ACTE III


Tableau Premier 

La chapelle

(La communauté est rassemblée dans la chapelle 
entièrement dévastée. Tout est plein de paille. De 
plâtras, la grille du choeur est en partie descellée. 
La chapelle est illuminée par quelques chandelles. 
Une religieuse fait le guet prés de la porte. Les habits 
civils très modestes de l'aumônier sont maculés de 
terre, ses chaussures pleines de boue, une manche 
déchirée pend le long du poignet. Mère Marie, ferme 
et calme, est entourée de religieuses. Constance et 
Blanche sont côte à côte, soeur Mathilde et une autre 
religieuse se tiennent à l'écart)

MÈRE MARIE
Parlez-leur, mon père, elles sont depuis longtemps 
disposées a l'engagement qu'elles vont prendre.

L'AUMÔNIER
Cela n'est pas tout à fait de mon ministère, et je crois 
plus convenable, en l'absence forcée de Sa Révérence, 
que vous parliez vous-même à la communauté.

MÈRE MARIE
Mes filles, je propose que nous fassions ensemble 
le voeu du martyre pour mériter le maintien du Carmel, 
et le salut de notre patrie.

(Les soeurs se regardent entre elles)

Je me félicite de vous voir accueillir cette proposition 
aussi froidement que le Seigneur m'inspire de la 
faire. II ne s'agit pas, en effet, d'offrir nos pauvres 
vies en nous faisant trop d'illusions sur le prix qu'elles 
valent.

MÈRE JEANNE
A quoi nous engageons-nous exactement par ce voeu? 
L'inconvénient de ces voeux exceptionnels, c'est qu'ils 
risquent de diviser les esprits et même d'opposer les 
consciences.

MÈRE MARIE
Voilà pourquoi j'ai toujours pensé que le principe 
et l'opportunité d'un tel voeu devaient être reconnus 
par toutes. L'opposition d'une seule d'entre vous m'y 
ferait renoncer sur-le-champ. Mon intention est que 
nous décidions de la chose par un vote secret. Ou 
moins, M. l'Aumônier recevra-t-il nos réponses, 
et sous le sceau du sacrement. Cela vous apporte-t-il 
toute satisfaction, ma mère?

MÈRE JEANNE
Un grand apaisement du moins. 

L'AUMÔNIER
II suffira que vous passiez tour à tour derrière l'autel.

SOEUR MATHILDE
(désignant soeur Blanche à une autre religieuse)
Gageons qu'il y aura une voix contre.

(Une à une les religieuses passent derrière l'autel 
et reparaissent presque aussitôt. Lorsque Blanche 
reparaît, son visage est hagard. Constance la suit 
du regard. L'aumônier s'approche de mère Marie 
et lui dit quelques mots à voix basse)

MÈRE MARIE
II y a une seule opposition. Cela suffit. 

SOEUR MATHILDE
(à sa voisine)
On sait laquelle... 

CONSTANCE
II s'agit de moi!

(Stupéfaction générale. Blanche commence 
à pleurer, la téta dans ses mains)

M. l'Aumônier sait que je dis vrai... Mais... mais... 
je me déclare maintenant d'accord avec vous toutes, 
et... je... le désire... je voudrais que vous me laissiez 
prononcer ce voeu. . Je vous en supplie au nom 
du bon Dieu.

L'AUMÔNIER
J'en décide ainsi. Rejoignez vos compagnes. 
Vous viendrez ici, deux par deux.

(L'aumônier revêt ses ornements)

Soeur sacristine, ouvrez le livre des Saints Evangiles, 
et posez-le sur le prie-Dieu. Les plus jeunes d'abord.
Soeur Blanche et soeur Constance, je vous prie.

(Blanche et Constance s'agenouillent côte à côte, 
et offrent leur vie à Dieu. Les autres religieuses se 
poussent pour prendre leur rang. Blanche, à la faveur
du brouhaha, s 'enfuit)

Interlude 1

Une rue devant le couvent

(Les carmélites, la prieure en tête, sont réunies en lace 
d'officiers municipaux. Elles sont en civil et tiennent de 
maigres baluchons à la main)

PREMIER OFFICIER
Citoyennes, nous vous félicitons de votre discipline 
et de votre civisme. Mais nous vous avertissons que 
la Nation aura désormais les yeux sur vous. Pas de vie 
de communauté, pas de relations avec les ennemis de 
la République, ni avec les prêtres réfractaires, suppôts 
du pape et des tyrans. Dans dix minutes, vous viendrez 
prendre, une à une, au bureau, le certificat qui vous 
permettra de jouir de nouveau des bienfaits de la 
liberté, sous la surveillance des lois.

(Il sort, suivi des autres officiers. D'un geste, la prieure
retient les carmélites)

LA PRIEURE
Soeur Gérald, il faut absolument prévenir le prêtre 
Nous étions convenu qu'il devait célébrer aujourd'hui 
la sainte messe et je vois bien maintenant qu'il y aurait 
à cela trop de péril pour lui et pour nous. Vous ne le 
croyez pas, mère Marie?

(Soeur Gérald sort)

MÈRE MARIE
Je me fie à Votre Révérence pour tout ce que je dois 
désormais croire ou ne pas croire, mais si j'ai eu tort 
d'agir comme j'ai fait, il n'en reste pas moins que ce qui 
est fait est fait. Comment accorder l'esprit de notre voeu 
avec cette prudence?

(Elle sort)

LA PRIEURE
(se tournant vers les religieuses)
Chacune de vous répondra de son voeu devant Dieu, mais c'est
moi qui répondrai de vous toutes et je suis assez vieille pour
savoir tenir mes comptes en règle.

Tableau Deuxième

Prélude

La bibliothèque du marquis de la Force

(La bibliothèque a été totalement saccagée. Tous les 
meubles sont détériorés. On a monté, dans l'âtre de la 
vaste cheminée, un petit poêle bas sur lequel est posée 
une vulgaire casserole en terre. Un lit de sangles est au 
beau milieu de la pièce. Blanche, vêtue comme une 
femme du peuple, surveille le feu. Mère Marie, en civil, 
ouvre brusquement la porte principale)

BLANCHE
C'est vous... 

MÈRE MARIE
Oui, je viens vous chercher. II est temps. 

BLANCHE
(hagarde)
Je ne suis pas libre maintenant de vous suivre... Mais dans
quelque temps... peut-être.

MÈRE MARIE
Non pas dans quelque temps, mais tout de suite. 
Dans quelques jours il serait trop tard. 

BLANCHE
Trop tard pour quoi? 

MÈRE MARIE
Pour votre salut 

BLANCHE
Mon salut... 
Allez-vous dire que le serai en sûreté là-bas? 

MÈRE MARIE
Vous y courrez moins de risques qu'ici, Blanche... 

BLANCHE
Je ne puis vous croire. En des temps pareils, 
est-il une autre sécurité que la mienne? 
Où je me trouve, qui penserait à me chercher? 
La mort ne frappe qu'en haut... 
Mais je me sens si fatiguée, mère Marie!... 
Voilà mon ragoût qui brûle! 
C'est votre faute. 
Mon Dieu! Mon Dieu! que vais-je devenir?

(Blanche est à genoux devant le feu en sanglotant. 
Elle lève le couvercle de la casserole. Mère Marie s'est 
agenouillée aussi, elle se hâte de transvaser le ragoût 
dans une autre casserole)

MÈRE MARIE
Ne vous tourmentez pas, Blanche, voilà le mal réparé.
Pourquoi pleurez-vous?

BLANCHE
Je pleure de vous voir si bonne. Mais j'ai honte aussi 
de pleurer. Je voudrais qu'on me laisse en paix, 
que personne ne pensât plus à moi...

(avec une soudaine violence)

Qu'est-ce qu'on me reproche? Qu'est-ce que j'ai fait de 
mal? Je n'offense pas le bon Dieu. La peur n'offense pas 
le bon Dieu. Je suis née dans la peur, j'y ai vécu, j'y vis 
encore, tout le monde méprise la peur, il est donc juste 
que je vive aussi dans le mépris. Voilà longtemps que 
je le pense. Le seul être qui aurait pu m'empêcher de le 
dire, c'était mon père. II est mort. Ils l'ont guillotiné 
voilà peu de jours.

(se jetant sur le lit de sangles)

Dans sa propre maison, moi si indigne de lui 
et de son nom, quel autre rôle ai-je à tenir que celui d'une
misérable servante? Hier, ils m'ont frappée... 
Oui, ils m'ont frappée.

MÈRE MARIE
Le malheur, ma fille, n'est pas d'être méprisée, 
mais seulement de se mépriser soi-même.
Soeur Blanche de l'Agonie du Christ!

(Blanche se lève d'un bond et se tient debout, 
les yeux secs)

BLANCHE 
Ma mère? 

MÈRE MARIE
Je vais vous donner une adresse. Retenez-la bien. 
Mlle Rose Ducor, 2, rue Saint-Denis. Vous serez chez 
elle en sûreté. Rose Ducor, 2, rue Saint-Denis. 
Je vous attendrai là jusqu'à demain soir. 

BLANCHE
Je n'irai pas. Je ne peux pas y aller. 

MÈRE MARIE
Vous irez. Je sais que vous irez, ma soeur. 

LA VOIX D'UNE FEMME
(en dehors de la salle) 
Blanche, les commissions!

(Blanche se sauve par une petite porte. Mère Marie, 
un instant interdite, s'esquive par la porte d'entrée)
ACTO III


Cuadro Primero

La capilla

(La comunidad, reunida en la capilla, totalmente 
devastada. Todo está lleno de paja y cascotes. 
La reja del coro está medio arrancada. Varios 
cirios iluminan la capilla. Una religiosa vigila 
cerca de la puerta. Los modestos hábitos del 
capellán están manchados de tierra, y sus 
zapatos, llenos de barro. Del puño le cuelga una 
manga desgarrada. La madre María, firme y 
tranquila, está rodeada de religiosas. Constanza 
y Blanca están una al lado de la otra; sor Matilde 
y otra de las monjas se mantienen aparte)

MADRE MARÍA
Habladles, padre. Ya hace tiempo que están 
dispuestas para el compromiso que van a asumir. 

CAPELLÁN
Eso no entra del todo en mi ministerio, y creo 
preferible que, en la obligada ausencia de Su 
Reverencia, vos misma le habléis a la comunidad. 

MADRE MARÍA
Hijas, propongo que hagamos juntas voto 
de martirio, para merecer la conservación del 
Carmelo y la salvación de nuestra patria.

(Las hermanas se miran)

Me alegro que acojáis esta propuesta con la 
misma frialdad con que el Señor me inspira a 
presentarla. Porque no se trata de ofrecer nuestras 
pobres vidas haciéndonos excesivas ilusiones 
sobre su precio.

MADRE JUANA
¿A qué nos compromete exactamente ese voto? 
El inconveniente de los votos excepcionales 
es que pueden suscitar división entre los espíritus 
y aun entre las conciencias.

MADRE MARÍA
Por eso precisamente he pensado siempre que el 
principio y la oportunidad de tal voto debían ser 
reconocidos por todas. La oposición de una sola 
de vosotras me haría renunciar a él de inmediato. 
Mi intención es que la cosa se decida por un voto 
secreto. El señor capellán recibirá nuestras 
respuestas bajo secreto de confesión. 
¿Eso os satisface plenamente, madre?

MADRE JUANA
Me alivia mucho, al menos. 

CAPELLÁN
Bastará que paséis una a una por detrás del altar.

SOR MATILDE
(Dirigiéndose a otra monja, señala a sor Blanca)
Apuesto a que habrá un voto en contra. 

(Una a una, las religiosas desaparecen detrás 
del altar y reaparecen casi en seguida. Cuando 
reaparece Blanca, tiene el semblante extraviado. 
Constanza la sigue con la mirada. El capellán 
habla en voz baja con la madre María)

MADRE MARÍA
Hay una sola oposición. Es suficiente. 

SOR MATILDE
(A su vecina)
Ya sabemos cuál... 

CONSTANZA
¡He sido yo!

(Estupefacción general. Blanca se echa a llorar, 
con la cara entre las manos)

El señor capellán sabe que digo la verdad... 
Pero... Pero ahora me declaro de acuerdo 
con todas vosotras y... deseo... 
deseo que me dejéis pronunciar ese voto... 
Os lo suplico en nombre de Dios.

CAPELLÁN
Sea. Reúnase con sus compañeras. 
Vendréis aquí, de dos en dos.

(El capellán se pone sus ornamentos)

Sor Sacristine, coloque el Evangelio sobre 
el reclinatorio. Primero las más jóvenes. 
Sor Blanca y sor Constanza, por favor.

(Blanca y Constanza se arrodillan una al lado 
de otra y ofrecen su vida a Dios. Las demás 
monjas tratan de agruparse por la edad. Blanca, 
aprovechando el momento de desorden, huye)

Interludio 1

Una calle delante del convento

(Las carmelitas, la priora en cabeza, vestidas de 
seglar, con un pobre hatillo en las manos, están 
reunidas frente a funcionarios municipales)

PRIMER OFICIAL
Ciudadanas, os felicito por vuestra disciplina y 
civismo. Pero os advierto que a partir de ahora 
la nación tendrá su mirada fija sobre vosotras. Ni 
vida en comunidad, ni contacto con los enemigos 
de la República, ni con los curas reaccionarios, 
esbirros del Papa y los tiranos. En de diez 
minutos, una a una, iréis a recoger el certificado 
que os permitirá gozar nuevamente de los 
beneficios de la libertad, bajo la tutela de la ley.

(Sale seguido de otros oficiales. La priora, 
con una señal, retiene a las monjas)

PRIORA
Sor Geralda, es indispensable avisar al sacerdote. 
Habíamos convenido en que hoy celebraría la 
santa misa, pero ahora veo que 
sería demasiado peligroso para él y para nosotras. 
¿No lo creeéis así madre María?

(La madre Geralda sale)

MADRE MARÍA
Me fío de Vuestra Reverencia para lo que deba 
creer o no creer a partir de ahora; pero si me 
equivoqué al actuar como lo hice, no es menos 
cierto que lo hecho hecho está; ¿cómo armonizar 
el espíritu de nuestro voto con esta prudencia?

(Sale)

PRIORA
(Volviéndose hacia las monjas)
Cada una de ustedes responderá de su voto ante 
Dios, pero yo debo responder por todas, y soy lo 
bastante vieja como para saber llevar mis cuentas.

Cuadro Segundo

Preludio

Biblioteca del marqués De la Force

(La biblioteca ha sido totalmente saqueada. 
Todos los muebles están deteriorados. En la 
chimenea hay puesta una vulgar cacerola de 
barro. Hay un catre en medio de la sala. Blanca, 
vestida como una mujer de pueblo, vigila el 
fuego. La madre María, vestida de seglar, abre 
bruscamente la puerta principal)

BLANCA
Sois vos...

MADRE MARIA
Sí; he venido a buscaros. Es hora de que volváis.

BLANCA
(azorada)
Ahora no puedo seguiros. 
Pero dentro de algún tiempo... quizás...

MADRE MARÍA
Dentro de algún tiempo, no; ahora. 
Dentro de unos días será tarde.

BLANCA
¿Tarde para qué?

MADRE MARÍA
Para vuestra salvación.

BLANCA
Mi salvación... 
¿Queréis decir que allí estaré segura?

MADRE MARÍA
Correréis menos peligro que aquí, Blanca... 

BLANCA
No puedo creeros. En estos tiempos, ¿puede 
haber mayor seguridad que la que tengo aquí? 
¿Quién pensaría en buscarme donde ahora estoy? 
La muerte sólo llama a los de arriba... 
¡Estoy tan cansada, madre María!... 
¡Se me ha quemado el guiso! 
¡Vos tenéis la culpa! 
¡Dios mío! ¡Dios mío! ¿Qué va a ser de mí? 

(Blanca, llorosa, está arrodillada delante del 
fuego. Levanta la tapa de la cacerola. La madre 
María se ha arrodillado también y, rápidamente, 
pone el guiso en otra cacerola)

MADRE MARÍA
No os preocupéis, Blanca, el mal está reparado.
¿Por qué lloráis?

BLANCA
Porque sois tan buena. Pero también me da 
vergüenza llorar. Quisiera que me dejaran en paz, 
que nadie pensara en mí...

(Con súbita vehemencia)

¿Qué se me reprocha? ¿Qué mal he hecho? 
No ofendo a Dios. El miedo no ofende a Dios. 
Nací en el miedo, he vivido y sigo viviendo en él, 
todo el mundo desprecia al miedo, y es justo que 
viva también en el desprecio. Hace tiempo que 
lo pienso. La única persona que hubiera podido 
impedir que lo dijera era mi padre. Ahora está 
muerto. Lo guillotinaron hace unos días.

(Echándose en el catre)

En su propia casa, yo, tan indigna de él 
y de su nombre, ¿qué papel puedo desempeñar 
más que el de miserable criada? 
Ayer mismo me pegaron... Sí; me pegaron.

MADRE MARÍA
Lo más triste, hija, no es ser despreciado, 
sino despreciarse a sí mismo.
¡Sor Blanca de la Agonía de Cristo!

(Blanca se levanta de un salto y se queda de pie, 
con los ojos secos)

BLANCA
¿Sí, Madre?

MADRE MARÍA
Os daré una dirección. Recordadla bien. Señorita 
Rosa Ducor, calle Saint-Denis, número 2. En su 
casa estaréis segura. Rosa Ducor, Saint-Denis, 
número 2. Os esperaré allí hasta mañana noche. 

BLANCA
No iré. No puedo ir.

MADRE MARÍA
Iréis. Sé que iréis, hermana.

VOZ DE MUJER
(Fuera de la sala)
¡Blanca, los recados!

(Blanca sale corriendo por una puerta. La madre 
María, se escabulle por la puerta de entrada)
Interlude 2 

Prélude

Une rue du quartier de la Bastille

(Entrent deux vieilles femmes et un vieux monsieur)

PREMIÈRE VIEILLE
M'est avis que nous ne sommes point au bout 
de nos peines.

LE VIEUX MONSIEUR
II est vrai que la vie à Paris 
devient de plus en plus difficile!

(Blanche entre portant un petit cabas d'où dépassent
des salades)

DEUXIÈME VIEILLE
Oh! elle n'est point meilleure autre part, monsieur 

PREMIÈRE VIEILLE
Sinon pire. Moi, je suis de Nanterre... 

DEUXIÈME VIEILLE
Et moi de Compiègne. 

BLANCHE
(d'une voix altérée)
Vous venez de Compiègne? 

DEUXIÈME VIEILLE
Oui, ma belle. J'en vins hier, avec une carriole de 
légumes. II y a là-bas deux douzaines de mauvais 
drôles qui ont peur les uns des autres, et qui pour se 
rassurer font du bruit comme six cents. Avant-hier, 
ils ont arrêté ces dames du Carmel.

(regardant le visage bouleversé de Blanche)

C'est-y que vous avez là des parents?

BLANCHE
Oh! non, madame. Et d'ailleurs je ne suis jamais allée 
à Compiègne. Voilà seulement huit jours que je suis 
arrivée à Paris, venant de la Roche-sur-Yon, 
avec mes patrons.

PREMIÈRE VIEILLE
Drôle de servante, ma fine. 

(Blanche s'en va vite)

Tableau Troisième

Une cellule à la Conciergerie

(Cellule où sont entassées les carmélites. Le Petit Roi 
de Gloire est placé sur une mauvaise table. La table est 
recouverte d'un mouchoir blanc, trop étroit. Dans une 
cruche cassée, quelques fleurs fanées. Quelques vieux 
bancs et une chaise misérable sur laquelle est assise 
la prieure. Une fenêtre à barreaux donne sur une cour 
sombre. Lourde porte. C'est le petit jour)

LA PRIEURE
Mes filles, voilà que s'achève notre première nuit de 
prison. C'était la plus difficile. Nous en sommes venues 
à bout quand même. La prochaine nous trouvera tout 
à fait familiarisées avec notre nouvelle condition qui 
d'ailleurs n'est pas nouvelle pour nous, il n'est, en 
somme, de changé que le décor. Nul ne saurait nous 
ravir une liberté dont nous nous sommes dépouillées 
depuis longtemps. Mes filles, c'est en mon absence que 
vous avez prononcé ce voeu du martyre. Mais qu'il fût 
ou non opportun, Dieu ne saurait permettre qu'un acte 
si généreux ne serve maintenant qu'à troubler vos 
consciences. Hé bien, j'assume ce voeu, j'en suis 
désormais responsable, je suis et serai, quoi qu'il arrive, 
seule juge de son accomplissement. Oui, j'en prends 
la charge et vous en laisse le mérite, puisque je ne l'ai 
pas prononcé moi-même. Ne vous faites donc plus là-
dessus aucun souci, mes filles. J'ai toujours répondu 
de vous en ce monde, et je ne suis pas aujourd'hui 
d'humeur à me tenir moi-même quitte de quoi que 
ce soit. Soyez tranquilles!

MERE JEANNE
Avec Votre Révérence, nous n'aurons plus peur de rien.

LA PRIEURE
Au jardin des Oliviers, le Christ n'était plus maître 
de rien. Il a eu peur de la mort.

CONSTANCE
Et que devient soeur Blanche?

LA PRIEURE
Je n'en sais pas plus long là-dessus que vous, 
ma petite fille.

CONSTANCE 
Elle reviendra. 

SOEUR MATHILDE 
Comment donc en êtes-vous si sûre, soeur Constance?

CONSTANCE
Parce que… parce que... A cause d'un rêve que j'ai fait.

(Toutes les carmélites, la prieure exceptée, éclatent de 
rire. La porte s'ouvre brusquement. Entrée du geôlier. 
Il déplie un édit)

LE GEÔLIER 
(Lit)
"Le Tribunal révolutionnaire expose que les 
exreligieuses carmélites, demeurant à Compiègne, 
département de l'Oise, -Madeleine Lidoine, Anne 
Pellerat, MadeleineTouret, Marie-Anne Hanniset, 
Marie-Anne Piedcourt. Marie-Anne Brideau, Mane-
Cyprienne Brare, Rose Chrétien, Marie Dufour, 
Angélique Roussel, Marie-Gabrielle Trézelle, Marie-
Geneviève Meunier, Catherine Soiron, Thérèse Soiron, 
Elisabeth Vezolot - ont formé des rassemblements e
t conciliabules contre-révolutionnaires, entretenu 
des correspondances fanatiques, conservé des écrits 
liberticides. Ne forment qu'une réunion de rebelles, 
de séditieuses qui nourrissent dans leurs coeurs le désir 
et l'espoir criminel de voir le peuple français remis aux 
fers de ses tyrans et la liberté engloutie dans des flots 
de sang que leurs infâmes machinations ont fait 
répandre au nom du ciel. Le Tribunal révolutionnaire 
déclare en conséquence que toutes les prévenues 
susnommées sont condamnées à mort."

(Le geôlier replie son édit. Toutes les religieuses 
baissent la tête. Le geôlier sort)

LA PRIEURE
Mes filles, j'ai désiré de tout mon coeur vous sauver... 
Oui, j'aurais voulu que ce calice s'éloignât de vous, car 
je vous ai aimées dès le premier jour comme une mère 
selon la nature, et quelle mère fait de bon gré, fût-ce à 
Sa Majesté elle-même, le sacrifice de ses enfants? 
Si j'ai mal fait, Dieu y pourvoira. Telle que je suis, 
vous êtes mon bien, et je ne suis pas de celles qui 
jettent leur bien par la fenêtre. Mes filles, je vous mets 
solennellement dans l'obéissance, une dernière fois et 
une fois pour toutes, avec ma maternelle bénédiction.

Interlude 3

Une rue du quartier de la Bastille

(L'aumônier entre brusquement. Mère Marie sort 
de l'ombre où elle l'attendait)

L'AUMÔNIER
Elles sont condamnées à mort. 

MÈRE MARIE
Toutes? 

L'AUMÔNIER 
Toutes! 

MÈRE MARIE
Dieu! Et... 

L'AUMÔNIER
Ce sera pour aujourd'hui sans doute, ou demain… 

(Mère Marie s'écarte)

Que faites-vous, ma mère? 

MÈRE MARIE
Je ne peux pas les laisser mourir sans moi!

L'AUMÔNIER
Qu'importe votre volonté en cette affaire? 
Dieu choisit ou réserve qui lui plaît.

MÈRE MARIE
J'ai lait le voeu du martyre. 

L'AUMÔNIER
C'est à Dieu que vous l'avez lait, c'est à Lui que vous 
en devez répondre et non pas à vos compagnes. 
S'il plaît à Dieu de vous en relever, 
il ne reprend que ce qui Lui appartient.

MÈRE MARIE
Je suis déshonorée! 
Leur dernier regard me cherchera en vain.

L'AUMÔNIER
Ne pensez qu'à un autre regard, 
auquel vous devez fixer le vôtre.

(Ils sortent)

Tableau Quatrième

Prélude

Place de la Révolution

(Les carmélites achèvent de descendre des charrettes. 
On aide la vieille mère Jeanne à descendre; Constance, 
en dernier, saute presque joyeusement; alors les 
carmélites, la prieure en tète, s'acheminent vers 
l'échafaud en chantant. Au premier rang de la foule 
compacte et sans cesse en mouvement, on reconnaît, 
coiffé d'un bonnet phrygien, l'aumônier, qui murmure 
l'absolution, fait un furtif signe de croix, lorsque 
montent les premières carmélites, puis sort rapidement)

LA FOULE 
Oh! Oh!

(prieure monte à l'échafaud la première. A mesure 
qu'elles disparaissent, une à une, le choeur se fait 
plus menu)

LA PRIEURE, MÈRE JEANNE, SOEUR MATHILDE, 
CONSTANCE, CARMÉLITES
Salve Regina, Mater misericordiae, vita dulcedo 
et spes nostra, salve, et spes nostra, salve. Salve 
Regina. Mater misericordiae, vita dulcedo et spes
nostra, salve. Salve Regina, Mater misericordiae, 
vita dulcedo et spes nostra, salve. Ad te clamamus 
exsules filii Hevae; ad te suspiramus gementes et 
flentes. Ad te suspiramus gementes et flentes in 
hac lacrimarum, lacrimarum valle. Eia ergo 
Advocata nostra, illos tuos misericordes oculos 
ad nos converte. Et Jesum benedictum fructum 
ventris tui nobis post hoc exsilium ostende. 
O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria, o dulcis 
Virgo Maria.

(Constance, la dernière des carmélites, monte à 
l'échafaud. Blanche, le visage dépouillé de toute 
crainte, se fraye un passage dans la foule où elle 
se confond)

CONSTANCE 
O clemens...

(Constance l'aperçoit et son visage s'irradie de 
bonheur. Elle s'arrête un court instant. Reprenant sa
marche à l'échafaud, elle sourit doucement à Blanche)

O pia, o dulcis Virgo Ma...

(Incroyablement calme, Blanche émerge de la foule 
stupéfaite et monte au supplice)

BLANCHE
Deo Patri sit gloria 
Et Filio qui a mortuis 
Surrexit ac Paraclito
In saeculorum saecula. 
In saeculorum...

(La foule se disperse lentement)



Interludio 2

Preludio

Una calle cerca de la Bastilla

(Aparecen dos ancianas y un anciano)

PRIMERA ANCIANA
Me parece que aún nos tocará 
que sufrir mucho. 

ANCIANO CABALLERO
En efecto, la vida en París 
se hace cada vez más difícil.

(Entra Blanca llevando una cesta de la que 
sobresalen las verduras)

SEGUNDA ANCIANA
Pues fuera de aquí no es mucho mejor. 

PRIMERA ANCIANA
Es peor. Yo vengo de Nanterre... 

SEGUNDA ANCIANA
Y yo, de Compiègne.

BLANCA
(Con voz alterada)
¿De Compiègne?

SEGUNDA ANCIANA
Sí, preciosa. Llegué ayer con una carreta de 
verduras. Hay allí un par de docenas de malos 
bichos que se temen unos a otros y, para darse 
confianza, arman más ruido que seiscientos. 
Anteayer detuvieron a las damas del Carmelo.

(Mira el rostro descompuesto de Blanca)

¿Alguna es pariente tuya?

BLANCA
¡Oh, no, señora! 
Además, nunca he estado en Compiègne. 
Hace sólo ocho días que llegué de París. 
Vengo de la Roche-sur-Yon, con mis patrones.

PRIMERA ANCIANA
¡Qué criada más extraña!

(Blanca se va deprisa)

Cuadro Tercero

Una celda en la cárcel de la Conserjería.

(las carmelitas están amontonadas. El Niño Rey 
de la Gloria está colocado sobre una mesa vieja 
con un paño blanco. En un cántaro roto, unas 
flores marchitas. Algunos bancos viejos y una 
silla miserable en la que está sentada la priora. 
Una ventana con barrotes da a un patio sombrío. 
Puerta pesada. Despunta el día)

PRIORA
Hijas, se acaba nuestra primera noche de prisión. 
Era la más difícil. De todos modos, la hemos 
pasado. La próxima nos encontrará familiarizadas 
con nuestra nueva condición, que, por cierto, 
no es nueva para nosotras, ya que, en resumidas 
cuentas, sólo ha cambiado el decorado. Nadie 
puede arrebatarnos una libertad a la que 
renunciamos hace tiempo. Hijas, vosotras 
hicisteis ese voto de martirio en mi ausencia. Pero 
haya sido o no oportuno, Dios no puede permitir 
que un acto tan generoso sólo sirva ahora para 
turbar vuestra conciencia. Pues bien, yo asumo 
ese voto. Soy responsable de él y, pase lo que 
pase, soy y seré el único juez de su cumplimiento. 
Sí, asumo la responsabilidad y os dejo el mérito, 
ya que yo no lo pronuncié. De modo que no 
debéis preocuparos más por eso, hijas. Siempre 
he respondido de vosotras en este mundo, y ahora 
no me siento dispuesta a eludir nada. 
¡Estad tranquilas!

MADRE JUANA
Con Vuestra Reverencia, no tenemos miedo.

PRIORA
En el huerto de los Olivos, Cristo no fue ya 
maestro de nada. Él tuvo miedo a la muerte.

CONSTANZA
¿Y qué ha sido de sor Blanca? 

PRIORA
No sé absolutamente nada al respecto,
hija mía.

SOR CONSTANZA
Volverá. 

SOR MATILDE
¿Cómo podéis estar tan segura, sor Constanza?

CONSTANZA
Porque... porque... por un sueño que tuve.

(Excepto la priora, todas las carmelitas se echan 
a reír. La puerta se abre bruscamente. Entra el 
carcelero. Desenrolla un pliego)

CARCELERO
(leyendo)
"El tribunal revolucionario expone que las ex-
religiosas carmelitas, residentes en Compiègne, 
provincia de l'Oise: Madeleine Lidoine, Anne 
Pellerat, MadeleineTouret, Marie-Anne Hanniset, 
Marie-Anne Piedcourt. Marie-Anne Brideau, 
Mane-Cyprienne Brare, Rose Chrétien, Marie 
Dufour, Angélique Roussel, Marie-Gabrielle 
Trézelle, Marie-Geneviève Meunier, Catherine 
Soiron, Thérèse Soiron, Elisabeth Vezolot, han 
tenido conciliábulos antirrevolucionarios, 
mantenido correspondencia fanática y conservado 
escritos liberticidas. No son sino un grupo de 
rebeldes y sediciosas que alimentan en sus 
corazones el deseo y la esperanza criminal de ver 
al pueblo francés sometido a la esclavitud de los 
tiranos y la libertad ahogada en mares de sangre. 
El Tribunal revolucionario declara, en 
consecuencia, que todas las anteriormente 
nombradas sean condenadas a muerte."

(El carcelero pliega su edicto. Todas las 
religiosas bajan la cabeza. El carcelero sale)

PRIORA
Hijas, deseaba salvarlas de todo corazón... 
Sí, me habría gustado que este cáliz se alejara de 
ustedes, porque las he querido desde el primer día 
como una madre ¿y qué madre sacrifica de buen 
grado a sus hijos, aun a Su Divina Majestad? 
Si he hecho mal, Dios lo remediará. Ustedes son 
mi bien, y no soy de esas personas que arrojan 
su bien por la ventana. Hijas, las conmino 
solemnemente en la obediencia por última vez y 
de una vez por todas, con mi maternal bendición.

Interludio 3

Una calle cerca de la Bastilla

(El capellán entra bruscamente. La madre María 
sale de la sombra donde ella le esperaba)

CAPELLÁN
Han sido condenadas a muerte.

MADRE MARÍA
¿Todas? 

CAPELLÁN
¡Todas!

MADRE MARÍA
¡Dios mío! Y...

CAPELLÁN
Seguramente será hoy, o mañana... 

(La madre María se aparta)

¿Qué hacéis, madre?

MADRE MARÍA
¡No puedo dejarlas morir sin mí! 

CAPELLÁN
¿Qué importa vuestra voluntad en este caso? 
Dios escoge o reserva a quien le parece.

MADRE MARÍA
Yo hice voto de martirio... 

CAPELLÁN
Lo hicisteis a Dios, y ante Él tenéis que 
responder, no ante vuestras compañeras. 
Si Dios quiere relevaros de vuestro voto, 
en su mano está el hacerlo.

MADRE MARÍA
¡Estoy deshonrada! 
Sus últimas miradas me buscará en vano. 

CAPELLÁN
No penséis más que en otra mirada, 
en la que debéis fijar la vuestra.

(Salen)

Cuadro Cuarto

Preludio

Plaza de la Revolución.

(Las carmelitas bajan de la carreta. Ayudan a 
bajar a la anciana madre Juana; Constanza, en 
último lugar, salta casi con alegría; entonces 
las carmelitas, la priora en primer lugar, se 
encaminan al cadalso cantando. En primera 
fila de la multitud compacta, cubierto con un 
gorro frigio, se ve al sacerdote, que murmura 
la absolución, hace una furtiva señal de la cruz 
y desaparece rápidamente)

EL POPULACHO
¡Oh! ¡Oh!

(La priora sube la primera al cadalso. A medida 
que las monjas desaparecen, una a una, el coro 
se hace más tenue)

PRIORA, MADRE JUANA, SOR MATILDE, 
CONSTANZA, CARMELITAS
Salve Regina, Mater misericordiae, vita dulcedo 
et spes nostra, salve, et spes nostra, salve. Salve 
Regina. Mater misericordiae, vita dulcedo et spes 
nostra, salve. Salve Regina, Mater misericordiae, 
vita dulcedo et spes nostra, salve. Ad te clamamus 
exsules filii Hevae; ad te suspiramus gementes et 
flentes. Ad te suspiramus gementes et flentes in
hac lacrimarum, lacrimarum valle. Eia ergo 
Advocata nostra, illos tuos misericordes oculos 
ad nos converte. Et Jesum benedictum fructum 
ventris tui nobis post hoc exsilium ostende.
O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria, o dulcis 
Virgo Maria.

(Constanza, la última de las carmelitas, sube 
al cadalso. Blanca, cuyo rostro no muestra ni 
asomo de miedo, se abre paso entre la gente 
con la que se mezclaba)

CONSTANZA
O clemens…

(Constanza la ve y su rostro se ilumina de dicha. 
Se detiene un instante. Reemprende la marcha 
hacia el cadalso y sonríe a Blanca dulcemente)

O pia, o dulcis Virgo Ma...

(Increiblemente tranquila, Blanca surge de entre 
la estupefacta multitud y sube al suplicio)

BLANCA
Deo Patri sit Gloria 
Et Filio qui a mortuis 
Surrexit ac Paraclito 
In saeculorum saecula.
In saeculorum...

(El populacho se dispersa lentamente)



Escaneado y Traducido por: 
Lorenzo Juan Llabrés 2002