On est fort contre la souffrance
Quand on souffre pour son pays!
RODOLPHE
(avec désespoir)
C'est contre moi
qu'ils ont tourné leurs armes...
PIERRE
A sa patrie, il faut tout immoler!
RODOLPHE
(de même)
Que me restera-t-il?
PIERRE
Moi, pour sécher les larmes
Que l'amour aura fait couler!
RODOLPHE
Rien ne calme les maux
dont mon cur est victime!
PIERRE
Ici-bas, excepté du crime,
De tout on peut se consoler!
RODOLPHE
Non, non, en proie à la souffrance,
Je ne puis suivre vos avis!
Et désormais, sans espérance,
Mes jours sont proscrits et maudits!
PIERRE
Dieu nous commande l'espérance,
Et Dieu vous soutiendra, mon fils!
On est fort contre la souffrance
Quand on souffre pour son pays!
(Pierre sort par la droite. Rodolphe
tombe anéanti sur un quartier de rocher.
Agnès sort de l'intérieur du château)
Scène Troisième
(Rodolphe et Agnès)
AGNÈS
(s'avance timidement, aperçoit
Rodolphe et pousse un cri)
Rodolphe!...
RODOLPHE
(levant la tête)
Agnès!...
(Courant à elle et l'amenant par la main)
Dans tes yeux pleins de larmes,
Ah! je lis ton sort, et le mien!
Tu sais tout!
AGNÈS
Oui!... oui... la vie est sans charmes
Pour ce cur abattu, qui n'espère plus rien!
Duo
Mon père, d'un ton inflexible,
Hélas! a proscrit nos amours!
Et dans ce ciel sombre et terrible,
Pour nous il n'est plus de beaux jours!
RODOLPHE
A l'amour, rien n'est impossible!...
Si ton cur m'appartient toujours,
Pour nous, le ciel sombre et terrible,
Conserve encor quelques beaux jours!
AGNÈS
Au malheur comment nous soustraire?
RODOLPHE
Tous les deux fuyons dès ce soir...
AGNÈS
Braver l'autorité d'un père!...
RODOLPHE
Tout est permis au désespoir...
Sous le rempart du nord,
quand la nuit sera sombre,
Je t'attendrai!
AGNÈS
(tremblante)
Non, non!
RODOLPHE
A minuit!
AGNÈS
(avec effroi)
A minuit!
RODOLPHE
Quoi! tu frissonnes?...
AGNÈS
Cette nuit
Est celle où tous les ans son ombre
Parcourt ces murs épouvantés.
RODOLPHE
Quelle ombre?
AGNÈS
Écoutez! écoutez!
Avant minuit, les portes sont ouvertes
Pour le fantôme en habits blancs;
La Nonne sanglante, à pas lents,
Traîne ses pieds sur les dalles désertes.
Dans l'ombre on l'entend s'avancer;
La foudre roule, l'air se glace!
Respectez la Nonne qui passe!
Vivants, laissez la mort passer!
RODOLPHE
Comment! tu crois à cette fable?
AGNÈS
Rodolphe en vain vous en doutez,
On l'a vu, ce spectre effroyable!
RODOLPHE
Erreur!
AGNÈS
Écoutez! écoutez!
Sur ses habits, le sang tombe et ruisselle;
Son il est fixe et sans regard;
Sa main droite tient un poignard,
Et dans la gauche une lampe étincelle.
Livide on la voit s'avancer;
La foudre roule, l'air se glace:
Respectez la Nonne qui passe!
Vivants, laissez la mort passer!
RODOLPHE
Et tu peux croire à cette fable?...
AGNÈS
Rodolphe nous y croyons tous:
On l'a vu, ce spectre effroyable...
Eh bien, que me répondrez-vous?
RODOLPHE
A lamour rien nest impossible!
Si ton cur répond à mon cur,
Dans cette nuit sombre et terrible,
Pour nous peut briller le bonheur!
AGNÈS
Non, non! du destin inflexible
N'allons point braver la rigueur!
Redoutons la Nonne terrible
Dont le nom seul porte malheur!
RODOLPHE
Cette fable qui t'épouvante
Nous sauve, si tu veux te fier à ma foi!
AGNÈS
Je devrais mon bonheur
à la Nonne sanglanteNon, non!
RODOLPHE
Agnès, écoute-moi!
Lorsqu'a minuit les portes sont ouvertes,
En habits blancs, lil sans regard,
Tenant la lampe et le poignard,
Ose marcher sur les dalles désertes!...
Quand ils la verront s'avancer,
Fais, grand Dieu! que l'effroi les glace;
Grand Dieu! c'est mon Agnès qui passe!
Sous tes ailes fais-la passer!
AGNÈS
Braver le spectre au sortir de sa tombe!
RODOLPHE
Mais ce spectre n'existe pas!
AGNÈS
Je crois me sentir dans ses bras!
En y pensant, de terreur je succombe...
RODOLPHE
Si tu m'aimes, tu l'oseras!
Ensemble
RODOLPHE
(vivement)
O toi que j'adore!
O toi que j'implore!
Bien avant l'aurore
Il faut fuir tous deux!
L'amour, qui m'inspire,
Saura nous conduire.
Consens, ou j'expire
D'amour à tes yeux!
AGNÈS
Mon cur qui t'adore,
Te prie et t'implore!
Quand viendra l'aurore
Fuis seul de ces lieux!
Tu vas me maudire...
Et dans mon délire
Je t'aime!... et j'expire
De crainte à tes yeux!
Jamais!
RODOLPHE
A tes genoux je tombe!
AGNÈS
Jamais!
RODOLPHE
Surmonte cet effroi!
A minuit!...
AGNÈS
Prends-pitié de moi!
C'est insulter et le ciel et la tombe...
Laisse-moi! laisse-moi!
RODOLPHE
O toi que j'adore!
O toi que jimplore!
Bien avant l'aurore
Il faut fuir tous deux!
L'amour, qui m'inspire,
Saura nous conduire.
Consens, ou j'expire
D'amour à tes yeux!
AGNÈS
Mon cur, qui t'adore,
Te prie et t'implore!
Quand viendra l'aurore
Fuis seul de ces lieux!
Tu vas me maudire...
Et dans mon délire
Je t'aime!... et j'expire
De crainte à tes yeux!
(Rodolphe est aux genoux d'Agnès
et redouble ses instances)
Scène Quatrième
(Les précédents, le comte de
Luddorf, le Baron De Moldaw,
chevaliers, vassaux et vassales)
LUDDORF, MOLDAW
Que vois-je?...
AGNÈS
Il est perdu!
RODOLPHE
Mon père!
LUDDORF
Qui, lui! mon fils
aux genoux
De l'épouse de son frère!
RODOLPHE
C'est moi qui suis son époux!
Moi quelle aimait! moi qu'elle aime!
Je le déclare à la face de tous!
A la face de Dieu, notre juge suprême!
LUDDORF
(à Rodolphe)
Renonce à cet amour!
RODOLPHE
Plutôt cent fois mourir!
Dussé-je être frappé par la main de mon frère,
Plus encor
par votre colère,
Plutôt mourir que d'obéir!
LUDDORF
Eh bien donc,
sur ton front que tombe l'anathème!
Scène Cinquième
(Les precedents, Pierre, qui est
entré pendant ces derniers vers)
PIERRE
(à Rodolphe)
Ah! prêt à l'accabler, sur toi-même frémis!
L'anathème dun père
est celui de Dieu même!
AGNÈS
Et Rodolphe est votre fils!
LUDDORF
Un fils coupable! un fils rebelle!
Que la maison paternelle,
Que mon cur et mes bras
lui soient donc interdits!...
Va-t'en, je te maudis!
PIERRE, AGNÈS, CHUR
O terreur qui m'accable!
Arrêt inexorable
Qui punit un coupable
Sur qui mon cur gémit!
Qui prendra sur la terre
Pitié de sa misère,
Quand la voix de son père
Le frappe et le maudit?
LUDDORF, MOLDAW
Malheur au fils coupable!
D'un arrêt redoutable
C'est le ciel qui l'accable,
C'est Dieu qui le punit!
Loin de nous sur la terre
Qu'il traîne sa misère;
Le courroux de son père
Le frappe et le maudit!
RODOLPHE
C'en est fait, tout m'accable!
Par l'arrêt redoutable
Qui punit un coupable
Mon espoir est détruit.
Nul ami sur la terre
Ne reste à ma misère,
Car Agnès et mon père
M'ont proscrit et maudit!
RODOLPHE
Eh bien, je pars chassé...
je pars chassé loin d'elle!
Désespéré, maudit par la voix paternelle!
Mais contre tant de maux
où vous m'avez réduit,
Bientôt la mort...
AGNÈS
(tremblante et s'approchant
de Rodolphe lui dit à voix basse)
A minuit!
RODOLPHE
(avec transport)
A minuit!...
(avec joie)
O bonheur ineffable!
En mon sort misérable,
Quelle voix secourable
Tout à coup retentit!
Doux rayon qui m'éclaire,
Un ange tutélaire
Me reste sur la terre...
Je ne suis plus maudit!
AGNÈS
Je dois, quand tout l'accable,
Partager du coupable
Le destin misérable.
Il le sait
je l'ai dit!
Hélas! jai dû le faire:
Il na que moi sur terre,
Le courroux de son père
Le frappe et le maudit!
LUDDORF, MOLDAW
Malheur au fils coupable!
D'un arrêt redoutable
C'est le ciel qui l'accable,
C'est Dieu qui le punit.
Loin de nous sur la terre
Qu'il traîne sa misère;
Le courroux de son père
Le frappe et le maudit!
PIERRE, CHUR
O terreur qui m'accable!
Arrêt inexorable,
Qui punit un coupable
Sur qui mon cur gémit!
Qui prendra sur la terre
Pitié de sa misère,
Quand la voix de son père
L'a proscrit et maudit?
(Moldaw entraîne sa fille; Luddorf
renouvelle à Rodolphe l'ordre de
s'éloigner, tandis que les soldats et
vassaux de Luddorf, à genoux ou
tendant les bras vers lui, semblent
intercéder pour son fils, qui part
accompagné et soutenu par Pierre.
La toile tombe)
ACTE
DEUXIÈME
(Une rue sur laquelle donne la principale
cour du château.
Au fond le château, où
l'on monte par un large escalier. Une
grande grille sépare la cour du château
de la rue, et cette grille est ouverte)
Scène Première
(Hommes et femmes du peuple, à gauche,
devant une taverne et buvant; Urbain
couvert d'un manteau, et se promenant
en long et en large sur la place)
CHUR
Assez rire et boire!
Rentrons, mes amis,
Rentrons au logis,
Car la nuit est noire!
Assez rire et boire
De ce vin du Rhin
Dont le jus divin
Ote la mémoire!
URBAIN
Assez rire et boire!
Bourgeois, mes amis,
Rentrez au logis,
Car la nuit est noire!
Assez rire et boire
De ce vin du Rhin
Dont le jus divin
Ote la mémoire!
Mon maître va bientôt venir,
Car du rendez-vous voici l'heure!
Et pour regagner leur demeure
Ces bourgeois devraient déguerpir:
Comment donc les faire partir?
(S'adressant à un bourgeois)
Avant que minuit ne sonne
Soyons clos en nos logis!
Car voici lheure où la Nonne
Descendra de ce parvis!
LES BOURGEOIS
(effrayés)
Vous croyez... vous croyez?...
URBAIN
(montrant les grilles du fond que
des domestiques du palais ouvrent
en ce moment)
Voyez, suivant l'usage,
D'avance, sur son passage,
Un soin prévoyant et sage
Ouvre ces grilles d'airain,
Qu'elle briserait soudain!
CHUR
Partons, partons! hâtons nos pas!
Amis, ne nous exposons pas...
Assez rire et boire!
Rentrons, mes amis,
Rentrons au logis,
Car la nuit est noire!
Assez rire et boire,
De ce vin du Rhin
Dont le jus divin
Ote la mémoire!
(A demi-voix)
Je me sens glacé d'épouvante:
L'aspect de la Nonne sanglante
Peut, dit-on, donner le trépas!
Partons, partons! doublons le pas!
(Ils sortent par la gauche,
et la taverne se ferme)
Scène Seconde
URBAIN
(riant)
Nonne!... je te bénis....
tu les auras fait fuir!
Mon maître à présent peut venir!
Premier Couplet
L'espoir et l'amour dans l'âme,
Quand vient la nuit, qu'il est doux
D'attendre une noble dame
En un galant rendez-vous!
Bientôt elle va paraître,
De trouble le cur saisi...
Ah! qu'il est heureux, mon maître...
Que ne suis-je comme lui!
Deuxième Couplet
Dans ce char qui vous entraîne,
Muet et doux entretien,
Votre main est dans la sienne,
Votre cur bat près du sien!
L'aurore qui va renaître
Verra leur destin uni...
Ah! qu'il est heureux! mon maître,
Quand serais-je comme lui?
Scène Troisième
(Rodolphe et Urbain)
RODOLPHE
Tout est-il prêt?
URBAIN
Oui, mon maître!
RODOLPHE
Laisse-moi!...
URBAIN
(sortant par la droite)
J'attends là le signal du départ!
Scène Quatrième
(Rodolphe, puis La Nonne)
RODOLPHE
(seul, regardant l'escalier du palais)
Voici l'heure!..
bientôt mon Agnès va paraître,
Blanche nonne!... portant la lampe
et le poignard!
Air
Du Seigneur, pâle fiancée,
Toi, dont j'implore le secours,
Du fond de la tombe glacée,
Nonne, protège nos amours!
Viens! et protège nos amours!
Ainsi que nous, peut-être
Esclave des tyrans,
Ton cur a pu connaître
L'amour et ses tourments!
Du Seigneur, pâle fiancée,
Toi, dont j'implore le secours,
Du fond de ta tombe glacée
Nonne, protège nos amours!
(Écoutant)
Mais l'airain sonne!...
et de la voûte immense
Un pas lointain a troublé le silence.
Cavatine
(agitée)
Cest Agnès!... oui, cest elle!...
D'où vient donc que soudain
Une terreur mortelle
A fait battre mon sein?
Je tressaille et succombe
A l'horreur que je sens
Et le froid de la tombe
A glacé tous mes sens!
(La Nonne commence à
paraître au haut de l'escalier)
Ainsi que l'indiquait la légende fatale,
Voici bien le poignard...
la lampe sépulcrale,
Et la tache de sang
Qui souille son long voile blanc!
(Faisant quelques pas pour aller au
devant de la Nonne qui descend
lentement les marches de l'escalier)
Allons!... allons!...
C'est Agnès!... c'est elle!...
(S'arrêtant)
D'où vient donc que soudain
Une terreur mortelle
A fait battre mon sein?
Je tressaille et succombe
A l'horreur que je sens
Et le froid de la tombe
A glacé tous mes sens!
(Pendant cette reprise,
la Nonne s'est approchée de lui)
(A la Nonne)
Combien l'heure me semblait lente!
Agnès, Agnès!... enfin je te revoie!
Tu ne me réponds pas!
Immobile et
tremblante,
Craindrais-tu de me suivre?
Ah! calme ton effroi!
Agnès, toi qui mes chère
Je tengage ma foi!
Par le ciel et la terre,
Je jure d'être à toi!
LA NONNE
(d'une voix sépulcrale)
A moi!!!
RODOLPHE
(avec amour)
Toujours à toi!
(Lui prenant la main)
Ah! que ta main est froide!
(Il lui met au doigt son anneau)
LA NONNE
A moi!...
Toujours à moi!...
(Elle lui prend la main. Le tonnerre
gronde, les éclairs brillent et l'on
entend les mugissements de l'enfer)
RODOLPHE
Ah! je frissonne,
Et le ciel tonne!
L'éclair sillonne
Ce noir palais!
Vaine furie!...
(A la Nonne)
A toi, ma vie!
L'hymen nous lie et pour jamais!
Oui, sous mes pas la terre tremble...
Nimporte!... viens!...
fuyons ensemble!...
(En ce moment, Agnès, vêtue
de blanc, paraît au haut de
lescalier, à gauche)
Ah! je frissonne,
Et le ciel tonne!
L'éclair sillonne
Ce noir palais!
Vaine furie!...
A toi, ma vie!
Lhymen nous lie
Et pour jamais!
(Il disparaît par la droite, entraîné par la
Nonne et à la lueur des éclairs; la scène
se couvre de nuages; une musique infernale
se fait entendre. Le théâtre change et
représente les ruines d'un château gothique.
Une vaste salle d'armes, dont les croisées
et les portiques sont à moitié détruits. Au
milieu du théâtre, les débris d'une grande
table de pierre, et des sièges en pierre qui
sont couverts de lierre et de plantes
sauvages. La lune éclaire ce tableau et
laisse apercevoir au fond du théâtre et
au sommet du rocher un ermitage)
Scène Quinzième
(Rodolphe et Urbain entrant vivement par
la porte du fond qui est à moitié ruinée)
RODOLPHE
Récitatif
Effrayés par la foudre et l'ouragan terrible,
Nos chevaux, que lançait une main invisible,
Comme une flèche ont atteint les parois
De la roche escarpée où brillait autrefois
L'antique château de mes pères!
(Regardant autour de lui)
Séjour abandonné
ruines solitaires...
Sous vos sombres débris
cachez bien nos projets!
URBAIN
Et votre fiancée... Agnès?
RODOLPHE
Toujours silencieuse!...
et passant tout à l'heure
Auprès de la chapelle...
elle a quitté ma main!
D'effroi, tremblante,
elle est soudain
Tombée à genoux!...
elle pleure! Elle prie!...
un instant respectons son effroi?
(Prenant Urbain par la main et lui
montrant au fond du théâtre l'ermitage,
qu'on aperçoit de loin)
Au sommet du rocher et près des cieux,
habite Pierre, le pieux cénobite:
Je puis me fier à sa foi!
Va le chercher?... qu'il vienne,
Que dans le cur d'Agnès
Sa présence ramène
Le pardon et la paix!
(Urbain s'éloigne et disparaît
au milieu des ruines)
Scène Sixième
RODOLPHE
(seul)
Remparts qu'avait bâtis Rodolphe
notre ancêtre!
Tombeaux de mes aïeux,
que je foule peut-être!...
Quel forfait impuni
vous a donc renversés?
Qui couvrit vos lambris
de ronces et de lierre?
Et ne devez-vous plus,
sortant de la poussière,
Retrouver votre gloire
et vos honneurs passé?...
(La lune disparaît; les portiques et les
croisées en ruine reprennent leur forme
et leur élégance premières. Les débris
de la table de pierre se changent en une
vaste table couverte de mets et richement
servie. Tout autour, des sièges nombreux.
Les flambeaux qui couvrent la table
s'allument tout à coup, ainsi que les
candélabres qui garnissaient la salle
d'armes, et à l'obscurité succède l'éclat
des flambeaux, des dorures et des faisceaux
d'armes qui brillent de toutes parts; mais
tout ce changement s'est fait silencieusement)
(Se retournant et poussant un cri)
Ah!... je revois ces lieux connus
de mon enfance!...
La salle du banquet
aux convives nombreux!
Mais aujourd'hui... déserte... immense...
Je n'entends plus leurs cris joyeux!
(On entend un chant souterrain, sombre
et mystérieux. Paraissent à toutes les
portes de la salle des seigneurs et des
dames richement habillés, mais d'une
pâleur effrayante et ne faisant presque pas
de mouvements, ils glissent plutôt qu'ils
ne marchent, et s'avancent lentement)
CHUR
(à demi-voix)
Les morts reviennent;
Ils se souviennent
De leurs beaux jours,
De leurs amours!
Nouvelle fête
Pour nous s'apprête:
Fuyez nos pas...
N'approchez pas!...
RODOLPHE
(les regardant)
Prodige qui confond ma raison
et mes yeux,
Ces traits que j'admirais
sur leurs portraits antiques,
Ces traits décolorés
sont ceux de mes aïeux!
(S'avançant vers eux)
Ombres que je révère, ancêtres glorieux,
Parlez!... Qui vous ramène
aux foyers domestiques?
Répondez-moi?...
Sombres, silencieux!...
Ils s'asseyent...
(Les seigneurs et les dames se sont
assis en silence. Des pages, des écuyers,
des hommes d'armes, à la figure pâle et
livide, les servent sans proférer une parole)
(Les contemplant avec effroi)
De vin leur coupe s'est remplie!
Mais, convives glacés,
à peine si ces lieux
Ont retenti du bruit
de leur muette orgie!...
CHUR
(à voix basse)
Les morts reviennent;
Ils se souviennent
De leurs beaux jours,
De leurs amours!
Nouvelle fête
Pour nous s'apprête:
Fuyez nos pas
N'approchez pas!...
Scène Septième
(Les précédents, La Nonne, toujours
voilée et s'avançant lentement)
RODOLPHE
(allant à elle)
Agnès, où sommes-nous?...
et quelle destinée
Les a tous rassemblés ici?
LA NONNE
Notre hyménée!
RODOLPHE
Qui sont-ils?
LA NONNE
Nos témoins!... regarde!...
RODOLPHE
(regardant un chevalier qui se lève)
Ah! qu'ai-je vu
Mon frère, auprès de moi!...
Frère, que me veux-tu?
Réponds?
LA NONNE
Il ne le peut!...
atteint par le trépas,
Il possède une tombe,
et moi je n'en ai pas!
RODOLPHE
Eh! qui donc êtes-vous?
LA NONNE
Moi!... la Nonne sanglante!
RODOLPHE
O ciel!...
LA NONNE
Ta fiancée!...
oui, voilà, ton anneau
Qui tous deux nous unit
par delà le tombeau!
RODOLPHE
O terreur!
LA NONNE
Tu l'as dit:
« Agnès, toi qui m'es chère,
« Je t'engage ma foi...
« Par le ciel et la terre
« Je jure d'être à toi!...»
RODOLPHE
Sous moi tremble la terre,
Et je me meurs d'effroi!
CHUR
Par le ciel et la terre
Il engagea sa foi!
LA NONNE
«Agnès, toi qui m'es chère,
«A toi! toujours toi!»
LA NONNE
(lentraînant)
Unis par le trépas,
Viens... viens... tu me suivras!
RODOLPHE
Ah! qui me sauvera?
Scène Huitième
(Les précédents, Pierre L'ermite, amené
par Urbain et paraissant à la porte du
fond, tenant une croix à la main)
PIERRE
Mon bras qui te protège,
Et Dieu qui nous défend!
(Étendant la croix vers les fantômes)
Du tombeau, funèbre cortège;
Rentrez dans le néant!
(Les flambeaux s'éteignent. Les riches
lambris disparaissent et font place aux
ruines. La lune voilée par des nuages
éclaire seule le théâtre)
LA NONNE
(montrant Rodolphe)
Lui seul, impie et sacrilège,
Mappartient... et sa foi
Je la réclamerai!
RODOLPHE
Mon Dieu! protégez-moi!
LA NONNE
Toujours à moi!
CHUR
(des fantômes, qui
disparaissent peu à peu)
Les morts reviennent;
Ils se souviennent
De leurs beaux jours,
De leurs amours!
LA NONNE
A moi
toujours!
RODOLPHE
(avec désespoir)
Toujours!!!
(La Nonne et les fantômes s'abîment
sous terre ou derrière les ruines, et
Rodolphe évanoui, est tombé dans les
bras d'Urbain. La toile tombe)
ACTE
TROISIÈME
(Une chambre rustique, en Bohême. A
gauche, une
grande porte ouverte
donnant sur une forêt qui entoure, la
ferme. Au fond, deux croisées; entre
les croisées, un lit de repos. A droite,
sur le premier plan, une table,
quelques chaises)
Scène Première
(Au lever du rideau, des ménétriers placés
à gauche exécutent un air de valse. Fritz
et Anna de jeunes paysannes et de jeunes
paysans bohémiens entrent en valsant)
CHUR
Valsez sous lombrage,
Filles du village;
L'archet retentit,
Et le jour finit!
Que la valse est belle!
Rapide comme elle,
Le plaisir va fuir...
Sachons le saisir!
ANNA
(montrant la forêt
qu'on aperçoit au fond)
La lune brille,
L'herbe scintille;
La jeune fille,
A demi-voix,
Gaîment répète
La chansonnette
Que la fauvette
Disait au bois:
Ah! ah! ah! ah! ah!
CHUR
Valsez sous l'ombrage,
Filles du village;
L'archet retentit,
Et le jour finit!
Que la valse est belle!
Rapide comme elle,
Le plaisir va fuir...
Sachons le saisir!
(L'air de danse continue toujours;
les jeunes gens et les jeunes filles
sortent de la chambre ou y rentrent en
valsant. Au fond, sous les arbres de la
forêt, on aperçoit plusieurs groupes
qui valsent aussi)
FRITZ
(sadressant aux paysans)
Demain, j'épouse Ana,
ma fiancée!
ANNA
Et nous dansons, par avance, aujourd'hui!
FRITZ
Rêves d'amour
enivrent ma pensée!...
Demain, elle est à moi
ANNA
Quel bonheur d'être à lui!
Ensemble
Sur nos tapis de mousse,
Combien la valse est douce!
Combien ses gais accents
Deviennent enivrants,
Quand de son amoureuse,
Émue et gracieuse,
Le jeune et beau valseur
Sent palpiter le cur!
TOUS
Valsez sous l'ombrage,
Filles du village;
L'archet retentit
Et voici la nuit!
Que la valse est belle!
Rapide comme elle,
Le plaisir va fuir
Sachons le saisir!
(Au milieu du chur général des
danseurs et des chanteurs, Urbain
paraît à la porte du fond)
Scène Seconde
(Les précédents, Urbain; puis Rodolphe)
URBAIN
On m'a dit qu'en ces lieux
je trouverais mon maître.
FRITZ
Un étranger...
ANNA
Un jeune et beau seigneur...
FRITZ
Que nous avons reçu
sous notre toit champêtre?
URBAIN
Lui-même.
FRITZ
Ah! jour et nuit,
profonde est sa douleur!
URBAIN
Je la connais,
et viens la changer en bonheur!
Premier Couplet
Un page de ma sorte,
Page leste et joyeux,
D'ordinaire napporte
Que messages heureux!
A l'usage fidèle,
J'annonce une nouvelle
Qui comblera ses vux
Cette heureuse nouvelle,
Quelle est-elle?
Quelle est-elle?
(Aux paysans et paysannes qui l'entourent)
Ah! vous en êtes curieux?
(A Anna)
Vraiment, vraiment, ma toute belle?
Eh bien, eh bien, je vous le dis tout bas,
Rassurez-vous... vous ne le saurez pas!
Deuxième Couplet
De cet heureux message,
A bon droit, je suis fier!
Et Monseigneur, je gage,
Me le paiera bien cher!
(Aux paysannes et paysans)
Vous voulez le connaître
Pour le dire mon maître;
Les amoureux
Sont toujours généreux!
Ma nouvelle est si belle...
Quelle est-elle?
Ah! vous en êtes curieux?
Vraiment, vraiment, je comprends votre zèle:
Eh bien, eh bien, je vous le dis tout bas,
Tra, la, la... vous ne le saurez pas!
(Apercevant Rodolphe qui
entre et courant à lui)
Ah! mon maître, c'est vous!
la fortune jalouse,
Par un brusque retour
comble tous vos souhaits!
Vos parents désarmés
vous accordent Agnès!
RODOLPHE
(poussant un cri de joie)
Je n'ose y croire... Agnès!...
URBAIN
Votre Agnès pour épouse!
RODOLPHE
Et comment?
URBAIN
Théobald, par un coup imprévu,
Frappé dans les combats...
RODOLPHE
(avec effroi)
Ah! c'est lui que j'ai vu!
C'est lui qui, délaissant sa couche sépulcrale,
Assistait, sombre et pâle, à l'union fatale
Dont j'étais la victime!... O mon frère!
ô douleur!...
(Aux villageois)
Un instant seul avec mon page
Laissez-moi, mes amis
(La valse reprend. Fritz, Anna et les
valseurs sortent tous par la porte du
fond, qui se referme)
Scène Troisième
(Urbain et Rodolphe. Rodolphe est retombé
assis près de la table, à droite; Urbain
contemplant avec surprise son air rêveur,
s'approche de lui)
RODOLPHE
(à part)
Au milieu de l'orage,
Cette lueur d'espoir,
cet éclair de bonheur,
Du sort qui me poursuit
redouble encor l'horreur!
Duo
Malheur au fiancé de la
Nonne sanglante!
URBAIN
Que dites-vous, maître?
que dites-vous?
RODOLPHE
As-tu donc oublié
cette nuit dépouvante,
Où le spectre, de moi,
reçut lanneau dépoux?
Depuis lors, ô prodige,
où ma raison succombe,
Tous les soirs
oui
tous les soirs, à minuit,
Le fantôme sort de sa tombe
Et vient, pâle et glacé,
sasseoir près de mon lit!
URBAIN
(effrayé)
Tous les soirs!...
RODOLPHE
Tous les soirs!
URBAIN
A minuit!
RODOLPHE
A minuit!
Ensemble
URBAIN
O terreur qui m'oppresse!
D'une telle maîtresse,
D'un pareil rendez-vous,
Mon cur n'est pas jaloux!
Dieu veillera sur nous,
Mon maître, calmez-vous!
RODOLPHE
Tourment terrible qui m'oppresse,
Devant moi son ombre se dresse,
Et vient, pâle, au rendez-vous
Donné par l'enfer en courroux!...
(Avec délire)
Va-ten!... va-t'en!...
fuis loin de nous!
Chaque nuit la ramène!...
et sa voix vengeresse,
Me rappelant ma fatale promesse:
« A toi
toujours à toi
même après le tombeau!...
« Tu las dit, tu l'as dit... et voici ton anneau!
« Des serments la tombe est jalouse
« Et nulle autre que moi ne sera ton épouse!...
URBAIN
(effrayé)
A toi!...
RODOLPHE
Toujours à toi!
URBAIN
Même après le tombeau!
RODOLPHE
Même après le tombeau!
Ensemble
URBAIN
O terrible promesse!
D'une telle maîtresse,
D'un pareil rendez-vous,
Mon cur n'est pas jaloux!
Dieu veillera sur nous,
Mon maître, calmez-vous!
RODOLPHE
Tourment terrible qui m'oppresse,
Devant moi son ombre se dresse!
Et vient, fidèle au rendez-vous
Donné par l'enfer en courroux!
(Avec délire)
Va-t'en!... va-t'en!...
fuis loin de nous!
URBAIN
Du vain délire où votre âme s'agite
Bientôt vont fuir les sinistres vapeurs;
Bientôt, pour vous, Pierre le saint ermite
Va de l'enfer conjurer les fureurs!
Oui, croyez-moi,
mon maître, mon doux maître,
Devant le jour se dissipe la nuit.
Et le malheur va pour vous disparaître
Devant l'amour
qui brille et vous sourit!
(Gaiement)
Reprenez courage!
Un ciel sans nuage
Succède à l'orage
Qui fuit pour toujours!
Plaisir et tendresse
Et noble maîtresse
De votre jeunesse,
Vont charmer les jours!
RODOLPHE
Reprenons courage!
Pour nous plus d'orage!
Croyons-en mon page,
Croyons aux beaux jours!
Plaisir et tendresse
Et douce maîtresse
Vont de ma jeunesse
Embellir le cours!
URBAIN
Pierre a parlé! pour la croisade sainte
Tous nos chevaliers vont partir!...
Mais avant de quitter l'enceinte
Du manoir paternel, il prétend vous unir
A votre Agnès!...
RODOLPHE
(poussant un cri de joie)
O ciel!
URBAIN
(gaiement)
Déjà, de cette fête,
Par ses soins empressés,
la pompe au loin s'apprête!
Aux noirs habits de deuil,
a pourpre a succédé!
Les ménestrels, les chants, la danse,
et mieux encore,
Votre Agnès vous attend!...
aussi, par moi guidé,
Dès demain vous partez,
au lever de l'aurore!...
Et je vais jusque-là valser en attendant...
RODOLPHE
(hors de lui)
Est-ce un rêve?
URBAIN
(riant)
Eh! non vraiment!
Reprenez courage!
Un ciel sans nuage
Succède à l'orage
Qui fuit pour toujours!
Plaisir et tendresse
Et noble maîtresse
De votre jeunesse
Vont charmer les jours!
RODOLPHE
Reprenons courage!
Pour nous plus dorage!
Croyons-en mon page
Croyons aux beaux jours!
Plaisir et tendresse
Et belle maîtresse
Vont de ma jeunesse
Embellir le cours!
(Urbain s'élance en courant par la porte
du fond, qu'il referme sur lui)
Scène Quatrième
RODOLPHE
(Seul sur une ritournelle douce et suave,
il va ouvrir la fenêtre, semble aspirer la
fraîcheur de la forêt et respirer plus
librement)
Air
Un air plus pur,
Un ciel d'azur
Brille à ma vue!
Rêve d'amour,
Calme en ce jour
Mon âme émue!
A son fils malheureux,
Mon père enfin pardonne!
Et le pardon des cieux
Autour de moi rayonne!
Un jour plus pur,
Un ciel d'azur
Brille à ma vue!
Rêve d'amour,
Calme en ce jour
Mon âme émue!
(Regardant autour de lui)
Mais la nuit s'avance...
(Avec crainte)
La nuit!!
Et bientôt va sonner minuit!
Si, comme à l'ordinaire...
et sanglante et terrible...
La Nonne apparaissait...
(Écoutant)
Si j'entendais ses pas!...
(Se rassurant)
Non, non, c'est impossible!...
Ce soir... elle ne viendra pas!
(S'approchant de la fenêtre, et entendant
au dehors l'air de valse qui reprend, il
regarde et dit)
La lune brille,
L'herbe scintille;
La jeune fille,
A demi-voix,
Gaîment répète
La chansonnette
Que la fauvette
Disait au bois!...
(Avec joie, et refermant la fenêtre)
Elle ne viendra pas!...
ici tout me rassure!
Et le calme de la nature
A passé dans mes sens!...
Un air plus pur,
Un ciel d'azur
Brille à ma vue!
Rêve d'amour
Charme en ce jour
Mon âme émue!
(Minuit sonne. A la musique gracieuse
succède une musique sombre et terrible.
Les pas du spectre se font entendre.
La muraille à droite s'ouvre d'elle-même,
et laisse passer la Nonne qui s'avance
lentement. Rodolphe glacé d'effroi,
tombe assis sur le lit et reste immobile)
Scène Cinquième
(Rodolphe, La Nonne)
Duo
LA NONNE
Me voici moi, ton supplice!
J'ai ta foi, j'ai ton anneau!
Le ciel veut qu'on accomplisse
Les serments faits au tombeau!
RODOLPHE
Au tourment de te voir
qui donc m'a condamné?
Nonne! que t'ai-je fait?
LA NONNE
A moi, tu t'es donné!
Agnès! Agnès!
à toi, toute ma vie!...
As-tu dit!
RODOLPHE
A l'enfer, je n'ai point fait de vu!
LA NONNE
Ni moi, ni moi!
je n'appartiens qu'à Dieu!
Coupable comme toi, ma faute...
je l'expie!
RODOLPHE
Puis-je t'aider à l'expier?
LA NONNE
Oui!
RODOLPHE
Comment donc briser
le pacte qui nous lie?
LA NONNE
(levant son voile et montrant la tache de
sang qui est à lendroit du cur)
En immolant mon meurtrier!...
Jusque-là...
Je viendrai moi, ton supplice!
J'ai ta foi, j'ai ton anneau!
Le ciel veut qu'on accomplisse
Les serments faits au tombeau!
RODOLPHE
Pour finir un tel supplice,
Pour reprendre mon anneau,
Que faut-il que jaccomplisse?
Je te suis jusqu'au tombeau!
Oui, j'irai jusquau tombeau!
Eh bien!
ce meurtrier?...
LA NONNE
Tu sauras tout!
(Cherchant à rappeler ses souvenirs)
Attends...
A la guerre... on disait: il a perdu la vie...
Dans le cloître
où sa mort me conduisait... j'apprends
(Avec joie)
Qu'il existe!...
(Avec colère)
Qu'il se marie!...
J'accours... lui rappeler notre amour...
ses serments!
Et lui!... pour s'épargner
une importune plainte...
(Montrant la plaie qu'elle a au cur)
Il m'a frappée!!!
Oui, sans remords, sans crainte!
Moi qui l'aimais!...
RODOLPHE
(vivement)
L'infâme!
LA NONNE
N'est-ce pas?
RODOLPHE
Quel est-il?
LA NONNE
Tu le sauras!
RODOLPHE
Et je le vengerai!
LA NONNE
C'est bien!
Tiens ton serment!
et je tiendrai le mien
LA NONNE
Oui, qu'il succombe!...
Oui, que la tombe
A mon destin
L'unisse enfin!
Et tes serments
Je te les rends!
RODOLPHE
(avec joie)
Oui! s'il succombe,
Oui! si la tombe
A ton destin
L'unit enfui!
Tous mes serments
Tu me les rends!
(avec exaltation)
Ah! je serai ton chevalier!
Je punirai ton meurtrier...
Son nom?
son nom?
LA NONNE
Tu le sauras demain!
RODOLPHE
(avec joie)
Et je serai donc libre enfin!...
LA NONNE
Adieu, Rodolphe...
à demain!...
A minuit!...
à demain!!
LA NONNE
Oui, qu'il succombe!...
Oui, que la tombe
A mon destin
L'unisse enfin!
Et tes serments
Je te les rends!
RODOLPHE
(avec joie)
Oui, sil succombe...
Oui, si la tombe
A ton destin
L'unit enfui!
Tous mes serments
Tu me les rends!
LA NONNE
(s'éloignant)
A minuit!...
à demain!...
(Au moment où la Nonne s'éloigne et où
Rodolphe hors de lui et anéanti, vient de
se laisser tomber sur le lit, on entend en
dehors l'air de valse qui reprend)
Ensemble
URBAIN
(en dehors, frappant à la porte)
Mon maître!... mon doux maître,
L'aurore va paraître!
Partons, partons gaîment
Au manoir paternel,
où l'amour vous attend!
CHUR
(en dehors)
Valsez sous l'ombrage,
Filles du village,
Voici le retour,
Le retour du jour!
Que la valse est belle!
Rapide comme elle,
Le plaisir va fuir...
Sachons le saisir!
RODOLPHE
Suis-je éveillé?... Suis-je vivant?
Veille sur moi, Dieu tout-puissant!
Ah! c'est Urbain.
(Revenant à lui)
Eh oui.... vraiment,
C'est Agnès...
c'est l'amour qui m'attend!
(Rodolphe se lève en chancelant, et au
moment où il va ouvrir la porte à Urbain
la toile tombe)
ACTE
QUATRIÈME
(Les jardins du comte de Luddorf. Tout
y est disposé pour les fêtes du mariage)
Scène Première
(Le Comte De Luddorf, Le Baron De
Moldaw, chevaliers et seigneurs des
deux familles, assis autour d'une table.
écuyers et valets, places derrière eux)
LUDDORF
Premier Couplet
Bons chevaliers,
vaillants hommes d'armes,
Mes compagnons
dans les jours d'alarmes,
Déposons tous le fer et l'airain!
Que le hanap brille en votre main!
A la rescousse! hymen! hyménée!
C'était le cri de nos bons aïeux,
Et nous, amis, leur noble lignée,
Comme eux chantons!
et buvons comme eux!
CHUR
Pour imiter nos braves aïeux,
Comme eux chantons!
et buvons comme eux!
LUDDORF
Deuxième Couplet
Si, trop longtemps,
guerres inhumaines
Ont dévasté nos tristes domaines,
Que Mars s'éloigne!...
et qu'en ce séjour,
Gaîment l'amour guerroie à son tour!
A la rescousse! hymen! hyménée!
C'était le cri de nos bons aïeux,
Et nous, amis, leur noble lignée,
Comme eux chantons!
et buvons comme eux!
CHUR
Pour imiter nos braves aïeux,
Comme eux chantons!
et buvons comme eux!
Scène Seconde
(Les précédents, Urbain, Fritz, Anna
troupe de paysans bohémiens et de
jeunes bohémiennes en habits de noce)
URBAIN
(amenant Anna qui
résiste et n'ose entrer)
Venez, notre charmante hôtesse!
Venez, et ne craignez rien!
LUDDORF
Qu'est-ce?
URBAIN
De jeunes fiancés,
dont le cur généreux
Accueillit votre fils
souffrant et malheureux!
LUDDORF
Je leur dois une récompense!
URBAIN
(à demi-voix)
Et de plus, Monseigneur,
au loin dans le pays,
d'Anna la gitana
l'on vante la science!
LUDDORF
(montrant Fritz et Anna)
En même temps que celui de mon fils,
Je veux que lon célèbre ici leur mariage!
FRITZ
Dieu! quel honneur!
ANNA
Je n'ose y croire!
LUDDORF
(lui tendant la main)
Que ma main
De ma promesse soit le gage!
ANNA
(baise la main que lui tend le
comte, puis le regarde avec
attention et pousse un cri)
Ah! grand Dieu! qu'ai-je vu?
(Elle s'éloigne avec crainte)
URBAIN
(courant à elle à la droite du théâtre,
pendant que le comte de Luddorf et les
seigneurs se sont remis à table
à gauche)
D'où te vient soudain
Le trouble qui tagite?
ANNA
O colère céleste,
Qui me glace de crainte!...
(Bas, à Fritz)
En ce jour... et comme eux
Nous marier... jamais!...
(A demi-voix, à Urbain)
Car cet hymen funeste
N'aura pas lieu!
URBAIN
(riant)
Folie!
(Lui montrant Rodolphe et Agnès, qui
s'avancent par le fond du théâtre, suivis
dune escorte nombreuse)
Ils viennent tous les deux,
Ces heureux fiancés,
pleins de joie et d'ivresse!
LUDDORF
(aux conviés)
Ils viennent partager
vos danses et vos jeux
Avant qu'à nos autels,
consacrant leur tendresse,
La voix du prêtre saint
ne descende sur eux!
Scène Troisième
(Le Baron De Moldaw, et ses chevaliers
se placent à gauche et au fond du théâtre;
Rodolphe et Agnès s'asseyent à droite;
près d'eux et debout, Urbain, Fritz, Anna
On a enlevé la table où buvaient les
chevaliers. Les jardins du comte de
Luddorf sont de tous côtés ornés de fleurs
et illuminés. Les Dames Et Seigneurs des
environs, en costume de gala, arrivent
successivement pour prendre part à la fête,
et sont reçus par le comte de Luddorf, qui
plusieurs fois entre, sort et donne des
ordres pendant le divertissement suivant.
Ballet où l'on exécute tour à tour des
danses bohémiennes, moraves, hongroises
et styriennes. Vers la dernière partie du
ballet, la grande horloge du château sonne
lentement minuit. Rodolphe qui était à
droite, assis à côté d'Agnès, se lève et fait
vivement quelques pas au bord du théâtre)
RODOLPHE
(avec agitation, et pendant
que minuit sonne)
Minuit!
(Se rassurant et s'efforçant de sourire)
Quelle terreur vient encor me saisir!
Au milieu de la fête,
et des danses bruyantes...
Et des lampes étincelantes...
Le spectre noserait venir!
(Au moment où le dernier coup de minuit
s'est fait entendre, un nuage de gaze
descend derrière Rodolphe et le sépare
de la foule; cet obstacle transparent qui
le retient nempêche pas dapercevoir le
bal, lequel continue toujours pendant la
scène suivante. Les jardins du fond
restent illuminés, mais la rampe, qui est
sur le devant du théâtre, séteint, et
Rodolphe voit à côté de lui sélever
lombre de la Nonne, visible pour lui
seul, invisible pour tous les autres)
Scène Quatrième
(Les précédents, La Nonne, se plaçant
silencieusement à côté de Rodolphe
pendant que, dans le fond, différents
groupes de danses continuent à se
former, et que l'on entend toujours
dans le lointain et en sourdine
l'orchestre du bal)
RODOLPHE
(épouvanté)
Encor toi!...
ma persécutrice!
LA NONNE
N'avais-je pas dit: A demain!
RODOLPHE
Tu devais finir mon supplice!
LA NONNE
Et toi, punir mon assassin!
RODOLPHE
(avec impatience)
Montre-moi donc alors ce chevalier terrible!
A quel signe, réponds,
le connaîtrais-je enfin?
LA NONNE
Invisible pour tous,
et pour toi seul visible,
Apparaîtra sur son sein
La croix de sang
que je porte moi-même.
(La lui montrant)
Tiens, regarde!...
RODOLPHE
(avec force et étendant la main)
Sur moi que tombe l'anathème
Si mon bras ne l'immole!
LA NONNE
(étendant aussi la main)
Et moi, je te permets
Dès qu'il ne sera plus,
d'épouser l'autre Agnès!
(La Nonne disparaît. Le nuage de gaze
remonte, la lumière revient sur le
devant du théâtre. Rodolphe encore
sous l'impression du rêve quil vient de
subir, regarde autour de lui et
contemple d'un air étonné les danses
qui l'entourent et qui ont repris un
caractère plus animé. Succombant à
ses émotions, il porte la main à ses
yeux et chancelle; Agnès, qui est
accourue près de lui, le soutient et ne
le quitte plus)
AGNÈS
Qu'as-tu donc?
et quel trouble
au moment du bonheur!...
RODOLPHE
(cherchant à se remettre
de son émotion)
Il est des biens si doux,
que plus on les désire
Plus on craint de les perdre!
AGNÈS
(avec tendresse)
A toi seul est mon cur!
Oui, je t'aime!...
et je puis maintenant te le dire!
De t'aimer sans cesse,
Je vais, quelle ivresse!
Te faire à l'autel
Le vu solennel!
Loi chère et suprême
Qui, devant Dieu même,
Du plus doux espoir
Me fait un devoir!
RODOLPHE
O sombre tristesse,
Tourment qui m'oppresse!
A la voix du ciel
Fuyez de l'autel!
Viens, serment suprême,
Qui, devant Dieu même,
Du plus doux espoir
Me fait un devoir!
Scène Cinquième
(Les précédents, Le Comte De
Luddorf, Pierre L'ermite suivis
d'un cortège religieux)
Finale
PIERRE
Oublions tous les discordes passées!
Que les haines soient effacées!
Au pied des saints autels,
un Dieu juste et clément
Veut, par cet hymen éclatant,
Ne faire de vous tous
qu'une seule famille!
MOLDAW
(tendant la main à Rodolphe)
Mon noble gendre, on nous attend!
LUDDORF
A moi d'offrir la main
à ma nouvelle fille!
(Il ouvre le manteau d'hermine qui le
couvre pour offrir la main à Agnès, et
Rodolphe qui dans ce moment est placé
en face de lui, aperçoit sur le sein de son
père la croix de sang désignée par la
Nonne)
Ensemble
RODOLPHE
O terreur!...
TOUS
Qu'a-t-il donc?...
RODOLPHE
Je frémis!
TOUS
Réponds-nous?
RODOLPHE
Qu'ai-je vu?
TOUS
Quel effroi...
RODOLPHE
Dieu vengeur!
TOUS
Quel courroux!
(Dialogué)
LE CHUR
Qu'a-t-il donc?
Quel effroi!...
Réponds-nous!
Réponds-nous!
RODOLPHE
Du forfait...
Preuve horrible!...
A mes yeux
Cachez-vous!...
Ensemble
(Avec explosion générale)
RODOLPHE
C'est mon père! c'est lui!
Et d'horreur j'ai frémi!
Oui, l'enfer à ma main
Vient livrer lassassin!
J'avais fait le serment
De répandre son sang...
De ce crime dépend
Le bonheur qui m'attend!
(Avec fureur)
Non! plutôt le parjure,
Et fuyons loin d'eux tous!
Effroi de la nature
Et du ciel en courroux!
LE CHUR
C'est Rodolphe! c'est lui
Dont la main a frémi!
Il hésite soudain...
Il s'arrête incertain...
Quel dessein menaçant,
Quel soupçon offensant
Le saisit à l'instant
Où l'hymen les attend?
(Avec explosion)
Si c'était un parjure,
Par notre honneur à tous,
Il doit pour cette injure
Expirer sous nos coups!
AGNÈS ANNA, URBAIN, FRITZ
C'est Rodolphe! c'est lui
Dont le cur a frémi!
Il se trouble soudain....
Il s'arrête incertain...
O misère! ô tourment!
Lui qui maime, comment
Lui qui laime, comment
Hésiter à linstant
Où l'hymen nous attend!
Où l'hymen les attend!
(Avec douleur)
Supplices que jendure,
Supplices quelle endure,
Mon cur vous brave tous,
Son cur vous brave tous,
Excepté le parjure
D'un amant, dun époux!
PIERRE
(à Rodolphe quil prend par la main)
Quand l'autel est prêt...
qui t'arrête?
RODOLPHE
(hors de lui)
Qui marrête?... ne vois-tu pas
La foudre au-dessus de ma tête,
Et labîme ouvert sous mes pas?
Serment fatal...
dont je suis la victime!...
Sil me faut obtenir mon bonheur
par un crime,
(En sanglotant)
Je ne le puis... plutôt mourir, hélas!
Mais cet hymen...
TOUS
Eh bien?...
RODOLPHE
Ne s'accomplira pas!
Reprise du motif
AGNÈS
(s'élançant près de lui)
Qu'as-tu dit?
RODOLPHE
O tourments!
AGNÈS
C'est par toi
RODOLPHE
Dieu vengeur!
AGNÈS
Que nos nuds...
RODOLPHE
Je frémis!
AGNÈS
Sont rompus!
RODOLPHE
O terreur!
AGNÈS
Et pourquoi?
Par pitié...
Réponds-nous!...
Réponds-nous!...
RODOLPHE
Sous mes pas...
Par pitié
Sombre abîme...
Ouvrez-vous!
C'est mon père! c'est lui!
De terreur j'ai frémi!
Oui, l'enfer à ma main
Vient livrer l'assassin!
J'avais fait le serment
De répandre son sang!
De ce crime dépend
Le bonheur qui m'attend!
(Avec fureur)
Non, plutôt le parjure,
Et fuyons loin deux tous!
Effroi de la nature,
Et du ciel en courroux!
LE CHUR
Nuds sacrés! quoi! c'est lui
Qui vous brise aujourd'hui!
Quoi! d'un cur inhumain,
Il refuse sa main!
Il trahit son serment,
Et l'hymen qui l'attend...
Un affront si sanglant
Veut du sang... oui, du sang!...
(Avec explosion)
Et félon et parjure,
Par notre honneur à tous,
Il doit pour cette injure
Expirer sous nos coups!
AGNÈS
Nuds sacrés! quoi! c'est lui
Qui vous brise aujourd'hui!
Il refuse, inhumain,
Mon amour et ma main!
Il trahit son serment,
Et mon cur, cependant,
Tremble encore et défend
Celui que j'aimais tant!
O tourments que j'endure,
Mon cur vous bravait tous,
Excepté le parjure
D'un amant, d'un époux!
LES CHEVALIERS
(des deux partis, tirant l'épée
du fourreau, et se rangeant, les
uns autour de Moldaw, les
autres de Luddorf)
Plus de paix! plus de trêve!
En nos mains que le glaive
Venge enfin les affronts
Dont rougissent nos fronts!
Au combat! au combat!...
le ciel sera pour nous!
PIERRE
(s'élançant au milieu d'eux)
Insensés!... furieux!...
le ciel vous maudit tous!
CHUR
Plus de paix! plus de trêve!
E nos mains que le glaive
Venge enfin les affronts
Dont rougissent nos fronts!
Au combat! au combat!...
le ciel sera pour nous!
(Les chevaliers ennemis vont s'élancer
l'un sur l'autre; Agnès et les dames se
jettent au devant de leurs pères ou de
leurs maris, et Pierre au milieu d'eux
tous. La toile tombe)
ACTE
CINQUIÈME
(Le théâtre représente un site sauvage
près du château de Moldaw. Au fond,
sur une éminence, le tombeau de la
Nonne sanglante; un peu plus haut, la
Chapelle de l'ermitage de Pierre l'Ermite)
Scène Première
LUDDORF
(seul)
Mon fils me fuit en vain...
ah! pour ce fils coupable
Je veux être
aujourd'hui terrible, inexorable!...
Inexorable!... moi!...
Moi, parler de punir!...
Quand le ciel me poursuit,
quand je me sens frémir
Sous le poids du forfait
dont mon âme est brisée!
Malheur à moi!...
d'Agnès je reconnais les coups!
Oui!... vingt ans de remords
ne l'ont pas apaisée,
Et sur moi, sur les miens,
elle étend son courroux!
Air
De mes fureurs déplorable victime,
Toi que jadis mon bras a fait périr,
Grâce! permets que je cache
mon crime;
Qu'il te suffise, hélas! de le punir.
Ah! que mon fils,
mon noble fils l'ignore;
Frappe, il est temps...
je suis prêt à mourir!
Mais qu'en mourant du moins
je puisse encore
Revoir mon fils,
l'embrasser sans rougir!
(Il va se prosterner au pied
de la statue de la Nonne)
Scène Seconde
(Norberg, Arnold, amis et serviteurs
du comte de Moldaw; puis Luddorf
qui, en les entendant, descend de la
montagne et les écoute)
LUDDORF
(à part)
Qu'entends-je?...
NORBERG, LE CHUR
Amis, avançons en silence...
Que la nuit protège nos pas!
Que le désir de la vengeance
Nous guide et dirige nos bras!
NORBERG
(à Arnold qui entre)
Eh bien! Rodolphe?...
ARNOLD
Eh bien! notre ennemi
Quittait ces lieux,
laissant notre affront impuni
NORBERG, CHUR
Il fuyait!...
ARNOLD
Une ruse a retardé sa fuite,
Et va servir notre courroux:
« Arrêtez! ai-je dit;
Pierre le saint ermite,
« A huit heures, ce soir,
vous donne rendez-vous,
« Là-haut, à la chapelle!... »
Il s'arrête, il hésite...
TOUS
Eh bien?...
ARNOLD
Il a promis de venir!
NORBERG
Il viendra!
ARNOLD
Nous l'y précéderons,
et dès qu'il paraîtra,
Au pied du saint autel,
et dans la nuit obscure,
Nos poignards dans son sein
vengeront notre injure!
Courons l'attendre, amis,
et songeons bien
Que l'honneur veut du sang,
et qu'il nous doit le sien!
LUDDORF
(au fond, à part)
Frapper mon fils!...
LE CHUR
Amis, avançons en silence...
Que la nuit protège nos pas!
Que le désir de la vengeance
Nous guide et dirige nos pas!
LUDDORF
Mon fils, mon fils...
quand la vengeance
Contre ta vie arme leurs bras,
A moi de prendre ta défense
Et de conjurer le trépas!
(Norberg, Arnold et les amis du comte
de Moldaw montent les degrés de la
chapelle, sans voir Luddorf, caché par
le tombeau)
Scène Troisième
(Luddorf, puis Rodolphe et Agnès)
LUDDORF
(descendant les degrés du tombeau,
et apercevant Rodolphe qui paraît à
gauche du théâtre)
Ah! prévenons mon fils!... Ciel!
Agnès suit ses pas!
(Il s'arrête)
AGNÈS
(à Rodolphe qu'elle suit)
Vous romprez le silence,
ou ne partirez pas!
Duo
Toi, Rodolphe parjure et traître!...
Non, je ne peux te condamner,
Et de toi je veux tout connaître,
Pour te plaindre et te pardonner!
RODOLPHE
Non, non! je suis parjure et traître!
Et ton cur doit me condamner!
Je pars, et tu ne peux connaître
Ces torts que te veux pardonner...
AGNÈS
C'est trop de résistance!
Romps ce cruel silence;
Mon honneur, quil offense,
T'ordonne de parler!
Ah! ma raison s'égare,
Et le destin barbare
Qui tous deux nous sépare,
Pour toi me fait trembler.
RODOLPHE
Moi! rompre le silence!
Non, le ciel, que j'offense,
Le ciel, en sa vengeance,
Me défend de parler!
Ah! ma raison s'égare,
Et le destin barbare
Qui tous deux nous sépare,
D'horreur me fait trembler...
LUDDORF
(à part, en se rapprochant)
Quel tourment!
RODOLPHE
(à Agnès, en lui montrant
la statue de la Nonne)
Agnès, dont tu vois la statue...
Agnès, par un forfait
au tombeau descendue...
LUDDORF
Dieu! que dit-il?
RODOLPHE
(continuant)
« Agnès, par un arrêt cruel,
« N'aura de repos dans le ciel,
« Et nous, de bonheur sur la terre,
« Que par la mort du criminel...»
LUDDORF
(à part, avec terreur)
Le connaît-il?
AGNÈS
Eh bien?
RODOLPHE
(hors de lui)
Eh bien! dans sa colère,
Et pour frapper son meurtrier,
C'est moi qu'elle choisit!...
AGNÈS
N'es-tu pas chevalier!
Va, sois son vengeur...
RODOLPHE
Moi!... je ne peux.
AGNÈS
Qui t'arrête?
RODOLPHE
(égaré)
Jai peur!
LUDDORF
(à part, avec terreur)
Il sait tout!...
RODOLPHE
Peur de la foudre en éclats qui déjà...
l'entends-tu?... gronde sur notre tête!
Peur de moi-même!...
(Revenant à lui)
Ah! qu'ai-je dit, hélas!
AGNÈS
Achève! achève!...
RODOLPHE
Adieu
ne m'interroge pas!
LUDDORF
(à part)
Il sait tout
Eh bien! donc...
(Regardant du côté de la chapelle)
Livrons-leur une vie
Que depuis si longtemps
le remords a flétrie!
Oui, dérobons mon fils
au trépas qui l'attend!
(Montrant Agnès et Rodolphe)
Pour tous deux, le bonheur!...
Pour moi, le châtiment!
(Il gravit la montagne, sarrête un
instant devant le tombeau de la Nonne,
puis continue à monter et entre dans
la chapelle)
AGNÈS
Coupable silence
Qui double l'offense;
Loin de ma présence
Va, fuis pour jamais!
Une telle audace
Mirrite et me lasse...
Va-t'en, je te chasse!
Va-t'en, je te hais!
Va-t'en pour jamais!
RODOLPHE
Ah! plus d'espérance!
Mon fatal silence
A de sa vengeance
Redoublé les traits!
Trop justes menaces!
Comble de disgrâces!
Je pars, tu me chasses...
Je fuis pour jamais!
Adieu pour jamais!
(Agnès va tomber sur le rocher dans
le plus profond accablement;
Rodolphe qui s'éloignait, revient et
se jette à ses pieds)
RODOLPHE
O disgrâce cruelle!
Mourir... mourir loin d'elle!
BRUIT ET VOIX
(dans la chapelle)
Mort à Rodolphe!
AGNÈS
O ciel!
LE CHUR
(dans l'intérieur de la chapelle)
Le céleste courroux
Livre enfin linfâme à nos coups!
AGNÈS
Mort à Rodolphe!...
ont-ils dit?
RODOLPHE
Ah! qu'importe!
Ils demandent ma vie
eh bien!
je la leur porte!
(Il s'élance vers la chapelle au moment
où Luddorf en sort sanglant et poursuivi
par les meurtriers. Il se traîne jusqu'au
tombeau de la Nonne, et vient tomber
expirant entre les bras de son fils.
Pierre l'Ermite, le comte de Moldaw,
soldats, pages, paysans, etc., accourent
au bruit, et se précipitent sur le théâtre
avec des flambeaux)
Scène Quatrième
Final de 1854
(Les précédents, Pierre L'ermite,
Le Comte De Moldaw, soldats,
pages, paysans, etc)
RODOLPHE
(à son père qu'il soutient)
Ah! sur mon bras appuyez-vous...
(S'adressant aux meurtriers,
qui sortent de la chapelle)
Vils assassins...
je punirai le crime!
NORBERG, ARNOLD, MEURTRIERS
(apercevant Rodolphe et
restant immobiles de surprise)
Rodolphe!... ô ciel!...
Qui donc est tombé sous nos coups?
LUDDORF
Moi!... moi!... de leurs poignards
volontaire victime!
(Levant les bras au ciel)
Je t'implore, Dieu tout puissant!
Ah! pour eux le bonheur,
pour moi le châtiment!
(S'adressant à la statue de la Nonne)
Agnès! Agnès! je meurs...
ton courroux implacable...
LA NONNE
(du haut de son tombeau,
et jetant son poignard)
Est apaisé!...
Ma lampe redoutable
Ne doit plus éclairer ici que des heureux!
(Regardant Luddorf qui est à ses pieds)
Par le trépas,
réunis tous les deux,
Viens!... J'espère obtenir,
aux pieds du divin Maître,
Mon pardon...
et le tien peut-être!...
(La Nonne s'élève au milieu d'un groupe
de nuages dans lequel Luddorf disparaît)
CHUR GÉNÉRAL
(A genoux)
O clémence ineffable!
Daigne les accueillir...
La vertu du coupable
Est dans le repentir.
|
ACTO
PRIMERO
(Castillo de Moldava. A través de una
brecha en la muralla, el Conde Luddorf
y sus caballeros se lanzan al ataque. El
barón de Moldava, de pie, espada en
mano, y seguido por sus vasallos, acaba
de rechazar a un grupo de atacantes.
Mantiene a uno de los principales jefes
enemigos bajo su pie, mientras el
Conde Luddorf levanta su hacha
de batalla sobre uno de los sitiados,
a quien
ha derribado. Parte del
castillo está en llamas, mientras que
en las galerías superiores, los vasallos
del barón se preparan para arrojar dardos
y fuego sobre sus enemigos. En este
momento, en medio de las llamas que se
elevan y de los combatientes, aparece
en la brecha un monje, vestido con una
túnica blanca y con una cruz en la mano:
es Pedro el Ermitaño)
Escena Primera
(El barón Moldava y sus vasallos,
el conde Luddorf y los suyos. Pedro
El Ermitaño que corre entre los
combatientes)
PEDRO
¡Alto, cristianos, deteneos!
¡Temed el rayo que está a punto de caer
sobre vuestras rebeldes cabezas!
TODOS
(deteniéndose con temor y respeto)
¡Pedro, el santo anacoreta!
¡Pedro el Ermitaño!
PEDRO
¡Sí, Pedro el que maldice los odios entre
vuestras familias y esta guerra impía
que a toda Bohemia conmueve y estremece!
¡Deponed las armas, cristianos! ¡Postraos todos
(Mostrando la cruz que tiene en su mano)
ante esta santa insignia
por la que Dios me ha guiado!
(Los combatientes se separan unos de
otros e inclinan la cabeza, pero aún
sostienen las espadas en sus manos)
Aria
¡Dios poderoso, dígnate escucharme
y envía un rayo celestial
de misericordia y perdón
sobre sus almas!
(A los combatientes)
Ante los truenos del cielo,
postraos e inclinad vuestras frentes.
Para que Dios os perdone:
¡perdonad a vuestros hermanos!
PEDRO
¡Dios poderoso, dígnate escucharme
y envía un rayo celestial
de misericordia y perdón
sobre sus almas!
TODOS
(postrándose)
Es a Dios a quien creo escuchar.
¡Envía a mi corazón
un rayo celestial
de misericordia y perdón!
(Arrojan las armas; el Conde
y el Barón rodean a Pedro)
PEDRO
Durante mucho tiempo enemigos...
¡Jurad ser hermanos!
CONDE, BARÓN
¡Padre mío, hágase como Dios dispone!
PEDRO
Para extinguir para siempre
estos odios seculares,
esto es lo que Dios,
a través de mi voz, os prescribe:
¡Formaréis una sola familia!
Tú, Barón de Moldava, entregarás a tu hija,
Agnés, a Teobaldo...
(Señalando a Luddorf)
Y tú, el mayor de tus dos hijos.
(El Barón y el Conde
extienden sus manos)
¿Lo juráis?... ¡Muy bien!...
(Tomando sus manos, las une)
¡Que se unan vuestros corazones
como se unen vuestras manos!
(Con júbilo)
¡Contra el infiel, oh valiente Teobaldo,
en la Cruzada estás combatiendo!
¡Y mañana, amigos míos,
todos seguiremos sus pasos!
CORO
¡Sí, todos!
PEDRO
(Cabaletta del aria)
¡Es Dios quien os llama!
¡Es contra el infiel
que debemos, con santo celo,
unirnos y marchar!
¡A los creyentes,
Dios promete, por la victoria,
la palma de la gloria
o la del martirio!
Sí, hacia vosotros, desde el Jordán,
las tribus oprimidas
extienden sus brazos suplicantes.
¡Marchemos en su ayuda,
y el Dios de los Ejércitos
guiará nuestros pasos!
CORO
¡Es Dios quien nos llama!
¡Es contra el Infiel que debemos,
con santo celo,
unirnos y marchar!
¡A los creyentes,
Dios promete, por la victoria,
la palma de la gloria
o la del martirio!
(Al final de esta escena,
se escucha una marcha)
BARÓN
¿Qué es ese sonido?
CONDE
¡Es la marcha de guerra de los Luddorf
acudiendo a la batalla!
¡Mi segundo hijo, Rodolfo,
en apoyo de su padre,
trae nuevos soldados!
BARÓN
¡Asistirá, Conde,
a la boda de su hermano!
(Dando la mano al Conde)
¡Ven conmigo!
¡A Agnés, quiero hacerle conocer
el vínculo que nos une a los dos!
(A los soldados de Luddorf)
¡Y vosotros, amigos, cesad el combate
y entrad en este castillo,
que defendieron nuestras espadas,
y que ahora se os abre hospitalario!
CORO
¡Compañeros, deponed las armas!
¡No más sangre! ¡No más lágrimas!
Llenos de alegre ímpetu,
Bebamos y cantemos como hermanos.
¡Que el choque de las copas
sustituya a los gritos de muerte!
(Todos entran al interior del castillo)
Escena Segunda
(Pedro, luego Rodolfo)
RODOLFO
(entrando rápidamente y mirando
alrededor de la torre, que en este
momento está desierta)
¡El enemigo, derrotado,
ha huido lejos de aquí!
¡La victoria es nuestra!
PEDRO
¡La victoria pertenece a Dios!
¡La paz, gracias a él,
sustituye a la matanza!
RODOLFO
(con alegría)
¡Qué! ¿La paz?...
PEDRO
Sí; la mano de Agnés
es la garantía de esa paz.
RODOLFO
(turbado)
¡Ah! ¡Gran Dios!
PEDRO
¡Tu hermano, al regresar de la guerra,
deberá casarse con ella!
RODOLFO
¡No lo hará!
Romanza
Primer Cuplé
En vano la discordia inhumana
habitó en esta sombría morada.
¡Mi corazón, a sus juramentos de odio,
respondió con votos de amor!
(con calidez)
¡Agnés, mi dulce ídolo!
¡Ángel que me consuela!
¿Pretenden que inmole
la esperanza que me he forjado?
(exaltado)
¡No, no, antes que eso la guerra,
el exilio y la miseria!...
(a Pedro)
¡Porque yo la amo, padre!
¡Yo la amo y soy correspondido!
PEDRO
¡Qué dices!
RODOLFO
Segundo Cuplé
(Más animado)
¡Contra mí, la ira celestial
ha formado estos vínculos que odio!
¡A mi pesar, ahora odio a mi hermano,
al que una vez amé!
Si el alma de mi vida,
padre mío,
me es arrebatada
y por la fuerza mi corazón es oprimido,
¡me enfrentaré al anatema
de mi padre y del mismo cielo!
¡Porque yo la amo... la amo...
la amo y soy amado por ella!
PEDRO
¡Amor culpable que aborrezco!
RODOLFO
¡Quien quiera apoderarse de Agnés
es aún más culpable!
PEDRO
¿Y la salvación de todos?
¿Y la voz del deber?...
RODOLFO
¡No las escucha un corazón desesperado!
(Pedro, con compasión, lo toma de la
mano y lo lleva al borde del escenario,
durante el ritornelo del siguiente
fragmento)
Dúo
PEDRO
Dios nos manda tener esperanza,
¡y Dios te apoyará, hijo mío!
¡Debemos ser fuertes
cuando sufrimos por nuestro país!
RODOLFO
(con desesperación)
Es contra mí
que empuñaron sus armas...
PEDRO
¡Por la patria, debemos inmolarlo todo!
RODOLFO
(de igual modo)
¿Y qué me quedará a mí?
PEDRO
¡Quedaré yo, para enjugar las lágrimas
que te hace derramar el amor!
RODOLFO
¡Nada podrá calmar el dolor
del que es víctima mi corazón!
PEDRO
¡Aquí abajo, excepto de la muerte,
podemos consolarnos de todo!
RODOLFO
¡No, no, desgraciadamente,
no puedo seguir tus consejos!
¡Y ahora, sin esperanza,
mis días están proscritos y malditos!
PEDRO
¡Dios nos manda tener esperanza,
y Dios te apoyará, hijo mío!
¡Debemos ser fuertes
cuando sufrimos por nuestro país!
(Pierre sale por la derecha. Rodolfo
cae abatido sobre un bloque de piedra.
Agnés sale del castillo)
Escena Tercera
(Rodolfo, Agnés)
AGNÉS
(avanza tímidamente, ve a
Rodolfo y lanza un grito)
¡Rodolfo!
RODOLFO
(levantando la cabeza)
¡Agnés!
(Corre hacia ella y la toma de la mano)
Tus ojos están llenos de lágrimas...
¡Ah, leí tu destino y el mío!
¡Tú lo sabes todo!
AGNÉS
¡Sí... sí... la vida no tiene encantos para
este corazón roto, que ya no espera nada!
Dúo
Mi padre, rotundamente,
¡Ay! proscribió nuestros amores.
Y en ese cielo, oscuro y terrible,
ya no habrá más días hermosos.
RODOLFO
¡En el amor, nada es imposible!
Si tu corazón todavía me pertenece,
para nosotros, el cielo oscuro y terrible,
aún guarda algunos días hermosos.
AGNÉS
¿Cómo sustraernos de la desdicha?
RODOLFO
¡Huiremos esta noche!
AGNÉS
¿Desafiar la autoridad de mi padre?
RODOLFO
En la desesperación todo está permitido...
¡Bajo la muralla norte,
cuando la noche sea oscura,
te esperaré!
AGNÉS
(temblando)
¡No, no!
RODOLFO
¡A medianoche!
AGNÉS
(con temor)
¡A medianoche!
RODOLFO
¡Qué! ¿Estás temblando?
AGNÉS
Esta es la noche en la que su sombra,
todos los años,
recorre estos muros causando terror.
RODOLFO
¿Qué sombra?
AGNÉS
¡Escucha! ¡Escucha!
Antes de la medianoche las puertas se abren
y entra el fantasma vestido de blanco.
La Monja Sangrante, con pasos lentos,
arrastra los pies sobre las losas desiertas.
Entre las sombras se la oye avanzar.
¡Estallan relámpagos y el aire se congela!
¡Respetad a la Monja que pasa!
¡Seres vivos, dejad pasar a la muerte!
RODOLFO
¡Qué! ¿Tú crees en esa fábula?
AGNÉS
Rodolfo, en vano lo dudas,
¡muchos han visto a ese espantoso espectro!
RODOLFO
¡Estás en un error!
AGNÉS
¡Escucha! ¡Escucha!
Sobre sus ropas, la sangre cae y gotea.
Su mirada vaga fija y sin destino.
En su mano derecha sostiene una daga
y en la izquierda una lámpara centelleante.
Lívida la vemos acercarse...
Estallan relámpagos y el aire se congela.
¡Respetad a la Monja que pasa!
¡Seres vivos, dejad pasar a la muerte!
RODOLFO
¿Y puedes creer en esa fábula?...
AGNÉS
Rodolfo, todos creemos en ella.
Hemos visto ese espantoso espectro...
Y bien, ¿qué me respondes?
RODOLFO
¡En el amor, nada es imposible!
Si tu corazón responde a mi corazón,
en esta noche oscura y terrible,
para nosotros puede brillar la felicidad.
AGNÉS
¡No, no! ¡No desafiemos el rigor
del destino inflexible!
¡Temamos a la terrible Monja
cuyo solo nombre trae desgracias!
RODOLFO
¡Esa fábula que te aterroriza
nos salvará, si confías en mí!
AGNÉS
¿Deberle mi felicidad a la Monja Sangrante?
¡No, no!
RODOLFO
¡Agnés, escúchame!
Cuando a medianoche se abran las puertas,
vestida de blanco y con mirada perdida,
sosteniendo la lámpara y el puñal,
¡atrévete a caminar sobre las losas desiertas!
Cuando te vean avanzar,
¡gran Dios! que el miedo los congele.
¡Gran Dios! ¡Es mi Agnés que pasa!
¡Hazla pasar bajo tus alas!
AGNÉS
¿Desafiar al espectro cuando salga de su tumba?
RODOLFO
¡Pero ese espectro no existe!
AGNÉS
¡Creo sentirme en sus brazos!
Pensando en ello, sucumbiré de terror...
RODOLFO
¡Si me amas, tendrás el valor a hacerlo!
Juntos
RODOLFO
(con vivacidad)
¡Oh, tú a quien adoro!
¡Oh, tú a quien imploro!
¡Antes del amanecer
debemos huir!
El amor, que me inspira,
sabrá guiarnos.
¡Consiéntelo, o moriré
de amor ante tus ojos!
AGNÉS
¡Mi corazón que te adora,
te suplica e implora!
¡Cuando llegue el amanecer,
huye tú solo de estos lugares!
Me vas a maldecir...
¡Y en mi delirio yo te amo!...
¡Y muero de temor
ante tus ojos!
¡Nunca iré!
RODOLFO
¡Caigo de rodillas ante ti!
AGNÉS
¡Nunca!
RODOLFO
¡Supera ese pavor!
A medianoche...
AGNÉS
¡Ten piedad de mí!
Es un agravio al cielo y a la tumba...
¡Déjame! ¡déjame!
RODOLFO
¡Oh tú, a quien adoro!
¡Oh tú, a quien imploro!
¡Antes del amanecer
debemos huir!
El amor, que me inspira,
sabrá guiarnos.
¡Consiente, o moriré
de amor ante tus ojos!
AGNÉS
¡Mi corazón que te adora,
te suplica e implora!
¡Cuando llegue el amanecer,
huye tú solo de estos lugares!
Me vas a maldecir...
¡Y en mi delirio te amo!...
¡Y muero de temor
ante tus ojos!
(Rodolfo permanece de rodillas
ante Agnés y redobla sus súplicas)
Escena Cuarta
(Los anteriores, el conde
de Luddorf, el barón de Moldava,
caballeros y vasallos)
LUDDORF, MOLDAVA
¿Qué es lo que veo?...
AGNÉS
¡Estás perdido!
RODOLFO
¡Mi padre!
LUDDORF
¡Qué! ¡Él! ¡Mi hijo!...
¿De rodillas ante la mujer de su hermano?
RODOLFO
¡Soy su esposo!
¡Ella me ama y yo la amo!
¡Lo declaro ante todo el mundo!
¡Ante Dios, nuestro juez supremo!
LUDDORF
(a Rodolfo)
¡Renuncia a ese amor!
RODOLFO
¡Prefiero morir cien veces!
Incluso si me golpeara la mano de mi hermano,
aún más... si lo hiciera tu ira,
¡preferiría morir antes que obedecer!
LUDDORF
Pues bien, que sobre tu cabeza
¡caiga el anatema!
Escena Quinta
(Los anteriores y Pedro, que entró durante
los últimos párrafos de la escena anterior)
PEDRO
(a Rodolfo)
¡Ah, tiembla!
¡El anatema de un padre
es el de Dios mismo!
AGNÉS
¡Rodolfo es vuestro hijo!
LUDDORF
¡Un hijo culpable y rebelde!
Que la casa paterna,
mi corazón y mis brazos
¡le sean negados!
¡Vete, yo te maldigo!
PEDRO, AGNÉS, CORO
¡Oh, terror que me abruma!
¡Juicio inexorable
que castiga a un culpable
por quien gime mi corazón!
¿Quién tendrá, sobre esta tierra,
compasión de su miseria,
cuando la voz de su propio padre
lo golpea y lo maldice?
LUDDORF, MOLDAVA
¡Ay del hijo culpable!
El cielo lo abruma
con una terrible sentencia.
¡Es Dios quien lo castiga!
¡Que lejos de nosotros
arrastre su miseria!
¡La ira de su padre
lo golpea y lo maldice!
RODOLFO
¡Todo terminó, estoy abrumado!
Por la terrible sentencia
que castiga a un culpable,
mi esperanza está destruida.
¡Ningún amigo en la tierra
me queda en mi miseria,
porque Agnés y mi padre
me proscriben y maldicen!
RODOLFO
Está bien, me marcho...
¡Me marcho lejos de ella!
¡Maldecido por la voz paternal!
Pero contra tantos males.
sólo me queda
la muerte...
AGNÉS
(temblando y acercándose a
Rodolfo, le dice en voz baja)
A medianoche...
RODOLFO
(conmocionado)
¡A medianoche!...
(con alegría)
¡Oh, inefable felicidad!
En mi miserable situación,
¡qué voz de ayuda
tan repentinamente escucho!
Dulce rayo que me ilumina,
un ángel de la guarda
me queda aún en esta tierra...
¡Ya no estoy maldito!
AGNÉS
Debo, cuando todo lo abruma,
compartir el miserable destino
con el culpable.
Él lo sabe
¡Se lo dije!
¡Pobre de mí! Tenía que hacerlo.
¡Sólo me tiene a mí en la tierra,
pues la ira de su padre
lo golpea y lo maldice!
LUDDORF, MOLDAVA
¡Ay del hijo culpable!
El cielo lo abruma
con una terrible sentencia,
pues es Dios quien lo castiga.
¡Que lejos de nosotros,
arrastre su miseria!
¡La ira de su padre
lo golpea y lo maldice!
PEDRO, CORO
¡Oh, terror que me abruma!
¡Sentencia inexorable,
que castiga a un reo
por quien gime mi corazón!
¿Quién sobre esta tierra
se compadecerá de su miseria,
cuando la voz de su padre
lo proscribe y maldice?
(Moldava se lleva a su hija;
Luddorf reitera a Rodolfo su
orden de alejarse, mientras los
soldados y vasallos de Luddorf,
de rodillas y extendiendo los
brazos hacia él, parecen interceder
por su hijo, que sale acompañado y
sostenido por Pedro. Cae el telón)
ACTO
SEGUNDO
(Camino que conduce al castillo.
Al fondo el castillo, al que se sube
por una amplia escalinata. La
puerta del patio del castillo está
abierta)
Escena Primera
(Burgueses, a la izquierda, en una
taberna, bebiendo. Urbano, cubierto
con una capa camina lo largo y
ancho de la plaza)
CORO
¡Basta de reír y beber!
¡Vámonos a casa, amigos míos,
vámonos a casa,
porque la noche es oscura!
¡Basta de reír y beber!
El vino del Rin
cuyo jugo divino
borra el recuerdo.
URBANO
¡Basta de reír y beber!
¡Burgueses, amigos míos,
volved a casa,
porque la noche es oscura!
¡Basta de reír y beber!
El vino del Rin
cuyo jugo divino
borra el recuerdo.
¡Mi señor vendrá pronto,
porque ya es la hora de la cita!
Y por eso estos burgueses
deberían volver a sus casas.
¿Cómo podría hacer que se fueran?
(Dirigiéndose a un burgués)
¡Antes de que llegue la medianoche,
cerremos muy bien nuestras casas!
¡Esa es la hora en que la Monja
descenderá a esta plaza!
BURGUESES
(aterrados)
¿Tú crees eso?... ¿Lo crees?...
URBANO
(Señalando las puertas traseras que
los sirvientes del palacio están abriendo
en ese momento)
Mirad, según la costumbre,
una medida previsora y sabia
es abrir esas puertas de bronce,
que ella podría
romper en un instante.
CORO
¡Vámonos, apuremos nuestros pasos!
Amigos, no nos expongamos...
¡Basta de reír y de beber!
¡Regresemos a casa,
amigos míos, regresemos a casa,
porque la noche es oscura!
¡Basta de reír y de beber!
El vino del Rin
cuyo jugo divino
nos borra la memoria.
(a media voz)
Me siento helado de terror.
¡La aparición de la Monja Sangrante
puede, dicen, traer la muerte!
¡Vamos, apuremos nuestros pasos!
(Salen por la izquierda y
la taberna se cierra)
Escena Segunda
URBANO
(riendo)
¡Monja... yo te bendigo!
¡Los has hecho huir!
¡Mi amo ya puede venir!
Primer Cuplé
Con esperanza y amor en el alma,
cuando llega la noche,
¡qué dulce es esperar a una
noble dama en una cita galante!
Pronto ella va a llegar
y el corazón se altera...
¡Ah, qué feliz es, mi amo!...
¿Por qué no soy como él?
Segundo Cuplé
¡En ese carruaje que os lleva,
silencioso y gentil,
tu mano está en la de él
y tu corazón late junto al suyo!
El amanecer que va a renacer
verá unir sus destinos...
¡Ah, qué feliz es mi amo!
¿Cuándo seré yo como él?
Escena Tercera
(Rodolfo, Urbano)
RODOLFO
¿Está todo listo?
URBANO
¡Si, mi señor!
RODOLFO
¡Déjame a solas!
URBANO
(sale por la derecha)
¡Esperaré allá la señal de partir!
Escena Cuarta
(Rodolfo, luego la Monja)
RODOLFO
(solo, mirando las escaleras del palacio)
¡Llegó la hora!...
Pronto aparecerá mi Agnés,
blanca monja...
¡llevando la lámpara y el puñal!
Aria
Pálida novia, del Señor,
tú, cuya ayuda imploro
desde el fondo de tu tumba helada,
¡Monja, protege nuestros amores!
¡Ven y protege nuestros amores!
Como nosotros, quizás,
esclavo de un tirano,
¡tu corazón conoció
el amor y sus tormentos!
Pálida novia del Señor,
tú, cuya ayuda imploro,
desde el fondo de tu tumba helada
¡Monja, protege nuestros amores!
(prestando atención)
¡Ya suena la campana!...
Desde la inmensa bóveda celestial
un paso lejano perturba el silencio.
Cavatina
(agitado)
¡Es Agnés!... ¡Sí, es ella!
Entonces, ¿de dónde procede
este terror mortal que de repente
hace que mi pecho se estremezca?
Tiemblo y sucumbo
al horror que me invade...
¡El frío de la tumba
ha congelado todos mis sentidos!
(La Monja comienza a aparecer
en lo alto de las escaleras)
Como dice la fatal leyenda,
¡lleva una la daga!...
¡Y la lámpara sepulcral,
y la mancha de sangre
que cubre su velo blanco!
(Da unos cuantos pasos para
encontrarse con la Monja que
baja lentamente las escaleras)
¡Vamos!... ¡Vamos!...
¡Es Agnés!... ¡Es ella!...
(se detiene)
Entonces, ¿de dónde viene
este terror mortal que de repente,
hace que mi pecho se estremezca?
Tiemblo y sucumbo
al horror que me invade...
¡El frío de la tumba
ha congelado todos mis sentidos!
(Durante esta repetición,
la Monja se aproximó a él)
(A la monja)
¡Qué lento me pareció el paso de la hora!
¡Agnés, Agnés!... ¡Por fin te vuelvo a ver!
¿No me contestas?
Inmóvil y temblando,
¿tienes miedo de seguirme?
¡Ah, aplaca tu miedo!
Agnés, tú eres mi amor,
¡te prometo mi fidelidad!
¡Por el cielo y la tierra,
juro ser tuyo!
LA MONJA
(con voz sepulcral)
¡Mío!
RODOLFO
(con amor)
¡Tuyo para siempre!
(tomando su mano)
¡Ah, qué fría está tu mano!
(Le pone un anillo en el dedo)
LA MONJA
¡Mío!...
¡Mío para siempre!...
(Ella toma su mano. Estallan
truenos, relámpagos y se oye
el rugir del infierno)
RODOLFO
¡Ah! ¡Me estremezco
al oír al cielo tronar!
¡El rayo atraviesa
el negro palacio!
¡Furia vana!...
(A la monja)
¡A ti, entrego mi vida!
¡Esta boda nos une y para siempre!
Sí, bajo mis pies tiembla la tierra...
¡No importa!... ¡Ven!...
¡Huyamos juntos!
(En este momento, Agnés, vestida de
blanco, aparece en la parte superior de
las escaleras a la izquierda)
¡Ah! ¡Me estremezco
al oír al cielo tronar!
¡El rayo atraviesa
el palacio negro!
¡Furia vana!...
¡A ti, entrego mi vida!
¡Esta boda nos une
y para siempre!
(Desaparece por la derecha arrastrado
por la Monja y a la luz del relámpago.
El escenario se cubre de nubes;
se oye música infernal. La escena cambia
y representa las ruinas de un castillo gótico.
Una gran sala de armas, cuyas ventanas
y pórticos están semi destruidos.
En medio de la escena, restos de una
gran mesa de piedra y asientos de
piedra cubiertos de hiedras y plantas
silvestres. La luna ilumina la escena
y deja ver una ermita al fondo del
escenario, en lo alto de una roca)
Escena Quinta
(Rodolfo y Urbano, entrando rápidamente por
la puerta trasera semi destruida)
RODOLFO
Recitativo
¡Asustados por los relámpagos y la terrible
tormenta, nuestros caballos, lanzados por
una mano invisible, como una flecha alcanzaron
los escarpados muros donde una vez brilló
el antiguo castillo de mis padres!
(Mirando al rededor)
Morada abandonada... ruinas solitarias...
¡Debajo de tus escombros oscuros
escondes nuestros proyectos!
URBANO
Y vuestra prometida... ¿Agnés?
RODOLFO
¡Siempre silenciosa!...
se dirigió a la capilla
hace un rato...
¡Me soltó la mano!
¡Con miedo, temblando,
de repente cayó de rodillas!...
¡Y llora!
¡Y reza!
Respetemos su temor por un momento.
(Toma a Urbano de la mano y le
señala la ermita que se ve a lo lejos
en el fondo de la escena)
En lo alto de la roca y cerca del cielo,
vive Pedro, el piadoso cenobita.
¡Puedo confiar en su fe!
¡Ve a buscarlo!... Hazlo venir,
para que su presencia devuelva
al corazón de Agnés
¡el perdón y la paz!
(Urbano se aleja y desaparece
entre las ruinas)
Escena Sexta
RODOLFO
(a solas)
¡Murallas levantadas por Rodolfo,
nuestro antepasado!
¡Tumbas de mis ancestros,
que quizás estoy pisando!
¿Qué crimen impune
os han destruido?
¿Quién cubrió
vuestras lápidas
de zarzas y hiedra?
¿No surgís del polvo
para reencontrar vuestra gloria
y vuestros honores pasados?
(La luna desaparece; los pórticos y
las ventanas en ruinas vuelven a sus
formas originales. Los restos de la mesa
de piedra se transforman en una gran
mesa cubierta de comidas y ricamente
servida. Alrededor, muchos asientos.
Las antorchas que cubren la mesa se
encienden repentinamente, así como los
candelabros que adornaban la sala de
armas y a la oscuridad sucede el resplandor
de las antorchas. Los dorados y las armas
brillan por doquier. toda esta transformación
se ha producido en silencio)
(Dándose la vuelta y gritando)
¡Ah!... ¡Vuelvo a ver
los lugares de mi infancia!
¡El salón de los banquetes
con muchos invitados!
Pero hoy... desierto... inmenso...
¡ya no escucho los gritos de alegría!
(Se oye un canto subterráneo,
oscuro y misterioso. Caballeros
y damas ricamente vestidos
aparecen por todas las puertas del
salón, pero terriblemente pálidos y
casi inmóviles, se deslizan en lugar
de caminar, avanzando lentamente)
CORO
(a media voz)
¡Los muertos reviven
recordando
los hermosos días
del amor!
Se prepara una nueva fiesta
para nosotros.
¡Huid de nuestra presencia!...
¡No os acerquéis!...
RODOLFO
(mirándolos)
Prodigio que confunde
mi razón y mis ojos.
Estos rasgos que admiré
en sus retratos antiguos,
estos rasgos descoloridos
¡son los de mis antepasados!
(Avanzando hacia ellos)
Sombras que reverencié,
ancestros gloriosos, ¡hablad!...
¿Quién os trae de regreso
a vuestros antiguos lares?
¿Me respondéis?...
Sombríos y silenciosos se sientan...
(Los caballeros y damas están
sentados en silencio. Los pajes y
lacayos, con rostros pálidos,
sirven la mesa en silencio)
(Mirándolos con pavor)
¡Han llenado las copas de vino!
Pero, gélidos,
apenas ha resonado
el bullicio
de la silenciosa fiesta...
CORO
(en voz baja)
¡Los muertos reviven
recordando
los hermosos días
del amor!
Se prepara una nueva fiesta
para nosotros.
¡Huid de nuestra presencia!...
¡No os acerquéis!...
Escena Séptima
(Los anteriores. La Monja, aún cubierta
con su velo, avanzando lentamente)
RODOLFO
(yendo hacia ella)
Agnés, ¿dónde estamos?...
¿Qué motivo los ha reunido
a todos ellos aquí?
LA MONJA
¡Nuestro matrimonio!
RODOLFO
¿Quiénes son?
LA MONJA
¡Nuestros testigos!... ¡Mira!...
RODOLFO
(mirando a un caballero que se levanta)
¡Ah, es mi hermano!
Se acerca...
Hermano, ¿qué quieres de mí?
¿No me respondes?
LA MONJA
¡No puede responder!...
Alcanzado por la muerte,
él ya tiene una tumba,
¡y yo aún no la tengo!
RODOLFO
¡Qué! ¿Quién eres?
LA MONJA
¿Yo?... ¡Soy la Monja Sangrante!
RODOLFO
¡Oh, cielos!...
LA MONJA
¡Tu prometida!...
¡Sí, aquí está tu anillo
que nos une
más allá de la tumba!
RODOLFO
¡Oh, qué horror!
LA MONJA
Tu lo dijiste:
"Agnés, a ti, a quien amo,
te prometo mi fidelidad...
Por el cielo y la tierra
¡juro ser tuyo!"
RODOLFO
¡Bajo mis pies tiembla la tierra,
muero de terror!
CORO
¡Por el cielo y la tierra
él le prometió fidelidad!
LA MONJA
Agnés, por ti, a quien amo,
¡tuyo, siempre tuyo! "
LA MONJA
(arrastrándolo tras de sí)
Unidos por la muerte,
ven... ven... ¡me seguirás!
RODOLFO
¡Ah! ¿quién podrá salvarme?
Escena Octava
(Los anteriores. Pedro El Ermitaño,
traído por Urbano, aparece por la puerta
del fondo con una cruz en la mano)
PEDRO
¡Mi brazo te protege
y Dios nos defiende!
(Extendiendo la cruz hacia los fantasmas)
Cortejo fúnebre procedente de la tumba;
¡Regresa a la nada!
(Se apagan las antorchas. El rico
decorado desaparece y da paso de
nuevo a las ruinas. La luna velada
sólo por nubes ilumina el escenario)
LA MONJA
(señalando a Rodolfo)
Él, impío y sacrílego,
me pertenece...
¡Yo reclamo su fidelidad!
RODOLFO
¡Dios mío, protégeme!
LA MONJA
¡Mío para siempre!
CORO
(los fantasmas, desaparecen
gradualmente)
¡Los muertos reviven
recordando
los hermosos días
del amor!
LA MONJA
¡Mío... para siempre!
RODOLFO
(con desesperación)
¡Para siempre!
(La Monja y los fantasmas se abisman
bajo tierra o detrás de las ruinas y
Rodolfo, inconsciente, cae en los brazos
de Urbano. Cae el telón)
ACTO
TERCERO
(Una modesta habitación en
Bohemia. A la izquierda, una
puerta abierta que da a un bosque.
Al fondo, dos cruces y entre
ellas, una litera. A la derecha,
en primer plano, una mesa y
algunas sillas)
Escena Primera
(Al levantarse el telón, los músicos
ubicados a la izquierda interpretan
un aire de vals. Fritz y Ana, jóvenes
campesinos bohemios entran a bailar)
CORO
¡Bailad bajo la sombra,
alegres muchachas
pues suena el violín
y el día se acaba!
¡Qué hermoso es el vals!
Tan rápido como él,
el placer huirá...
¡Aprovechémoslo!
ANA
(señalando el bosque
que se puede ver al fondo)
La luna brilla
y la hierba reluce;
la joven,
en voz baja,
repite alegremente
el canto
que solía expresar
la curruca del bosque.
¡Ah! ¡ah! ¡ah! ¡ah! ¡ah!
CORO
¡Bailad bajo la sombra,
alegres muchachas
pues suena el violín
y el día se acaba!
¡Qué hermoso es el vals!
Tan rápido como él,
el placer huirá...
¡Aprovechémoslo!
(La melodía de baile aún continúa;
los jóvenes salen de la habitación
o vuelven a entrar al baile. Al fondo,
bajo los árboles del bosque, también
se pueden ver varios grupos bailando
el vals)
FRITZ
(Dirigiéndose a los campesinos)
¡Mañana me caso con Ana,
mi prometida!
ANA
¡Y hoy bailamos por adelantado!
FRITZ
¡Sueños de amor
embriagan mis pensamientos!...
Mañana ella será mía...
ANA
¡Qué felicidad ser suya!
Concertante
¡Qué dulce es bailar el vals
sobre alfombras de musgo!
¡Cómo embriaga
con sus notas alegres,
cuando de su enamorada,
conmovido y gracioso,
el joven y apuesto bailarín
siente latir el corazón!
TODOS
¡Bailad bajo la sombra,
alegres muchachas
pues suena el violín
y el día se acaba!
¡Qué hermoso es el vals!
Tan rápido como él,
el placer huirá...
¡Aprovechémoslo!
(En medio de los bailarines
y cantantes, Urbano aparece
en la puerta trasera)
Escena Segunda
(Los anteriores, Urbano; luego Rodolfo)
URBANO
Me dijeron que en este sitio
encontraría a mi señor.
FRITZ
¿El forastero?...
ANA
¿Un señor joven y apuesto?...
FRITZ
¡El que hemos acogido
en nuestra morada campesina!
URBANO
¡Él mismo ése es!
FRITZ
¡Ah, día y noche,
su dolor es profundo!
URBANO
¡Lo sé bien,
por eso vengo a traerle felicidad!
Primer Cuplé
Un servidor de mi categoría,
un escudero listo y alegre,
siempre trae
buenas noticias.
Por lo tanto
le traigo una nueva
que colmará sus deseos.
Esta feliz noticia,
¿cuál será?
¿cuál será?
(A los campesinos que lo rodean)
¡Ah! ¿Sois curiosos, eh?
(A Ana)
¡De verdad que es una linda noticia!
Bueno, bueno, os la diré por lo bajo,
tened confianza... pronto la sabréis.
Segundo Cuplé
De mi dichoso mensaje,
con razón, ¡estoy orgulloso!
Y mi señor, estad seguros,
¡me lo recompensará muy bien!
(A los campesinos)
¿Queréis saberlo
para decírselo a mi amo?
¡Los amantes
son siempre generosos!
Mi noticia es tan hermosa...
¿Cuál será?
¡Ah, qué curiosos sois!
Bien comprendo vuestra curiosidad...
Está bien, os la diré en voz baja,
¡Tra, la, la!... ¿No la imagináis?
(Al ver que Rodolfo
entra, corre hacia él)
¡Ah, mi amo, sois vos!
¡La fortuna caprichosa,
con un repentino regreso,
cumple todos vuestros deseos!
Su padre, aplacado,
¡os concede a Agnés!
RODOLFO
(lanzando un grito de alegría)
No me atrevo a creerlo... ¡Agnés!
URBANO
¡Agnés por esposa!
RODOLFO
¿Y cómo ha sido eso?
URBANO
Teobaldo, por un golpe imprevisto,
murió en combate...
RODOLFO
(con pavor)
¡Ah, es él a quien vi!
¡Fue él quien, abandonando su lecho sepulcral,
presenció, oscuro y pálido, el casamiento fatal
del que fui víctima!...
¡Oh, hermano mío! ¡Oh dolor!
(A los aldeanos)
¡Dejadme un momento a solas
con mi paje, amigos míos!
(El vals se reanuda. Fritz, Ana y
los bailarines salen por la puerta
trasera, que se cierra)
Escena Tercera
(Urbano y Rodolfo. Rodolfo vuelve a
sentarse junto a la mesa, a la derecha;
Urbano, contempla con sorpresa su
aire de preocupación y se acerca a él)
RODOLFO
(para sí)
¡En medio de la tormenta,
este rayo de esperanza,
este destello de felicidad
del destino que me persigue,
redobla aún más el horror!
Dúo
¡Desdichado prometido
de la Monja Sangrante!
URBANO
¿Qué estáis diciendo, señor?
¿Qué decís?
RODOLFO
¿Acaso has olvidado
aquella noche de pavor
cuando el espectro recibió de mí
el anillo de casamiento?
Desde entonces ¡oh, maravilla!
mi razón sucumbe cada noche...
Sí... todas las noches,
a medianoche,
el fantasma sale de su tumba
y viene, pálido y gélido,
¡a sentarse junto a mí en la cama!
URBANO
(espantado)
¡Todas las noches!...
RODOLFO
¡Todas las noches!
URBANO
¿A medianoche?
RODOLFO
¡A medianoche!
Ambos
URBANO
¡Oh, qué terror me oprime!
De una amante como esa,
de una cita como esa
mi corazón no se siente celoso.
Dios velará por nosotros,
señor mío, ¡calmaos!
RODOLFO
Terrible tormento que me oprime.
Su sombra se levanta frente a mí
y llega pálida a la cita
que otorgó la ira del infierno...
(con delirio)
¡Vete!... ¡Vete!...
¡Aléjate de nosotros!
Cada noche regresa y su voz
me recuerda la fatal promesa:
"¡tuyo... siempre tuyo...
incluso después de la muerte!
Tú lo dijiste, lo dijiste ...
¡y este es tu anillo!
¡De tus juramentos la tumba está celosa...
y nadie más que yo será tu esposa!...
URBANO
(con terror)
¡Tuyo!...
RODOLFO
¡Siempre tuyo!
URBANO
¿Incluso después de la muerte?
RODOLFO
¡Incluso después de la muerte!
Ambos
URBANO
¡Oh, qué terrible promesa!
¡De una amante como esa,
de una cita como esa
mi corazón no se siente celoso!
Dios velará por nosotros,
señor mío, ¡calmaos!
RODOLFO
¡Terrible tormento que me oprime!
Ante mí se eleva su sombra.
¡Y acude puntualmente a la cita
que otorgó el infierno enfurecido!
(con delirio)
¡Vete!... ¡Vete!...
¡Aléjate de nosotros!
URBANO
Del vano delirio
en que se agita vuestra alma,
pronto desaparecerán
los siniestros efectos.
¡Para vos, Pedro, el santo ermitaño
exorcizará la furia del infierno!
Sí, creedme, señor, mi amable señor,
antes de que el día disipe la noche
¡vuestra desdicha desaparecerá
frente al amor sonriente!
(Alegremente)
¡Tened coraje!
El cielo despejado
sigue a la tormenta
que se disipa para siempre.
El placer y la ternura
de una noble dama
embellecerá los días
de vuestra juventud.
RODOLFO
¡Tengamos coraje!
¡Se acabaron las tormentas!
¡Creamos en el paje,
creamos en los hermosos días!
¡El placer y la ternura
de una dulce dama
embellecerán los días
de mi juventud.
URBANO
¡Pedro ha hablado! ¡A la santa cruzada
marcharán todos nuestros caballeros!
Pero antes de que abandonéis
los muros de la mansión paterna,
él pretende uniros a Agnés...
RODOLFO
(lanzando un grito de alegría)
¡Oh, cielos!
URBANO
(alegre)
Ya, con mucho esmero,
se prepara anticipadamente
la ceremonia con gran pompa.
¡Sobre el luto de la ropa negra,
el color púrpura ha triunfado!
¡Los músicos, las canciones,
el baile, y mejor aún,
vuestra Agnés así lo esperan!
Mañana, de madrugada, partiremos,
y mientras tanto,
bailaré el vals
hasta el amanecer...
RODOLFO
(fuera de sí)
¿Es un sueño?
URBANO
(riendo)
¡Eh, no en verdad que no!
¡Tened confianza!
El cielo despejado
sigue a la tormenta
que se disipa para siempre.
El placer y la ternura
de una noble dama
embellecerá los días
de vuestra juventud.
RODOLFO
¡Tengamos coraje!
¡Para nosotros no más tormentas!
¡Creamos en mi paje,
creamos en los hermosos días!
¡El placer, la ternura
y una dulce mujer
embellecerán el curso
de mis días juveniles!
(Urbano sale corriendo por la puerta
trasera, que cierra detrás de sí)
Escena Cuarta
RODOLFO
(Solo, con un ritornelo dulce y afable,
va a abrir la ventana, Parece aspirar
la frescura del bosque y respirar más
libremente)
Aria
¡Un aire puro
y un cielo azul
brilla ante mi vista!
¡En este día
un sueño de amor
calma mi alma conmovida!
¡A su desdichado hijo,
mi padre finalmente perdona!
¡Y el perdón de los cielos
brilla a mi alrededor!
¡Un aire puro
y un cielo azul
brilla ante mi vista!
¡En este día
un sueño de amor
calma mi alma conmovida!
(Mirando a su alrededor)
Pero la noche avanza...
(Con temor)
¡La noche!
¡Pronto llegará la medianoche!
Si, y como siempre...
sangrienta y terrible...
aparecerá la Monja...
(escuchando)
¿Si pudiera escuchar sus pasos?...
(procurando tranquilizarse)
¡No, no, es imposible!...
Esta noche ... ¡ella no vendrá!
(Se acerca a la ventana y escucha.
Fuera se reanuda la melodía del vals.
Mira y dice:)
La luna brilla
y la hierba resplandece.
¡La joven,
a media voz,
repite alegremente
el canto
que la curruca
entregó al bosque!...
(Con alegría y cerrando la ventana)
¡Ella no vendrá!...
¡Todo está tranquilo!
¡El sosiego de la naturaleza
ha entrado a mi alma!...
¡Un aire más puro,
un cielo azul
brilla ante mi vista!
¡En este día
un sueño de amor
colma mi alma conmovida!
(Medianoche. La música elegante
es seguida por una música oscura y
terrible. Se escuchan los pasos del
espectro. El muro de la derecha se
abre y deja pasar a la Monja que
avanza lentamente. Rodolfo, aterrado,
cae en la cama inmóvil)
Escena Quinta
(Rodolfo y La Monja)
Dúo
LA MONJA
¡Aquí estoy, yo, tu tormento!
Tengo tu promesa, ¡tengo tu anillo!
¡El cielo quiere que cumplamos
los juramentos hechos en la tumba!
RODOLFO
¿Me has condenado
al tormento de verte?
¡Monja! ¿Qué te he hecho?
LA MONJA
¡A mí te entregaste!
¡Agnés! ¡Agnés!
¡Tuya, es toda mi vida!
Eso dijiste.
RODOLFO
¡Al infierno, yo no hice ningún voto!
LA MONJA
¡Ni yo, ni yo!
¡Sólo pertenezco a Dios!
¡Tan culpable como tú,
mi culpa expío!
RODOLFO
¿Puedo ayudarte a expiarla?
LA MONJA
¡Sí!
RODOLFO
Entonces,
¿cómo romper el pacto que nos une?
LA MONJA
(se levanta el velo y muestra la mancha
de sangre que hay sobre su corazón)
¡Inmolando a quien me asesinó!...
Hasta entonces...
¡Yo seguiré viniendo, yo, tu tormento!
Tengo tu promesa, ¡tengo tu anillo!
¡El cielo quiere que cumplamos
los juramentos hechos a la tumba!
RODOLFO
Para poner fin a esta tortura,
para recuperar mi anillo,
¿qué debo hacer?
¡Te seguiré hasta la tumba!
¡Sí, iré hasta la misma tumba!
¡Pues bien!
¿Quién es el asesino?
LA MONJA
¡Lo sabrás!
(buscando recobrar sus recuerdos)
Espera...
En la guerra... se decía que él perdió la vida.
En el claustro
donde me llevó su muerte yo supe...
(con placer)
¡Que él aún vivía!
(con cólera)
¡Que se casó!
Corrí a él... le recordé nuestro amor...
¡sus juramentos!
¡Y él!... para evitar
una inoportuna demanda...
(mostrando la herida en su corazón)
¡Él me apuñaló!
¡Sí, sin remordimiento, sin temor!
¡A mí, que lo amaba!...
RODOLFO
(vivamente)
¡Infame!
LA MONJA
¿Verdad que sí?
RODOLFO
¿Quién es él?
LA MONJA
¡Ya lo sabrás!
RODOLFO
¡Te vengaré!
LA MONJA
¡Está bien!
Mantén tu juramento
y yo sostendré el mío.
LA MONJA
¡Sí, que muera!
¡Sí, que la tumba
lo una finalmente
a mi destino!
Sólo entonces,
te devolveré tus juramentos.
RODOLFO
(con placer)
¡Sí! Sí, que él sucumba,
¡Sí, que la tumba
finalmente lo una
a tu destino!
¡Todos mis juramentos,
tú me devolverás!
(con júbilo)
¡Ah, seré tu caballero!
Castigaré a tu asesino...
¡Su nombre!
¿Cuál es su nombre?
LA MONJA
¡Lo sabrás mañana!
RODOLFO
(con placer)
¡Y así seré libre por fin!
LA MONJA
Adiós, Rodolfo...
¡Nos vemos mañana!...
¡A medianoche!...
¡Hasta mañana!
LA MONJA
¡Sí, que muera!
¡Sí, que la tumba
lo una finalmente
a mi destino!
Sólo entonces,
te devolveré tus juramentos.
RODOLFO
(con placer)
¡Sí! Sí, que él sucumba,
¡Sí, que la tumba
finalmente lo una
a tu destino!
¡Todos mis juramentos,
tú me devolverás!
LA MONJA
(alejándose)
¡A medianoche!...
¡Nos vemos mañana!...
(Mientras la Monja se aleja,
Rodolfo, fuera de sí y abrumado,
cae sobre la cama. Fuera se
reanuda la melodía del vals)
Ambos
URBANO
(Fuera, llamando a la puerta)
¡Señor... mi noble señor,
está a punto de amanecer!
¡Vayamos alegres a la mansión
de vuestro padre
donde el amor os espera!
CORO
(desde el exterior)
¡Bailad bajo la sombra,
alegres muchachas
pues suena el violín
y el día se acaba!
¡Qué hermoso es el vals!
Tan rápido como él,
el placer huirá...
¡Aprovechémoslo!
RODOLFO
¿Estoy despierto?... ¿Estoy vivo?
¡Protégeme, Dios Todopoderoso!
¡Ah, es Urbano!...
(Volviendo en sí)
Sí... realmente,
¡es Agnés!...
¡El amor me espera!
(Rodolfo se pone de pie,
tambaleándose, y cuando Urbano
abre la puerta a, cae el telón)
ACTO
CUARTO
(Jardines del Conde Luddorf. Todo está
dispuesto para la celebración de la boda)
Escena Primera
(El conde Luddorf, el barón de Moldava,
caballeros y nobles de las dos familias,
sentados alrededor de una mesa.
Escuderos y sirvientes, detrás de ellos)
LUDDORF
Primer Cuplé
Valientes caballeros
y hombres de armas,
queridos camaradas
de los días de peligro,
¡dejemos a un lado las armas y escudos!
¡Que las copas brillen en nuestras manos!
¡Al rescate!... Ese era el grito
de nuestros valientes antepasados,
y nosotros, sus dignos descendientes,
¡como ellos cantemos!
¡y bebamos como ellos!
CORO
Al igual que nuestros antepasados,
¡cantemos como ellos!
¡y bebamos como ellos!
LUDDORF
Segundo Cuplé
Durante demasiado tiempo
la horrible guerra
ha devastado nuestra tierra,
¡que se aleje Marte
y que alegremente
el amor ocupe su lugar!
¡Al rescate!... Ese era el grito
de nuestros valientes antepasados,
y nosotros, sus dignos descendientes,
¡como ellos cantemos!
¡y bebamos como ellos!
CORO
Al igual que nuestros antepasados,
¡cantemos como ellos!
¡y bebamos como ellos!
Escena Segunda
(Los anteriores, Urbano, Fritz, Ana,
un grupo de campesinos y jóvenes
bohemios engalanados para la boda)
URBANO
(Trayendo a Ana, que se
resiste y no se atreve a entrar)
¡Ven, encantadora anfitriona!
¡Ven y no temas nada!
LUDDORF
¿Quién es?
URBANO
¡Unos novios,
cuyos corazones generosos
acogieron a vuestro hijo
cuando era desdichado!
LUDDORF
¡Os debo un reconocimiento!
URBANO
(en voz baja)
¡Y, además, monseñor,
a lo largo y ancho de la región,
Ana, la gitana,
¡es alabada por su ciencia!
LUDDORF
(Señalando a Fritz y Ana)
¡Junto con la de mi hijo,
quiero que su boda se celebre aquí!
FRITZ
¡Dios, qué honor!
ANA
¡No puedo creerlo!
LUDDORF
(extendiendo su mano)
¡Que mi mano sea
la prenda de mi promesa!
ANA
(besa la mano que le tiende
el conde, luego la mira
atentamente y lanza un grito)
¡Ah, gran Dios! ¿Qué estoy viendo?
(Ella se aparta asustada)
URBANO
(Corre hacia ella a la derecha de la
escena, mientras el Conde de Luddorf
y los demás vuelven a la mesa de la
izquierda)
¿De dónde surge
tu repentina turbación?
ANA
¡Oh, ira celestial,
que me paraliza de temor!...
(en voz baja, a Fritz)
El mismo día... junto a ellos...
no nos casaremos... ¡Nunca!
(En voz baja, a Urbano)
¡Porque este casamiento
no se llevará a cabo!
URBANO
(riendo)
¡Qué locura!
(señalando a Rodolfo y Agnés, que se
adelantan desde el fondo de la escena,
seguidos por un gran cortejo)
¡Allí vienen los dos,
los novios felices,
llenos de alegría y alborozo!
LUDDORF
(a los invitados)
Compartirán vuestros bailes
y vuestras diversiones.
Ante el altar,
consagrarán su amor.
¡Que la voz del sacerdote
descienda sobre ellos!
Escena Tercera
(El barón de Moldava y sus caballeros se
ubican a la izquierda y al fondo. Rodolfo y
Agnés se sientan a la derecha; cerca de
ellos y de pie, Urbano, Fritz y Anna.
Retiran la mesa donde bebían los
caballeros. Los jardines del Conde de
Luddorf están iluminados y adornados
con flores. Las damas y caballeros del
lugar, vestidos de gala, llegan para
participar en la fiesta, y son recibidos
por el Conde de Luddorf, quien entra,
sale y da órdenes durante el siguiente
ballet. Ballet en el que se representan
sucesivamente bailes regionales de
Bohemia, Moravia, Hungría y Estiria.
Hacia el final del ballet, el gran reloj del
castillo deja oír lentamente la medianoche.
Rodolfo, que estaba a la derecha, sentado
junto a Agnés, se levanta y da unos pasos
rápidos hasta el borde del escenario)
RODOLFO
(con inquietud y mientras
suena la medianoche)
¡Medianoche!
(Forzando una sonrisa)
¿Qué terror se apodera aún de mí?
En medio de la fiesta,
del baile bullicioso...
y de las lámparas centelleantes...
¡el espectro no se atreverá a venir!
(Cuando se oye la última campanada
de la medianoche, una cortina de
gasa desciende detrás de Rodolfo,
y lo separa de la gente. A través de
la gasa se observa el baile, que
aún continúa durante la siguiente
escena. Los jardines permanecen
iluminados, pero se apaga la luz
sobre la rampa, que está delante de
la escena. Rodolfo ve aparecer junto
a él la sombra de la Monja, visible sólo
para él, e invisible para todos los demás)
Escena Cuarta
(Los anteriores y la Monja,
que se ubica en silencio al
lado de Rodolfo, mientras que,
en el fondo, siguen moviéndose
diferentes grupos de bailarines
y la orquesta aún se escucha a
lo lejos en sordina)
RODOLFO
(consternado)
¿Otra vez tú?...
¡Mi perseguidora!
LA MONJA
No te dije: ¡Hasta mañana!
RODOLFO
¡Acaba con mi suplicio!
LA MONJA
¡Y tú, castiga a mi asesino!
RODOLFO
(con impaciencia)
¡Señálame al terrible caballero!
¿Qué señal, dime,
me permitirá reconocerlo?
LA MONJA
Invisible para todos
y sólo visible para ti,
aparecerá en su pecho
la cruz de sangre
que yo misma llevo.
(se la señala)
¡Toma, mira!...
RODOLFO
(con ímpetu y extendiendo la mano)
¡Que caiga sobre mí un anatema
si mi brazo no logra inmolarlo!
LA MONJA
(también extendiendo la mano)
¡Y yo permitiré que
cuando él caiga,
te cases con la otra Agnés!
(La Monja desaparece. La tela
de gasa se eleva, la luz vuelve
al frente del escenario. Rodolfo,
todavía bajo la impresión de la
visión que acaba de tener, mira
a su alrededor y contempla con
asombro los bailes que lo rodean
y que han adquirido un carácter
más vivo. Sucumbiendo a sus
emociones, se lleva la mano a los
ojos y se tambalea; Agnés, que ha
corrido hacia él, lo sostiene)
AGNÉS
¿Qué tienes?
¿Qué aflicción te invade
en este momento de felicidad?
RODOLFO
(tratando de superar
su conmoción)
Hay bienes tan dulces
que cuanto más los deseamos,
más tememos perderlos.
AGNÉS
(con ternura)
¡Sólo tuyo es mi corazón!
¡Sí, te amo! ...
¡Ahora te lo puedo decir!
¡Siento la embriaguez
de amarte para siempre!
¡Haré ante el altar
un voto solemne!
¡Mandato querido y supremo
que, ante Dios mismo,
con la más dulce esperanza
se convertirá en un deber!
RODOLFO
¡Oh, oscura tristeza,
tormento que me oprime!
¡Ante la voz del cielo,
huye del altar!
¡Ven, juramento supremo,
que, ante Dios mismo,
con la más dulce esperanza
se convertirá en un deber!
Escena Quinta
(Los precedentes, el conde de
Luddorf, Pedro El Ermitaño,
seguido de una procesión religiosa)
Final
PEDRO
¡Olvidemos
las discordias pasadas!
¡Que se borren los odios!
Al pie de los santos altares,
un Dios justo y misericordioso
quiere, a través de esta boda,
hacer de todos una sola familia.
MOLDAVA
(extendiendo su mano hacia Rodolfo)
¡Mi noble yerno, nos esperan!
LUDDORF
¡Le ofrezco la mano
a mi nueva hija!
(Abre el manto de armiño que lo
cubre para ofrecer su mano a
Agnés, y Rodolfo, que ahora está
frente a él, ve en el pecho de su
padre la cruz de sangre señalada
por la Monja Sangrante)
Concertante
RODOLFO
¡Oh, terror!...
TODOS
¿Qué le sucede?
RODOLFO
¡Me estremezco!
TODOS
¡Respóndenos!
RODOLFO
¿Qué veo?
TODOS
¿Qué temes?...
RODOLFO
¡Dios vengador!
TODOS
¡Qué furia!
(Diálogo)
EL CORO
¿Qué le sucede?
¡Qué pavor!
¡Respóndenos!
¡Respóndenos!
RODOLFO
Prueba horrible
del delito...
¡Ocúltate
a mis ojos!...
Concertante
(explosión general)
RODOLFO
¡Es mi padre! ¡Él!
¡Me estremezco de horror!
¡Sí, el infierno por mi mano
viene a castigar al asesino!
Hice el juramento
de derramar su sangre...
¡De este crimen depende
mi felicidad futura!
(Con furia)
¡No, antes seré perjuro
y huiré de todos ellos
por temor a la naturaleza
y al furor del cielo!
CORO
¡Rodolfo!
¿Sus manos tiemblan?
Está dudando...
Se detiene vacilante...
¿Qué amenazante designio,
qué agresiva sospecha
se apodera de él, en el momento
en que su casamiento lo espera?
(Con explosión)
¡Si es un perjuro,
por nuestro honor,
debe expirar esta injuria
bajo nuestras armas!
AGNÉS, ANA, URBANO, FRITZ
¡Rodolfo!
¡Su corazón se estremece!
Vacila...
Se detiene inseguro...
¡Oh, desgracia! ¡Oh, tormento!
Si él me ama
¿cómo puede vacilar
en este instante
cuando nos espera nuestra boda!
¿Cuando le espera su boda!
(Con dolor)
Torturas que soporto,
suplicio que ella soporta,
mi corazón lo soporta todo,
su corazón lo soporta todo,
¡Excepto el perjurio
de un amante, de un esposo!
PEDRO
(a Rodolfo, a quien toma de la mano)
El altar está preparado...
¿Qué te detiene?
RODOLFO
(fuera de sí)
¿Qué me detiene?...
¿No ves el relámpago sobre mi cabeza
y el abismo abierto bajo mis pies?
Juramento fatal...
¡del que soy víctima!
Debo obtener mi felicidad
por medio de un crimen,
(Llorando)
No puedo... antes moriré, ¡ay de mí!
Pero este casamiento...
TODOS
¿Y bien?
RODOLFO
¡No se realizará!
Repetición del motivo
AGNÉS
(corriendo hacia él)
¿Qué has dicho?
RODOLFO
¡Oh, qué tormento!
AGNÉS
Es por ti...
RODOLFO
¡Dios vengador!
AGNÉS
Nuestras promesas...
RODOLFO
¡Me estremezco!
AGNÉS
¿Están rotas?
RODOLFO
¡Oh, terror!
AGNÉS
¿Por qué?
Por favor ...
¡Respóndenos!...
¡Respóndenos!...
RODOLFO
Bajo mis pies...
Por piedad...
Oscuro abismo...
¡Ábrete!
¡Es mi padre! ¡Él!
¡Me estremezco de terror!
¡Sí, el infierno por mi mano
viene a castigar al asesino!
¡He jurado
derramar su sangre!
¡De este crimen depende
mi felicidad futura!
(Con furia)
No, antes seré perjuro,
¡Huyamos de todo esto
por terror a la naturaleza
y a las furias del cielo!
CORO
¡Los nudos sagrados!
¿Él los rompe hoy?
¡Con un corazón inhumano,
rechaza su mano,
traiciona su juramento
y rechaza la boda que le espera!...
Una afrenta tan tremenda
requiere sangre... ¡sí, sangre!
(Con ímpetu violento)
¡Y el traidor y perjuro,
por nuestro honor,
debe morir, por esta injuria,
bajo nuestras armas!
AGNÉS
¡Sagradas promesas!
¿Quién las quebranta hoy?
¡Él rechaza, cruel,
mi amor y mi mano!
¡Traiciona su juramento
y mi corazón, sin embargo,
todavía defiendo
a quien tanto amé!
¡Oh, tormentos que soporto,
mi corazón os enfrenta a todos,
excepto el perjurio
de un amante, de un esposo!
CABALLEROS
(De ambas partes, desenvainando
sus espadas agrupándose, algunos
alrededor de Moldava y otros de
Luddorf)
¡Basta de paz! ¡No más tregua!
¡Que las espadas venguen finalmente
las afrentas con las que se manchan
nuestras frentes!
¡Al combate! ¡Al combate!
¡El cielo está con nosotros!
PEDRO
(corriendo en medio de ellos)
¡Necios!... ¡Locos!...
¡El cielo os maldice a todos!
CORO
¡Basta de paz! ¡No más tregua!
¡Que las espadas venguen finalmente
las afrentas con las que se manchan
nuestras frentes!
¡Al combate! ¡Al combate!...
¡La gloria será para nosotros!
(Los caballeros se lanzan unos
contra otros; Agnés y las damas
se arrojarán ante sus padres o sus
maridos, y Pedro queda en medio de
todos ellos. Cae el telón)
ACTO
QUINTO
(La escena representa un sitio agreste
cerca del castillo de Moldava. Al fondo,
sobre un promontorio, la tumba de la
Monja Sangrante; un poco más arriba,
la ermita de Pedro el Ermitaño)
Primera Escena
LUDDORF
(a solas)
Mi hijo huye de mí en vano...
¡Con este hijo culpable
quiero ser terrible e inexorable!
¡Inexorable!... ¿Yo?
¿Yo, hablando de castigar?
¡Cuando el cielo me persigue,
cuando me siento estremecer
bajo el peso de mi crimen
con el que se quebranta mi alma!
¡Ay de mí!
¡Reconozco los golpes de Agnés!
¡Sí!... Veinte años
de remordimientos
no la han apaciguado,
¡y sobre mí y sobre los míos,
desata su furia!
Aria
Víctima deplorable de mi furia,
Tú, a quien una vez mi brazo mató,
¡Te imploro gracia!
Permíteme esconder mi crimen;
que sea suficiente para ti,
¡ay! mi castigo.
¡Ah, deja que mi hijo,
mi noble hijo lo ignore.
Mátame, si así lo deseas...
¡Estoy listo para morir!
Pero que antes, al menos,
pueda volver a ver a mi hijo,
¡y besarlo sin sonrojarme!
(Va a postrarse a los pies
de la estatua de la Monja)
Escena Segunda
(Norberg, Arnold, amigos y
sirvientes del conde de Moldava;
luego Luddorf que, oyéndolos,
baja del montículo y los escucha)
LUDDORF
(aparte)
¿Qué escucho?...
NORBERG, CORO
Amigos, avancemos en silencio...
¡Que la noche proteja nuestros pasos!
¡Que el deseo de venganza
nos guíe y dirija nuestros brazos!
NORBERG
(a Arnold que entra)
Bien, ¿y Rodolfo?
ARNOLD
Nuestro enemigo intentaba
abandonar estos lugares,
dejando impune nuestra afrenta.
NORBERG, CORO
¿Ha huido?
ARNOLD
Una artimaña
retrasó su huida.
¡Alto! le dije,
Pedro, el santo ermitaño,
a las ocho de la noche
te da cita allá arriba,
en su capilla!
Se detuvo y vaciló...
TODOS
¿Y entonces?
ARNOLD
¡Prometió venir!
NORBERG
¡El vendrá!
ARNOLD
Lo esperaremos,
y tan pronto como aparezca,
al pie del santo altar
en la noche oscura
nuestras dagas en su seno
vengarán la ofensa que recibimos.
¡Esperemos, amigos,
y recordemos que
el honor reclama sangre
y que él nos debe la suya!
LUDDORF
(al fondo de la escena)
¡Van a matar a mi hijo!...
CORO
Amigos, avancemos en silencio...
¡Que la noche nos proteja!
¡Que el deseo de venganza
nos guíe y dirija nuestros pasos!
LUDDORF
Hijo mío, hijo mío...
¡cuando la venganza
de sus armas amenaza tu vida,
me corresponde a mí defenderte
y evitar tu muerte!
(Norberg, Arnold y los amigos del conde
de Moldava suben los escalones de la
capilla, sin ver a Luddorf, oculto detrás
de la tumba)
Escena Tercera
(Luddorf, luego Rodolfo y Agnés)
LUDDORF
(Bajando los escalones de la tumba y
viendo a Rodolfo que aparece a la
izquierda de la escena)
¡Ah, advirtamos a mi hijo!... ¡Cielos!
¡Agnés va detrás de él!
(se detiene)
AGNÉS
(a Rodolfo)
Romperás el silencio,
¡o no te dejaré ir!
Dúo
¡Rodolfo, perjurio y traidor!
Pero no, no puedo condenarte,
¡Quiero saberlo todo,
para poder perdonarte!
RODOLFO
¡Sí, soy un perjurio y un traidor
y tu corazón debe condenarme!
Me voy, y no podrás conocer
las aberraciones que deseas perdonar...
AGNÉS
¡Es demasiada tu resistencia!
Rompe ese cruel silencio.
¡Mi honor, que él agravia,
te ordena que hables!
¡Ah! Mi razón divaga
y el cruel destino
que nos separa
me hace temer por ti.
RODOLFO
¡Romper el silencio?
¡No, el cielo, al que he ofendido;
el cielo, en su venganza,
me prohíbe hablar!
¡Ah! Mi razón divaga
y el cruel destino
que nos separa
me hace temblar...
LUDDORF
(aparte, acercándose)
¡Qué tormento!
RODOLFO
(a Agnés, señalando la
estatua de la Monja)
Agnés, cuya estatua ves...
Agnés, por un crimen
llevada a la tumba...
LUDDORF
¡Dios! ¿Qué dice?
RODOLFO
(continuando)
Agnés, por un designio cruel
no tiene descanso en el cielo;
ni nosotros felicidad en la tierra,
a no ser que el criminal muera...
LUDDORF
(aparte, con terror)
¿Él lo sabe todo?
AGNÉS
¿Y bien?
RODOLFO
(fuera de sí)
En su ira,
y para castigar a su asesino,
¡ella me ha elegido a mí!...
AGNÉS
¿No eres un caballero?
¡Ve, y sé su vengador!
RODOLFO
¿Yo?... No puedo.
AGNÉS
¿Qué te detiene?
RODOLFO
(fuera de sí)
¡Tengo miedo!
LUDDORF
(aparte, con terror)
¡Sí, lo sabe todo!
RODOLFO
Miedo del rayo que cae... ¿lo oyes?
¡Ya retumba sobre nuestras cabezas!
¡Miedo de mí mismo!...
(Volviendo en sí)
¡Ah, qué estoy diciendo, ay!
AGNÉS
¡Termina de hablar! ¡Termina!...
RODOLFO
Adiós
¡no me preguntes más!
LUDDORF
(aparte)
Él lo sabe todo... ¡Bueno! Entonces...
(Mirando hacia la capilla)
... démosles una vida.
¡Que después de tanto tiempo
este remordimiento deje de serlo!
¡Sí, apartemos a mi hijo
de la muerte que le espera!
(señalando a Agnés y Rodolfo)
¡Para ambos, la felicidad!...
¡Para mí, el castigo!
(Sube la montaña, se detiene un
momento frente a la tumba de la Monja,
luego continúa subiendo y entra en
la capilla)
AGNÉS
Silencio culpable
que redobla la ofensa.
¡Apártate de mi presencia
y vete para siempre!
Semejante cinismo
me irrita y me enfada...
¡Vete, te echo!
¡Vete, te odio!
¡Vete para siempre!
RODOLFO
¡Ah, ya no hay esperanza!
¡Mi silencio fatal
redobla los dardos
de su venganza!
¡Tus reproches son muy justos!
¡Es el colmo de la desdicha!
Me voy, me echas...
¡Me voy para siempre!
¡Adiós para siempre!
(Agnés se deja caer sobre la roca
sumida en la más profunda depresión.
Rodolfo, que se estaba alejando,
vuelve y se arroja a sus pies)
RODOLFO
¡Oh, cruel desgracia!
¡Morir... morir lejos de ti!
RUIDOS, VOCES
(desde la capilla)
¡Muerte a Rodolfo!
AGNÉS
¡Oh. cielos!
CORO
(dentro de la capilla)
¡La ira celestial finalmente
entrega al infame a nuestros manos!
AGNÉS
¡Muerte a Rodolfo!...
¿Eso han dicho?
RODOLFO
¡Ah, qué importa!
Piden mi vida
¡pues bien!
¡Yo se la entrego!
(Corre hacia la capilla mientras
Luddorf sale ensangrentado y
perseguido por los asesinos,
arrastrándose hasta la tumba de la
Monja y cae agonizante en los brazos
de su hijo. Pedro el Ermitaño, el
conde de Moldava, soldados, pajes,
campesinos, etc salen con antorchas
e invaden la escena)
Escena Cuarta
Final de 1854
(Los anteriores, Pierre el Ermitaño,
el Conde de Moldava, soldados, pajes,
campesinos, etc)
RODOLFO
(a su padre, a quien sostiene)
¡Ah, apóyate en mi brazo!...
(Dirigiéndose a los asesinos,
que salen de la capilla)
¡Viles asesinos!...
¡Castigaré este crimen!
NORBERG ARNOLD, ASESINOS
(viendo a Rodolfo, quedan
inmóviles por la sorpresa)
¡Rodolfo!... ¡Oh, cielos!... Entonces
¿Quién ha caído bajo nuestros golpes?
LUDDORF
¡Yo!... ¡yo... de vuestras dagas
he sido víctima voluntaria!
(Levanta los brazos al cielo)
¡Te lo suplico, Dios todopoderoso!
¡Ah, para ellos la felicidad,
para mí el castigo!
(Dirigiéndose a la estatua de la Monja)
¡Agnés! ¡Agnés! Me muero...
Tu implacable ira...
LA MONJA
(desde su tumba,
arroja su daga)
¡Estoy aplacada!...
¡Mi temible lámpara sólo debe
Iluminar a la gente feliz!
(Mirando a Luddorf que está a sus pies)
Por la muerte,
ambos hemos sido reunidos.
¡Ven!... Espero obtener,
a los pies del divino Maestro,
mi perdón...
¡y el tuyo quizás también!
(La Monja y Luddorf se elevan
entre nubes desapareciendo)
CORO
(Arrodillado)
¡Oh, misericordia inefable!
Dígnate acogerlos...
La virtud del culpable
está en el arrepentimiento.
Digitalizado y traducido por
José Luis Roviaro 2023 |