ACTE PREMIER
Le
jour de la Feria CRIS DE FOULE Alza, alza, olé
PEDRO, GARCIAS,
RODRIGUEZ, JUAN Belle, dont le charme
est l'empire, faites l'aumône d'un
sourire, et d'un regard de vos
grands yeux à nos pauvres coeurs
amoureux! Dulcinée, enchanteresse, pour un instant délaisse le nouvel
amant que t'a choisi ta
fantaisie; et
parais
devant tes sujets, ô
Dulcinée! Ô souveraine!
Dulcinée! Reine!
Gentille Reine! TOUS Parais! LA FOULE Anda!Alza!Anda!
PEDRO, GARCIAS,
RODRIGUEZ, JUAN Dulcinée!
LA FOULE Dulcinée!
DULCINÉE Alza!Alza!
Quand la femme a vingt ans, la
majesté surpême ne
doit pas avoir grands attraits! L'on possède un beau
diadème, mais après, mes amis:
après? après? On
vit dans une apothéose, vos jours, sont de
gloire entourés, mais
il doit manquer quelque chose ou
quelqu'un, ou quelqu'un... Ah!
Comme vous voudrez.
TOUS
Belle dont le charme est l'empire;
Dulcinée! Reine!Sois notre Reine!
DULCINÉE Alza! Quand
la femme a vingt ans,
d'hommages l'on vous environne durant
le jour; oui, mais la nuit... parce
qu'on porte une couronne... le
temps d'amour s'enfuit.
Hélas! Hélas! Et pour calmer le coeur
morose et les ennuis exaspérés, il doit bien manquer
quelque chose ou quelqu'un, ou
quelqu'un... Ah!
Comme vous voudrez.
TOUS
Dulcinée! Reine! Sois
notre Reine! Alza! DULCINÉE Alza!Alza! Amis, à tous, ici,
merci! Amis, merci, merci!
RODRIGUEZ Dulcinée est certes
jolie, mais
on doit l'aimer seulement
comme on cueille une fleur, un matin de printemps, autrement c'est folie!
JUAN Je l'adore pourtant, cette perverse
enchanteresse.
RODRIGUEZ Si tu l'aimes d'amour
fervent... que de tristesse tu te
réserves, mon pauvre ami! Pour te désennuyer, regarde Don Quichotte
et son gros écuyer.
JUAN Ce fantoche grotesque, ce vieux fou
pédantesque, qui déclare que
Dulcinée est la "Dame De ses
pensées!" tandis que celle-ci se
rit de lui!
RODRIGUEZ Tant
pis! Car il est
brave et
franc comme une lame...
JUAN Et
beau! RODRIGUEZ De la beauté
merveilleuse de l'âme.
JUAN Certes, il est
extravagant, toqué, cocasse,
inélégant.
RODRIGUEZ Mais il secourt la
veuve et les enfants sans mère.
JUAN Apôtre halluciné?
RODRIGUEZ Porté par la Chimère, il parcourt plaines et
vallons,
escalade les pics,
poursuit les chemins longs. JUAN Ah! c'est un être
exquis!
RODRIGUEZ De très haute envergure que le bon Chevalier de
la Longue Figure!
JUAN ...de la Longue Figure!
LA FOULE Allégresse! Vive Don Quichotte de
la Manche! Vive le fidèle et bon
Sanche!
Vivat pour Rossinante et l'âne et l'écuyer!
Allégresse! Allégresse! Vive Don Quichotte de
la Manche! Vive, vive le bon
Sanche! Allégresse! Allégresse! Vive Don Quichotte de
la Manche! Vive, vive le bon
Sanche! Vive le Chevalier Don
Quichotte de la Manche! Vive Sanche!Vive
Rossinante et l'âne! Allégresse!
DON QUICHOTTE C'est merveille de voir
comme l'on me connaît!
SANCHO Même-moi, gros benêt, je prends ma large part
des vivats qu'on adresse.
DON QUICHOTTE Sancho, vide ta poche,
et réjouis ces gueux car
il faut qu'aujourd'hui nous soyons tous
heureux! Vivent les Séraphins,
les Archanges, les Trônes!
SANCHO Notre pauvre souper qui
se fond en aumônes.
DON
QUICHOTTE Donne!
donne! donne! Sois
généreux mon fils! Et
tâche comme moi d'être jeune... amoureux. LA FOULE Vive Don Quichotte!
etc.
DON QUICHOTTE Ah! c'est beau la
jeunesse, et bon quoi qu'on en
dise!
LA FOULE Ah!
c'est beau la jeunesse, et bon quoiqu'on en
dise!
DON QUICHOTTE Cette gaité
m'emparadise! Je voudrais que la joie
embaumât les chemins, la bonté la coeur des
humains, qu'un éternel soleil il
luminât les plaines, que les bois éventés
par de fraîches haleines
n'eussent que des parfums et des fruits
savoureux, des
ruisseaux chantant clair, et
que tout fût heureux!
LA FOULE Allégresse! Vivat! Don
Quichotte!
DON QUICHOTTE,
SANCHO Merci! Merci!
LA FOULE Vive Don Quichotte!
etc.
DON QUICHOTTE O Dulcinée!
SANCHO Ah! Vous allez ameuter
alcade, régidor, peut-être réveiller le
Cid Campéador! Maître, je serais fier
de voir la noble dame, mais
c'est plus fort que moi, mon
gosier me réclame...
Cette rouge lueur, qui me clignote au loin,
c'est l'auberge où j'aurai grand soin de me saoûler, non
d'allégresse, mais de la vraie et
bonne ivresse!
DON QUICHOTTE
Laisse-moi!
SANCHO
Seigneur, sous ce balcon, goûtez votre
bonheur. Je
suis votre assoiffé, mais humble serviteur. Ah!
Comme on vous héberge dans
cette auberge!
DON QUICHOTTE
Quand apparaissent les étoiles et
quand la nuit du fond des cieux couvre la terre de ses
voiles... je fais
ma prière à tes yeux! A tes yeus je fais ma
prière! Et c’est dans la fleur...
JUAN Qu'est cela, le beau
mandoliniste?
DON QUICHOTTE Une chanson d'amour.
JUAN Est-elle gaie ou
triste?
DON QUICHOTTE Elle peut être l'une ou
l'autre, également. car c'est une chanson
d'amant pour ma Dame d'Amour:
la Belle Dulcinée!
JUAN Vieux fou, je vous
défends...
DON QUICHOTTE Avez-vous une épée?
JUAN A me servir, monsieur,
elle est trop occupée pour me quitter jamais.
DON QUICHOTTE Que la chanson du fer
remplace le refrain qui montait pur et clair vers vous, étoiles
innocentes!
DON QUICHOTTE, JUAN Que la chanson du fer
remplace le refrain!
DON QUICHOTTE Pardon, cher monsieur,
des rimes sont absentes au cantique d'amour que
j'allais réciter. Avant de vous tuer je
tiens à les chanter.
JUAN Avant de vous tuer!
DON QUICHOTTE Avant de vous tuer!
DON QUICHOTTE, JUAN Vous!
JUAN Vieux fou!
DON QUICHOTTE Et c'est dans la fleur... dans la fleur de tes
lèvres qui
ne sauraient jamais, jamais mentir,... DULCINÉE ... dans la fleur de
tes lèvres...
DON QUICHOTTE
Qu'amour tout palpitant...
amour... s'est fait un nid pour s'y blottir... tout
palpitant... palpitant de fièvres...
DULCINÉE
Qu'amour tout palpitant...
Amour s'est fait un nid... pour s'y blottir... Tout
palpitant... de fièvres... Ah!
Ah! C'est vous qui lanciez des
vers à ma fenêtre?
DON QUICHOTTE
C'est moi.
DULCINÉE Les
strophes sont d'un maître. Et
vous jouez, mon cher, de ce noble instrument
comme de votre épée avec un art charmant. JUAN Madame!
DULCINÉE Riez donc, grand jaloux
que vous êtes!
J'aime paladins et poêtes,
l'amour est avec eux d'une distinction
parfaite, et qui contraste avec
la passion dont
un autre amant nous opprime... délicieusement
d'ailleurs... ...et c'est un crime que
je pardonne.
JUAN Ah!
DULCINÉE Mais allez me chercher
ma mantille...
JUAN Mais...
DULCINÉE Mais... laissez-moi
m'amuser!
DON QUICHOTTE Comment! Vous
m'empêchez de couper la gorge à
mon adversaire?
DULCINÉE Que dites-vous?
Qu'alliez-vous faire?
DON QUICHOTTE Mais
l'occire à l'instant.
DULCINÉE Vous
êtes, mon seigneur,
plus que compromettant... Pour un peu de
musique... un brin de poésie... vous auriez donc la
fantaisie de répandre du sang! Que non! que non! que
non! Je veux
modérer votre ardeur. DON QUICHOTTE Le nom de cet homme!
Son nom!
DULCINÉE Qu'importe! Il est de
mon cortège... Pitié, mon Chevalier! Il est de mes amis
attachés à mes pas... Vous
êtes, monseigneur, plus que compromettant... Pour un peu de musique,
etc.
DON QUICHOTTE Vous n'avez aujourd'hui
qu'ajourné son trépas!
DULCINÉE Vous
me faites pleurer...
Puis-je nous croire encore?
DON QUICHOTTE Moi...
mais... je vous adore! Pour
vous choyer et vous servir je vous offre un
château sur le Guadalquivir. Les jours y passeront
duvetés de tendresses, parfumés d'idéal et
fleuris de caresses!
DULCINÉE Alors... vous devriez, ô mon héros superbe, à
l'âme valeureuse, pour me voir très
heureuse... tenter de ravoir le
collier... qu'hier... sur ma
poudreuse le bandit Ténébrun osa
me dérober...
DON QUICHOTTE
Devrais-je succomber... demain je partirai...
je partirai!
DULCINÉE Vous partirez demain...
DON QUICHOTTE Demain je partirai...
DULCINÉE Heureux de me donner...
DON QUICHOTTE
Cette preuve d'amour... DULCINÉE Et si vous revenez
vainqueur, vous
verrez au retour... DON
QUICHOTTE Au
retour...
DULCINÉE Vous
verrez au retour... PEDRO, GARCIAS,
RODRIGUEZ, JUAN Belle dont le charme
est l'empire...
DULCINÉE Mais voici mes amis! Souvenez-vous...
Messire!
DON QUICHOTTE Partir... avec... celui...
DULCINÉE ... que vous deviez
occire! Vous aviez pardonné.
DON QUICHOTTE Oui...
DULCINÉE Au
retour, grand ami!
JUAN Son
amour vous amuse?
DULCINÉE Il est
drôle! Et je suis sa déesse! JUAN Sa muse!
DON QUICHOTTE Elle m'aime et va me
revenir avec des yeux mouillés
de repentir... Ah!
son rire d'enfant, sa démarche onduleuse... son
oeil câlin, et sa voix enjoleuse! Quoi qu'il puisse
davenir: ma parole est sacrée,
et je veux la tenir.
LA VOIX DE DULCINÉE Quand la femme a vingt
ans!
ACTE DEUXIÈME
DON QUICHOTTE
C'est vers ton amour... ton amour...
...mour...
jour!... nuit et jour... Que
je soupire nuit et jour! Dulcinée!... ma pensée? Dame de ma pensée! La, la, la! De toi mon âme est
oppressée... oppressée? Dulcinée! Mais j'ai vu ton émoi...
...ton émoi? penses à moi? Je sais que tu penses à
moi! ...son émoi? à moi? à toi? Je crois en toi! Ah! ah! ton émoi! penses à moi! je crois
en toi! Je crois en toi! Ma Dulcinée! Je crois
en toi! La, la, la!
SANCHO Croyez-moi, Chevalier,
nous nous sommes trompées: les ennemis qu'hier
vous avez dissipés en chargeant à grands
cris de: Vive Dulcinée! Et:
mort aux mécréants!
C'était tout simplement la troupe combinée de petits cochons noirs
et de gros moutons blancs!
DON QUICHOTTE Tes paroles me font
sourire...
SANCHO Enfin il est heureux...
respectons son délire. Aïe! Pour peu qu'on marche
encor, à la fin de l'été je lui rendrai des
points pour la gracilité. Tout se volatilise en
moi, si cela dure, j'ai
déjà resserré trois crans à ma ceinture!
DON QUICHOTTE La, la, la!
SANCHO Tra la la!
DON QUICHOTTE Deviens-tu fou, Sancho?
SANCHO Oui!! Tout de mêmes
être ici! Parce que Doña Dulcinée usant de son pouvoir... la coquine damnée! vus a dit un beau soir: Qu'il existait dans la
Sierra voisine un
bandit qui pille, assassine... mais... qui lui déroba
tel bijou de valeur: voilà
que nous courons sus au hardi voleur! Au
voleur! au voleur! Cette dame se rit de
nous de nous deux, de nous deux, mon bon
maître.
DON QUICHOTTE Pour en parler ainsi,
c'est ne pas la connaître. C'est ignorer son coeur.
SANCHO Au contraire, seigneur!
DON QUICHOTTE Mon, Sancho, tu
m'amuses.
SANCHO Les femmes, Chevalier,
c'est tout mensonge et
ruses!
DON QUICHOTTE
Quoi?
SANCHO Oui. Ce qui m'enchante en
notre beau métier, c'est
que j'ai pu laisser au logis... ma moitié! Ça me console, je le
jure, quand je sens les
nodosités de mon asines que
monture
m'entrer dans les... rotondités dont
m'adoté Dame Nature. Comment peut-on penser
du bien de ces coquines, ces
pendardes, de ces menteuses, ces
bavardes, dont la
meilleure ne vaut rien. Regardez donc cette
dévote qui passe en baissant
les yeux, et par
les rues trotte, trotte, trotte, edifiant jeunes et
vieux. Régardez! Regardez! Tout
à coup sous sa mantille...
pourqoui ce regard qui brille?
Pourquoi? pourqoui?
C'est qu'elle a vu s'entrouvrir une porte dérobée par où va s'évanouir cette coquine
embéguinée! Ah! ah! ah! Et le mari se morfond, trouvant bien longue la
messe, tout en se grattant le
front qui le picote sans
cesse... Et le mari, le mari se
morfond en se grattant le front et le mari se morfond. La femme est un démon
vicieux et malin, créé
pour le malheur du sexe masculin. Qu'elles viennent
d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique, qu'elles aient le nez
fin, camus, aquilin, qu'elles soient brunes,
rousses, blondes, plates, dodues, minces,
rondes, nous sommes les souris,
les souris, de ces êtes félins. L'homme est une
victime, et les maris: des saints!
DON QUICHOTTE Regarde!
SANCHO Quoi? quoi?
DON QUICHOTTE Homme de peu! regarde!
SANCHO Quoi? Mais quoi?
DON QUICHOTTE Sancho! En garde! En
garde!
SANCHO En garde?
DON QUICHOTTE Vois là-bas se dresser dans le fond opalin ce terrible géant!
SANCHO Maître, c'est un moulin!
un moulin!
DON QUICHOTTE Rustre, c'est les
géants qui dans leur arrogance tentent de m'arrêter. Folle est leur
insolence, je vais les châtier!
SANCHO O fatale démence! Le pauvre recommence!
DON QUICHOTTE Géant, Géant,
monstrueux cavalier, si votre coeur n'est
pas cuirassé de vaillance, faîtes-nous place, ou
bien à la dague, à la lance, je vous porte un défi,
moi le Haut Chevalier! Vos grands gestes ne
font qu'exalter mon courage. Arrière! arrière! ou
bien, à l'instant, dans votre chair et
votre sang, je
m'ouvre un large passage! SANCHO Mon Dieu!
DON QUICHOTTE Ecuyer, avec moi, dis
que je les défie!
SANCHO Quelle folie!
DON QUICHOTTE Géant, Géant,
monstrueux cavalier, si votre coeur n'est
pas cuirassé de vaillance, faîtes-moi place, ou
bien à la dague, à la lance, je vous porte un défi,
moi le Haut Chevalier!
SANCHO Géant, Géant,
monstrueux cavalier, si votre coeur n'est
pas cuirassé de vaillance, faîtes-lui place, ou
bien à la dague, à la lance, il vous porte un défi,
lui le Haut Chevalier!
DON QUICHOTTE Dulcinée! Dulcinée!
Dame de mes pensées! etc.
SANCHO Quel malheur! au
secours! mon bon maître! Hélas! Hélas! Jésus,
Marie! Venez le délivrer!
ACTE TROISIÈME
DON QUICHOTTE C'est ici le chemin que
prennent les bandits
quand ils rentrent dans leur taudis... C'est ici! Détèle le grison,
desselle Rossinante, peut-être fatigués par
notre course ardente!
SANCHO Ce lieu dégage une
épouvante qui hérisse mon poil et
celui du Grison. Allez, mes chers
agneaux, brouter l'épais gazon!
DON QUICHOTTE Ne vois-tu rien qui
bouge au fond de la clairière?
SANCHO Seigneur, je voudrais,
bien revenir en arrière! Maître, j'ai peur de
l'ombre et des bruits angoissants dont s'emplissent la
brande et les bois frémissants? Que va-t-il se passer?
DON QUICHOTTE Quelque chose d'immense! Sancho, notre gloire
commence! Les preux, les paladins
et les héros passés vont être en un clin
d'oeil oubliés, éclipsés. Je bous d'impatience
héroïque et de fièvre.
SANCHO Et moi, je tremble
comme un lièvre... Mais... si l'on
s'asseyait un brin? Je
suis fourbu... Non
d'avoir trop mangé, trop bu! DON QUICHOTTE S'asseoir! Un chevalier qui tente
l'aventure doit toujours paraître
en posture de déjouer la ruse et
de parer le coup.
SANCHO Je vous laisse le soin
de veiller sur mon cou: qu'on ne le tranche
point, seigneur, à l'imporviste!
DON QUICHOTTE Sois tranquille.
SANCHO Je dors,
vous... restez
sur la piste.
DON QUICHOTTE
Quand apparaissent les étoiles... O
mes rêves divins...
Cette fois, ce sont eux! Ils
sont plus de deux cents, fils!
SANCHO Et
nous sommes deux! DON QUICHOTTE Nous les vaincrons,
s'il plaît à la cause servie.
SANCHO Maître, j'ai les bas
courts et je tiens à la vie!
DON QUICHOTTE Va te cacher, au plus
noir des forêts!
SANCHO Ah! si j'avais moins
peur quel héros je ferais!
DON QUICHOTTE Halte-là! rendez-vous,
gens de peu, valetaille!
LE CHEF Voilà, certes, un
gaillard d'une audace superbe! Si nous avions été
brins d'herbe, il nous eût fauchés du
coupant de son fer! Mais
d'où vient-il? Du
purgatoire ou de l'enfer. 1er
BANDIT A
quelle sauce allons-nous mettre sa chair
rance?
2d BANDIT
Remarque son indifférence.
1er BANDIT Indique-nous ton choix.
3e BANDIT Nous feras-tu l'honneur de répondre aux larrons
que nous sommes, Seigneur?
1er BANDIT Voilà pour ta morgue
imbécile.
4e BANDIT Voilà qui te rendra la
langue plus facile.
LE CHEF Il faut en finir!
Saignez-le, brûlez-le, pendez-le: qu'on
m'évite le
trouble où son regard me plonge...
Faites vite!
LES BANDITS Ah!
voir un corps long comme un jour sans pain, prendre à la branche
d'un pin, d'un pin ,d'un pin, est un spectacle
cocasse! ...ah! ah! ah! Le repas fait avec sa
carcasse, sera pour les corbeaux
un plus maigre régal qu'un corps d'hidalgo
colossal. Ha!!Ha!!Ha!!
DON QUICHOTTE Seigneur, reçois mon
âme, elle n'est pas méchante, et mon coeur est le
coeur d'un fidèle chrétien. Que ton oeil me soit
doux et ta face indulgente! Etant le chevalier du
droit, je suis le tien.
LE CHEF
Vraiment je crois rêver, voyant ta face pâle, tes
grands traits émouvants d'où le divin
s'exhale et tes yeux fulgurants
de sublimes clartés! Où vas-tu? Que veux-tu?
DON QUICHOTTE Je suis le chevalier
errant... et qui redresse les torts; un vagabond
inondé de tendresse pour les mères en deuil,
les gueux, les opprimés, pour tous ceux qui du
sort ne furent pas aimés. Je suis fou de soleil
ardent, d'air pur, d'espace! J'adore les enfants qui
rient lorsque je passe, et
ne déteste point les bandits, quand ils ont de
la force au garret et de l'orgueil au front. Et
me voici debout, jouant un nouveau rôle.
libre dans mon effort comme dans ma parole. Et je
vous dis ceci, moi, le haut chevalier:
c'est qu'il faut a l'instant me rendre le
collier pris
au cou délicat d'un femme adorée. Le joyau, lui, n'est
rien, mais la cause est sacrée.
1er BANDIT Ah! je
me sens trembler! LE
CHEF Voici!
Le joyau dérobé, Monseigneur! DON QUICHOTTE Bien, merci.
LES BANDITS Et
maintenant sur nous, placez votre main pure, O noble chevalier de la
Longue Figure!
DON QUICHOTTE Viens, Sancho, rustre,
au coeur timoré, viens voir le miracle
opéré! Viens! Les manants, les
pillards, fils du vol et du crime, ceux que la peur
redoute, et que la force opprime, les sans logis, les
gueux aux rires menaçants, ont
deviné mon but, en
ont saisi le sens!
Courbés sous l'âpre vent qui vient des cimes
hautes,
tremblants d'un grand frisson, regarde-les
mes hôtes, les
élus de mon coeur, mes fils prédestinés, vois-les,
mes fils,
comme ils sont beaux, dociles, fascinés!
LES BANDITS Sur
nous placez votre main pure, ô
notre chevalier!
ACTE QUATRIÈME
JUAN
Alors... traîtresse... je n'ai plus rien à
espérer? DULCINÉE Plus rien... mais Pepita
saura te consoler.
RODRIGUEZ De ma grande détresse quand aurez-vous pitié?
GARCIAS Et resterez-vous la
maîtresse...
PEDRO ...de celui qui souffre à
vos pieds?
DULCINÉE Pauvres amis? vous
m'ennuyez! J'ai bien assez de mes
tristesses... Lorsque le temps
d'amour a fui, que reste-t'il de nos
bonheurs? et des étés, lorsque la
nuit dans
ses voiles ansevelit l'éclat des fleurs?
Lorsque le temps d'amour a fui, qui
peut croire aux bonheurs? Lorsque le temps
d'amour a fui, le temps d'amour?
RODRIGUEZ Par fortune! Par
fortune! serait-ce son tour?
DULCINÉE Pauvres amis! Pauvres
amis! Ah! vous m'ennuyez! Mes amis! Vous n'aurez
pas de chance en me parlant, en me
parlant d'amour! Ah! ah! ah! Ah! mes pauvres amis!
etc.
RODRIGUEZ, JUAN ... en lui parlant
d'amour? Par fortune! Par
fortune! serait-ce son tour? Aura-t'il plus de
chance en lui parlant d'amour?
DULCINÉE Ah! J'ai en ce moment
le désir d'autre chose. Je rêve
et je pleure sans cause. Je
suis très à plaindre et
c'est pitié vraiment de n'être pas ravie
ayant de tels amants.
JUAN, RODRIGUEZ Que dit-elle?
PEDRO, GARCIAS Hein?
DULCINÉE Je voudrais être aimée autrement que par vous et qu'à l'accoutumée, ah! soyez imprévus, superbes, éclatants, car c'est de l'inédit que mon rêve demande, et
d'inconnus frissons
mordant ma chair gourmade!
TOUS
Vivat pour Dulcinée!
Indomptable! Indomptée! Vivat! vivat!
DULCINÉE Alza! alza! Ne
pensons qu'au plaisir d'aimer, a la fièvre des heures
brèves où l'on sent le coeur
se pâmer sous
les baisers cueillis aux lèvres! Olé!
TOUS Olé!
DULCINÉE Anda! Que les yeux plongent
dans les yeux, désirs courez la
pretentaine; et jeunes gens, qu'il
vous souvienne, que
l'amour sourit aux audacieux. Anda! Ne pensons qu'aux
minutes brèves où les âmes vont se
pâmer dans l'ivresse de
s'adorer sur les baisers pris
sur les lèvres!
LA FOULE Olé! Anda! L'aube bientôt
blanchira l'horizon! Nous saluerons l'aurore
en soupant verre en main! Tandis que les vieux
vins encore emporteront ce qui nous reste de
raison!
PEDRO, GARCIAS,
RODRIGUEZ, JUAN L'aube bientôt
blanchira l'horizon! Nous saluerons l'aurore
en soupant verre en main!
DULCINÉE Soupons, soupons le
verre en main!
PEDRO, GARCIAS,
RODRIGUEZ, JUAN L'aube bientôt
blanchira l'horizon!
DULCINÉE Soupons, soupons le
verre en main!
PEDRO, GARCIAS,
RODRIGUEZ, JUAN Le verre en main!
SANCHO Annonce le grand Don
Quichotte de la Manche, baron, chevalier de la
Longue Figure, arrivant en Estramadure avec son écuyer le
valeureux Don Sanche!
LE 1er LAQUAIS El señor...
El señor... Quichotte... Estramadure...
SANCHO Idiot!
LE 2d LAQUAIS
El señor... chevalier de
la Longue Figure...
SANCHO Mieux!
LE 1er LAQUAIS Sont-ils drôles! J'augure que cet homme
n'a rien mangé depuis deux ans!
LE 2d LAQUAIS Encore s'il nous
faisait quelque riche présent!
SANCHO Que le grand chevalier
rêve, chante ou soupire, moi seul, entendez-vous,
ai le droit de sourire!
DON QUICHOTTE J'entre enfin dans la
joie!
SANCHO
Quand donc dans l'abondance et dans
l'oisiveté? DON QUICHOTTE J'entre dans
l'immortalité!
SANCHO Quand pourrai-je palper
le plus mince pécule?
DON QUICHOTTE J'entre enfin dans la
joie, et l'immortalité!
SANCHO
Quand donc dans l'opulence et
dans l'oisiveté? Quand donc?
Quand donc dans l'abondance? Et dans
l'oisiveté?
DON QUICHOTTE Tout
vont t'échoir, j'en
jure par Hercule.
SANCHO Tous
ces biens vont m'échoir!
DON QUICHOTTE Pour
ton dévouement, ta vertu, je
songe à t'enrichir. Que dirais-tu d'une île?
SANCHO Une île?
DON QUICHOTTE Ou d'un château
festonné de tourelles? Ceint d'un parc, où le
soir glissent des tourterelles?
SANCHO Enfin! Une île? Un château? Ce
rêve me sourit. Mais
dans combien de temps?
DON QUICHOTTE Ce
soir... demain... peut-être...
SANCHO O bien heureux moment, où, vêtu d'or, de
brocatelles, le
jabot fleuri de dentelles, devant
mes gens je paraîtrai, moi
leur seigneur et maître, en habit chamaré!
DON QUICHOTTE Radieuse pour nous
s'ouvre la Destinée!
SANCHO Oh!
oh! oh! oh!
DON QUICHOTTE
D'abord, ce soir, j'épouse Dulcinée, et
l'emmène au pays charmant où
tout est rêve, enchantement,
l'heure y coule exquise, et
se savoure toute. SANCHO Où perche cet Eden?
DON QUICHOTTE Moi seul en sais la
route.
SANCHO Lui seul?
DON QUICHOTTE Moi seul!
SANCHO En sait la route!
DON QUICHOTTE J'entre enfin dans la
joie et l'immortalité!
SANCHO Il connaît l'abondance
et la félicité!
LA FOULE L'aube bientôt
blanchira l'horizon!
DON QUICHOTTE Mais
voici Dulcinée... Ah! que je suis heureux!
LA FOULE Nous saluerons l'aurore
en soupant verre en main!
DON QUICHOTTE Mon Sancho, tu vas voir, tu vas voir cet accueil
chaleureux!
DULCINÉE
Tiens, c'est vous chevalier? Mais
pas une blessure? pas une égratignure?
DON QUICHOTTE
Intact!
DULCINÉE
Intact? Vivat!
RODRIGUEZ, JUAN On ne s'explique pas
qu'à deux, vous ayez pu vous tirer
de ce pas.
PEDRO, GARCIAS On ne s'explique pas
qu'à deux, qu'à deux vous ayez pu vous tirer
de ce pas.
PEDRO, GARCIAS,
RODRIGUEZ, JUAN Donnez de vos exploits,
la preuve? la preuve? malepeste!
SANCHO Ne la voyez-vous pas, chers
seigneurs, à son geste?
TOUS On
ne s'explique pas qu'à deux...
SANCHO Cher
seigneurs! Voyez? voyez son geste!
DULCINÉE Auriez-vous donc les
trente perles fines?
DON QUICHOTTE Elle a douté! Voici, madame, le
collier.
DULCINÉE Mon collier?
LA FOULE Ah!!
DULCINÉE Mon chevalier! Il faut
que je t'embrasse!
LA FOULE Voyez de quels
transports s'illumine sa face!
DULCINÉE Les plus illustres
faits des héros de jadis sont ici dépassés, même
ceux d'Amadis!
LA FOULE
Vivat!
DON QUICHOTTE
Marchez dans mon chemin et
prêtez-moi
l'appui léger de votre main! A
deux nous aimerons davantage le monde, le
temps sera plus court, la moisson plus féconde... Les maux dont geint
l'humanité ont besoin de la femme
et de sa charité!
Allons vers l'Idéal,
montons à grands coups d'aile!
Allons vers l'Idéal!
Soyez mon épouse fidèle! DULCINÉE Me marier, moi! Me marier! ah! ah! Que j'abandonne ma
maison? Eh! mais... vous perdez
la raison! J'aime trop la folie et
le rire et
l'amour, mon charmant empire. Je
vous estime fort! vous
êtes un galant
fantasque, glorieux, étrange infiniiment... Mais
laissez moi, oui, très libre, en ma ville natale. ah! ah! me marier!
DON QUICHOTTTE O réponse fatale! Peu
de mots ont suffi pour me désespérer.
DULCINÉE Oui,
je souffre votre tristesse... et
j'ai vraiment chagrin à vous désemparer. Mais je
dois vous désabuser, je le dois... je le dois! Et en n'acceptant pas
ce que vous proposez, vrai...
je vous prouve ainsi ma sincère tendresse. Vous, ami, ami, ah! j'aurais de la
peine en vous trompant.
DON QUICHOTTE Dulcinée! Dulcinée!
DULCINÉE Car c'est ma destinée de donner de l'amour à
ceux dont le désir est
d'avoir ou mon âme ou
ma bouche à saisir. Ah!
Puisque vous souffrez et que je suis impure,
indigne, lancez sur moi l'injure, vengez-vous! Mais
restez avec nous, Ah!
restez avec nous! DON QUICHOTTE O toi dont les bras nus sont plus frais que la
mousse, laisse-moi te parler de ma voix la plus
douce... avant de te quitter. Comme réponse à ma
prière, pour m'avoir dit des
vérités, femme, je te bénis. Reste toujours sincère. Tu m'as brisé le cour et je suis à tes pieds! Femme, je te bénis! C'est moi qui te bénis!
c'est moi!
DULCINÉE Je t'ai livré mon coeur et te vois à mes pieds! Je
t'ai livré mon coeur! Par toi je suis bénie
par toi!
LA FOULE Enfin, te revoilà!
Rends-nous ton clair sourire! RODRIGUEZ Non, ce n'est pas pour
en médire...
JUAN Mais tu prends trop
souci de cette être falot.
DULCINÉE Si vous aviez son coeur, alors vous seriez beau!
JUAN Ah! ah! ah! C'est un fou simplement
qui pose à la victime.
DULCINÉE Oui, peut-être est-il
fou, mais... c'est un fou
sublime!
LA FOULE Quelle histoire! Tout ça pour ce vieux
déplumé! Pour ce corps de héron! Pour ce masque plissé! Tout ça pour ce débris
vermoulu du passé! Quelle histoire! Quelle histoire pour ça!
SANCHO Ça,
vous commettez tous un acte épouvantable,
belle dames, seigneurs, en outrageant ici le héros admirable et
hardi que voici. Riez, allez, riez du
pauvre idéologue qui passe dans son rêve
et vous parle d'églogue, d'amour et de bonté
comme autrefois Jésus! Moquez-vous sans pitié
de ses bas décousus, de
son pourpoint usé, de ses chausses boueuses, vous,
bas fripons, courtisans, gueuses, qui
devriez tomber aux pieds de
l'être saint dont vous riez.
Viens, mon grand!
recommençons les belles chevauchées!
Viens, mon grand, viens!
Fonçons sur toute lâcheté et
donnons au malheur le pain de la bonté!
Viens, mon grand! Viens!
ACTE CINQUIÈME
SANCHO O mon maître, ô mon
Grand! dans des splendeurs de
songe que ton âme s'élève aux
cieux loin du mensonge, et que ton coeur si
doux plane dans les clartés, où tout ce qu'il rêva devient réalité! O mon maître! ô mon
grand!
DON QUICHOTTE Écoute... mon ami, je me sens bien malade! Mets
ton bras sous mon cou, sois l'ultime soutien de celui qui pansa
l'humanité souffrante et survécut à la
Chevalerie Errante.
SANCHO Mon maître!
DON QUICHOTTE Sancho, mon bon Sancho, nous allons nous
quitter... Ingrat, vas-tu me
regretter? Déjà... tes yeux... revoient le village... où tu fus enfant... et te voici rêvant aux bois mystérieux de
la terre natale!
SANCHO Non!
non!
DON QUICHOTTE Mais,
mon pauvret, c'est la chose fatale! Tu n'es qu'un homme
enfin, tu veux vivre...
et je meurs...
SANCHO Mon
maître! mon maître! DON
QUICHOTTE Oui! je
fus le chef des bons semeurs! J'ai
lutté pour le bien, j'ai fait la bonne
guerre! Ah!
Sancho, je t'ai promis naguère des
coteaux, des châteaux,
même une île fertile...
SANCHO C'était
un simple îlot que je voulais avoir! DON QUICHOTTE Prends cette île qu'il est toujours en
mon pouvoir de te donner! Un flot azuré bat ses
grèves, elle
est belle, plaisante, et
c'est l'île des rêves! Ne
pleure pas Sancho, mon
bon, mon gros Sancho! SANCHO Laissez-vous délacer; comme dans un cachot, vous
étouffez, mon grand, dans
cet habit d'apôtre! DON QUICHOTTE Je meurs... Fais ta prière et dis
la patenôtre... L'Étoile!
LE VOIX de DULCINÉE Ah! le temps d'amour
a fui... Où
vont nos bonheurs?
Adieu! bonheurs! adieu! DON QUICHOTTE Dulcinée! avec l'astre
éclatant elle s'est confondue... C'est bien elle! La lumière, l'amour, la
jeunesse... Elle... ...
vers qui je vais, qui
me fait signe... qui
m'attend!
SANCHO Mon
Maître adoré!

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ACTO PRIMERO
El
día de la Feria GRITOS DE LA GENTE ¡Arriba, arriba, olé!
PEDRO, GARCÍA,
RODRÍGUEZ, JUAN Bella, cuyo imperio es
el encanto, haznos la merced de una
sonrisa y de una mirada de
tus grandes ojos a nuestros corazones
enamorados. Dulcinea, hechicera, por un instante abandona al nuevo
amante que ha elegido tu
frenesí, y aparece delante de tus
súbditos, ¡oh, Dulcinea! ¡Oh,
soberana! ¡Dulcinea, reina,
gentil reina!
TODOS ¡Aparece!
LA GENTE ¡Arriba, arriba,
arriba!
PEDRO, GARCÍA,
RODRÍGUEZ, JUAN ¡Dulcinea!
LA GENTE ¡Dulcinea!
DULCINEA ¡Arriba, arriba!
Cuando la mujer tiene veinte años es la majestad suprema, no necesita grandes
atractivos. Se posee una hermosa
diadema, pero después, amigos
míos, ¿después? Se vive en una
apoteosis, vuestros días están
rodeados de gloria, pero falta alguna cosa o alguien, o alguien... ¡Ah! Como queráis.
TODOS Bella, cuyo imperio es
el encanto, ¡Dulcinea! ¡Reina! ¡Sé
nuestra reina!
DULCINEA ¡Arriba! Cuando la mujer tiene
veinte años le rinden
homenajes durante el día, sí,
pero por la noche, porque se lleva una
corona, el tiempo de amor huye. ¡Ay, ay! Y para colmar el
corazón triste y el aburrimiento
exasperado, debe faltar alguna cosa o alguien, o alguien... ¡Ah! Como queráis.
TODOS ¡Dulcinea!
¡Reina! ¡Sé
nuestra reina! ¡Arriba!
DULCINEA ¡Arriba, arriba! ¡Amigos, a todos
os doy las gracias! ¡Amigos, gracias,
gracias!
RODRÍGUEZ Dulcinea ciertamente es
muy hermosa, pero hay que amarla como se recoge una flor
en una mañana de primavera, hacer otra cosa
sería una
locura.
JUAN Sin embargo, yo adoro
a esta perversa
hechicera.
RODRÍGUEZ Si tú la amas con amor
ferviente, ¡cuántas tristezas te están
reservadas, pobre amigo! Para distraerte, mira a Don Quijote y su
gordo escudero.
JUAN ¿Ese grotesco fantoche, ese viejo loco
pedante, que declara que
Dulcinea es la “dama de sus
pensamientos” mientras que ella se
ríe de él?
RODRÍGUEZ Tanto peor, porque él
es valiente y muy sincero.
JUAN ¡Y
bien parecido!
RODRÍGUEZ
Con la belleza
maravillosa del alma.
JUAN Cierto, es
extravagante, loco, cómico y grotesco.
RODRÍGUEZ Pero socorre a las
viudas y a los niños sin madre.
JUAN ¡Apóstol alucinado!
RODRÍGUEZ Guiado por la ilusión, recorre llanuras y
valles, escala picos, transita por lejanos
caminos.
JUAN ¡Ah, es un ser
exquisito!
RODRÍGUEZ Gran
envergadura tiene este Caballero de
la Triste Figura.
JUAN ... de la
Triste
Figura!
LA GENTE ¡Alegría! ¡Viva Don Quijote de la
Mancha! ¡Viva el fiel y buen
Sancho! ¡Viva Rocinante y el
asno del escudero! ¡Alegría, alegría! ¡Viva Don Quijote de la
Mancha! ¡Viva el buen Sancho! ¡Alegría, alegría! ¡Viva Don Quijote de la
Mancha! ¡Viva, viva el buen
Sancho! ¡Viva el caballero Don
Quijote de la Mancha! ¡Viva Sancho! ¡Viva
Rocinante y el asno! ¡Alegría!
DON QUIJOTE Es maravilloso ver como
se me reconoce.
SANCHO Hasta yo, gordo
bonachón, recibo parte de los
vivas que se nos dirigen.
DON QUIJOTE Sancho, vacía tus
bolsillos y alegra a estos pordioseros, porque hoy
debemos ser todos felices. ¡Vivan los serafines,
arcángeles y tronos!
SANCHO Nuestra pobre cena se
diluye en limosnas...
DON QUIJOTE ¡Da, da, da! Sé generoso, hijo mío. E intenta ser como yo,
joven enamorado.
LA GENTE ¡Viva Don Quijote! etc.
DON QUIJOTE ¡Ah, es bella la
juventud, y buena, digan lo que
digan!
LA GENTE ¡Ah, es bella la
juventud, y buena, digan lo que
digan!
DON QUIJOTE Esta alegría me hace
feliz. Quisiera que la
felicidad llenara los caminos, y la
bondad, el corazón de los hombres; que un eterno sol
iluminara las llanuras, que los bosques
aireados por frescas brisas no tuvieran más que
perfumes y frutos sabrosos; y que los riachuelos cristalinos
cantaran y que todo fuera
felicidad.
LA GENTE ¡Alegría, viva Don
Quijote!
DON QUIJOTE, SANCHO ¡Gracias, gracias!
LA GENTE ¡Viva Don Quijote! etc.
DON QUIJOTE ¡Oh, Dulcinea!
SANCHO ¡Ah,
atraeréis al
alcalde, al regidor, y quizás despertéis al
Cid Campeador! Señor, yo sería feliz
si viera a la noble dama, pero es más fuerte que
yo, mi gaznate me reclama. Esa luz roja, que me
guiña el ojo desde lejos, es la fonda donde
tendré gran cuidado en emborracharme, no de
alegría, sino de la verdadera y
buena embriaguez.
DON QUIJOTE ¡Déjame!
SANCHO Señor, bajo este balcón
gozad de vuestra felicidad. Yo soy vuestro sediento
pero humilde servidor. ¡Ah, cómo nos atienden en este albergue!
DON QUIJOTE Cuando aparecen las
estrellas y cuando la noche desde
los cielos cubre la tierra con su
velo, yo elevo mi plegaria a
tus ojos. ¡A tus ojos elevo mi
oración! Y es en la flor...
JUAN ¿Qué es eso,
gentil mandolinista?
DON QUIJOTE Una canción de amor.
JUAN ¿Es alegre o triste?
DON QUIJOTE Puede ser lo uno y lo
otro igualmente, porque es la canción
de un amante para la dama de mi
amor: la bella Dulcinea.
JUAN Viejo loco, os prohíbo...
DON QUIJOTE ¿Tenéis una espada?
JUAN En servirme, señor,
está demasiado ocupada para abandonarme alguna
vez.
DON QUIJOTE Que la canción del
hierro reemplace a la que subía pura y
clara hacia vosotras,
estrellas inocentes.
DON QUIJOTE, JUAN
¡Que la canción del hierro sustituya a la
vuestra!
DON QUIJOTE Permitidme, querido
señor, pero faltan unas rimas al himno de amor que
iba a recitar. Antes de mataros tengo
que cantarlas.
JUAN ¿Antes
de matarme?
DON QUIJOTE Antes de mataros.
DON QUIJOTE, JUAN
¿Vos?
JUAN ¡Viejo loco!
DON QUIJOTE Y es en la flor... en la flor de tus
labios que no sabría nunca, nunca
mentir...
DULCINEA ... en la flor de tus
labios...
DON QUIJOTE Que
el amor
palpitante, amor que ha hecho un
nido para esconderse... palpitante,
palpitante de fiebre.
DULCINEA Que
el amor
palpitante, amor que ha hecho un
nido para esconderse... palpitante,
palpitante de fiebre. ¡Ah! ¿Erais vos
quien
lanzabais versos a mi ventana?
DON QUIJOTE Yo
era.
DULCINEA Las estrofas son dignas
de un maestro y tocáis, querido, este
noble instrumento igual que manejáis la
espada, con arte encantador.
JUAN ¡Señora!
DULCINEA ¡Reíd, pues, celosísimo
que sois! Amo a los paladines y a
los poetas, el amor con ellos es de
una distinción perfecta, y contrasta con la
pasión con que otro amante me
oprime, deliciosamente, por
cierto, y es un crimen que yo
perdono.
JUAN ¡Ah!
DULCINEA Ahora, id a buscar mi
mantilla.
JUAN Pero...
DULCINÉE Pero...
¡dejadme
divertirme!
DON QUIJOTE ¡Cómo! ¿Me impedís cortar el cuello a mi
adversario?
DULCINEA ¿Qué decís?
¿Qué
queréis hacer?
DON QUIJOTE Matarlo al instante.
DULCINEA Sois, señor mío,
demasiado sanguíneo. Por un poco de música,
por una brizna de poesía ¿tendríais
el capricho de derramar sangre? ¡Que no, que no, que
no! Quiero moderar vuestro
ardor.
DON QUIJOTE ¡El nombre de ese
hombre, su nombre!
DULCINEA
¿Qué importa? ¡Es de mi
séquito! ¡Piedad, caballero! Es uno de mis amigos
y me acompaña. Sois, monseñor, demasiado
sanguíneo. Por un poco de música,
etc.
DON QUIJOTE Sólo habéis
aplazado su muerte.
DULCINEA Me hacéis llorar.
¿Puedo creeros?
DON QUIJOTE Yo... pero...
¡os
adoro! Para cuidaros y
serviros, os ofrezco un castillo
sobre el Guadalquivir. Allí los días pasarán
acolchados en la ternura, ¡perfumados de ideal y
florecidos de caricias!
DULCINEA Entonces deberíais, mi soberbio héroe, de
alma valerosa, para hacerme dichosa, intentar recuperar el
collar que ayer, de mi
tocador, el bandido Tenebrún osó
robarme...
DON QUIJOTE ¡Aunque deba yo
sucumbir, mañana partiré,
partiré!
DULCINEA Partiréis mañana...
DON QUIJOTE Mañana partiré...
DULCINEA
Me hacéis feliz...
DON QUIJOTE
La prueba de amor...
DULCINEA
Si volvéis vencedor, la veréis a vuestra
vuelta...
DON QUIJOTE A la vuelta...
DULCINEA
La veréis a la vuelta...
PEDRO, GARCÍA,
RODRÍGUEZ, JUAN Bella, cuyo imperio es
el encanto...
DULCINEA ¡Estos
son mis amigos! ¡Acordaos, mi señor!
DON QUIJOTE Partir... con...
aquél...
DULCINEA ... ¡que vos debíais
matar! Habéis perdonado.
DON QUIJOTE Sí...
DULCINEA ¡Hasta la vuelta, gran
amigo!
JUAN ¿Su amor os divierte?
DULCINEA Es gracioso, y yo soy
su diosa.
JUAN ¡Su musa!
DON QUIJOTE Ella me ama y volverá a
mí con los ojos húmedos de
arrepentimiento. ¡Ah! Su risa infantil,
sus andares sinuosos, su ojo mimoso y su voz
acariciadora. Cualquier cosa puede
pasar: Mi palabra es sagrada y la cumpliré.
LA VOZ DE DULCINEA Cuando la mujer tiene
veinte años, etc.
ACTO SEGUNDO
DON QUIJOTE Es hacia tu amor... tu
amor... ... mor, día!... noche
y día... ¡Que yo suspiro noche y
día! ¡Dulcinea!... ¿mi
pensamiento? ¡Dama de mis
pensamientos! ¡La, la, la! Por ti mi alma está
opresa... opresa? ¡Dulcinea! Pero he visto tu
emoción... ¿tu emoción? ¿Piensas en mí? ¡Sé que piensas en mí! ¿Su emoción? ¿Mía?
¿Tuya? ¡Yo creo en ti! Ah! ah! ¡Tu emoción! ¡Piensas en mí! ¡Yo
creo en ti! ¡Yo creo en ti! ¡Mi Dulcinea, yo creo
en ti! ¡La, la, la!
SANCHO Creedme, caballero, nos
hemos equivocado: los enemigos que ayer
dispersásteis cargando a grito
de: ¡Viva Dulcinea! Y ¡Muerte a los
infieles! Eran sencillamente la
tropa combinada de cerditos
negros y grandes carneros blancos.
DON QUIJOTE Tus palabras me hacen
sonreír.
SANCHO Vaya, es feliz,
respetemos su delirio. ¡Ay! Si
seguimos caminando, al final de verano yo le ganaré en
delgadez. Todo se diluye en mí, ¡ya he estrechado tres
agujeros mi cinturón!
DON QUIJOTE
¡La, la, la!
SANCHO ¡Tra la la!
DON QUIJOTE ¿Te vuelves loco,
Sancho?
SANCHO ¡Sí! ¡Todo
sigue igual! Porque doña Dulcinea, usando
de su poder... ¡la pícara condenada! os dijo
una buena noche que existía en la
sierra cercana un bandido que roba y
mata, y que le robó cierta joya
de valor: ¡Y he aquí que vamos tras el audaz ladrón! ¡Al ladrón, al ladrón! Esta dama se ríe de
nosotros, de los dos, de nosotros dos, mi
buen señor.
DON QUIJOTE Hablar así es no
conocerla. Es ignorar su corazón.
SANCHO ¡Al contrario, señor!
DON QUIJOTE Sancho mío... me
haces reír.
SANCHO Las mujeres, caballero,
son todo mentira y ardides.
DON QUIJOTE ¿Qué?
SANCHO Sí. ¡Lo que me gusta
de
nuestro bonito oficio es que he podido dejar
en casa a mi mitad! Esto me consuela, lo
juro, cuando siento los
huesos de mi asnal montura entrar en las
redondeces que me dio la madre
naturaleza. Cómo se puede pensar
algo bueno de esas pícaras, de
esas granujas, de esas mentirosas, de
esas charlatanas, la mejor de las cuales
no vale nada. Mirad, pues, a esa
devota que pasa bajando los
ojos, y por las calles trota,
trota y trota, requebrando a jóvenes y
viejos. ¡Mirad, mirad! De repente, debajo de
su mantilla, ¿por qué esa mirada
brillante? ¿Por qué, por qué? Es que ha visto abrirse una puerta escondida por donde desaparece
la muy pícara beata. ¡Ja, ja, ja! Y el marido se aburre, encontrando muy larga
la misa, rascándose la frente que le pica sin
cesar... Y el marido, el marido
se aburre rascándose la frente, y el marido se aburre. La mujer es un demonio
vicioso y maligno, creado para desgracia
del sexo masculino. Que vengan de África,
de Asia o América; que tengan la nariz
fina, chata o aguileña; que sean morenas,
pelirrojas, rubias, planas, rollizas,
delgadas o redondas, nosotros somos las
ratitas, las ratitas de esos seres felinos. El hombre es una
víctima y los maridos santos.
DON QUIJOTE ¡Mira!
SANCHO ¡Qué, qué!
DON QUIJOTE ¡Infeliz, mira!
SANCHO ¿Qué, pero qué?
DON QUIJOTE ¡Sancho, en guardia, en
guardia!
SANCHO ¿En guardia?
DON QUIJOTE ¡Mira allí abajo!
¡Sobre el fondo opalino aquel terrible gigante!
SANCHO ¡Señor, es un molino,
un molino!
DON QUIJOTE Patán, son gigantes que en su arrogancia intentan detenerme. ¡Loca es su insolencia, voy a castigarlos!
SANCHO ¡Oh, qué fatal
demencia! ¡El pobre vuelve a
empezar!
DON QUIJOTE ¡Gigante, gigante,
monstruoso caballero, si tu corazón no está
acorazado de valor, déjame paso; si no, con
la espada y la lanza, yo te desafío, yo, el
alto caballero! Vuestros grandes gestos
sólo exaltan mi valor. ¡Atrás, atrás, si no al
instante, en vuestra carne y
vuestra sangre, yo me abriré paso!
SANCHO ¡Dios mío!
DON QUIJOTE ¡Escudero, conmigo,
diles que los desafío!
SANCHO ¡Qué locura!
DON QUIJOTE ¡Gigante, gigante,
monstruoso caballero, si tu corazón no está
acorazado de valor, déjame paso; si no, con
la espada y la lanza, yo te desafío, yo, el
alto caballero!
SANCHO ¡Gigante, gigante,
monstruoso caballero, si tu corazón no está
acorazado de valor, déjale paso; si no, con
la espada y la lanza, él te desafía, él, el
alto caballero!
DON QUIJOTE ¡Dulcinea, Dulcinea,
dama de mis pensamientos! etc.
SANCHO ¡Qué desgracia!
¡Socorro! ¡Mi buen señor! ¡Ay de mí! ¡Ay de mí!
¡Jesús, María! ¡Venid a liberarle!
ACTO TERCERO
DON QUIJOTE
Este es el camino que
toman los bandidos cuando vuelven a su
escondite... ¡Aquí está! Desengancha el asno
y
desensilla a Rocinante, estarán cansados de
nuestra rápida carrera.
SANCHO Este lugar infunde un
espanto que eriza mi pelo y el
del asno. ¡Iros, corderos, a
pastar en la espesa hierba!
DON QUIJOTE ¿Ves algo que se mueve
al fondo?
SANCHO Señor, yo quisiera
volver atrás. Señor, temo la sombra y
a los ruidos angustiosos que llenan el brezal y
el bosque tembloroso. ¿Qué pasará?
DON QUIJOTE ¡Algo inmenso! Sancho, nuestra gloria
empieza. Los valientes, los
paladines, los héroes del pasado serán rápidamente
olvidados, eclipsados. Hiervo de impaciencia
heroica y de fiebre.
SANCHO Y yo, yo tiemblo como
una liebre... Pero, ¿si nos
sentáramos un poco? Estoy rendido... Y
no por haber comido
demasiado, o bebido.
DON QUIJOTE
¿Sentarse? Un caballero que busca
la aventura debe estar siempre en
posición de descubrir la
emboscada y de parar el golpe.
SANCHO Os dejo al cuidado de
velar mi cuello: que no lo corten,
señor, por sorpresa.
DON QUIJOTE Estate tranquilo.
SANCHO Yo duermo, quedad
alerta.
DON QUIJOTE Cuando
aparecen las estrellas... ¡Oh, mis divinos
sueños... Pero... ¡Por ahí llegan! ¡Son más de doscientos,
hijo!
SANCHO ¡Y nosotros somos dos!
DON QUIJOTE Los venceremos,
pues es justa nuestra causa.
SANCHO Señor, tengo los brazos
cortos y amo la vida.
DON QUIJOTE Ve a esconderte en lo
profundo del bosque.
SANCHO ¡Ah, si tuviera menos
miedo qué héroe sería!
DON QUIJOTE ¡Alto, rendíos,
miserables lacayos!
EL JEFE DE LOS
BANDIDOS ¡He aquí un audaz valiente! Si hubiéramos sido
briznas de hierba nos hubiera segado con
el corte de su espada. Pero, ¿de dónde viene, del purgatorio o del
infierno?
PRIMER BANDIDO ¿En qué salsa pondremos
su carne rancia?
SEGUNDO BANDIDO
Parece que no nos oye...
PRIMER BANDIDO Indícanos tus
preferencias.
TERCER BANDIDO ¿Nos harás el honor de contestar a estos
ladrones, señor?
PRIMER BANDIDO ¡Toma, por tu altivez,
imbécil!
CUARTO BANDIDO Eso te hará la lengua
más ligera.
EL JEFE ¡Acabemos!
Degolladle, quemadle, ahorcadle, no
soporto su mirada. ¡Rápido!
LOS BANDIDOS
Ver un cuerpo tan largo como un día sin pan pender de la rama de un
pino ¡será un espectáculo
divertido! ¡Ja, ja, ja! La comida hecha con su
osamenta será para los cuervos
un festín más flaco que el cuerpo de este
hidalgo colosal. ¡Ja, ja, ja!
DON QUIJOTE Señor, recibe mi alma,
que no es malvada, y mi corazón es el
corazón de un fiel cristiano. ¡Que tu ojo me sea
benigno y tu faz indulgente! Yo soy tu caballero.
EL JEFE Me parece soñar,
mirando tu cara pálida, tus rasgos de los que
la divinidad se desprende, y tus ojos fulgurantes
de sublime claridad. ¿Adónde vas, qué
quieres?
DON QUIJOTE El caballero
andante que deshace los entuertos; un
vagabundo lleno de ternura para las madres
agraviadas, los pobres, los oprimidos, para los que no fueron
favorecidos por la suerte. Estoy loco por el sol
ardiente, el aire y el espacio. Adoro a
los niños que ríen cuando paso; y no odio a los
bandidos, cuando tienen fuerza en el cuerpo y
orgullo en la frente. Y heme aquí de pie,
recitando un nuevo papel, libre en mi acción como
en mi palabra. Y yo os digo, yo, el
alto caballero: debéis al instante
devolverme el collar robado del cuello
delicado de una dama adorada. La joya no es nada,
pero la causa es sagrada.
PRIMER BANDIDO ¡Ah, siento que
tiemblo!
EL JEFE He aquí la joya robada,
mi señor.
DON QUIJOTE Bien, gracias.
LOS BANDIDOS ¡Y ahora
extended sobre nosotros
la mano pura, noble Caballero de la
Triste Figura!
DON QUIJOTE Ven Sancho, patán de
tímido corazón, ven a ver el milagro
que se ha producido. ¡Ven! Los villanos;
los ladrones hijos del robo y el crimen;
los que el miedo y la fuerza oprime; los
sin hogar; los mendigos de risa amenazadora; han adivinado mis
propósitos, han entendido su
intención. Doblados bajo el viento
que viene de las cumbres, temblando por un
estremecimiento, mis huéspedes, los elegidos de mi
corazón, mis hijos predestinados, míralos, mis hijos, qué hermosos son,
dóciles, fascinados.
LOS BANDIDOS ¡Sobre nosotros
extended vuestra mano pura, nuestro caballero!
ACTO CUARTO
JUAN Entonces, traidora, ¿no
tengo nada que esperar?
DULCINEA Ya nada, pero Pepita
sabrá consolarte.
RODRÍGUEZ De mi gran tristeza, ¿cuándo sentiréis
piedad?
GARCÍA ¿Y seréis
siempre la dueña...
PEDRO
... del que sufre a
vuestros pies?
DULCINEA ¡Pobres amigos, me
aburrís! Tengo bastante con mis
tristezas. Cuando el tiempo del
amor ha huido, ¿qué queda de nuestra
felicidad y de los veranos,
cuando la noche en sus velos esconde el
esplendor de las flores? Cuando el tiempo del
amor ha huido, ¿quién puede creer en
la felicidad? Cuando el tiempo del
amor ha huido, ¿el tiempo del amor?
RODRÍGUEZ ¡Por casualidad, por
casualidad! ¿Llegaría quizás su
turno...
DULCINEA ¡Pobres amigos, pobres
amigos! ¡Ah, me aburrís! Amigos míos, no
tendréis suerte hablándome, hablándome
del amor! ¡Ja, ja, ja! ¡Ah, mis pobres amigos!
etc.
RODRÍGUEZ, JUAN ... hablándole del
amor? ¡Por casualidad, por
casualidad! ¿Llegaría su turno? ¿Tendría él más suerte hablándole del amor?
DULCINEA ¡Ah! Tengo ahora el
deseo de otra cosa. Sueño y lloro sin
motivo. Debo ser compadecida y es lástima
verdaderamente no estar encantada
teniendo tales amantes.
JUAN, RODRÍGUEZ ¿Qué dices?
PEDRO, GARCÍAS ¿Eh?
DULCINEA Yo quisiera ser amada por otros distintos a
vosotros y diferente a lo
habitual. ¡Ah! Si fuerais
imprevisibles, altivos, brillantes...
¿Es tan raro lo que mi sueño pide? Desconocidos
estremecimientos muerden mi ávido
cuerpo.
TODOS ¡Viva Dulcinea! ¡Indomable, indómita! ¡Viva, viva!
DULCINEA ¡Arriba, arriba! Pensemos sólo en el
placer de amar, en la fiebre de las
horas breves cuando se siente el
corazón desfallecer bajo los besos robados
a los labios. ¡Olé!
TODOS ¡Olé!
DULCINEA ¡Anda! Que los ojos se pierdan
en los ojos, ¡Deseos, corred!
Muchachos, recordad que el amor sonríe a
los audaces. ¡Anda! Pensemos sólo en los
minutos breves en que las almas
desfallecen con el arrebato del ardor sobre los besos robados
a los labios.
TODOS ¡Olé! ¡Anda! El alba pronto
blanqueará el horizonte. Saludaremos a la aurora
cenando copa en mano. Mientras, los viejos
vinos se llevarán lo que nos queda de
juicio.
PEDRO, GARCÍA,
RODRÍGUEZ, JUAN El alba pronto
blanqueará el horizonte. Saludaremos la aurora
cenando copa en mano.
DULCINEA ¡Cenemos, cenemos con
la copa en la mano!
PEDRO, GARCÍA,
RODRÍGUEZ, JUAN El alba pronto, etc.
DULCINEA ¡Cenemos...! etc.
PEDRO, GARCÍA,
RODRÍGUEZ, JUAN ¡La copa en la mano!
SANCHO Anuncia al gran Don
Quijote de la Mancha, baron, Caballero de la
Triste Figura, que llega de
extremadura con su escudero, el
valiente Don Sancho.
PRIMER LACAYO El señor... El señor...
Quijote... Extramadura...
SANCHO ¡Idiota!
SEGUNDO LACAYO El señor...
caballero de la triste figura...
SANCHO ¡Mejor!
PRIMER LACAYO ¡Son cómicos! Apuesto a que este
hombre no ha comido desde hace dos años.
SEGUNDO LACAYO ¡Aún si nos hiciera
algún rico presente!
SANCHO Cuando el gran
caballero sueña, canta o suspira sólo yo, entended,
tengo derecho a sonreír.
DON QUIJOTE ¡Por fin entro en la
felicidad!
SANCHO ¿Y cuándo en la
abundancia y la ociosidad?
DON QUIJOTE ¡Yo entro en la
inmortalidad!
SANCHO ¿Y cuándo podré tocar un
poco de dinero?
DON QUIJOTE ¡Por fin entro en la
inmortalidad!
SANCHO ¿Y cuándo en la opulencia y la ociosidad?
¿Cuándo, pues? ¿Cuándo en la
abundancia? ¿Y en la ociosidad?
DON QUIJOTE Todos estos bienes te
tocarán en suerte, lo juro por Hércules.
SANCHO ¡Todos estos bienes me
tocarán en suerte!
DON QUIJOTE Por tu devoción
y
virtud, yo pienso enriquecerte. ¿Qué te parecería una
isla?
SANCHO ¿Una isla?
DON QUIJOTE ¿O un castillo
festoneado de torrecillas, rodeado de un parque
donde se refugien las palomas?
SANCHO ¡Por fin! ¿Una isla, un castillo?
¡Ese sueño me gusta!. Pero ¿cuándo?
DON QUIJOTE
Esta noche, mañana quizás...
SANCHO ¡Oh, feliz momento!
Apareceré vestido de oro,
de brocado, con el jubón ornado de
encajes, ante mis súbditos; yo, su dueño y señor, en hábito de gala.
DON QUIJOTE ¡Radiante para nosotros
es el destino!
SANCHO ¡Oh, oh!
DON QUIJOTE Primero, esta noche
desposaré a Dulcinea y la llevaré al país
encantado donde todo es sueño,
maravilla, el tiempo pasa
exquisitamente y cada instante se
saborea.
SANCHO ¿Dónde cae ese Edén?
DON QUIJOTE Sólo yo conozco el
camino.
SANCHO ¿Vos solamente?
DON QUIJOTE ¡Yo solo!
SANCHO ¡Conoce la ruta!
DON QUIJOTE ¡Entro por fin en la
felicidad e inmortalidad!
SANCHO ¡Él conoce la
abundancia y la felicidad!
TODOS ¡El alba pronto
blanqueará el horizonte!
DON QUIJOTE
He aquí a Dulcinea... ¡Ah, qué feliz soy!
TODOS ¡Saludaremos la aurora
cenando copa en mano!
DON QUIJOTE Sancho mío, tú verás, verás el saludo
caluroso.
DULCINEA ¡Vaya, sois vos,
caballero! ¿Pero sin una herida? ¿Ni un rasguño?
DON QUIJOTE ¡Intacto!
DULCINEA ¿Intacto? ¡Viva!
RODRÍGUEZ, JUAN No se puede explicar
que, siendo dos, hayan podido salir del
paso.
PEDRO, GARCÍA No se puede explicar
que, siendo dos, hayan podido salir del
paso.
PEDRO, GARCÍA,
RODRÍGUEZ, JUAN ¡Dadnos la prueba de
vuestra empresa! ¡La prueba, caramba!
SANCHO ¿No la veis, queridos señores, en su
expresión?
TODOS No se puede explicar
que, siendo dos...
SANCHO ¡Queridos señores! ¡Mirad su expresión!
DULCINEA ¿Tenéis, pues, las
treinta perlas finas?
DON QUIJOTE ¡Ella ha dudado! He aquí, señora, el
collar.
DULCINEA ¿Mi collar?
TODOS ¡Ah!
DULCINEA ¡Mi caballero, debo
besarte!
TODOS Mirad con qué felicidad
se ilumina su cara.
DULCINEA Las más ilustres gestas
de los antiguos héroes se ven ahora
superadas... ¡Hasta las de Amadís!
TODOS ¡Viva!
DON QUIJOTE
Caminad por mi senda y dadme el apoyo ligero de
vuestra mano. Juntos amaremos aún más
al mundo, el tiempo será más
breve, la cosecha más
fecunda... Los males en que gime
la humanidad necesitan a la mujer y
su caridad. Vamos hacia el ideal, subamos a grandes
golpes de ala. ¡Vamos hacia el ideal! ¡Sed mi esposa fiel!
DULCINEA
¿Casarme yo? ¡Casarme! ¡Ja, ja! ¿Que abandone mi casa? ¡Oh, perdéis el juicio! Amo demasiado la locura
y la risa y es el amor, mi
encantador imperio. Yo os quiero mucho, sois galante, extravagante, glorioso,
infinitamente extraño, pero dejadme, sí, muy
libre, en mi villa natal. ¡Ja, ja, casarme!
DON QUIJOTTE ¡Oh, fatal respuesta! Pocas palabras han
bastado para desesperarme,
DULCINEA Sí, yo sufro vuestra
tristeza, y tengo verdadero pesar
en rechazaros. Pero debo abriros los
ojos, lo debo hacer, lo debo
hacer. Y no aceptando lo que
me proponéis, verdaderamente os
pruebo mi sincera ternura. Vos, amigo, amigo, ¡Ah, me sabría mal
engañaros!
DON QUIJOTE ¡Dulcinea, Dulcinea!
DULCINEA Porque mi destino es dar amor a los que su deseo es poseer mi alma o tomar mi boca. ¡Ah!
Veo que estáis
sufriendo, pues soy impura e indigna.
¡Lanzad sobre mí la
injuria, vengaos! Pero quedaos con
nosotros. ¡Sí, quedaos con
nosotros!
DON QUIJOTE Tú, cuyos brazos
desnudos son más frescos que el
musgo, déjame hablarte con mi voz más dulce antes de dejarte. Como respuesta a mi
ruego, por haberme dicho la
verdad, mujer, yo te bendigo. Permanece siempre
sincera. Tú me has destrozado el
corazón y estoy a tus pies. Mujer, yo te bendigo. ¡Soy yo quien te
bendice, soy yo!
DULCINEA Yo te he abierto mi
corazón y te veo a mis pies. Te he abierto mi
corazón ¡Por ti soy bendecida,
por ti!
TODOS ¡Por fin
regresas! ¡Devuélvenos tu clara
sonrisa!
RODRÍGUEZ No, no
es para criticar...
JUAN Pero te preocupas
demasiado
por ese ser insulso.
DULCINEA Si
tú tuvieras su corazón, serías muy hermoso.
JUAN ¡Ja, ja! Es sólo un loco que se
hace la víctima.
DULCINEA Sí, puede
que esté loco, pero es un loco
sublime.
TODOS ¡Qué historia! ¡Todo esto por un
viejo desplumado! ¡Por ese cuerpo de
garza! ¡Por esta máscara
arrugada! ¡Todo por este
vestigio carcomido del pasado! ¡Qué historia!
¡Qué historia!
SANCHO Todos vosotros,
bellas damas y señores, cometéis un acto
espantoso ofendiendo a este héroe admirables
y audaz. Reíd, vamos, reíros del
pobre idealista que pasa soñando y os
habla de poesía, de amor y bondad, como
en otro tiempo Jesús. Burlaos sin piedad de
sus medias descosidas, de su jubón gastado, de
sus botas enlodadas, vosotros bribones,
cortesanos, busconas, que debiérais caer a
los pies del santo del que os
reís. ¡Venid, mi héroe, volvamos a las bellas
cabalgadas! ¡Venid, mi héroe, venid! ¡Arremetamos contra
cualquier cobardía y demos a la desgracia
el pan de la bondad! ¡Venid, mi héroe, venid!
ACTO QUINTO
SANCHO ¡Oh, mi señor, mi héroe! En resplandores de
ensueño que vuestra alma se eleve al cielo, lejos de la
mentira, y que vuestro dulce corazón planee en la claridad donde todo lo que
se sueña se hace realidad. ¡Oh, mi señor, mi héroe!
DON QUIJOTE Escucha, amigo mío, me siento muy
enfermo. Pon tu brazo debajo de
mi cuello, sé el último sostén del que alivió a la
humanidad doliente y sobrevivió a la
caballería andante.
SANCHO ¡Mi señor!
DON QUIJOTE Sancho, mi buen Sancho,
nos vamos a separar... Ingrato, ¿vas a echarme
de menos? Ya tus ojos vuelven a
ver el pueblo donde fuiste niño, y hete aquí soñando en los bosques
misteriosos de tu tierra natal.
SANCHO ¡No, no!
DON QUIJOTE ¡Sí, pobrecito mío, es
natural! Tú eres sólo un hombre,
al fin, tú quieres vivir y yo
muero.
SANCHO ¡Mi señor, mi señor!
DON QUIJOTE Sí, yo fui el jefe de
los buenos sembradores. Yo he luchado por el
bien, he hecho la buena
guerra. ¡Ah! Sancho, yo te
prometí hace poco unos viñedos, unos
castillos, hasta una fértil
isla...
SANCHO Era un sencillo islote
lo que yo quería tener.
DON QUIJOTE Toma esta isla que está en mi poder donarte. Una ola azul baña sus
playas, es hermosa, agradable, es la isla de los
sueños. No llores Sancho, mi buen, mi gordo
Sancho.
SANCHO Dejadme desabrocharos; como en un calabozo os sofocáis, mi héroe en este traje de
apóstol.
DON QUIJOTE Yo
muero... Reza por mí y recita el
padrenuestro... ¡La estrella!
LA VOZ DE DULCINEA ¡Ah! El tiempo del amor
ha huido. ¿Dónde van nuestras
felicidades? ¡Adiós felicidad,
adiós!
DON QUIJOTE ¡Dulcinea!
Se ha fundido con la
más brillante de las estrellas. ¡Es ella! La luz, el amor, la
juventud... Ella... ... hacia quien voy, que me hace una señal, que me espera...
SANCHO ¡Mi amo adorado!
Traducido y
digitalizado por: Francisco Such 2020
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