PROLOGUE
(Le
théâtre représente un bocage et sur un
des corés le temple de l'Amour)
Scène 1
CHOEUR DES PLAISIRS
(derrière le théâtre) A l'ombre de ces bois
épais, dans une tranquille
indolence, que l'on goûte en paix
le frais et le silence! L'haleine pure des
zéphyrs
berce la molle verdure;
leur faible murmure se mêle à nos soupirs.
Scène 2
(Le
temple s'ouvre on y voit l‘Amour
couché sur un lit de roses. Les Plaisirs et
les Peines groupés autour de lui il se lève
e' gravit avec sa sude les degrés du
temple)
L'AMOUR Cessez de vous jouer
sur cette humble
fougère; quittez le doux repos- de ces ombrages verts! Allez, Zéphyrs légers
attendre dans les airs es ordres du dieu de
Cythère!
(les Zéphyrs sortent)
Je m'étais plu dans ces
retraites à réunir deux jeunes cœurs:
Narcisse, Echo de mes faveurs secrètes
y goûtaient les pures
douceurs. Apollon brûle en vain
pour la Nymphe fidèle, il se venge sur son
amant: par un funeste
enchantement ce dieu jaloux
l'éloigne d'elle; que mon ressentiment le
poursuive à son tour, que le bonheur encore
devienne son supplice! Essayons sous mes lois
de ramener Narcisse! Qui peut résister à
l'Amour?
Rien dans la nature n'échappe à mes traits; ni le guerrier, couvert
de son armure, ni le chasseur léger
qui fuit dans les forêts.
(La suite de l'Amour
danse en chœur)
Air des Peines
L'AMOUR Aimables plaisirs,
tendres peines, à mes desseins secrets
vous servez tour à tour; pour
rendre un cœur à ses premières
chaines, voyons à qui de vous
doit recourir l'Amour.
(Contredanse)
ACTE PREMIÈRE
(Le théâtre représente des coteaux fleuris,
l'autel de l'Amour, son temple, la grotte
des Nymphes, la fontaine de Narcisse, des
bocages agréables et des bois de cyprès
entrecoupés et surmontés de rochers)
Scène 1
AGLAE (aux Nymphes et aux
Sylvains qui apparaissent au loin et
s'assemblent peu à peu a sa voix) Nymphes des eaux,
Sylvains, mêlez vos voix Qu'à vos accents vos
pas s'unissent, que vos grottes en
retentissent!
L'Amour, ce dieu charmant, dont nous suivons les
lois, au fils du beau Céphise
en ce grand jour
enchaîne Echo, fille de l'air, la
Nymphe souveraine de l'espace tranquille,
ombragé par nos bois.
EGLE (Air
chanté et dansé) Echo par un charme
innocent du pur amour étend
l'empire. Son regard modeste et
touchant défend ce qu'il inspire.
La pudeur repose et
sourit sur son front serein,
sur sa bouche; plus sa décence vous
ravit, plus sa beauté vous
touche.
CHOEUR Que la lumière est vive
et pure! Vit-on jamais un si
beau jour? Un hymen préparé par
les mains de l'Amour, est la fête
de la nature.
Scène 2
(Echo, aux chœurs, s'arrêtant avec sa suite
et
portant en sa main des colombes blanches; les
Nymphes qui la suivent portent des
corbeilles de fleurs et des guirlandes)
ECHO Nymphes! éloignezvous un moment
de ce lieu! L'Amitié me prévient
dans les vœux que vous
faites; mais par des offrandes
secrètes je dois fléchir un
autre dieu.
Scène 3
Pantomime
(Les chœurs sortent, Echo dépose son
offrande. Les Nymphes et sa suite enlacent
leurs guirlandes autour de l'autel et posent
leurs corbeilles sur les marches. Tous ces
mouvements organisent une pantomime.
Echo renvoie sa suite)
ECHO Pour offrir à l'Amour
l'hommage le plus tendre des
nœuds que l'Hyménée a promis
à nos vœux en ces bosquets sacrés
Narcisse a dû
m'attendre.
J'y porte en vain mes tristes yeux. Hélas! il ne vient
point s'y rendre.
CYNIRE D'où nait, aimable
Echo, cet air sombre et
chagrin qui ternit de vos yeux l'éclat pur et serein?
ECHO Ton cœur tendre et
fidèle, le sang qui nous unit
tous deux de Narcisse et de toi
l’amitié mutuelle te
donnent droit de lire en ce cœur malheureux.
J’y cache, hélas! une
vive blessure.
Qui l’aurait jamais cru?
Narcisse est un parjure.
Lui qui ne pouvait me quitter, il se trouble à ma vue,
il cherche à m’éviter.
CYNIRE Contre une inquiétude
extrême, belle Nymphe, il faut vous armer.
Un tendre cœur, sitôt qu’il aime, est trop facile à
s’alarmer.
ECHO Tout, s’il est près de
moi me fait sentir sa gêne.
Mais, Cynire, apprends tout, conçois toute ma peine! Aux jeux de Flore j’ai
surpris un doux regard qu’il
jetait sur Doris.
CYNIRE Pouvezvous concevoir
de si fausses alarmes?
Quel plus aimable objet peutil vous préférer?
Doris jointelle à tous ses charmes la timide pudeur qui
les semble ignorer?
ECHO Hélas! je n’ai pour moi qu’une âme simple et
pure.
Elle avait su se ménager
tout ce que l’art ajoute à la nature
J’avais négligé ma parure.
Dans la peine y peut songer?
Le plaisir cruel de me nuire
donnait à ses regards un éclat séducteur.
Hélas! Les miens ne laissaient lire
que l’abattement de mon cœur.
Que listu dans le sien?
Hâtetoi de me dire, si mes soupçons cruels sont injustes ou vrais?
Narcisse et toi, mon cher Cynire, ne cachez l’un à
l’autre aucun de vos secrets.
CYNIRE Moimême vous dirai je
un trouble qui m’agite?
le ne vois plus
Narcisse, il se cache, il m’évite
il semble, à le voir fuir dans
l’épaisseur des bois, qu’un dieu vengeur
marche à sa suite.
Farouche et solitaire il méconnaît ma voix.
ECHO Il cherche les forêts!
Narcisse est infidèle! Il y cache une ardeur
nouvelle.
CYNIRE Par d’indignes soupçons
ne le condamnez pas!
Vous ignorez encore si Narcisse est
coupable.
ECHO Cours le chercher,
peinslui la douleur
qui m’accable, pénètre dans son cœur
et reviens sur tes pas
ou me rendre la vie ou
hâter mon trépas!
(Cynire sort)
Scène 4
ECHO Tu vois les maux
affreux dont mon âme soupire, tendre Amour, prends pitié de mes
tourments cruels!
Ce n’est qu’au pied de tes autels que la tremblant Echo respire.
(elle s’avance près de
l’autel de l’Amour) Peutêtre d’un injuste
effroi ma tendresse est
alarmée, écoute, Amour, et
dismoi,
si je suis encore aimée.
Tu lis au cœur de mon amant, tu sais s’il connait
l’imposture. tu sais si son cœur
dément ce que sa bouche me
jure.
Hélas! D’un trop juste effroi
ma tendresse est
alarmée, vois ma peine, Amour,
et plainsmoi! Non, je ne suis plus
aimée.
Non, j’ai trop connu ses mépris.
Atil vu seulement la peine que j’endure?
L’infidèle, l’ingrat me préfère Doris; je n’ai plus son amour,
je n’en suis trop sûre.
Scène 5
EGLE Vous différez nos jeux.
Venez, chacun s’empresse, l’éclat de l’allégresse
brille dans tous les
yeux.
Venez!
ECHO Quand j’étais sans
tendresse, j’allais chercher vos
jeux.
EGLE L’Hymen qui vous
couronne, dans l’époux qu’il vous
donne, prévient vos tendres
vœux.
Venez, chacun s’empresse, l’éclat de l’allégresse brille dans tous les
yeux. Venez!
ECHO Apprends, ma chère
Eglé, le sujet de ma peine!
Narcisse mais je l’aperçois.
Je le vais observer. De grâce éloignetoi!
Scène 6
(Tandis qu‘Echo cherche Narcisse sur
la pente du coteau qui occupe l’aile
gauche du théâtre, Narcisse entre et va
se pencher sur la fontaine qui est
au pied de ce coteau)
NARCISSE Divinité des eaux,
charmante souveraine peuxtu résister à mes
pleurs? Avec des traits si
pleins de timides douceurs, quoi, tu pourrais être
inhumaine?
Dans les bras d’un rival heureux peut-être tu ris de ma
peine.
Tremble pour l’objet de tes feux, tremble en ta grotte
souterraine!
Je descendrai sous les flots et sans perdre en vains
sanglots le transport jaloux qui
me guide,
ma main de cent javelots sur ton sein palpitant
percera le perfide.
ECHO (à part, dans
l’éloignement) Ciel! Que viens, je
d’entendre, et quel est mon
malheur!
NARCISSE Mais, où m’égare une
injuste douleur?
Peut-être, hélas!, de mon ardeur tu
daignas partager, la joie ou les larmes.
Lorsque je souriais, un sourire plein de
charmes de ton teint ranimait
les fleurs.
Quand je pleurais, à mes pleurs tu répondais par des
larmes.
ECHO (s’étant approchée) Lui fautil découvrir
mes secrètes douleurs? Je ne les soutiens
plus,
à peine je respire.
NARCISSE J’ai vu tes bras tendus
vers moi, tu semblais vouloir me
dire:
Narcisse, je plains ton martyre, que ne puis je envoyer
mes soupirs jusqu’à toi!
ECHO (ayant descendu une
partie du coteau et en vue de
Narcisse) Narcisse!
AMOUR Echo t’appelle!
NARCISSE Quel embarras, quelle
peine cruelle!
ECHO Narcisse!
AMOUR Echo t’appelle!
NARCISSE Quels mouvements divers
m’agitent tour à tour!
ECHO C’est ton amante
fidèle. Sans elle tu n’avais
pas un beau jour. Et tu la fuis. Ah!
rendstoi ton amour!
NARCISSE Par mes ennuis, par mes
alarmes, ah! que mon cœur est
tourmente! Pour toi d’une mortelle
il eût bravé les
charmes; il voudrait te rendre
les armes.
Mais il est au pouvoir d’une divinité.
Je ne saurais te consoler et ne puis soutenir tes
larmes.
ECHO Ah! veuxtu me
désespérer?
A ton amante, hélas! peuxtu le preferer?
C’est toi dont les attraits...
(Narcisse sort)
Scène 7
ECHO (à Cynire) C’en est fait, cher
Cynire!
Je n’ai plus qu’à mourir, mon malheur est
certain.
CYNIRE Quel funeste dessein!
Quel nouveau trouble vous l’inspire?
ECHO J’ai perdu mon amant,
mon malheur est
certain.
Lui dont seule autrefois je faisais la
tendresse, dans le cristal des
eaux qui réfléchit ses
traits,
de l’humide élément croit voir une déesse
et brûle sous son nom pour ses propres
attraits.
Futil jamais douleur à ma douleur égale?
Des attraits de Doris je craignais le
pouvoir; je redoutais une
rivale.
Et mon plus grand malheur est de n’en point
avoir.
Ah! s’il s’était laissé surprendre d’une nouvelle ardeur,
s’il était encore
tendre, peutêtre il cèderait à ma vive douleur;
s’il avait engagé son
cœur il pourrait encore me
le rendre.
Mais sur un insensible, ah! Dieux! qu’ai je à prétendre?
Cynire, je ne puis soutenir mon malheur.
CYNIRE Par ma voix sur son sort aux rives
d’Amphitrite Prothée en ce moment vient d’être interrogé.
Apollon (m’atil dit) qui l’égare et l’agite, venge sur son rival
son amour outragé!
Si votre amant du charme qui l’engage ne vient point abjurer
l’erreur à vos genoux, n’en accusez qu’un dieu
jaloux dont votre cœur a
refusé l’hommage. Devant ses yeux s’il
n’eût mis un nuage, dans la nature entière
il ne verrait que vous, en ce moment encor,
tout plein de votre image dans la nature entière
il ne verrait que vous.
ECHO (sans
regarder Cynire, la tête baisse) Je t’ai fait trop
entendre une importune plainte. Ingrat, tu connus trop
mon amour et ma foi. Ma tendresse a paru
sans réserve et sans feinte, Voilà, le dieu qui se
venge de moi!
CYNIRE Combattez, tendre Echo,
le trouble qui vous
presse, opposez à vos maux un
cœur plus affermi, essayons sur le sien,
qu’égare son ivresse, ce que peuvent, hélas! les pleurs d’une
maîtresse et le faible effort
d’un ami!
ECHO D’une vie aussi
malheureuse, ah! tous les jours
marqués par des tourments, ne seraient qu’une mort
affreuse ressentie à tous les moments.
Un seul objet avait rempli mon âme je ne voyais que lui
dans ce vaste univers. le perds tout, quand je
le perds, et tout expire avec sa
flamme.
L’espoir fuit de mon cœur, l’effroi vient le
presser et le glacer.
Un ombre obscurcit le jour que je déteste.
La terre tremble sous mes pas!
Présages certains du trépas, non, vous n’avez rien de
funeste.
La mort est maintenant tout l’espoir qu’il me reste et
l’unique secours qui ne me fuira pas.
CYNIRE N’exhalez point en
pleurs la force qu’il vous reste,
je vais fléchir
Narcisse ou mourir dans ses
bras.
ACTE SECOND
Scène 1
EGLE (animée) Ton amitié vive et
pressante n’a donc pu dans son cœur faire
parler l’amour?
Saitil qu’à son amante expirante un seul de ses regards
pourrait rendre le
jour?
CYNIRE Je n’ai pu l’approcher. Ivre de sa chimère, il cache à tous les
yeux sa langueur solitaire.
EGLE Cours, vole, de tes
cris, va remplir ces forêts, joins Narcisse,
peinslui sa déplorable amante, pâle et mourante,
peinslui de son trépas
les funestes apprêts!
Va cours!
Le moment presse, et son heure s’avance, je vais flatter son
cœur d’un rayon d’espérance.
CYNIRE Amour, prêtemoi ta
puissance,
viens, donne à mes soupirs, à mes cris, à mes pleurs ce charme qui pénètre et change
les cœurs.
EGLE La voici! Dieux! Qu’elle semble
affaiblie!
Scène 2
(Echo arrive,
pâle et en désordre, tenant
une
guirlande. Elle on assied sur un banc
de
gazon près de la fontaine, visàvis de
la
statue de l’Amour, les quatre Nymphes
(Egle,
Thanais, Aglae et Sylphie)
l’environnent)
EGLE O chère et tendre amie
quel est ton triste
sort!
THANAIS Tu veux quitter la vie, tu veux donc notre
mort.
AGLAE, SYLPHIE O compagne chérie,
écoute la pitié!
Si l’amour t’a trahie,
que t’a fait l’amitié?
A QUATRE Ah! perte trop cruelle!
Comment vivre après elle?
Comment la soutenir qu’allonsnous devenir?
ECHO (toujours assise) O mes compagnes, mes
amies, il m’est bien doux de
voir vos prières unies me presser de vouloir
renoncer à la mort.
Mais je sens qu’elle approche et va finir mes peines.
Le poison des douleurs a coulé dans mes
veines, et je ne puis changer
mon sort.
C’en est fait. Je perds la lumière.
Les Deux du Styx ont entendu ma doleur et prononcé l’arrêt de
mon heure dernière, qu’ils ne prononcent
qu’une fois.
NYMPHES O mortelles alarmes,
impitoyables dieux! Si vous avez bravé le
pouvoir de ses yeux, serezvous touchés par
nos larmes? O mortelles alarmes...
ECHO
(s’approchant de l’autel de l’Amour et y déposant ses guirlandes) Quel cœur plus sensible
et plus tendre mérita jamais tes faveurs,
Amour? Devais je m’attendre à
tes rigueurs? Reçois ces ornements
que de mes pleurs
j’arrose, ils ne conviennent plus
à mes pâles attraits. Quand tu me couronnais
de roses, ne me gardaistu qu’un
cyprès?
NYMPHES O mortelles alarmes,
impitoyables dieux!
ECHO Dans ton temple
immortel de ces Nymphes suivie, en victime j’irai subir
mon triste sort.
Je t’avais destiné ma vie, je veux te consacrer ma
mort. O mes compagnes
fidèles, à mes douleurs
mortelles ne m’abandonnez pas,
Soutenez mes pas!
Scène 3
EGLE
(voyant
Narcisse
et
lui adresser la parole)
Cynire ne vient point.
Mais! Dieux! c’est l’infidèle!
Viens retirer Echo des ombres du trépas,
ingrat! Viens expirer ta flamme
criminelle!
Le barbare! Il me fuit, il ne m’écoute pas.
Scène 4
NARCISSE
(regardant la fontaine) Je ne puis m’ouvrir ta
froide demeure Nymphe sans pitié,
tu veux que je meure;
à te contempler
j’épuise mes yeux. Ingrate, inhumaine, je voudrais briser ta
chaine, mais vers toi l’amour me ramène par un
attrait victorieux.
(Il s’approche de la fontaine)
CYNIRE Résiste au pouvoir qui
t’entraine, entends la voix de la
tendre pitié!
NARCISSE
(s’arrêtant) Quel est l’ascendant
qui m’enchaine et
suspend mon âme incertaine
entre l’amour et l’amitié?
CYNIRE Viens! Du froid de la mort ton
amante est saisie, sa tombe s’ouvre, elle
va l’engloutir.
Rallume d’un regard le flambeau de sa vie ou crains de voir la
tienne en proie au repentir!
Sa voix plaintive et gémissante te reprochera son
trépas.
Partout la nuit son ombre errante viendra s’offrir devant tes
pas.
Où porter ta plainte inutile? Quels déserts cacheront
tes pleurs?
Infortuné! dans quel asile fuirastu les remords vengeurs?
NARCISSE Malheureux, par tes
coups Echo perdrait la vie!
Courons... mais quels secrets combats!
Ah, lorsque dans mon sein sa voix mourante crie,
vers ces bords enchantes quels dieux portent mes
pas?
CYNIRE Les dieux inspirentils
l’affreuse barbarie?
Viens, romps ces charmes impuissants!
NARCISSE
(s’inclinons vers le miroir des eaux) Vois la jeune déesse
idole de mes sens!
Abjure un odieux langage!
CYNIRE
(s’inclinant aussi et pressant Narcisse de sa main) Malheureux, connais ton
erreur!
Dans ce mouvant cristal, où se peint le rivage,
unie avec la tienne observe mon image!
Tu m’entends, je presse ton cœur,
de deux sens à la fois reçois le témoignage:
toimême était l’objet de ta funeste ardeur!
NARCISSE O combats, ô désordre
extrême ô trouble affreux et
confus!
Hélas je ne sais plus ce que je hais ou ce que j’aime, je
sens audedans de moi un long frémissement
qui me glace d’effroi. je ne me connais plus
moimême;
O mon ami, je m’abandonne à toi!
CYNIRE
(à part) Son cœur change, il
renaître; ce n’est plus lui qu’il
aime, il reprend pour Echo
ses premiers sentiments.
(Un coup de tonnerre se fait entendre) Mais quel trouble
sinistre émeut les éléments? Quel présage! Apollon, pour le rendre
à luimême, n’atil choisi ces
funestes moments que pour mettre le
comble à sa misère extrême?
CHŒUR
(derrière le théâtre) Dieux qu’implorent ses
tristes yeux, dieux de la mort...
CYNIRE Entendstu ce chant
lamentable?
NARCISSE Quel trouble me saisit!
CHOEUR …parmi les ombres
des amants malheureux…
NARCISSE Je tremble.
CHOEUR … recevezla dans vos
demeures sombres!
NARCISSE Ciel vengeur,
épuisestu sur un coupable les derniers traits de
ta fureur?
CHOEUR Dieux qu’implorent ses
tristes yeux...
CYNIRE
(à part) Ah que je plains le malheur qui
t´accable!
NARCISSE Une lumière redoutable
ouvre l’abîme de mon cœur.
CHOEUR ... parmi les ombres
des amants...
NARCISSE Un noir pressentiment
me glace d’épouvante.
CHOEUR … recevezla dans vos
demeures sombres!
(Le temple s ouvre. On voit Echo expirante
et ses compagnes désolées. Quelquesunes
sortent effrayées et les cheveux désordre.
Elles s’avancent et crient)
CHOEUR Ciel! Elle expire.
NARCISSE O ciel, secourezmoi!
C’est elle, ô dieux!
Chère Echo, chère amante je cours dans le
tombeau m’enfermer avec toi!
ACTE TROISIÈME
Scène 1
(Les
nymphes sortent de tous côtés comme si
elles erraient dans le bois et.sur les
coteaux: elles regardent dans l’air comme pour
voir de quel côté vient la voix d Echo
imitée par l’orchestre)
AGLAE Chère compagne, en vain
de ces sombres forêts nous parcourons
l’espace immense.
De ces rochers épars, couverts de noirs
cyprès, ta voix seule
interrompt le funèbre silence.
O plaisir douloureux qui nourrit nos regrets!
O tendre Echo, ta voix touchante qui nous suit dans les
forêts nous rend, hélas! ta perte plus
présente.
CHOEUR O tendre Echo, ta voix errante qui
nous suit dans les forêts, nous rend hélas! ta
perte plus présente.
AGLAE La nature interrompt
ses lois pour accroître ta
misère ton âme enlevée à la
terre, ta faible voix
plaintive et solitaire, errante en vapeur
légère, est condamnée à gémir
dans les bois.
CHOEUR O dieu du jour! ô dieu
plein de rigueur, pour l’avoir trouvée
insensible à ton ardeur, tu lui ravis dans ta
fureur du tombeau l’asile paisible en lui
laissant cette âme si sensible d’où lui vient tout son
malheur.
AGLAE Nymphes, allons verser des
larmes sur sa cendre!
Scène 2
NARCISSE Nymphes, où fuyezvous?
Hélas daignez
m’entendre, souffrez qu’à vos
regrets j’unisse mes douleurs!
Mais non, fuyez! Les pleurs du remords
et du cnme
troubleraient
les devoirs d’un deuil si légitime, ils souilleraient
l’offrande de vos pleurs.
(Les Nymphes sortent)
Scène 3
NARCISSE
(dès qu’il l’aperçoit) Va, fuis, abandonne un
coupable!
CYNIRE Moi, fuir un
malheureux?
NARCISSE Crains la fatalité
qui suit un misérable, abandonné des dieux,
que le destin poursuit, que la douleur accable.
CYNIRE Dissipe ce mortel
effroi, adoucis ce regard
funeste, jette des yeux plus
doux sur moi! Dissipe ce mortel
effroi! Lorsque tout fuit
autour de toi, l’amitié fidèle te
reste.
NARCISSE Au reproche douloureux,
au sombre ennui qui me
dévore, Cynire, ne joins pas
encore la honte et l’embarras de rougir
à tes yeux! Ah! laissemoi gémir
seul en ces lieux!
CYNIRE
(à part) Tendre Amitié, cache
tes larmes,
ah! crains d’aigrir ses mortelles alarmes, mais pour en prévenir
les funestes effets veille sur lui dans ces
forêts!
(Il sort)
Scène 4
NARCISSE De l’amitié touchante
et secourable, ingrat, tu repousses la
main. Te voilà seul! En estu moins
coupable? Pourrastu fuir des
dieux le regard redoutable et la voix du remords
qui tonne dans ton sein? Ces arbres, ces
vallons, tout m’accuse et
m’accable.
Beaux lieux, témoins de mon ardeur, vous ne faites, hélas! qu’accrontre mon
martyre.
Le souvenir de mon bonheur perce mon cœur et le
déchire.
Dieux! n’estce point assez de mon maineur?
Où fuir, dans quels tombeaux, dans quel profond
abîme? Dans ces déserts? Ils sont pleins de mon
crime.
Entends ma voix du séjour ténébreux.
Echo, fidèle Echo, prends pitié de Narcisse!
De l’Erèbe fléchis les dieux, ils commencent mon
supplice. Echo, fidèle Echo,
prends pitié de Narcisse!
LA VOIX D’ECHO Narcisse!
NARCISSE O ciel, qu’ai-je
entendu? C’est sa voix, ah,
c’est elle!
ECHO C’est elle!
NARCISSE C’est Echo qui
m’appelle, j’ai senti tressaillir
mon cœur d’amour, de repentir et de joie
et d’horreur.
Echo, chère ombre, ô toi qu’un infidèle
implore, aux bords du Styx
peuttu l’aimer encore?
ECHO Encore.
NARCISSE Au-delà, malheur à moi,
tu me aimes?
Peuttu l’aimer encore, o ciel, et je vivrais? Non, non, le désespoir
qui me presse et m’anime m’ouvrira
l’infernal séjour.
Mes pleurs, mon repentir, l’excès de mon amour
m’obtiendront le pardon et l’oubli de mon
crime.
(il veut se percer)
Scène 5
(Au
moment où Narcisse veut se frapper, le
temple s’ouvre. Echo gît, rendue à la vie, au
milieu d’un groupe de zéphires et de petits
amours. l’Amour, debout sur le premier
degré, arrête Narcisse et son ordre suffit)
L’AMOUR Arrête, malheureux
amant! Revois ton amante
fidèle! Je te rends le bonheur
et la vie avec elle.
NARCISSE Dieux! quel enchantement
succède à ma douleur mortelle! Je t’ai ravi le jour,
j’ai causé ton tourment; peuxtu me pardonner?
ECHO Quand je vois mon
amant, quand à peine mon cœur
suffit à mon ivresse, que puis je exprimer
que ma vive tendresse?
Le bonheur permetil un autre sentiment?
NARCISSE Quel retour, ô dieux,
quel moment!
Quelle volupté je respire!
ECHO, NARCISSE Le cœur ma bat, ma voix
expire.
Vois à mon trouble, à mon délire l’excès de
mon ravissement!
L’AMOUR, CYNIRE Un jour plus brillant
va vous luire. A vox yeux tout va
s’animer.
A quatre
L’AMOUR, ECHO, CYNIRE Quel bonheur de pouvoir
dire; c’est par l’Amour que
je respire, ne respirons que pour aimer!
NARCISSE Au elle volupté je
respire, ne respirons que pour
aimer!
L’AMOUR Jupiter me rappeler au
séjour du tonnerre
Conservez-moi toujours votre cœur.
L’Amour n’a plus rein à faire sur la terre:
il a fait votre bonheur.
CHOEUR Le dieu de Paphos et de
Gnide anime seul tout
l’univers.
Au haut des airs il atteint l’oiseau rapide; il embrase la Néréïde jusque dans le sein des
mers. Il embellit la
jeunesse, il réunit la grâce à la
beauté.
C’est lui qui pare la sagesse des attraits de la
volupté. C’est encore lui qui
nous console, lorsque nous perdons
ses faveurs, Ce dieu charmant, lorsqu’il s’envole,
nous laisse l’amitié pour essuyer nos
pleurs.

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PRÓLOGO
(La escena representa un bosque y a un lado, el templo del Amor)
Escena 1
CORO DE LOS PLACERES
(fuera de escena)
¡A la
sombra de este espeso bosque, en una
tranquila indolencia,
disfrutamos de la frescura y el silencio! El hálito puro de los Céfiros
arrulla al follaje, su débil susurro acompaña a nuestros suspiros
Escena 2
(El templo se abre y se ve al Amor acostado sobre un lecho de rosas. Los placeres y las penas se agrupan a su alrededor. Él se levanta y asciende las gradas del templo)
EL AMOR ¡Dejad de jugar sobre las humildes plantas,
abandonad el dulce reposo de su verde ramaje! ¡Vamos, ligeros céfiros, oíd en
el aire las órdenes de la diosa de
Citerea.
(los céfiros salen) Yo me retiraré a reunir a dos jóvenes corazones: Narciso
y Eco. Con mis favores secretos despertaré en ellos serenos
dulzores. Apolo, deseando en vano a la fiel
ninfa, se venga de su amante con un funesto encantamiento. El celoso dios lo aleja de ella. ¡Que mi resentimiento lo persiga, que su felicidad se transforme en
suplicio! ¡Bajo mis leyes Narciso
regresará! ¿Quién puede resistirse al Amor? Nada en la naturaleza escapa a
mis dardos; ni el guerrero protegido por su
armadura, ni el hábil cazador que huye a
los bosques.
(El séquito del Amor danza en
coro)
Aria de las Penas
EL AMOR Amables placeres, tiernas penas, a mis secretos designios
serviréis para entregar un corazón a sus primeras cadenas, ¿a quién de vosotros debe
recurrir el Amor?
(Contradanza)
ACTO PRIMERO
(La escena representa una colina
florida, con el altar del Amor y su templo, la gruta
de las ninfas, la fuente de Narciso,
agradables bosquecillos y bosques de cipreses alternados con montículos de piedras)
Escena 1
AGLAE (Las ninfas y los silvanos llegan
desde lejos y, poco a poco, van
uniéndose a su voz) ¡Ninfas de las aguas, silvanos,
mezclad vuestras voces! ¡Que vuestras canciones resuenen
al unísono! El Amor, el encantador dios cuyas leyes
seguimos, al hijo de Cefiso encadenó a Eco, la hija del aire, la ninfa soberana del espacio y
follaje de nuestros bosques.
EGLE (Aria cantada y danzada) Eco, por medio del inocente
candor dado por Amor, supo encantar a
todos. Su mirada, modesta y conmovedora, conquista aquello que mira.
El pudor se refleja en su frente serena y sobre su
boca. Cuanto más admiras su belleza, tanto más captas su pureza.
CORO ¡La luz es viva y pura! ¿Has visto un día más bello?
¡Un himeneo preparado por las
manos del Amor, es la fiesta de la
naturaleza!
Escena 2
(Eco y su séquito se detienen llevando en las manos palomas blancas. Las ninfas que la siguen llevan guirnaldas y canastillos de flores)
ECO ¡Ninfas! ¡Apartaos por un momento de este
lugar! La Amistad me previene de los deseos que inspiráis,
pero por las ofrendas secretas, debo reverenciar a otro dios.
Escena 3
Pantomima (Los
integrantes del coro salen, Eco
realiza sus ofrendas. Las ninfas y su
séquito enlazan guirnaldas sobre el altar
y colocan cestos de flores en las
escalinatas. Todos desarrollan una
pantomima. Eco despide a su séquito)
ECO Para ofrecer al Amor, en este sagrado bosque, el tierno homenaje de los lazos
con que Himeneo ha unido nuestros
votos, Narciso debe escucharme. En vano lo buscan mis tristes
ojos. ¡Ay de mí, no consigo
encontrarlo!
CYNIRE ¿De dónde nace, amable Eco,
ese aire sombrío y apenado,
que empaña vuestros ojos de puro y sereno resplandor?
ECO Tu corazón, tierno y fiel; la sangre que nos une a ambos; la amistad entre Narciso y tú; te dan derecho a leer en mi corazón desdichado. Yo oculto, ¡ay de mí! una herida
abierta
¿Quién lo hubiera creído? Narciso es un perjuro. Él, que afirmaba no poder
alejarse de mí, se altera al verme y busca evitarme
CYNIRE Contra esa extrema inquietud,
bella ninfa, es necesario prevenirse. Un tierno corazón, cuando ama, se torna fácil de alarmar.
ECO Si él está tan prendado de mí,
¿por qué me hace sentir su
tortura? Cynire, debes saberlo todo, ¡debes conocer toda mi pena! En las fiestas de Flora sorprendí una dulce mirada que él dedicó a
Doris.
CYNIRE ¿Podéis concebir tan falsas
alarmas? ¿Qué otra más amable que vos
puede preferir? ¿No recurrió Doris a todos sus
encantos, ignorando el más tímido pudor?
ECO ¡Ay de mí! Yo guardo para él mi alma simple y pura, que ha sabido cuidar todo lo que el arte suma a la
naturaleza, rechazando cualquier adorno
superfluo. En medio de la pena ¿se puede
soñar? El cruel placer de hacerme daño le da a su mirada un tinte
seductor. ¡Ay de mí! Las mías no dejan de
leer más que las desdichas de mi
corazón. ¿Qué lees en las suyas? ¿Apresúrate a decirme si mis crueles suposiciones son injustas o verdaderas? ¡Narciso y tú, mi querido Cynire,
no os escondéis ninguno secreto!
CYNIRE ¡Me habláis del descontento que
me agita! Hace tiempo que no veo a Narciso.
Él se oculta, me evita; parece
querer huir a la espesura de un bosque para evitar la venganza de algún dios vengador. Huraño y solitario, desconoce mi
voz
ECO ¿En el bosque? ¡Narciso me es infiel! ¡El esconde una nueva pasión!
CYNIRE ¡No lo condenéis con indignas suposiciones! Aún ignoráis si Narciso es culpable.
ECO ¡Corre a buscarlo y cúlpalo del dolor que me
agobia! ¡Penetra en su corazón y regresa
pronto,
de lo contrario entregaré mi vida y apresuraré mi muerte!
(Cynire sale)
Escena 4
ECO Mira las horribles penurias
por las que suspira mi alma,
tierno Amor. ¡Ten piedad de mis crueles
tormentos! Es al pie de tu altar que la temblorosa Eco acude
suplicante.
(avanza hasta el pie del altar de
Eros) ¿Es posible que mi cariño se haya alarmado
injustificadamente? Escucha Amor y dime si aún soy amada. Lee en el corazón de mi amante y detecta si conoce la impostura.
Comprueba si su corazón siente
lo que su boca me jura. ¡Ay de mí! ¿Acaso mi cariño se alarma injustificadamente?
¡Mira mi pena, Amor, y
compadéceme! ¡No, ya no soy amada! ¡Bastante conozco su desprecio! ¿Ves la pena que me abruma? El infiel, el ingrato, prefiere a
Doris. Ya no soy amada… estoy segura.
Escena 5
EGLE ¡Diferid vuestros juegos! ¡Venid, apresuraos todos! El fulgor de la alegría brilla en todas las miradas. ¡Venid!
ECO Cuando el cariño me abandone, saldré a buscar vuestros ojos.
EGLE Himeneo os premia, con el esposo que os entrega,
anticipándose así a vuestro
deseo. ¡Venid, apresuraos todos! El fulgor de la alegría brilla en todas las miradas. ¡Venid!
ECO Bien conocéis, mi querida Egle, al sujeto de mis penas: Narciso. Mas lo he perdido y corro a buscarlo. ¡Por favor, aléjate!
Escena 6
(Mientras que Eco busca a Narciso en la
ladera de una colina que ocupa el
costado izquierdo de la escena, Narciso entra
y se inclina sobre una fuente que está
al pie de dicha colina)
NARCISO Divinidad de las aguas,
encantadora soberana ¿puedes resistirte a mis
lágrimas? Con lazos tan plenos de tímida
dulzura, ¿puedes ser tan inhumana? En los brazos de un rival
dichoso, quizás te ríes de mis penas. ¡Tiembla por el ser objeto de tu
pasión, tiembla en tu gruta subterránea! Descenderé bajo las olas y, sin perderme en vanos sollozos,
el arrebato celoso que guía mi
mano, con cien dardos, tu seno palpitante atravesará.
ECO (apartada y distante) ¡Cielos! ¡No lo veo! ¡Qué desdichada soy!
NARCISO Pero, ¿dónde calmar un dolor tan
injusto? Tal vez, ¡ay de mí!, de mi pasión te dignes apartar
el gozo y las zozobras. Cuando yo sonreía, un gesto lleno de encanto en su
rostro, reanimaba las flores. Cuando yo lloraba, a mis lágrimas respondían sus
lágrimas.
ECO (aproximándose) ¿Es que él debe descubrir mis
penas? Penas que ya no soporto, pues apenas puedo respirar.
NARCISO Creo ver tu brazo tendido hacia
mí, como si quisieras decirme: Narciso, lamento tu martirio. ¡Quién pudiera enviarte mis suspiros!
ECO (Habiendo descendido de la colina y avistando a Narciso) ¡Narciso!
EL AMOR ¡Eco te llama!
NARCISO ¡Qué desdicha, qué cruel dolor!
ECO ¡Narciso!
AMOR ¡Eco te llama!
NARCISO ¡Qué confusos arrebatos me agitan uno tras otro!
ECO Es tu amante fiel. Sin ella ya no tendrás alegría. ¡Ah, entrégate al amor!
NARCISO Por tanta desdicha, por tanta
pena, ¡ah, mi corazón se atormenta! Por ti, habría desafiado los más horrendos peligros, me hubiera entregado vencido a
ti, mas el poder de la divinidad es
grande… Yo , por mis desdichas y temores, no sabría consolarte ni calmar
tus lágrimas.
ECO ¡Ah! ¿Me ves desesperar? ¿A tu nueva amante, ¡ay de mí!
prefieres? Eres tú con tus encantos...
(Narciso se retira)
Escena 7
ECO (a Cynire) ¡Se acabó, querido Cynire! Sólo me queda morir, mi desgracia es ineludible.
CYNIRE ¡Qué funesta desgracia! ¿Qué nuevas dificultades te
atrapan?
ECO He perdido a mi amado y mi desgracia es indudable Él, a quien antaño entregaba mis caricias, en el cristal de las aguas que reflejan sus encantos, en el húmedo elemento cree ver a una diosa y arde bajo su nombre y por sus encantos. ¿Podrá haber un dolor como el
mío? Temo el poder de los encantos de Doris. Mi rival me aterra y mi mayor desgracia es no poder tenerlo. ¡Ah, si él se dejara atrapar
por una nueva pasión! Si siguiera siendo tierno, tal vez cedería a mi terrible
dolor; si él hubiera logrado preservar su corazón, podría aún entregármelo. ¡Pero es insensible! ¡Oh, Dios! ¿Qué puedo pretender? Cynire, ya no puedo soportar mi desdicha
CYNIRE Yo personalmente, junto a Anfitrite, vengo en este momento, de interrogar a Proteo sobre su
destino. Apolo, me dijo Proteo, lo desorienta y lo agita, ¡vengando sobre su rival su amor ultrajado! Si vuestro amado oculta su cariño sin abjurar de su error de
rodillas, sólo puede acusarse de ello
a un dios celoso a quien vuestro corazón fue
negado. Frente a sus ojos, si no hubiera una sombra, de la naturaleza entera sólo os
vería a vos.
ECO (Sin mirar a Cynire, con la
cabeza baja) Yo os he presentado una queja
importuna, bien conocéis mi amor y
fidelidad. Mi cariño se ha mostrado sin reserva y sin temor. ¡El dios se ha vengado de mí!
CYNIRE Pelead, tierna Eco, contra las
dificultades; oponed a vuestros males un
corazón firme; poned a prueba contra quien se ha extraviado en
arfrebatos, si es posible, ¡ay de mí! las lágrimas de una señora y el débil esfuerzo de un amigo.
ECO De una vida tan desdichada ¡ah!, todos los días marcados por
tormentos no serán más que ofrendas de
muerte sentidas en todo momento Un solo ser había colmado mi
amor, no deseo más que a él en este
vasto universo. Pierdo todo, sí, pierdo todo
y todo expira junto con su llama. La esperanza ha abandonado mi
corazón y el terror ha anidado en él hostigándolo y paralizándolo. Una sombra oscurece el día que
detesto. ¡La tierra tiembla bajo mis
pasos! Certeros presagios de muerte, no, no tenéis nada de funesto. La muerte es la única esperanza
que me queda y el auxilio que no me ha de
faltar.
CYNIRE No desperdiciéis en llanto la fuerza que os queda. Voy a convencer a Narciso o a morir en sus brazos.
ACTO SEGUNDO
Escena 1
EGLE (animadamente) Tu íntima amistad, siempre
presente, ¿no ha podido hacer hablar de
amor a su corazón? ¿Sabe él que a su amante
moribunda, una sola mirada podría darle
vida?
CYNIRE No, no he podido ni acercarme.
Ebrio de ilusiones, oculta a
todos los ojos su solitaria languidez.
EGLE ¡Corre, vuela, que tus gritos
llenen el bosque! Encuentra a Narciso y háblale
de su deplorable amante, pálida y moribunda. ¡Que sienta lástima de su funesto
destino! ¡Ve, corre! Dado que el momento apremia,
yo le daré a su corazón un rayo
de esperanza.
CYNIRE ¡Amor, entrégame tu poder! ¡Ven, dame suspiros, gritos y
llantos que con encanto penetrante transformen los corazones!
EGLE ¡Allí! ¡Dioses! ¡Qué débil parece!
Escena 2
(Llega Eco,
pálida y perturbada, sosteniendo una guirnalda. Se sienta en un prado de
verde césped cerca de la fuente, frente a
frente a la estatua del Amor, las cuatro
ninfas (Egle,
Thanais, Aglae y Sylphie) la
rodean)
EGLE ¡Oh, querida y tierna amiga,
qué triste es tu suerte!
THANAIS Si te quitaras vida, sería nuestra muerte.
AGLAE, SYLPHIE ¡Oh, querida compañera, escucha a
la piedad! Si el amor te ha traicionado, ¿qué te ha hecho la amistad?
LAS CUATRO ¡Ah! ¡Qué pérdida tan cruel! ¿Cómo vivir sin ella? ¿Cómo salvarla?
ECO (siempre sentada) ¡Oh, compañeras, amigas mías! ¡Qué bien me hace oír vuestras
súplicas pidiéndome que renuncie a la
muerte! Mas siento que ella se acerca y terminará con mis penas. El veneno del dolor se ha vertido en mis venas y no puedo cambiar mi destino. Es inútil, pierdo la luz. Los dioses de Estigia han
aceptado mi dolor y han decretado la llegada de mi
última hora. ¡Ellos la decretan sólo una vez!
NINFAS ¡Oh, decretos crueles, dioses
despiadados! Si habéis desafiado el poder de
sus ojos ¿no seréis conmovidos por
nuestras lágrimas? ¡Oh, decretos crueles,...!
ECO
(Acercándose al altar del dios Amor y
depositando sus guirnaldas)
¿Qué corazón más sensible y
tierno mereció más justamente tus
favores, Amor? ¿Es que merezco tu rigor? Recibe la ofrenda que mi llanto
riega, puesto que mis encantos han
palidecido. Si antes me coronabas de rosas, ¿ahora me reservas un ciprés?
NINFAS ¡Oh decretos crueles, dioses
despiadados!
ECO En tu templo inmortal, acompañada de estas ninfas,
como víctima asumiré mi triste
suerte. Te había destinado mi vida,
y ahora te consagraré mi muerte. ¡Oh, fieles compañeras, no me abandonéis en esta hora fatal! ¡Sostened mis pasos!
Escena 3
EGLE (Viendo a Narciso y dirigiéndose
a él) Cynire no ha venido.
Pero… ¡dioses, eres el infiel! ¿Acaso, ingrato, vienes a retirar
a Eco de las sombras de la
muerte? ¿Vienes a expiar tu pasión
criminal? ¡El cruel me huye y no me
escucha!
Escena 4
NARCISO
(mirando la
fuente)
No puedo abrir tu fría morada
ninfa sin piedad, ¿No ves que muero? Al contemplarte, mis ojos se
consumen. Ingrata, inhumana, yo quería cortar tu cadena,
pero hacia ti el amor me conduce
con una atracción irresistible.
(Se
aproxima a la fuente)
CYNIRE ¡Resiste al poder que te
arrastra, oye la voz de la tierna piedad!
NARCISO
(deteniéndose)
¿Cuál es el influjo que me
encadena y suspende mi alma incierta
entre el amor y la amistad?
CYNIRE ¡Ven Por el frío de la muerte tu
amante está asida, su tumba se abre y la devorará. ¡Enciende con tu mirada la
antorcha de su vida o teme verla lleno de
arrepentimiento! Su voz lastimosa y gimiente
te reprochará su muerte. Cada noche su sombra errante
llegará para presentarse en tu camino. ¿Adónde llevar tu inútil lamento? ¿Qué desiertos ocultarán tu
llanto? ¡Infortunado! ¿A qué refugio
huirás de los remordimientos vengadores?
NARCISO ¡Desdichado, por tu culpa Eco perdió la vida! ¡Oh, qué terrible dilema! Cuando en mi seno su voz moribunda gima, ¿hacia qué orillas encantadas los dioses conducirán mis pasos?
CYNIRE ¿Es que los dioses desean tanta
barbarie? ¡Ven, rompe los malvados
encantos!
NARCISO
(se inclina
sobre el agua de la fuente)
¡Mira a la joven diosa, ídolo de
mis sentidos! ¡Abjura de tu odioso lenguaje!
CYNIRE
(También se
inclina sobre el agua y toma a
Narciso de la mano)
¡Desdichado, reconoce tu error! En este inestable cristal, donde se pinta la orilla, ¡observa tu imagen unida a la
mía! Bien puedo ver como en tu corazón combaten dos afectos
contrapuestos. ¡tú mismo eres víctima de tu
funesta pasión!
NARCISO ¡Oh incertidumbre, oh desasosiego
extremo, oh turbación horrorosa y confusa! ¡Ay de mí, ya no sé qué detesto y
qué amo! Siento dentro de mí un
estremecimiento que me hiela de pavor. Ya no me reconozco a mí mismo. ¡Oh, amigo mío, me abandono a ti!
CYNIRE
(para sí)
Su corazón cambia, renace, ya no se ama a sí mismo. Recupera por Eco sus primeros
sentimientos
(Se oye un
trueno espantoso)
Pero ¿qué siniestra perturbación
es esta? ¡Qué presagio! ¿Acaso Apolo, para satisfacerse,
no habrá elegido este funesto
momento para dar al mísero su golpe final?
CORO
(fuera de
escena)
¡Dioses, a quienes imploran sus
tristes ojos, dioses de la muerte...
CYNIRE ¿Oyes ese canto lastimero?
NARCISO ¡Qué perturbación se apodera de
mí!
CORO ... entre las sombras de los desdichados amantes...
NARCISO ¡Me estremezco!
CORO ... recibidla en vuestra morada
sombría!
NARCISO Cielo vengador, ¿agotas sobre un
culpable los últimos dardos de tu ira?
CORO ¡Dioses a quienes imploran sus
tristes ojos...
CYNIRE
(para sí)
¡Ah, te compadezco por la desdicha que te agobia!
NARCISO Una luz temible abre el abismo de mi corazón
CORO ... entre los espíritus de los
amantes recibidla...
NARCISO ¡Un oscuro presentimiento me
llena de pavor!
CORO ... recibidla en vuestra sombría
morada!
(El templo
se abre mostrando a Eco moribunda y
a sus compañeras afligidas. Algunas
están horrorizadas y con los cabellos
revueltos. Avanzan y gimen)
CORO ¡Cielo! ¡Ella expira
NARCISO ¡Oh cielos, socorredme! ¡Es ella, oh dioses! ¡Querida Eco, amante querida, corro a tu tumba a encerrarme
contigo!
ACTO TERCERO
Escena 1
(Las ninfas salen por distintos lados como si erraran por el bosque y las colinas. Miran hacia lo alto como para saber de qué lugar viene la voz de Eco que es imitada por la orquesta)
AGLAE Querida compañera, en vano
recorremos el inmenso espacio de este
sombrío bosque. Entre estos peñascos, cubiertos de negros cipreses, sólo tu voz interrumpe el funesto
silencio. ¡Oh doloroso placer, que alimenta nuestro pesar! ¡Oh tierna Eco, tu voz
conmovedora que nos sigue por los bosques,
hace, ay de mí, tu pérdida más
evidente!
CORO ¡Oh tierna Eco, tu voz errante
que nos sigue por los bosques,
hace, ¡ay de mí!, tu pérdida más
evidente!
AGLAE La naturaleza interrumpe sus
leyes para aumentar tus miserias,
tu alma arrebatada de la tierra, tu débil voz lastimera y
solitaria, errante como ligero vapor es condenada a gemir por los
bosques.
CORO ¡Oh, dios del día! ¡Oh, dios
pleno de rigor, que por haberte tornado
insensible a tu pasión, la arrebatas, en tu furor, del asilo apacible de la tumba, dejando vagar sin rumbo a su
infeliz alma.
AGLAE ¡Ninfas, derramemos lágrimas sobre sus
cenizas!
Escena 2
NARCISO Ninfas, ¿a dónde huís? ¡Ay de mí! ¡Dignaos entenderme, permitid que
a vuestras penas una mis dolores! ¡Pero no, huid! Mis lágrimas de remordimiento y
de culpa turbarían las honras
de un duelo
tan legítimo. Ellas mancillarían las ofrendas de vuestras
lágrimas.
(Las ninfas
se retiran)
Escena 3
NARCISO
(En cuanto
lo ve llegar a Cynire)
¡Huye, abandona a un culpable!
CYNIRE ¿Yo, abandonar a un desgraciado?
NARCISO Le espera la fatalidad a aquél que sigue a un miserable,
abandonado de los dioses, a quien el destino persigue
y a quien el dolor agobia.
CYNIRE ¡Disipa el mortal temor, endulza tu mirada funesta, mírame con esos dulces ojos! ¡Disipa el mortal temor! ¡Cuando todo huye de tu
alrededor, la amistad permanece fiel!
NARCISO ¡Al reproche doloroso, a la sombra oscura que me devora,
Cynire, no añadas además la vergüenza y la pena que
enrojece tus ojos! ¡Ah! ¡Déjame gemir solo en este
lugar!
CYNIRE
(para sí)
¡Tierna amistad, oculta tus
lágrimas! ¡Ah! Temo agriar su mortal
inquietud, mas para prevenir sus funestos
efectos velaré por él en estos bosques.
(Cynire se
aleja)
Escena 4
NARCISO De la amistad conmovedora y
compasiva, ingrato, rechazas la mano. ¡Te quedas solo! ¿Eres así, menos culpable? ¿Podrás huir de la mirada temible
de los dioses y del remordimiento que anida en
tu pecho? Estos árboles, estos valles, todo me acusa y me agobia. Dulces prados, testigos de mi
pasión, no hacéis más que aumentar mi
martirio. El recuerdo de mi dicha orada mi corazón y lo desgarra. ¡Dioses! ¿No es bastante mi
desdicha? ¿Adónde huir, a qué tumbas, a qué profundo abismo? ¿A qué desiertos? Todo lo invade mi culpa. Oye mi voz desde tu tenebrosa
morada: ¡Eco, fiel Eco, apiádate de
Narciso! Que los dioses del Erebo se
aplaquen, que ellos sepan de mis suplicios. ¡Eco, fiel Eco, apiádate de
Narciso!
LA VOZ DE ECO ¡Narciso!
NARCISO ¡Oh, cielos! ¿Qué escucho? ¡Es su voz, ah, es ella!
LA VOZ DE ECO ¡Es ella!
NARCISO ¡Es Eco que me llama! He sentido estremecerse de amor
mi corazón, de arrepentimiento y de gozo y de
horror. ¡Eco, querida sombra, un infiel te implora! A orillas del Estigia, ¿aún
puedes amar?
LA VOZ DE ECO Aún.
NARCISO ¿Más allá de la vida, ay de mí,
aún me amas? ¿Me amas, oh cielos, y yo vivo? No, no, la desesperanza que me oprime y que me anima, me abrirá la infernal morada. Mis llantos, mi arrepentimiento,
mi amor, me darán el perdón y el olvido de
mi crimen.
(él se ve
morir)
Escena 5
(En
el momento en que Narciso se
precipita a la muerte, el templo se abre. y Eco
es devuelta a la vida en medio de un
grupo de céfiros y cupidos. El Amor
detiene imperioso a Narciso)
EL AMOR ¡Detente, desdichado amante!
Vuelve a ver a tu amante fiel.
Con ella te entrego la dicha y la
vida.
NARCISO ¡Dioses! ¿Qué encantamiento sucede a mi
mortal dolor? Te he arrebatado el día, he causado tu tormento, ¿puedes perdonarme?
ECO Cuando veo a mi amado, cuando
apenas mi corazón soporta la embriaguez, ¿qué más puedo expresar sino mi
cariño? ¿La felicidad puede permitir otro
sentimiento?
NARCISO ¡Qué cambio, oh dioses, qué
momento! ¡Qué voluptuosidad respiro!
ECO, NARCISO Mi corazón palpita, mi voz
expira. ¡Mira en mi turbación, en mi
delirio, el exceso de mi arrebato!
EL AMOR, CYNIRE Un día luminoso os alumbrará, ante vuestros ojos todo se
animará.
Cuarteto
EL AMOR, ECO, CYNIRE Qué dicha poder decir: ¡Es por el Amor que respiro,
solo respiro por amar!
NARCISO ¡Por su voluptuosidad yo respiro, sólo respiro por amar!
EL AMOR Júpiter me llama a su morada de
trueno. Conservadme siempre en vuestros
corazones El Amor ya no tiene nada que
hacer aquí: él ha logrado vuestra dicha.
CORO Sólo la diosa de Pafos y de
Cnidus mueve todo el universo. En lo alto de los aires, ella alcanza a las veloces aves, y abraza a la Nereida en el seno
de los mares. Embellece a la juventud, reuniendo la gracia y la
hermosura. Es ella quien engalana la
sabiduría con los atractivos de la
voluptuosidad. Es ella, también, quien nos
consuela cuando perdemos sus favores, en esos días encantados, cuando echa a volar, nos deja a la Amistad para enjugar nuestras lágrimas.
Digitalizado y traducido por: José Luís Roviaro 2020
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