PREMIER ACTE
(Un salon (sorte de "temple d'amour".
Le fond
complètement ouvert sur la terrasse du
château,
où aboutit le haut d'un escalier qui
monte du parc.
Tous les serviteurs du château, hommes,
femmes
et la valetaille, entourent Jacoppo, le
précepteur
de Chérubin (surnommé le Philosophe) qui
les
harangue)
LE PHILOSOPHE
(à haute voix) Servantes.
3 SERVANTES
(3 sopranos) Voilà!
LE PHILOSOPHE ... bonnes et
lingères,
3 AUTRE
SERVANTES
(3 mezzo-sopranos) Voilà!
LE PHILOSOPHE Serviteurs,
valets, marmitons,
3 SERVITEURS
(3 basses, en gross voix) Voilà!
LE PHILOSOPHE Boulangères et
fromagères,
6 SERVANTES Voici! Voici!
Voici! Voici!
LE PHILOSOPHE Cuisiniers à
triple menton, Qu'avez-vous
préparé pour fêter votre maître, Car Chérubin n'est
plus un page aux cheveux
blonds.
(fièrement)
Il porte depuis
hier, plus déluré qu'un
reître, L'épée en bon
acier qui sonne à ses talons.
SERVANTES, SERVITEURS Vivat! Vivat!
Vivat! Vivat!
LE PHILOSOPHE
(galamment) Dans un instant
Chérubin va paraître.
SERVANTES, SERVITEURS
(entre eux joyeusement) Vivat! Dans un
instant Chérubin va paraître! vivat! vivat!
vivat! vivat!
LE PHILOSOPHE Entendons-nous Entendons-nous
avant que de tous les côtés Nous arrivent ses
invités. Entendons-nous!
SERVANTES,
SERVITEURS
(très affaires) Avant que de tous
les côtés Nous arrivent ses
invités. Voilà! voilà
Voilà! voilà! Voilà! voilà!
(3 basses, avec volubilité)
Dindes, dindons et
dindonne aux
Gravitent autour de nos broches.
(3 ténors, avec volubilité)
Et la fournaise
des fourneaux Les dore comme des
brioches.
(6 servantes, répétant avec volubilité)
Les dore, dore
comme des brioches.
LES SERVITEURS Les dore, dore
comme des brioches! des brioches! Nous avons fait
ratisser Sarcler, émonder,
tailler De long en large,
de large en long!
LES SERVANTES Dans nos cuisines
nous glaçâmes Deux cents
sorbets... Mille pralines! Deux cents
sorbets... Mille pralines! Deux cents
sorbets, Mille pralines!
LE PHILOSOPHE
(qui, depuis un instant,
s'est bouché
les oreilles) Chut! vous
m'assourdissez! Vous
m'assourdissez!!
SERVANTES, SERVITEURS
(renchérissant encore) Et le parc est
comme un salon! Oui! le parc est
comme un salon! Nous avons
râtissé,
LE PHILOSOPHE Chut! Aie!
SERVANTES, SERVITEURS Nous avons tout
taillé, Dindons et
dindonneaux sont comme des
brioches! des brioches! des brioches! Voilà! voilà!
voilà!
LE PHILOSOPHE Vous
m'assourdissez! Vous m'assourdissez!
(essayant de crier plus fort
que tous
afin d'être écouté)
Mes camarades, mes
braves camarades. Sachez l'autre
motif qui vous rassemble ici. Pour qu'en ce jour
vous fêtiez Chérubin,
fier de ses premiers
grades, Votre jeune
seigneur, à tous ici présents, Veut rendre un
bienfaisant hommage: Aux serviteurs il
fait doubler les gages.
SERVANTES, SERVITEURS
(avec ravissement) Ah!
LE PHILOSOPHE Et fait remise aux
paysans D'un an de dîme et
de fermages!
SERVANTES, SERVITEURS
(avec une folie joie) Vivat! vivat!
vivat! Chérubin! Chérubin!
(la ronde folle s'éloigne en criant)
Vive Chérubin!
(cris prolongés; au loin, encore fort)
Vive Chérubin!
(Pendant que les cris s'atténuent et
que le
Philosophe, sur la terrasse,
écoute avec
ravissement le nom de
Chérubin que ces
braves gens
acclament, le Comte, le Duc
et le Baron sont entrés)
Vive Chérubin!
(Ne pas suivre la déclamation qui
se terminera avec le musique)
LE DUC
(d'un air vexé) Vive Chérubin! Ma parole on
n'entend plus que ce cri là!
LE COMTE
(froidement) Toute la canaille
raffole de ce maudit
garnement là!
LE BARON
(ironique, au Philosophe,
qui vient et qui salue) Mes compliments,
monsieur le Philosophe,
LE COMTE Votre élève est un
fier vaurien!
LE DUC
(les bras au ciel) Dilapider ainsi
son bien!
LE COMTE C'est la ruine! la catastrophe!
LE PHILOSOPHE Il est généreux,
voilà tout!
LE COMTE
(sèchement) Il est fou,
monsieur, il est fou!
(Le Comte hausse les épaules et sort.
Le Philosophe reste bouche bée)
LE BARON
(au Duc, avec mauvaise humeur) Dire que j'ai
quitté Grenade Pour faire honneur
au nouveau grade... De ce petit
hurluberlu.
LE DUC
(se moquant de lui) C'est ta femme qui
l'a voulu.
LE BARON
(d'un air contrit) C'est ma femme qui
l'a voulu!
LE DUC
(à lui-même, d'un air vexé) Et moi... c'est ma
pupille!
(à part)
Pour ce galopin...
LE BARON
(à part) Chacune
s'enflamme... mais qu'il prenne
garde...
LE DUC ... ce vrai
galopin!
LE BARON
(accentué) Le mari regarde, le mari regarde...
LE DUC
(avec exagération) ... mais qu'il
prenne garde...
LE BARON
(de même) ... et s'il se
hasarde...
LE DUC
(légèrement et faisant le geste
de pourfendre) ... à toi,
Chérubin!
LE BARON
(même geste que le Duc) ... à toi,
Chérubin!
LE DUC ... à toi,
Chérubin!
LE BARON ... à toi,
Chérubin!
LE DUC et LE
BARON ... à toi,
Chérubin!
LE PHILOSOPHE
(à part) Pauvre Chérubin!
Pauvre Chérubin!
LE DUC
(imitant le ton du Philosophe en le
parodiant) Pauvre Chérubin!
LE BARON
(au Philosophe sournoisement) Mais qu'il prenne
garde...
LE DUC Ce vrai galopin... Mais qu'il prenne
garde! à toi, Chérubin!
LE BARON Le mari regarde...
le mari regarde... Et s'il se
hasarde... à toi, Chérubin!
LE PHILOSOPHE Pauvre Chérubin!
(avec émotion)
Chérubin, quelle
sera ta destinée en cette vie...
(Le Duc et Le Baron, en sortant: au
Philosophe, en le lardant de coups
d'épée imaginaires)
LE DUC, LE
BARON ... à toi,
Chérubin! à toi, Chérubin! à toi,
Chérubin!
(Ils disparaissent)
LE PHILOSOPHE Lorsque la gloire
te viendra? Obscur, si déjà
l'on t'envie, Hélas! qui plus
tard t'aimera?
NINA
(survenant, joyeuse, et
s'annonçant,
vivement) C'est moi,
Philosophe!
LE PHILOSOPHE
(ravi, joignant les mains) O destin!
(souriant)
Eh bien!
(avec une joie intime)
... la voilà ta
réponse.
(changeant de ton, à Nina)
Où donc
allez-vous?
NINA
(contrite) Je renonce à le
retrouver ce matin.
LE PHILOSOPHE
(malicieusement) Nina, vous
cherchez, je parie, Ce Chérubin!
(au nom Chérubin,
Nina sourit)
Ce polisson!
(au mot de polisson, Nina
a un cri
de surprise indigné)
Ce garnement!
NINA
(révoltée) Ah! c'est trop
fort!
LE PHILOSOPHE
(faisant l'étonné) Oh!
NINA
(furieuse, tenant tête au Philosophe) Il est charmant,
oui, monsieur! Charmant et très
brave. Il n'a pas un
front soucieux, Mais faut-il déjà
qu'il soit grave, Quand la gaîté rit
dans ses yeux! Vous dites: c'est
un polisson! Mais je sais qu'il
n'est que volage. Et d'ailleurs, il
aurait raison D'avoir les
défauts de son âge. On le hait...
insinuez-vous, Prenez garde,
c'est par rancune, Car si plus d'un
en est jaloux,
(avec un peu d'émotion)
C'est qu'il plaît
sans doute à plus d'une.
(très chanté)
Il plaît, on ne
sait pas pourquoi, Il plaît dès qu'il
dit quelque chose, Et quand...
timide... il devient coi... Il plaît parce
qu'il devient rose.
(plus chaleureux)
Puis, c'est l'ami
que je défends
(plus accentué)
Et défendrai
(plus vibrant)
... plus que
moi-même...
(Elle voit ce brave Philosophe
qui,
ravi, lui sourit, radieuse)
Mais je me
fâchais... suis-je enfant!
(Nina tombe toute émue dans les
bras
du Philosophe qui l'embrasse)
Vous l'aimez!
LE PHILOSOPHE
(avec élan et affection) Oui, je l'aime!
NINA Vous l'aimez...
autant que je l'aime!... autant!
(Les deux amis de Chérubin restant
ainsi un instant. Bruyants éclats de
rire
se rapprochant peu à peu; apeurée)
Mon tuteur!
(gentil et suppliant)
Monsieur, devant
lui oubliez ce que
j'ai pu dire!
(Elle s'enfuit. Nouveau éclats de rire
de Duc et du Baron qui arrivent tous
deux par l'escalier du parc)
LE DUC
(au fond) C'est merveilleux!
LE BARON C'est inouï!
LE DUC
(montrant le côté du parc
en éclatant
toujours de rire) Vraiment, c'est à
mourir de rire!
(Les voix, les rires se rapprochent
encore, puis tout à fait)
LE DUC Non. C'est trop
drôle en vérité!
LE BARON
(s'avance en riant
bruyamment;
se pâmant) Je pleure, Duc.
LE DUC
(de même) Baron, j'en crève!
(rires)
LE PHILOSOPHE
(légèrement stupéfié) Pourquoi donc
cette hilarité?
(Nouveau éclats de rire)
LE DUC
(au Philosophe) Chérubin, ce
fou,...
(avec
intention)
Votre élève...
(éclats de rire)
Je ris tant que
j'en dois m'asseoir...
(reprenant son récit)
A fait dépêcher
hier au soir Vers Madrid, à
vitesse extrême, un courrier...
(secoué par le
rire)
pour que ce soir
même... Vienne mimer,
danser ici, devinez qui?
LE DUC et LE
BARON
(insistant) Devinez qui?
LE PHILOSOPHE
(tremblant un peu) Mais...
j'imagine... Quelque histrion...
LE DUC et LE
BARON Non.
LE DUC La première
ballerine Que toute l'Europe
admira,
LE DUC et LE
BARON L'Ensoleillad de
l'Opéra!
LE PHILOSOPHE
(ignorant) L'Ensoleillad?
LE DUC et LE
BARON Oui!
LE BARON
(imitant l'Ensoleillad) Celle qui danse
comme on vole.
LE DUC
(de même) Elle, Thaïs,
Phyrné, Cypris,
venir ici!
(bien chanté)
Sur ma parole,
Chérubin est gris.
LE BARON Il est gris.
LE DUC Il est gris.
CHÉRUBIN
(entre et continue joyeusement la
phrase du Duc et de Baron, épanoui) Je suis gris.
LE DUC et LE
BARON
(un peu gênés) Lui!
LE PHILOSOPHE
(ravi) Lui!
CHÉRUBIN Je suis gris!
(fou de jeunesse)
Je suis ivre! C'est le soleil
qui m'a grisé, C'est le soleil,
je suis ivre! Duc, je suis si
content de vivre Que je pourrais...
vous embrasser. J'ai dix-sept ans,
cela me grise, J'ai dix-sept ans! Plus de tuteur! la
liberté!
(avec volubilité)
Je veux faire tant
de bêtises Que vous serez
épouvantés! C'est le soleil
qui m'a grisé...
(avec ravissement)
Je suis ivre!
(Il éclat de rire; avec aplomb)
Enfin, je vous le
dis... en toute confidence, Regardez ce
billet! Baron! Duc! venez voir... L'Etoile de
Madrid, la reine de la Danse, L'Ensoleillad,
enfin,
(triomphant)
nous arrive ce
soir!
LE DUC
(suffoquant de surprise,
de dépit
et de colère) Non! ce n'est pas
vrai! c'est impossible!
LE BARON
(donnant son avis avec gravité) Et d'abord, c'est
inadmissible! grotesque!
LE DUC
(apoplectique) C'est fou!
CHÉRUBIN
(affirmant) C'est ainsi.
(Il relit avec délices le billet de
l'Ensoleillad)
LE DUC
(D'une voix étouffée par la colère,
n'osant s'attaquer directement à
Chérubin, et s'adressant au
Philosophe qui ne sait que répondre) L'Ensoleillad...
danser ici... Mais c'est inouï
de bêtise! Montrez-moi,
monsieur s'il vous plaît, Le rideau...
LE BARON
(persifleur) La rampe...
LE DUC
(s'épongeant) La frise...
LE BARON Les accessoires du
Ballet?
LE DUC
(Haletant, tirant à lui le Philosophe
ahuri) Pour danser le
grand pas des Alcyons rebelles, Où donc sont les
portants, où donc sont les
chandelles?
LE BARON
(sceptique, retournant
le Philosophe
de son côté) Et la trappe,
monsieur, pour danser
Belphégor, Car il faut une
trappe
à défaut d'un décor.
LE DUC
(congestionné, rouge, hors de lui.
Même jeu pour le Philosophe qui
virevolte et ne sait plus à quel saint
se vouer) Et pour mimer
l'étoile éclairant les Rois
Mages...
LE BARON
(à Chérubin)
Où comptez-vous,
monsieur, accrocher vos
nuages?
CHÉRUBIN
(de la meilleure grâce du monde) Oh! rassurez-vous,
s'il vous plaît, Nous n'aurons pas
d'apothéose, Point de grands
pas, point de ballet,
(galamment)
Nous danserons
tout autre chose.
(très rythmé; dans le vieux style)
Nous danserons,
c'est bien mieux, En dépit des modes
nouvelles, Les vieilles
danses des aïeux.
(sans respirer)
Je n'en connais
pas de plus belles! Nous aurons pour
décor mouvant Le feuillage où
Phœbé s'égare Et, parmi la
plainte du vent, L'alerte chanson
des guitares. Point n'est besoin
pour ces ballets De portants, de
frise ou de toiles. Nous aurons le
bois pour palais Et pour chandelles
les étoiles!
(Les invités de Chérubin arrivent sur la
terrasse; on les voit se saluer, se
pencher
sur la balustrade pour mieux
voir venir
filles et garçons
du village; on entend au
loin
le rythme des danses.
Chérubin passe
dans les groupes,
salué par les hommes,
regardé par les
femmes, baisant la main
aux plus
jolies)
LE DUC
(le plaignant) Il est fou!
LE BARON
(avec compassion) Le pauvre garçon!
LE PHILOSOPHE
(doucement) Comme sa folie a
raison!
(joyeux, à deux invités,
désignant le lointain)
Accourez voir, don
Sanche! les paysans!
Ils ont leurs habits du
dimanche! Ils dansent!
écoutez!
CHÉRUBIN
(allant à la Comtesse
qui vient de
paraître) Comtesse! Enfin!
LA COMTESSE Tout doux!
CHÉRUBIN
(lui baissant les mains) Ma marraine! je
vous adore!
LA COMTESSE
(troublée) Le Comte arrive!
Taisez-vous!
CHÉRUBIN
(bas et vivement) Non, il ne peut
nous voir encore. Tout au fond du
jardin, dans le vieux saule creux que la mousse
décore j'ai glissé ce matin
une lettre où je dis
combien je vous adore.
LA COMTESSE
(émue) Une lettre!
(vivement)
Mon époux!
Taisez-vous!
(Le Comte arrive, toise Chérubin qui
lui fait un beau salut.
La Comtesse
s'éloigne avec son mari)
LA BARONNE
(barrant la route à Chérubin; elle
respire des sels pour cacher son
émoi) Ca, venez!
CHÉRUBIN
(s'inclinant très bas) Quoi, Baronne?
LA BARONNE
(avec une compassion excessive) O petit imprudent! Vous parlez bas à
la Comtesse... Le Comte est fort
jaloux pourtant, Je tremble pour
votre jeunesse...
CHÉRUBIN Trop bonne!
(La Baronne s'éloigne en poussant un
petit
soupir attendri et laissant
Chérubin un peu
étonné; puis,
Chérubin se met à rire et court
à Nina
qui paraît)
NINA
(très petite fille; à Chérubin) Ah! Chérubin,
c'est mal, C'est mal... vous
m'avez fait hier la promesse De m'accompagner à
la messe Et l'on vous a vu
à cheval!
CHÉRUBIN
(très gentil) Hélas! c'est vrai.
Je ne puis feindre. Mais puisque
j'étais loin de vous J'ai manqué un
moment très doux, Je suis par
conséquent à plaindre.
(Chérubin regarde si on le voit.
Comme tous les invités observent
l'arrivée des paysans, il en profite
pour essayer de prendre un baiser à la
fillette, qui l'esquive en riant et se
sauve en le menaçant gentiment
du doigt)
NINA, LA
COMTESSE
LA BARONNE, LES INVITÉS
(avec plaisir) Les paysans!
LE PHILOSOPHE, INVITÉS
(avec plaisir) Ils vont danser!
LE DUC
(à part, désignant les paysans
qui vont paraître) Des paysans!
LE BARON
(avec dégoût) Des paysans!
LE PHILOSOPHE
(avec satisfaction) Les paysans! Ils
vont danser!
LE DUC et LE
BARON
(vexés) Ils vont danser!
TOUTES sauve
CHÉRUBIN Ils vont danser!
C'est amusant!
(Le Duc et le Baron, ironiques)
C'est amusant!
CHÉRUBIN
(allant vers l'escalier du parc et
s'adressant à ses vassaux; alerte,
vivant) Venez ici, les
belles filles, Venez ici avec les
gas, Car de si loin on
ne voit pas Briller vos yeux
sous vos mantilles.
(Les gas et les filles
envahissent
la terrasse)
LE PHILOSOPHE
(à part, radieux) O mon Chérubin! O
mon Chérubin!
LE DUC et LE
BARON
(à part, même intention) Des paysans! Ils
vont danser!
NINA, LA
COMTESSE
LA BARONNE,
INVITÉS Vive Chérubin!
Vive Chérubin!
LE DUC et LE
BARON
(à part, levant les épaules) Il est notre hôte,
il le faut bien!
(lugubres)
Vive Chérubin!
Fête
Pastorale
NINA, LA
COMTESSE
LA BARONNE, INVITÉS
(en admiration, à Chérubin) Bravo! Bravo!
Bravo! Bravo! Bravo! Bravo!
Bravo! Bravo! C'est ravissant! C'est ravissant!
NINA, LA
COMTESSE
LA BARONNE, INVITÉS C'est exquis!
LES INVITÉS Adorable, cher
Marquis! C'est ravissant!
Adorable! Ravissant!
(Les gas et les filles sortent
en menant
grand bruit)
CHÉRUBIN
(à des Dames; galamment) Pour vous
on a
dressé les tables.
(Les femmes remercient)
LE DUC et LE
BARON
(à eux-mêmes, réciproquement,
très grognons) Ce jeune homme est
insupportable!
(Les Invités sortent sur un bruit joyeux
de rires et de compliments.
Musique au loin)
VOIX
(sopranos et mezzo-sopranos; au loin) Ah! ah! ah! ah!
(De douces musiques jouent dans le
parc à l'apparition des Invités sur la
terrasse. Chérubin va s'asseoir et
s'évente de son mouchoir de dentelle)
LE PHILOSOPHE
(radieux, à lui-même) On chante, on rit.
Tous sont contents. A cette joie, à ce
printemps, Il n'est pas
d'ennui qui résiste.
(Chérubin pousse un gros soupir)
Quoi! Chérubin! Te
voilà triste.
(nouveau soupir)
Tout à l'heure
encor si joyeux,
(affectueux)
Pourquoi des
larmes dans tes yeux... Et pourquoi, toi,
si gai, fais-tu cette grimace?
CHÉRUBIN
(avec gravité) Ma gaîté,
Philosophe. est toute à la surface.
LE PHILOSOPHE
(stupéfié) Pourquoi, juste
ciel!
CHÉRUBIN Je ne sais!
LE PHILOSOPHE Quoi! l'on fête
ton nouveau grade, Tu vas de succès
en succès... D'où te vient donc
ce sombre accès?
CHÉRUBIN Ah! je sens que je
suis malade!
LE PHILOSOPHE Malade? Je suis
interdit!
CHÉRUBIN Oui, j'ai peur
d'une catastrophe.
LE PHILOSOPHE D'où souffres-tu,
mon cher petit?
CHÉRUBIN
(gentiment triste) Du coeur, mon
pauvre Philosophe!
(câlin, enfantin et tendre)
Philosophe,
dis-moi pourquoi Mon coeur se
dérobe Quand j'entends à
côté de moi Le bruit d'une
robe. Dis-moi pourquoi
je suis troublé Et deviens tout
pâle Quand je vois le
vent soulever Les franges d'un
châle. Dis-moi pourquoi
mon pauvre coeur Sans raison qui
vaille Pour un ruban, une
faveur, S'étonne ou
défaille... Comment peut-on
pour un chiffon, Pour un bout
d'étoffe Etre ému d'un mal
si profond...
(simplement)
Mon cher
Philosophe?
LE PHILOSOPHE
(avec affection et une douce tristesse) Petit, le mal qui
te dévore Je l'ai connu,
voici longtemps. Je voudrais en
souffrir encore, Car on n'en
souffre qu'à vingt ans.
(avec une infinie tendresse)
Aime ton mal,
petit. Aime ton mal,
petit. Personne ne
l'éprouva sans le bénir.
(avec une exaltation progressive)
Aime ton mal! C'est ta jeunesse
qui frissonne, C'est l'amour et
c'est l'avenir!
CHÉRUBIN
(très ému, palpitant et ravi) Ah! Philosophe!
quelle chance... quelle chance...
LE PHILOSOPHE Aime ton mal,
petit,
CHÉRUBIN L'amour! c'était
là mon tourment C'était là ma
démence?
LE PHILOSOPHE Aime ton mal,
petit. C'est ta jeunesse
qui frissonne... C'est l'amour
CHÉRUBIN Quelle lumière
brusquement! Au diable la
mélancolie! Ah! les bonheurs
que j'entrevois!
(en mêlant un peu de gaminerie
à ces
élans, à cette fièvre)
... et c'est
l'avenir... c'est l'avenir!! Je veux aimer,
aimer à la folie, Je veux aimer
toutes les femmes à la fois!!
LE PHILOSOPHE
(à Chérubin, essayant de le retenir;
avec une sage philosophie) Contente-toi d'en
aimer une... C'est déjà d'un
choix hasardeux.
CHÉRUBIN
(se sauvant; gaîment) Mais déjà j'en
aime au moins deux!
LE PHILOSOPHE
(Il lui lance de loin ces dernières
paroles et regarde partir Chérubin par
la terrasse, en hochant la tête) C'est que tu n'en
aimes aucune!
(Le Comte entre, furieux, et s'adresse
au Philosophe qui vient d'accourir au
devant de lui)
LE COMTE
(d'un ton sec et violent) Où Chérubin se
cache-t-il, le savez-vous?
LE PHILOSOPHE
(interdit et prudent) Quoi?
LE COMTE Si vous le savez,
parlez.
LE PHILOSOPHE Que de courroux!
LE COMTE Parlez-vous?
LE PHILOSOPHE Calmez, monsieur,
votre colère... Qu'a donc fait
Chérubin qui puisse vous déplaire?
LE COMTE Je veux le voir.
LE PHILOSOPHE
(hésitant) Le voir? Puis-je à
lui me substituer?
LE COMTE Impossible,
monsieur, je viens pour le tuer!
LE PHILOSOPHE
(bondissant) Le tuer!
LE COMTE Le gredin! Il ose
se permettre D'envoyer cette
lettre... A la Comtesse!
(vivement: apercevant la
Comtesse
qui paraît avec Nina)
Pas un mot!
(Le Philosophe va au-devant de Nina
et reste près d'elle un peu à l'écart)
LA COMTESSE
(au Comte) Je vous cherchais
depuis tantôt... Nous avons, nous
tenant chacune par l'épaule, Longé le bois le
long des chênes...
LE COMTE
(rageur, bas à la Comtesse) Et des saules...
LA COMTESSE
(à part) O mon Dieu!
LE COMTE
(à la Comtesse, brusquement lui
montrant les vers de Chérubin) Connaissez-vous
ces vers?
LA COMTESSE
(très troublée) Mais non!
(Le Philosophe et Nina
se rapprochent
et écoutent)
LE COMTE
(furieux) Mais si!
(ironique)
Le madrigal
commence ainsi
«Pour celle qu'en secret j'adore!»
NINA
(à part, très émue; vivement) Mes vers!
LE COMTE
(à la Comtesse) Eh bien?
LA COMTESSE Je les ignore.
LE COMTE
(violemment, bas) Perfide, ils sont
pour toi!
NINA
(très simplement) Eh bien! non! ces vers sont pour
moi!
LE COMTE Pour vous?
LA COMTESSE
(bas à Nina qui ne comprend pas et la
regarde avec de grands yeux étonnes) Vous me sauvez!
LE PHILOSOPHE
(à part) Cher ange!
LE COMTE
(à Nina) Vous voulez me
donner le change?
NINA Mais!
LE COMTE Comment me prouver
que ces vers sont pour vous?
NINA
(simple) Pourquoi donc vous
mettre en courroux?
LA COMTESSE
(à part, défaillante) Je suis perdue!
LE PHILOSOPHE
(à part) Seigneur, ayez
pitié de nous!
LE COMTE
(impératif, à Nina) Eh bien?
LE PHILOSOPHE
(au Comte, essayant de détourner
la colère du Comte) C'est une enfant
encore...
LE COMTE
(furieux) Qui m'abusait...
NINA
(Ingénument, disant
les vers de
Chérubin) «Pour celle qu'en
secret j'adore!»
(affectueusement)
Ces vers sont
faits pour moi, m'a juré Chérubin.
LA COMTESSE
(à part) Ah! le traître,
l'infâme!
LE PHILOSOPHE
(à part, les yeux au ciel) O satané gredin!
NINA
(change doucement
la chanson
de Chérubin) «Lorsque vous
n'aurez rien à faire Mandez-moi vite
auprès de vous, Le paradis que je
préfère, C'est un coussin à
vos genoux. Vous me
remarquerez à peine, Je me garderai de
parler... Et je retiendrai
mon haleine Si mon souffle
peut vous troubler. Afin que dans mon
coeur morose L'hiver fasse
place au printemps, Je demande bien
peu de chose: Un sourire de
temps en temps... Et si c'est
trop... un regard même Suffira pour me
transformer. Car sans rien dire
je vous aime Autant qu'un être
peut aimer.»
(franchement)
Vous voyez! je connais par
coeur tout le poème!
LE COMTE
(à Nina, lui remettant le billet) Aussi je vous le
rends, Nina, Il est à vous.
(à la Comtesse)
Et vous,
pardonnez-moi!
(Nina confuse prend le billet et sort
en
causant avec le Philosophe qui
l'accompagne jusqu'à la terrasse)
LA COMTESSE
(dépitée, pendant que le Comte
s'incline en lui baisant la main; à
part) C'est la Nina
qu'il aime!
LE COMTE Mes soupçons,
madame, étaient fous!
Je me repens!
LA COMTESSE
(s'éloigne, le Comte se rapproche) Mais...
LE COMTE Soyez bonne!
LA COMTESSE
(prenant après hésitation le bras du
Comte qui sort avec elle) Pour cette fois,
je vous pardonne!
(en sortant, à la dérobée, avec dépit)
C'est la Nina
qu'il aime!
LE PHILOSOPHE
(seul, avec un tendre émoi) C'est la Nina que
tu choisis!
Ah! Chérubin! j'en suis saisi! Moi qui craignais
pour ta jeune âme, Qui tremblais pour
ton avenir, Tu rêves d'épouser
la femme A qui je rêvais de
t'unir!
(Entre Chérubin. Il est tout animé)
CHÉRUBIN Philosophe!
LE PHILOSOPHE Ah! petit, viens
vite! Il faut que je te
félicite; Viens dans mes
bras, je suis heureux!
CHÉRUBIN Et moi,
Philosophe... amoureux!
LE PHILOSOPHE Oui, je sais.
CHÉRUBIN
(étonné) Tu sais que je
l'aime?
LE PHILOSOPHE Oui.
CHÉRUBIN Tu l'as vue, elle?
LE PHILOSOPHE Elle même.
CHÉRUBIN Ah!
N'est-ce pas
que c'est un être merveilleux?
LE PHILOSOPHE Son coeur pur
apparaît au cristal de ses
yeux.
CHÉRUBIN
(légèrement goguenard) Est-il très pur?
LE PHILOSOPHE
(croyant avoir mal entendu) Hein, quoi?
CHÉRUBIN
(ravi) Entends ces airs
allègres!
Vois, elle fait porter
sa chaise
par deux nègres.
LE PHILOSOPHE Qui de nous deux
est fou?
CHÉRUBIN Regarde, la voilà!
LE PHILOSOPHE Comment, tu n'es
donc pas amoureux de Nina?
CHÉRUBIN
(surpris) Moi?
LE PHILOSOPHE De qui donc alors?
(Montrant le cortège de l'Ensoleillad,
que l'on aperçoit à présent)
CHÉRUBIN
(fier, enthousiaste) Vois! Cela se
devine! J'aime
l'Ensoleillad!
LE PHILOSOPHE
(épouvanté) Non!
CHÉRUBIN
(triomphant) Si!
(Il envoie un baiser à l'Ensoleillad qui
passe dans sa chaise à porteurs et qui
lui sourit)
LE PHILOSOPHE
(accablé) Bonté divine!
DUEXIÈME ACTE
(La grade cour-jardin d'une vieille et
importante posada à l'enseigne:
"Bon
gîte contre bon argent."
Des voyageurs,
des voyageuses crient,
tempêtent contre
l'Aubergiste, contre
les valets
et les
servantes de l'auberge)
TOUS LES VOYAGEURS
(à tue-tête) Une chambre!
LES SERVANTES
(à tue-tête) Rien!
TOUS LES VOYAGEURS Une chambre!
LES SERVANTES Rien!
L'AUBERGISTE
(à tue-tête) Je vous dis que
tout est pris.
TOUS LES VOYAGEURS Une chambre! Une
chambre! à n'importe quel
prix!
L'AUBERGISTE Rien! Je vous dis
que tout est pris. Rien!
LES SERVANTES On vous dit que
tout est pris.
TOUS LES VOYAGEURS ... à n'importe
quel prix! Une chambre! une
chambre! une chambre! à n'importe quel
prix!
L'AUBERGISTE Toute est pris!
tout est pris! toute est
pris! Puis qu'on vous
dit que tout es pris!
LE SERVANTES Tout est pris!
tout est pris! tout est pris! Puis qu'on vous
dit que tout est pris!
TOUS LES VOYAGEUSES
(à l'Aubergiste, d'un air menaçant) Sur son enseigne
on n'inscrit pas «Bon gîte contre
bon argent!»
Quand on ne peut loger les gens!
LES VOYAGEURS
(de même) Sur son enseigne
on n'inscrit pas «Bon gîte contre
bon argent!» Quand on ne peut
loger les gens!
L'AUBERGISTE
(apoplectique) Ah! pas tant de
désinvolture! Vous n'êtes pas
nobles , ma foi! C'est demain grand
bal chez le Roi! Allez coucher dans
vos voitures.
TOUS LES VOYAGEURS
(rageuses exclamations
des voyageurs) Ah!
L'AUBERGISTE Et n'abîmez pas
mon jardin!
TOUS LES VOYAGEURS
(tous, exaspérés) Butor! gredin!
Qu'on le bâtonne, qu'on le tue!
Misérable!
L'AUBERGISTE
(très bousculé par les voyageurs) A moi, mes gens!
dehors, plébéienne cohue!
LES SERVANTES Dehors! Dehors!
Dehors! Dehors!
TOUS LES VOYAGEURS Butor! Butor!
Gredin! Gredin! Misérable!
LES SERVANTES Dehors! Dehors!
TOUS LES VOYAGEURS
(tout, en hurlant) Non! Non!
(Les Valets et les Servantes, à coups
de
broches, de balais etc... chassent
ces
forcenés dehors. - Cris, tumulte.
La
Comtesse et La Baronne
paraissent)
LA COMTESSE Ah! Baronne!
Enfin, c'est ici.
LA BARONNE Je n'en puis plus,
chère Comtesse.
L'AUBERGISTE
(à part) Comtesse,
Baronne!!
(avec suffisance)
... ah! voici les
gens que j'aime, la Noblesse!!
(s'avançant et saluant)
Mesdames, mon
respect me prosterne à vos
pieds.
LA BARONNE
(à l'Aubergiste lui coupant la parole) Où sont nos
chambres?
LA COMTESSE Nos époux ont dû,
je suppose, Retenir nos
appartements?
L'AUBERGISTE
(empressé) Oui, deux
appartements charmants; L'un est tout
bleu, l'autre est tout
rose, Que vos grâces
lèvent les yeux... C'est là.
LA COMTESSE
(regardant avec son face à main) Ce balcon du
milieu?
LA BARONNE
(prétentieuse, sentimentale) Où s'enchevêtrent
des glycines...
L'AUBERGISTE Non... les deux
fenêtres voisines...
Là...
LA COMTESSE
(sursautant) Une lucarne!
LA BARONNE
(horrifiée) Un oeil de boeuf!
L'AUBERGISTE Le mobilier en est
tout neuf.
LA BARONNE C'est affreux!
LA COMTESSE Horrible!
LA BARONNE Lugubre!
L'AUBERGISTE
(faisant l'article) C'est au Midi,
c'est très salubre.
LA COMTESSE
(ultra nerveuse) Nous choisir ces
taudis! nos maris étaient
gris!
(d'un air décidé)
J'arrête l'autre
chambre à n'importe quel prix!
L'AUBERGISTE C'est impossible.
LA COMTESSE Ah! ça, bélître.
ignores-tu mon rang?
LA BARONNE Mon titre?
L'AUBERGISTE
(tout en s'inclinant) Ah! fussiez-vous
princesses de Bagdad, Je vous
refuserais.
LA COMTESSE La colère me
gagne. Manant!
Loges-tu
donc ce soir le roi d'Espagne?
L'AUBERGISTE
(avec mystère) Le roi, non...
Mais qui sait... la Reine? L’Ensoleillad!!
LA COMTESSE La danseuse!
LA BARONNE Une fille!
LA COMTESSE Ah! j'étouffe!
LA BARONNE J'enrage!
LA COMTESSE J'étouffe!
LA BARONNE J'enrage!
L'AUBERGISTE
(survenant) Quel est ce bruit?
LE COMTESSE
(au Comte avec agitation) Monsieur, c'est un
indigne outrage!
LA BARONNE
(renchérissant) A quoi donc sert
notre vertu?
LA COMTESSE
(de même) A quoi donc sert
notre noblesse? Si par l'aplomb
d'une drôlesse
LA BARONNE Si par l'aplomb
d'un drôlesse
LE COMTE
(effrayé) Chut!
LE BARON
(qui est entré avec
le Comte,
de même) Chut!
LA BARONNE, LA COMTESSE Notre prestige est
abattu! A quoi donc sert
notre vertu!!
LE COMTE, LE
BARON, L'AUBERGISTE
(tous trois avec mystère et frayeur) Chut! Chut! parlez
tout bas!
LA COMTESSE, LA BARONNE ... notre vertu!
LE COMTE, LE
BARON, L'AUBERGISTE Chut! parlez tout bas!
LE COMTE La prudence vous
le commande.
LA COMTESSE, LA BARONNE Pourquoi?
LE BARON
(en confidence) Vous ne savez donc
pas qu'ici
LE COMTE, LE
BARON, L'AUBERGISTE C'est le Roi qui
la commande.
LE DUC
(survenant) Holà! quelqu'un!
LA COMTESSE, LA BARONNE Le Duc!
LE DUC
(à la Comtesse, à la Baronne) Mesdames!
(Il leur baise la main;
au Comte,
au Baron)
Messieurs, le
devoir vous réclame; Le Roi reçoit dans
un moment.
LE COMTE, LE
BARON Nous partons.
(Le Comte et le Baron s'inclinent les
domestiques les aident à s'apprêter)
LE DUC
(mystérieusement à l'Aubergiste) Cet appartement?
L'AUBERGISTE
(montrant la fenêtre du balcon) Le voilà!
LE DUC
(à l'Aubergiste) C'est bien...
La
personne vous arrivera d'ici peu...
(Il remet des pièces d'or à
l'Aubergiste)
L'AUBERGISTE
(saluant très bas) Que votre
Seigneurerie est bonne...
LE DUC Adieu, Mesdames!
LE COMTESSE, LE BARONNE
(font leur plus belle révérence) Duc, adieu!
(Le Duc, le Comte et le Baron sortent)
LE CAPITAINE
RICARDO
6 MANOLAS et 6
OFFICIERS
(Au loin, et se rapprochant peu à peu,
la
voix des officiers et de leurs
petites
amies) Le vin rend gai,
l'amour rend fou,
L'AUBERGISTE
(allant aussitôt regarder au dehors) Voici les
officiers.
(Il frappe dans ses mains; servantes et
valets arrivent apportant des tables,
etc)
RICARDO Vive Bacchus!
RICARDO,
MANOLAS, OFFICIERS Vive Cythère!
Sur terre on vit très peu de temps.
RICARDO Il faut donc
s'amuser,
RICARDO,
MANOLAS et OFFICIERS Il faut donc
s'amuser beaucoup!
(La troupe joyeuse envahit
le jardin
de la posada)
MANOLAS
(sopranos, en criant) Des gâteaux! Des
gâteaux!
(Officiers et Manolas s'installent
s'embrassent; rires et cris)
OFFICIERS
(ténors, s'exclamant) Pas ce vin là!
non!
LA COMTESSE
(à l'Aubergiste) Quelles sont ces
femmes?
L'AUBERGISTE Des filles de
plaisir.
LA BARONNE
(entraînant la Comtesse
vers la
posada) Cette auberge est
infâme.
RICARDO,
MANOLAS et OFFICIERS Le vin rend gai, l'amour rend fou.
RICARDO C'est moi,
Ricardo, qui régale!
L'AUBERGISTE Holà! à ces seigneurs
versez de mon vieux vin
Manzanille.
(Nouvelles exclamations joyeuses)
MANOLAS
(réclamant, à tue-tête) Des gâteaux!
RICARDO
(à l'Aubergiste; avant de boire
et montrant son verre plein) Est-il très bon?
L'AUBERGISTE
(n'osant pas trop s'avancer) Il est meilleur.
MANOLAS, OFFICIERS
(en joie) Sur terre on vit
très peu de temps!
RICARDO
(très cavalièrement à l'Aubergiste) Si tout n'est pas
très fin, hôtelier, on t'étrille. Apprends donc que
dans un moment Nous allons tous
fêter,
Avec ces belles filles, Un nouveau
compagnon, cornette au régiment!
L'AUBERGISTE
(s'éloignant) Vous serez
satisfait.
(Les Manolas arrangent leurs
coiffures;
tapotent leurs robes tout en
causant)
UNE FILLE Quel âge a ce
cornette?
RICARDO
(négligemment) Je ne sais pas!
UNE AUTRE FILLE Vingt ans?
UN AUTRE Trente ans?
UN AUTRE Blond?
UNE AUTRE Beau garçon?
UNE AUTRE Ses titres?
LA 1re ... son pays?
LA 2de ... son rang?
RICARDO Que de sornettes!
(Enlaçant la taille d'une belle fille:
Pepa)
Pensez à nous,
Qu'il aille au diable!
DEUX OFFICIERS Il a raison!
QUATRE AUTRES
OFFICIERS Il a raison!
TOUTES MANOLAS
(se récriant) Mais nous sommes
ici pour fêter sa venue!
CHÉRUBIN
(apparaissant sur
le seuil
de la posada) Camarades, et
vous, beautés, je vous salue!
RICARDO, OFFICIERS
(stupéfiés) C'est lui! c'est
lui! qu'il est petit! qu'il est petit!
TOUTES LES
MANOLAS
(surprises) C'est lui! c'est
lui!
Qu'il est gentil! qu'il est mignon!
RICARDO Mon sabre est plus
haut que son corps!
UN TRÈS GRAND
OFFICIER
(basse ou baryton - grosse voix) Il nous arrive à
la ceinture!
RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS ... qu'il est
petit!
CHÉRUBIN
(se mordant les lèvres, arrive
crânement sur eux) Je ne suis pas
grand, mais... tout doux... Vous verrez que
sous la mitraille Je saurai
redresser la taille, Et qu'à la
première bataille Je paraîtrai plus
grand que vous!
LES MANOLAS
(applaudissant Chérubin) Bravo! Bravo!
Bravo! Bravo!
(Chérubin embrasse et
lutine une des
filles, Pepa)
LES OFFICIERS
(furieux) Comment, il
embrasse... il caresse...
RICARDO
(furieux) Ma maîtresse! Il a
besoin d'une leçon!
(s'avançant)
Çà, deux mots, mon
jeune garçon!
CHÉRUBIN
(a frémi sous cette interpellation) Je suis à vos
ordres, brave homme!
RICARDO
(suffoqué) Brave homme!
Il
veut que je l'assomme!
CHÉRUBIN
(il met la main à son épée) Assommez-moi, si
vous l'osez!
LES MANOLAS
(avec transport) Bravo!
Bravo!
RICARDO
(hors de lui) L'audace est sans
pareille!
(à Chérubin)
Si je vous vois
encor donner un seul baiser Je vais vous
couper les oreilles!
(Il met la main à son épée;
Chérubin
l'arrête du geste)
CHÉRUBIN
(à Ricardo, gentiment) Ne mettez pas
flamberge au vent Pour chaque baiser
que je donne, Vous vous battriez
trop souvent!
RICARDO
(à ses amis, montrant Chérubin) Il raille encor!
CHÉRUBIN
(reprenant) Mais si vous
tentez ce destin Vous vous battrez
comme respire. Vous vous battrez
soir et matin
(sans respirer)
Et la nuit! Car la
nuit m'inspire!
(d'un petit air rageur)
Vous vous battrez
à l'infini, Vous en aurez
crampes et fièvres!
(très souriant et moqueur)
On voit moins
d'abeilles au nid Que je n'ai de
baisers aux lèvres!
RICARDO
(dégaînant) Battons-nous donc!
CHÉRUBIN
(avec son plus fin sourire) C'est entendu!
(Les Valets accourent et ouvrent la
grande porte de fond. On aperçoit une
jeune femme très élégante descendre
d'un carrosse. Elle a un loup)
LES MANOLAS
(à Ricardo, à Chérubin, aux Officiers) L'arme au
fourreau.
Le duel est défendu!
CHÉRUBIN
(observant les mouvements
de la
jeune femme) Quelle taille! et
quel fin visage!
(aux Manolas)
Mesdames,
livrez-moi passage, Je vais
l'embrasser sous son loup.
(L'Ensoleillad masquée, entre,
suivie de ses femmes)
LES MANOLAS
(à Chérubin) Vous la
connaissez?
CHÉRUBIN
(lestement) Pas du tout!
(Chérubin embrasse L'Ensoleillad sur
le cou; surprise, elle retire son
masque.
Chérubin stupéfié reconnait
L'Ensoleillad)
L'ENSOLEILLAD
(à Chérubin) C'est vous?
CHÉRUBIN C'est vous!
(pliant le genou et lui baissant la
main)
Ah! j'ai l'âme
marrie, Me pardonnerez
vous jamais ma brusquerie!
L'ENSOLEILLAD
(lui faisant signe de se relever) En effet, le
baiser fut brusque et mal donné!
(tendant la joue)
Faites mieux,
cette fois, vous serez pardonné!
(Au milieu des acclamations et des
rires des Manolas, Chérubin embrasse
du bout des lèvres Ensoleillad)
RICARDO
(à Chérubin, s'impatientant) Monsieur, je vous
attends.
CHÉRUBIN
(dégaînant) En garde!
L'ENSOLEILLAD
(voulant l'arrêter) Comment! Un duel!
vous êtes fou!
CHÉRUBIN Un bon ange me
garde Puisque je me bats
devant vous.
(aux Manolas; simple et galant)
Daignez ici
prendre vos aises.
(aux Serviteurs)
Servantes, valets,
quelques chaises...
(Les Officiers installent les dames afin
qu'elles soient bien placées pour
assister au duel; pendant ce temps les
violons arrivent)
LE TRÈS GRAND
OFFICIER Voici les violons
mandés pour le festin.
RICARDO
(nerveux) Renvoyez-les.
CHÉRUBIN
(très gai) Du tout, battons-nous en
musique!
RICARDO Renvoyez-les, c'est enfantin!
CHÉRUBIN Non, qu'ils
entrent!
L'ENSOLEILLAD
(lui envoyant un baiser et une rose) C'est héroïque!
RICARDO
(à Chérubin) Etes-vous bientôt
prêt Car la main me
picote.
CHÉRUBIN
(à L'Ensoleillad, ayant
ramassé
la rose) Vos pieds n'ont
pas de tabouret.
(à Ricardo)
J'y suis!
(aux violons)
Messieurs!
(Il lance aux musiciens une bourse
pleine; puis il met la rose de
l'Ensoleillad à sa bouche et tombe en
garde. Les violons se hâtent de
s'accorder)
Une gavotte!
(Le duel commence)
L'ENSOLEILLAD J'ai peur!
RICARDO A toi!
CHÉRUBIN
(parlé) Manqué!
L'ENSOLEILLAD
(se cachant la tête
derrière son
éventail) Mon Dieu!
LES MANOLAS
(à deux) J'ai chaud!
D'AUTRES J'ai froid!
L'ENSOLEILLAD Seigneur! Je
tremble!
LES MANOLAS
(petit cri d'effroi) Ah!
CHÉRUBIN
(aux musiciens, tout en se battant) …ça, messieurs de
l'archet, voyons... un peu d'ensemble!!
(L'Aubergiste accourt avec Le
Philosophe. Cri des filles; à cette
reprise
Chérubin est près d'être touché.
L'Ensoleillad s'évanouit
on l'entoure)
LE PHILOSOPHE
(éploré) Un duel!
L'AUBERGISTE Un duel! chez moi!
(criant)
Alguazils!
(à ce mot,
grand tohu-bohu)
alguazils!!
CHÉRUBIN
(tenant l'Aubergiste par le cou) Tais-toi!
tais-toi!
(Chérubin lâche l'Aubergiste pour
courir aux pieds de l'Ensoleillad
évanouie)
LES MANOLAS et
LES OFFICIERS Quelle algarade!
RICARDO
(apercevant Chérubin aux pieds
de l'Ensoleillad) Mais... que
fait-il encor?
LES OFFICIERS
(calmant Ricardo) Du calme,
camarade!
LE PHILOSOPHE
(affolé; au capitaine Ricardo) Quoi! vous vouliez
j'en suis tremblant, Tuer cet enfant
là...
RICARDO
(furieux) Dites: cet
insolent!
(tremblant de colère)
Embrasser Pepa, ma
maîtresse; C'est un outrage.
LE PHILOSOPHE
(indulgent) Une caresse!
RICARDO Il l'offensa!
LE PHILOSOPHE
(rectifiant) Il l'embrassa.
RICARDO C'est une insulte,
sur mon âme!
LE PHILOSOPHE Ah!
(avec vivacité)
comme l'on voit
bien que vous n'êtes pas femme!
(Tout cette scène avec agitation,
émotion tendre, et chaleur sans cesse
grandissante, très larmoyant)
Songez, monsieur,
que l'on est au printemps... Que la fille est
jolie et qu'il a
dix-sept ans!
(avec émotion et agitation)
Dix-sept ans! c'est un coeur que
l'amour illumine. On rêve... on
chante... on rit... on veut mourir,... Et l'on est
malheureux de ne pouvoir souffrir...
(chaleureux)
Et l'âme se
fleurit comme l'herbe au printemps! Songez donc!
dix-sept ans! Songez donc!
dix-sept ans! Dix-sept ans!
(avec des
larmes)
dix-sept ans!!
RICARDO
(ému, prenant les mains du
Philosophe) Ah! vous avez
raison!
L'AUBERGISTE
(accourant, s'épongeant le front tout
en regardant l'Ensoleillad qui sourit à
Chérubin) Quel discrédit
pour ma maison!
CHÉRUBIN
(allant vers Ricardo) A nous!
RICARDO
(bon enfant, tendant la main
à Chérubin) Ta main!
L'AUBERGISTE
(désespéré de ce qui arrive) L'Ensoleillad
évanouie!
LES MANOLAS, OFFICIERS C'était
l'Ensoleillad!
L'AUBERGISTE
(avec la voix brisée par l'émotion) Messieurs! j'avais
l'honneur... de recevoir chez
moi... L'Ensoleillad... mandée au
Palais... par le Roi!
RICARDO,
MANOLAS, OFFICIERS Par le Roi!
(Le temps que Chérubin est de
nouveau avec l'Ensoleillad, Le
Philosophe en profite pour jeter le
trouble en l'âme des assistants)
LE PHILOSOPHE Si le Roi connaît
cette affaire Nous sommes tous
perdus...
RICARDO,
L'AUBERGISTE MANOLAS, OFFICIERS
(Tous, effrayés et entre eux) Si le Roi connaît
cette affaire Nous sommes tous
perdus! Que faire?
L'ENSOLEILLAD
(arrivant en s'éventant, toute
gracieuse et provocante) Bah! messieurs,
c'est tout arrangé. Vous parlez de
péril de crime, Mais on ne s'est
pas égorgé; Ce duel n'était
qu'un jeu d'escrime.
(Le Philosophe ravi, rentre dans la
posada en soufflant et en
s'épongeant.
Une coupe de
champagne à la main,
avec crânerie et désinvolture)
Plus de soucis, de
la gaîté! Ah! buvons pour que la joie
en nos âmes renaisse! Filles, buvez à la
jeunesse!
(éclatant de rire et d'ivresse)
Ah! Garçons,
buvez, buvez à la beauté! à la
(caressant)
beauté!
(tendre et amoureux)
Je bois à vox
amants, je bois à vos maîtresses, Je bois aux coeurs
heureux, aux coeurs
brisé... amis!: Je bois à
toutes les caresses, Et je bois à tous
les baisers! Oui! je bois à
tous les baisers! Je bois aux
baisers, aux caresses... à tous les
baisers!
CHÉRUBIN,
RICARDO,
MANOLAS, OFFICIERS
(Les Manolas et les Officiers,
avec
une joie enthousiaste) A l'Ensoleillad! à
l'Ensoleillad! à la Reine de
l'amour et de la beauté!!
L'ENSOLEILLAD Je bois à la
beauté!!
(entourée de tous ces jeunes
gens
et des belles filles)
Soit, j'accepte la
Royauté, Mais puisque je
suis souveraine, A l'endroit du
duel, ici même, J'ouvre le bal! Me suit qui
m'aime!
(très marqué et saccadé)
La!
La! La!
(l'Ensoleillad danse la manila)"
TOUS
(dans un grand élan) Brava!
(cri prolongé)
L'AUBERGISTE
(accourant) Madame, en votre
appartement votre poudreuse
est préparée.
CHÉRUBIN
(avec chagrin) Vous partez?
RICARDO,
MANOLAS, OFFICIERS
(désolés) Vous partez?
L'ENSOLEILLAD
(avec mélancolie) Les meilleurs
moments ont, hélas, le moins de durée!
CHÉRUBIN,
RICARDO,
MANOLAS, OFFICIERS Vous partez?
L'ENSOLEILLAD Adieu, adieu, ma
petite cour, Un destin plus
grand loin de vous m'entraîne, Mais dans un
palais quand je serai Reine Je regretterai ce
règne d'un jour! Adieu! ma petite
cour! adieu!
CHÉRUBIN,
RICARDO,
MANOLAS, OFFICIERS Adieu, notre Reine
d'un jour! adieu!
L'ENSOLEILLAD
(à Chérubin avant de disparaître) J'espère vous
revoir.
CHÉRUBIN
(très amoureux) Ah! combien je
vous aime!
(L'Ensoleillad disparaît)
LES OFFICIERS
(à Chérubin, avant de partir) Au revoir,
camarade, à demain!
RICARDO
(à Chérubin) Mon estime est
pour vous extrême, Serrons-nous à
nouveau la main.
LES OFFICIERS
(cordial) Au revoir,
camarade, à demain!
CHÉRUBIN
(aux amis qui s'éloignent) Le vin rend gai,
l'amour rend fou! Vive Bacchus!
MANOLAS, OFFICIERS
(en disparaissent) Vive Cythère!
CHÉRUBIN Sur terre on vit
très peu de temps!
MANOLAS, OFFICIERS
(assez loin) Il faut donc
s'amuser...
CHÉRUBIN Il faut donc
s'amuser beaucoup!
(Le crépuscule commence à tomber)
OFFICIERS
(très loin) Le vin rend gai,
l'amour rend fou! Vive Bacchus!
LE PHILOSOPHE
(qui vient d'entrer et écoute les
voix
qui s'atténuent; à chérubin) Médite sur ceci,
Chérubin, et prends garde...
CHÉRUBIN
(nerveux, lui coupant la parole) Laisse-moi, tu
bavardes!
LE PHILOSOPHE
(saisi) Qu'as-tu donc?
CHÉRUBIN Je me tiens à
quatre Pour ne pas, toi,
te provoquer!
LE PHILOSOPHE Comment, moi?
CHÉRUBIN J'ai failli me
battre Et mon premier
duel est manqué.
LE PHILOSOPHE
(anéanti) Quoi! c'est cela
qui te tracasse;
Vraiment, c'est à désespérer.
CHÉRUBIN
(regardant la fenêtre de
l'Ensoleillad
qui s'est éclairée) L'Ensoleillad
devant sa glace
Doit en ce moment se parer
LE PHILOSOPHE
(inquiet) Viens donc!
CHÉRUBIN Non!
(Durant que Chérubin va et vient
cherchant à apercevoir l'Ensoleillad, le
Philosophe le suit tout en parlant; et
Chérubin lui répond de façon très
distraite)
LE PHILOSOPHE Le Duc te déteste, Et le Comte
demeure ici.
CHÉRUBIN
(sur la point des pieds) Raison de plus
pour que je reste; Je verrai ma
marraine aussi.
LE PHILOSOPHE Songe au péril qui
t'environne.
CHÉRUBIN Me prends-tu donc
pour un poltron?
LE PHILOSOPHE
(de plus en plus agité) Cette fenêtre est
au baron.
CHÉRUBIN Bravo! je verrai
la baronne!
LE PHILOSOPHE Mais choisis-en
une à la fois.
CHÉRUBIN
(le plus gravement de monde) Je voudrais bien,
je ne peux pas.
LE PHILOSOPHE Il les aime par
ribambelles!
CHÉRUBIN
(s'arrêtant enfin pour éclairer une
bonne fois l'esprit de son vieux maître) Je ne peux me
fixer, les femmes sont
trop belles! Une femme! Une
Femme!
(très caressant et animé)
Ce mot me rend
tout attendri... Il me parfume
l'âme!
(sans respirer)
Une femme! Ce mot, c'est mon
mot favori, quel doux mot: une
femme! De soupirer ce
nom,
je ne puis me lasser...
ce nom,
ce nom est une ivresse! Une femme! Quel mot charmant
à prononcer... Quelle caresse... Et je ne puis
choisir. Chacune tour à
tour Me met le coeur en
flamme!
(caressant)
Et je tombe à
l'instant amoureux de l'amour... Dès que passe une
femme!
LE PHILOSOPHE Pour élève, un tel
garnement!
CHÉRUBIN
(au Philosophe,
lestement en
s'éloignant) Voilà ton
châtiment!
(se dressant sur la pointe des pieds
vers la fenêtre de l'Ensoleillad)
Ah! lui parler!
LE PHILOSOPHE
(l'adjurant affectueusement) Petit, recule... l'Ensoleillad voit
chaque jour Les plus fins
roués de la Cour Et tu vas être
ridicule!
CHÉRUBIN Je reste.
LE PHILOSOPHE Pourquoi
t'obstiner?
CHÉRUBIN
(d'un air frondeur et décidé) Parce que... toi,
(vivement)
tu m'as donné des
conseils que je tiens à suivre.
LE PHILOSOPHE Moi! Dieu
puissant! J'étais donc gris.
CHÉRUBIN
(avec un grand sérieux) Philosophe, vous
étiez ivre!
LE PHILOSOPHE
(consterné) Juste ciel! Et que
t'ai-je appris?
CHÉRUBIN
(doctoral) Tu m'as dit:
(léger, vif, avec volubilité)
Si tu veux séduire Beaucoup de femmes
ici-bas voici comme il faut te
conduire...
LE PHILOSOPHE
(qui vient de sursauter, l'interrompant) Doux Jésus!
CHÉRUBIN
(avec un sentiment de
prière dans
la voix) Ah!
(subitement, observant que la
fenêtre
de l'Ensoleillad va s'ouvrir)
Va-t'en!
LE PHILOSOPHE Mais non, il ne
faut pas.
CHÉRUBIN
(vivement cette fois) Mais va-t'en donc?
LE PHILOSOPHE
(sortant accablé) Mea culpa!!
(L'Ensoleillad paraît derrière
son
balcon en fer forgé)
L'ENSOLEILLAD Qui parle dans la
nuit confuse? Quelle est l'ombre
sur le gazon?
CHÉRUBIN
(bas) Soyons naïf et
vous, ma muse, Inspirez-moi
quelque chanson.
L'ENSOLEILLAD
(éclairée par la
lumière de sa
chambre) La lune en nappe
d'or s'étale La brise est tiède
comme un bain... La nuit me rend
sentimentale.
CHÉRUBIN
(à part) Sois poitrinaire,
Chérubin.
(Il chante en s'accompagnant sur
son épée en guise de guitare)
Madame! J'ai vingt
ans à peine Et je suis un
adolescent;
(sans respirer)
Mais j'ai tant
d'amour et de peine Que déjà je suis
languissant... Le baiser, ma
lèvre l'ignore, Tous mes rêves
sont orphelins, Et je suis très
naïf encore.
L'ENSOLEILLAD
(avec un intérêt légèrement railleur) Vous vous en
vantez?
CHÉRUBIN Je m'en plains!
L'ENSOLEILLAD Pauvre enfant! Il
a l'air sincère!
(Elle réfléchit une seConde et recule
doucement vers la chambre où elle
disparaîtra en disant)
Il ne faut pas
vous désoler... Je descends pour
vous consoler!
(La lune éclaire tout le jardin)
CHÉRUBIN
(subitement ému et tremblant) Ici l'Ensoleillad! Nous serons seuls
ensemble!! Mon Dieu! c'est pour de vrai
que cette fois je tremble...
(Paraît l'Ensoleillad; un moment
d'émotion, puis d'une voix tremblante)
Ensoleillad!
(Il conduit l'Ensoleillad vers le
banc
et
la regarde avec extase)
Là! près de moi?
L'ENSOLEILLAD Enfant!
CHÉRUBIN ..que vous êtes
jolie!!
(sincèrement ému)
Hélas!
Ensoleillad!
(un silence)
L'ENSOLEILLAD
(lié et
caressant) Pourquoi ces
grands yeux de mélancolie?
CHÉRUBIN
(des larmes dans la voix) Vous partez
demain...
(Souriante, essuyant avec son fin
mouchoir
de dentelles les larmes de
Chérubin)
L'ENSOLEILLAD Pas ce soir.
CHÉRUBIN
(très malheureux) Mais je ne dois
plus vous revoir... Et bientôt qui
sait, demain même... Vous
m'oublierez...
(très ému)
Le Roi vous aime.
L'ENSOLEILLAD
(amoureuse et avec élan) Qu'importe demain
et tout l'avenir!
(avec une infinie tendresse)
Mon âme te parle
(plus bas)
et ton coeur
m'écoute. Rêve que ce soir
ne doit plus finir...
(avec abandon)
Puisque pour un
soir je t'appartiens
toute. Admire la nuit. La lune ce soir a
tant de clarté Qu'un oiseau
surpris croyant voir
l'aurore Au bord de son nid
s'est mis à chanter. Ecoute, le bois
tout entier s'éveille... Ecoute... Le vent tout bas,
nous souffle à l'oreille: Amants trop
bavards, hâtez-vous
d'aimer!
CHÉRUBIN Ton âme me
parle...
L'ENSOLEILLAD
et CHÉRUBIN ...et mon coeur
l'écoute... Rêvons que ce soir
ne doit plus finir. Ah! qu'importe
demain! et tout l'avenir! Puisque tu [je]
t'[m]) appartiens toute, toute!
L'ENSOLEILLAD
(très amoureusement) Je t'appartiens
toute... Je t'appartiens
toute...
(La lune se voile)
CHÉRUBIN Toute!
L'ENSOLEILLAD
et CHÉRUBIN
(dans le bois) Toute!
(Enlacés, les deux amoureux
s'éloignent dans le bois..)
LE COMTE
(paraissant à la petite porte
charretière
qu'il referme soigneusement derrière
lui) Eh bien?
LE DUC
(à la porte de l'auberge) Personne?
LE BARON
(à la porte des appartements) Non, personne!
LE DUC
(pendant que le Comte
et le Baron
inspectent) Le Comtesse, ni la
Baronne Ce soir ne me
donnent d'effroi. Si je tremble
c'est pour le Roi! pour le Roi!
LE COMTE Plaçons-nous.
LE DUC Plaçons-nous.
LE BARON Plaçons-nous.
LE DUC Je veille à la
porte.
LE BARON Moi, je surveille
le verger.
LE COMTE Je surveilles les
couloirs.
LE DUC De la sorte nous
conjurerons le danger. Soyons adroits!
LE COMTE Soyons prudents!
LE BARON Soyons adroits!
LE DUC, LE
COMTE et LE BARON ... tandis que
tout repose... Veillons!
Veillons!
LE DUC Et bien que vous
soyez en cause, Mes amis, ne
pensez qu'au Roi!
LE COMTE ... et soyons
adroits!
LE BARON ... et soyons
prudents!
(Pendant que le Duc, le Comte et le
Baron vont au fond se consulter,
l'Ensoleillad et Chérubin paraissent à
l'orée du bois)
CHÉRUBIN
(amoureusement) Ensoleillad!
L'ENSOLEILLAD
(très effrayée, apercevant
les trois
hommes) J'ai peur! Ils
sont là!
CHÉRUBIN
(regardant, puis en
prenant vite
son parti) Ma Mésange! Je vais les
dépister en leur donnant le
change. Fais un détour...
par le sentier. Là!
(Il l'embrasse, goguenard)
A fin chasseur
plus fin gibier!!!
(Elle s'esquive et rentre furtivement
dans la posada. Chérubin disparaît au
moment où les trois hommes se
séparent. On entend la voix de
Chérubin)
Lorsque vous
n'aurez rien à faire
(les trois hommes revenant
vite les
uns près des autres)
LE DUC, LE
COMTE, BARON Chérubin! c'est
lui!
CHÉRUBIN Mandez-moi vite
auprès de vous...
LE BARON D'ici, la voix
sort...
LE DUC Il se tait...
LE VOIX DE
CHÉRUBIN Ah!
LE COMTE Non!
LE DUC Il chante encor!
LE BARON Il chant encor!
LE VOIX DE
CHÉRUBIN
(comme plus loin) Le paradis que je
préfère c'est un coussin à
vos genoux!
LE DUC, LE
COMTE et LE BARON Le scélérat est
dans le bois... Nous le tenons
bien cette fois.
(L'Ensoleillad inquiète paraît à son
balcon; on entend la voix des trois
hommes criant: Taïaut)
L'ENSOLEILLAD Taïaut
(émue)
Je les entends à
sa poursuite... Mais Chérubin se
moque deux. Hélas, le bonheur
passe vite,
(lié et
caressant)
Nous étions si
bien seuls tous les
deux! Ses lèvres
cherchaient mes lèvres dans l'ombre...
(chaleureux)
Chérubin! reviens!
ah! reviens!
LE VOIX DE
CHÉRUBIN Je suis là!
L'ENSOLEILLAD
(regardant en vain) Chérubin!
CHÉRUBIN
(toujours invisible) J'ai dépisté la
meute.
(en riant)
Le Duc jure si
fort Que la forêt
s'ameute.
L'ENSOLEILLAD Mais... je ne te
vois pas... Où donc te
caches-tu?
CHÉRUBIN
(apparaissant à califourchon
sur
le mur) J'y suis!
L'ENSOLEILLAD Ciel! sur le mur!
CHÉRUBIN
(en se préparant à descendre) Aïe!
L'ENSOLEILLAD Qu'as-tu?
CHÉRUBIN
(il descend par le treillage) Non! j'ai mal!
L'ENSOLEILLAD Où donc?
CHÉRUBIN
(continuant sa dégringolade) Pas à l'oreille. Car je m'étais
assis sur un fond de
bouteille.
L'ENSOLEILLAD
(amusée et joyeuse) Prends garde!
CHÉRUBIN
(sautant à terre) Je descends!
(Il prend une échelle et l'applique
contre le balcon de l'Ensoleillad.
Chérubin grimpe et se trouve aussitôt
en haut de l'échelle; s'il ne peut
pénétrer chez l'Ensoleillad. Gaîment)
Mais c'est pour
mieux monter!
L'ENSOLEILLAD Ah! mon Dieu!
CHÉRUBIN
(il parvient, à travers les barreaux du
balcon fermé, à enlacer son amie;
triomphant) Me voilà!
L'ENSOLEILLAD Chérubin!!
CHÉRUBIN Ma beauté!
(Ils s'étreignent. La lune
les caresse
d'un grand rayon)
L'ENSOLEILLAD
(avec élan) Amour! amour!
(sempre
appassionate)
quand tu t'en
mêles, Les jaloux peuvent
sur venir; Les amants qu'on
veut désunir...
CHÉRUBIN Tu les rapproches
d'un coup d'aile.
(avec élan)
Amour! amour!
(sempre
appassionate)
entends ma voix;
L'ENSOLEILLAD Phoebé luit trop
sur nos visages,
CHÉRUBIN Les jaloux vont
nous voir du bois...
L'ENSOLEILLAD Cache la lune... Cache la lune d'un
nuage.
(La lune s'obscurcit)
CHÉRUBIN
(joyeux) Miracle! Eros
répond... Et Phoebé
s'obscurcit!!
L'ENSOLEILLAD
et CHÉRUBIN Eros, Dieu
d'allégresse, Eros! O toi qui fais
mourir d'une main qui
caresse... Divin Eros, Eros
merci!
(Tout à coup les jalousies des fenêtres
de la Baronne et de la Comtesse se
soulèvent)
L'ENSOLEILLAD
(effrayée) Du bruit,
descends.
(Ils se laisse glisser en bas de
l'échelle... L'Ensoleillad s'est sauvée
un instant dans sa chambre)
LA COMTESSE
(de la fenêtre) Qui va là?
CHÉRUBIN
(à part) Ma marraine!
LA BARONNE
(apparaissant de même) Qui parle?
CHÉRUBIN
(à part) Seigneur, l'autre
aussi!
(vivement à la
Baronne)
C'est moi!
LA COMTESSE Quoi?
CHÉRUBIN
(à la Comtesse) C'est moi!
LA COMTESSE
(très bas) Vous ici!
L'ENSOLEILLAD
(revenant) Parlez plus haut,
j'entends à peine!
LE COMTESSE et
LA BARONNE Imprudent!
L'ENSOLEILLAD Quoi?
(surprise
d'entendre plusieurs voix)
qui chuchotte
ainsi?
LA COMTESSE et
LA BARONNE
(surprises d'entendre plusieurs voix) ... qui chuchotte
ainsi?
CHÉRUBIN
(cherchant une défaite) C'est le vent!!
L'ENSOLEILLAD, COMTESSE LA BARONNE Quoi?
CHÉRUBIN Chut! Puisque de
si loin on ne peut
s'embrasser, Puisqu'on ne peut
parler,
(tendre)
lancez-moi quelque
gage... J'implore un
souvenir à défaut d'un
baiser.
L'ENSOLEILLAD,
LA COMTESSE et LA BARONNE Ah! comment vous
résister, beau page!
LA BARONNE
(lui lançant un bouquet) Tiens!
L'ENSOLEILLAD
(lui lançant sa jarretière) Tiens!
LA COMTESSE
(lui lançant un ruban de son cou) Tiens!
CHÉRUBIN
(ravi, attrapant les trois gages,
puis
les
pressant contre son coeur) Ah! le bon tour!
Je suis tout mitraillé d'amour!
L'ENSOLEILLAD
(effrayée) Le Duc!
(Chaque fenêtre se ferme
brusquement
après
chaque exclamation)
LA BARONNE
(effarée) Le Baron!
LA COMTESSE
(craintive) Le Comte!
(Chérubin, pour apercevoir
l'ennemi,
grimpe sur l'échelle)
LE BARON
(arrivant, une lanterne à la main) Il est pris!
LE DUC Cernons le jardin!
LE COMTE C'est un scandale!
LE DUC Une honte!
(Chérubin dégringole au milieu d'eux
trois.
Il jette devant lui l'échelle,
et,
goguenard,
provocant, les attend les
bras croisés)
LE BARON Bandit!
LE DUC Gredin!
(Les trois hommes sont exaspérés)
LE COMTE
(dans une colère froide) D'où venez-vous?
LE DUC
(avec explosion) De quelle chambre?
LE COMTE
(désignant la chambre de la
Comtesse, à part) Vient-il d'ici?
LE BARON
(montrant la chambre de la Baronne;
à part) Vient-il de là?
LE DUC, LE
COMTE et LE BARON Réponds! Réponds!
CHÉRUBIN
(leur éclatant de rire au nez)
Tra la la la la la
la!!
LE DUC, LE
COMTE, LE BARON Réponds! Réponds!
CHÉRUBIN Je m'amuse!
Je
m'amuse!
LE BARON
(en levant sa lanterne vers Chérubin) Ce bouquet est à
ma femme!
LE COMTE
(trépidant de rage concentrée) Ce ruban à la
Comtesse!
LE DUC
(avec explosion) Sa jarretière!!
CHÉRUBIN Je m'amuse!
Je
m'amuse!
LE DUC
(se découvrant) Pauvre Roi!
LE COMTE Ce ruban!
LE BARON Ce bouquet!
LE DUC Rendez la
jarretière!
LE BARON
(dégaînant) Rendez!
LE DUC
(dégaînant) Rendez!
LE COMTE
(dégaînant) …ou c'est la mort!
la mort! la mort!
LE DUC
(roulant des yeux terribles) …avec le
cimetière!
LE BARON ...avec le
cimetière!
(Tous les trois chargeant Chérubin
avec des cris féroces)
CHÉRUBIN Jamais! Jamais!
Jamais!
LE DUC, LE
COMTE, LE BARON Tiens! Tiens!
Tiens! Tiens! Tiens!
Tiens! Tiens!
(Chérubin tient tête aux trois
énergumènes, mais, aux cris arrivent
aussitôt l'Aubergiste affolé et Le
Philosophe éploré)
L'AUBERGISTE
(accourant affolé) Alguazils!!
alguazils!!
LE DUC, LE
COMTE et LE BARON Tiens! Tiens!
LE PHILOSOPHE
(éploré) Trois duels! ah!
mon pauvre garçon! Trois duels! Trois
duels!
(On sonne la cloche. Le duel s'est
arrêté - la porte charretière est
ouverte la
cour de la posada est envahie par une
foule de serviteurs - avec torches et
lanternes - de servantes, de passants,
de
voyageurs et voyageuses réveillés en
sursaut, qui paraissent dans leurs
costume de nuit)
L'AUBERGISTE,
LES SERVANTES
LES VALET, LES
VOYAGEUSES
et LES
VOYAGEURS
Quel scandale!
Quel scandale!
Quel scandale!
LE DUC Je tuerai demain
ce garçon! Le Roi me donnera
raison! Le Roi me donnera
raison!
LE COMTE et LE
BARON Ma femme aimer ce
polisson! Ah! quelle indigne
trahison! Ah! quelle indigne
trahison!
CHÉRUBIN
Tra la la! Tra la
la! Je m'amuse!
Je
m'amuse!
(paraît le Corrégidor suive d'Alguazils)
LES SERVITEURS
(annonçant à tue-tête) Le Corrégidor!!
LE BARON
(se jette sur le Corrégidor;
à part, avec effarement) Gardez-vous qu'on
le soupçonne; Mais avec la
Comtesse il est bien!
LE COMTE
(même, jeu) Ah! monsieur, n'en
parlez a personne Il vient de chez
l'Ensoleillad!
(de l'autre côté)
Chut! n'en dites
rien!
LE BARON
(de l'autre côté) Chut! n'en dites
rien! n'en dites rien!
rien!
LE DUC
(même, jeu) Il vient de chez
la Baronne, chut! mais au Baronne
n'en dites rien!
L'AUBERGISTE,
SERVANTES, VALETS Pour la maison
quel scandale! Le patron en
perdra la raison!
(Les trois fenêtres se sont ouvertes,
les trois femmes sont apparues)
LE DUC, LE
COMTE et LE BARON Chut! n'en dites
rien!
(Les trois femmes à leurs fenêtres)
L'ENSOLEILLAD
(éplorée, à part) Trois duels à la
fois! Ils le tueront!
LA COMTESSE,
LA BARONNE
(à part) Ils le tueront!
LE PHILOSOPHE Trois duels à la
fois! Ils le tueront!
mon Dieu! O mon Dieu! O mon Dieu! O mon
Dieu!
CHÉRUBIN Tra la la la la la
la la la la! Je suis gai comme
un pinson! Zon! zon! zon! Ah! que je
m'amuse! la la! Quelle nuit! Je
m'amuse! la! la!
L'AUBERGISTE,
SERVANTES
LES VALETS et
LA FOULE Quel scandale!
Quel scandale!
L'ENSOLEILLAD,
LA COMTESSE
LA BARONNE Pauvre garçon! Ils
le tueront!
LE DUC, LE
COMTE et LE BARON Voyez, il rit!
voyez, il rit! Je tuerai demain
ce garçon!
L'ENSOLEILLAD Hélas! Hélas!
LA COMTESSE et
LA BARONNE C'en est fait! Ils
le tueront! C'en est fait! Ils
le tueront!
L'AUBERGISTE,
SERVANTES
LES VALETS,
LA FOULE Quel scandale!
Pour la maison!
LE PHILOSOPHE Mon Dieu! Il a trois duels!
DUC, COMTE, BARON Le Roi me donnera
raison!
LE DUC Oui, je tuerai ce
garçon!
LE COMTE et LE
BARON Quelle indigne
trahison!
LE COMTE
(à Chérubin; très catégorique) Demain, je vous
tuerai!
L'AUBERGISTE,
LES SERVANTES,
LES VALETS et LA FOULE Quel scandale pour
la maison! Quel scandale pour
la maison! Ah!
L'ENSOLEILLAD,
LA COMTESSE
LA BARONNE Ah! Ah! mon Dieu!
LE PHILOSOPHE Mon Dieu! Mon
Dieu! Ah!
LE DUC, LE
COMTE, LE BARON A mort! A mort!
Ah!
CHÉRUBIN
Tra la la!
Tra la la! Tra la la!
(Sur un signe du Corrégidor les
alguazils entourent et arrêtent le Duc,
le Comte et le Baron qui protestent et
se démènent comme des fous furieux.
Les trois femmes s'évanouissent,
chacune à son balcon.
cris tumulte
indescriptible)
ACTE TROISIÈME
(Le patio pittoresque de la même
posada
espagnole. Un escalier de bois conduit à
la
galerie du
premier étage; à droite, des
lauriers
roses
et des grenadiers dans des
jarres
forment
un coin printanier au
milieu Duquel
Chérubin,
accoudé sur une
table, écrit
silencieusement.
Le Philosophe
paraît: il s'avance
discrètement
du côté de
Chérubin et l'observe
sans en être aperçu)
LE PHILOSOPHE
(doucement) Chérubin!
CHÉRUBIN
(continuant à écrire et
presque
sans lever la tête) Un moment!
LE PHILOSOPHE
(doucement) Chérubin!
(intrigué)
Qu'écris-tu là?
CHÉRUBIN
(de belle humeur) Mon testament!
J'ai trois duels!
LE PHILOSOPHE
(estomaqué) Malheureux!
CHÉRUBIN
(un peu songeur, mais
cependant
frivole) Ah! je soupire un
peu...
(assez légèrement)
Mais je n'ai pas
l'âme morose... J'ai toujours vu
la vie en bleu;
(au mot de «mort» le pauvre
Philosophe devient tout pâle)
La mort... je veux
la voir en rose.
(Il lit son testament)
Si je reçois un
coup de dague, Si ce soir je dois
trépasser, A Nina je donne ma
bague... Pour être un peu
son fiancé. A l'Ensoleillad
rose et brune, Dont l'amour un
soir m'a grisé, Je donne toute ma
fortune, Et c'est bien peu
pour son baiser.
(avec émotion)
A mon seul ami...
(le Philosophe désespéré lui fait signe
qu'il ne voudrait rien entendre)
... j'abandonne Mes bois et mon
manoir. Je lui fis du
chagrin par fois... Mais je sais bien
qu'il me pardonne!
(à ces mots, le Philosophe, qui
sanglote, se jette dans les bras de
Chérubin)
LE PHILOSOPHE
(très ému) Mourir!
Quand on a
cet air radieux! Quand l'amour
rayonne en ses yeux!
(hors de lui)
Mourir quand
l'amour rayonne en ses yeux, Mourir quand la
vie en son coeur s'éveille, Mourir quand on a
cet air radieux,
CHÉRUBIN Que dis-tu?
LE PHILOSOPHE Mourir quand on a
des couleurs pareilles! Mourir! Mourir!
(violemment
ému)
Mourir!
CHÉRUBIN Que dis-tu?
LE PHILOSOPHE
(enragé) Que ta mort serait
abominable! Non! tu ne mourras
point, par le diable!
CHÉRUBIN
(amusé) Il jure!
LE PHILOSOPHE
(transfiguré) En garde!
CHÉRUBIN Pourquoi donc?
LE PHILOSOPHE
(confidentiel) Je veux
t'apprendre un coup de maître.
CHÉRUBIN
(s'amusant beaucoup) Tu t'es donc
battu?
LE PHILOSOPHE
(se confessant) Comme un reître.
CHÉRUBIN Toi si sage!
(Le Philosophe s'armant d'une lardoire
lui donne une leçon d'escrime)
LE PHILOSOPHE A ton espadon! Je simule un
contre de quarte, En sixte, en
quarte, En sixte, encor, Ton fer veut
passer, je l'écarte, Battez, dégagez.
(Il se fend)
Tu es mort!
CHÉRUBIN
(enthousiasmé) Bravo! Superbe!
L'AUBERGISTE
(revenant du dehors) Un duel encor! Alguazils!
Alguazils!
CHÉRUBIN Tais-toi butor! Ce n'était qu'un
jeu!
(l'Aubergiste sort)
LE PHILOSOPHE
(apparaissent la Comtesse et
La Baronne) La Comtesse!
CHÉRUBIN Et la Baronne.
LA BARONNE
(à la Comtesse) De l'adresse.
LA COMTESSE
(à la Baronne) Du calme!
CHÉRUBIN
(au Philosophe, à part) Quel air
courroucé!
LE PHILOSOPHE
(à Chérubin, à part) Qui fait des
fautes les supporte.
CHÉRUBIN Va faire le guet à
la porte!
(Le Philosophe sort. Très ennuyé,
voyant venir à lui les
deux femmes,
à lui-même)
Ah! quel moment je
vais passer!
(aux deux femmes)
Je tombe aux pieds
de tant de grâce!
(Les deux femmes très
irritées,
très nerveuses)
LA COMTESSE, LA BARONNE Pas de grands
mots! Et pas de phrases!
CHÉRUBIN Mais...
LA COMTESSE, LA BARONNE
(sèchement et impératif) Répondez-nous...
la vérité! la vérité! la
vérité! Pour qui
chantez-vous donc, beau page, cette nuit?
CHÉRUBIN
(embarrassé) Cette nuit?
LA COMTESSE, LA BARONNE
(après s'être consultées
en confidence) Pourquoi
demandez-vous des gages? Cette nuit?
CHÉRUBIN Cette nuit?
LA COMTESSE, LA BARONNE
(toutes les deux avec irritation
et fermeté) Le vérité, voyons,
Monsieur, la vérité!
CHÉRUBIN
(commençant à en avoir assez) Eh bien, tant pis!
Hier j'ai chanté...
LA COMTESSE
(soupirant) Pour moi?
LA BARONNE
(de même) Pour moi?
CHÉRUBIN
(un peu confus) Non... pour une
autre!
LA COMTESSE, LA BARONNE
(ayant tout deviné, furieuses,
exaspérées) L'Ensoleillad!
LE PHILOSOPHE
(arrivant vivement) Vos maris!
(Il s'esquive aussitôt)
LE COMTESSE
(à part) Bien!
(Le Comte et le Baron s'arrêtent en
voyant leurs femmes causer avec
Chérubin. Celles-ci feignent d'ignorer
la présence de messieurs leurs maris
et accablent Chérubin qui souffre mille
morts)
LA COMTESSE
(haut, en redoublant de colère vis à vis
de Chérubin et paraissant très
amoureuse quand il s'agit de son mari) Vous me
compromettiez aux yeux d'un époux que
j'adore!
LA BARONNE
(même jeu, plus outrée encore) Vous chantiez pour
l'Ensoleillad Et mon pauvre
mari, oui, Mon mari l'ignore!
LE BARON
(pris au jeu, au Comte) Les entendez-vous?
CHÉRUBIN
(à part, exaspéré) Les pécores!
LA BARONNE Enfin, répondez...
LA COMTESSE Est-ce vrai,
répondez?
(bas à Chérubin)
Répondez ou vous
me perdez...
CHÉRUBIN
(tremblant de rage, mais voulant
malgré tout disculper les deux
femmes) C'est vrai! c'est
vrai!
LE BARON
(accourant vers sa femme qui
semble
stupéfiée de le trouver là;
avec
expansion) Chère femme
adorée!
LA BARONNE
(jouant l'étonnement) Vous!
LE COMTE
(même jeu que le Baron) Femme aimée!
LA COMTESSE
(même jeu que la Baronne,
mais avec
plus de hauteur) Ah! c'est vous!
CHÉRUBIN
(trépignant de rage devant
cette
double comédie) Les perfides! les
perfides!
LE COMTE
(bas à sa femme) Pardonnez-moi!
LE BARON
(doucement à la sienne) Pardonnez-nous!
CHÉRUBIN
(n'en pouvant plus, se tournant vers
les deux hommes; très décidé) Nos duels tiennent
toujours, j'espère?
LA BARONNE
(insolente) Vous dites?
LA COMTESSE
(persiflante et méprisante) Un duel? Pourquoi faire?
LA BARONNE
(de même) Il perd la tête ce
garçon!
LA COMTESSE
(railleuse) Il devient fou!
CHÉRUBIN
(anxieux) Que signifie?
LA COMTESSE
(même ton) Il faut une raison Pour exposer sa
vie!
LA COMTESSE, LA BARONNE Pour un duel il faut un
outrage, Or l'outrage
n'existe plus!
CHÉRUBIN
(avec colère) Que signifie!
LA COMTESSE, LA BARONNE Quittez ces grands
airs superflus, Ils conviennent
mal votre âge!
LE COMTE, LE
BARON
(railleurs) Tous mes regrets,
mon jeune enfant!
LE COMTE Tous mes
regrets...
LE BARON Adieu, petit.
CHÉRUBIN
(bondissant sous l'insulte) Je vous défends!
LA COMTESSE et
LA BARONNE
(éclatant de rire se moquant de lui) Il vous défend!
(en manière de raillerie,
à leurs cher maris)
Oh! prenez garde!
(Tous remontent pour s'éloigner)
CHÉRUBIN
(outré, hors de lui) Ah! les coquines!
les pendardes! Me font-elles
assez souffrir!
LE COMTE
(en se retournant) Tous mes
regrets...
LE BARON
(de même) Adieu, petit.
LA COMTESSE, LA BARONNE
(de même) Adieu, petit.
CHÉRUBIN
(très nerveux - éclatant - emporté) Ah! ne pas même
pouvoir mourir!
(On voit arriver le Duc, envoyé
de Roi,
entouré d'officiers, de
seigneurs
et de pages)
Ah! le Duc! au
moins lui!
(Il se précipite vers le Duc)
LE DUC
(très important; à haute
voix à la foule
qui accourt) Arrière! au nom du
Roi!
(à l'Aubergiste, haletant)
A l'Ensoleillad
hâte-toi De porter ce royal
message.
CHÉRUBIN
(frappé, à part) L'Ensoleillad!
L'AUBERGISTE
(à la foule qui envahit l
e patio,
à tue-tête) Rangez-vous tous!
livrez passage A la chaise à
porteurs du Roi!
(Il se hâte de gravir l'escalier qui
même chez l'Ensoleillad.
Des
musiciens (guitaristes,
mandolinistes)
ont aussitôt grimpé
l'escalier et
donnent une aubade à
l'Ensoleillad,
devant sa porte, au 1er
étage.
La
foule écoute avec
ravissement.
Chérubin est seul, à part,
très ému)
L'ENSOLEILLAD
(On entend la voix de l'Ensoleillad
qui
se marie avec les instruments) Vive amour qui
rêve, embrase et fuit! Vive amour qui
meurt en une nuit! Pleurez donc
damoiselles, Mais des larmes
frivoles! Pleurez donc
damoiselles, Mais des larmes
frivoles!
CHÉRUBIN
(à part, très ému) Vers elle tout mon
coeur m'entraîne! Pendant un soir,
l'éternité, Je fus le roi de
cette reine! Ce fut à moi tant
de beauté!
(L'Ensoleillad apparaît éclairée par un
coup de soleil radieux; elle reprend le
chant de l'aubade, tout en restant
immobile près de la porte ouverte)
L'ENSOLEILLAD
(à pleine voix) Vive amour qui
rêve, embrase et fuit! Vive amour qui
meurt en une nuit! Si l'amour a des
ailes, C'est afin qu'il
s'envole! Si l'amour a des
ailes, C'est afin qu'il
s'envole! Si l'amour a des
ailes C'est afin qu'ils
s'envole!
LA FOULE
(extasiée) L'Ensoleillad est
reine par la beauté!
L'ENSOLEILLAD Ah!
(L'Ensoleillad va s'avancer, mais,
devant l'attitude de Chérubin elle
s'arrête... interdite)
CHÉRUBIN
(à l'Ensoleillad, fou
de désespoir
et d'amour) Par pitié! Ne pars
pas! Ah! que ton coeur
m'écoute! Tu m'as dit: Je
t'appartiens toute! Tu m'as dit: Ce
soir ne doit plus finir!
(déchirant)
Qu'importe demain et tout
l'avenir! Ah!
(L'Ensoleillad descend lentement, les
yeux fixés sur Chérubin tout palpitant;
parvenue au bas de l'escalier, faisant
effort pour dissimuler son émotion et,
ne pouvant reconnaître Chérubin en
un pareil moment, elle s'adresse à la
foule en le désignant)
L'ENSOLEILLAD Quel est-il?
CHÉRUBIN
(brisé) O mon Dieu!
LE DUC et LA
FOULE
(Tous à Chérubin) Impudent! qu'il
recule! Place aux gens de
Sa Majesté!
(L'Ensoleiilade est montée dans sa
chaise; la foule l'acclame pendant
qu'elle s'éloigne, laissant Chérubin
éperdue et pleurant dans les bras du
Philosophe qui vient d'entrer tout
ému)
LA FOULE
(unies) L'Ensoleillad est
deux fois reine Par la faveur et
la beauté! Par la beauté! Adieu!
(Tous s'inclinent. Sortie générale)
(pause)
CHÉRUBIN
(abattu, au Philosophe qui le
berce
dans comme un enfant) Ton amitié me
reste seule... Et je n'ai plus
que toi... L'amour même, je
le déteste, On a flétri ce que
j'aimais.
LE PHILOSOPHE
(affectueux) C'est ton premier
chagrin, en somme, Bénis-Ie s'il t'a
transformé;
(très ému)
Tu viens de
souffrir comme un homme, Te voilà digne
enfin d'aimer.
CHÉRUBIN
(avec amertume) Je ne veux plus
aimer jamais... Mon âme désormais
a trop de dégoût... Je ne veux plus
aimer jamais...
(violent)
La femme est vile,
elle est infâme!
LE PHILOSOPHE
(avec une philosophie
douce
et consolante) Ne plus aimer
jamais! Pourquoi, petit,
tant de rancoeur? Ne plus aimer
jamais! C'est bien à tort
que tu t'irrites... A coeur léger
fille sans coeur... On a les femmes
qu'on mérite! Petit! Attends la
femme pleine de douceur Qui console dans
l'infortune, Chacun de nous en
connaît une... Attends de l'avoir
rencontrée... Tu verras, petit,
tu verras!
CHÉRUBIN
(sincère, résolu) Ah! jamais je n'ai
tant désiré
(palpitant et nerveux)
Une épaule pour y
pleurer, Un bras qui me
soutienne!
LE PHILOSOPHE Tu verras, petit,
tu verras!
CHÉRUBIN Qu'elle vienne!
LE PHILOSOPHE ...attends!!
CHÉRUBIN
(avec un tendre élan) J'attends!!
(On a entendu le roulement
d'une
voiture puis quelques
doux tintements
de sonnailles)
LE PHILOSOPHE
(apercevant la Nina encore
invisible;
lentement) Et quand Eliézer
vit Rebecca paraître, Il dit: Mon Dieu,
Voici la femme de mon maître.
(Il sort doucement au moment où Nina
apparaît au seuil de la posada. Elle
est dans ses vêtements de deuil)
CHÉRUBIN
(ému, troublé, courant à Nina) Nina!
NINA
(tremblante et s'arrêtant interdite) Chérubin!
CHÉRUBIN En voiles de
deuil! Pourquoi si pâle
et si changée... Et pourquoi dans
tout votre accueil Cette douceur
découragée?
NINA
(doucement, sans
méchanceté,
ni rancoeur) Las! est-ce à vous
de l'ignorer?
CHÉRUBIN
(l'attirant dans le coin fleuri
du patio
de la posada) Nina! mon coeur
tremble et s'étonne... C'est moi qui vous
fis tant pleurer?
NINA
(très simple) Je ne pleure
plus... Demain j'abandonne Le monde et les
miens,
Car j'entre au couvent. Voici vos vers...
Je vous pardonne... J'y croyais...
J'étais une enfant... J'ai dû vous
paraître un peu bête. J'ai cru, vous
voyant plein d'émoi, Que j'avais fait
votre conquête Et que ces vers
étaient pour moi... J'ai dû vous
paraître un peu bête. Quand vous veniez
auprès de moi... Mon coeur me
montait à la tête... Je tremblais... je
ne sais pourquoi, Mais je perdais un
peu la tête... Quand vous veniez
auprès de moi.
(à mi-voix)
Et maintenant...
que je m'apprête A vous quitter,
(émue)
j'ai tant
d'émoi... Que mon courage
est en défaite...
(simple)
Adieu, adieu...
demain j'entre en retraite. Je vous aimais!
oubliez-moi! oubliez-moi!
(regardant Chérubin)
Vous pleurez?
CHÉRUBIN
(des larmes plein les yeux) Nina!
NINA
(très émue) Quoi, tu pleures?
CHÉRUBIN Ces larmes là sont
meilleures
Que tout les vains plaisirs Qu'autrefois
j'ai connus.
NINA
(palpitante) Tu n'as plus ton
rire moqueur!
CHÉRUBIN
(ravi) Un sourire plus
beau s'éveille Dans mon coeur.
NINA
(dans une progression d'émotion) Quoi, tu ne
railles pas? Ta tendresse est
profonde?
CHÉRUBIN Avec des yeux
nouveaux Je regarde le monde! Viens! ma Nina!
viens! ma Nina! viens! tout contre moi.
NINA
(vaincue, confiante, amoureuse) Mon Chérubin, je
crois en toi!
CHÉRUBIN Je n'avais de
l'amour compris Que la caresse...
NINA et
CHÉRUBIN Aimer, sentir,
souffrir, ces mots sont une
ivresse!
Aimer, sentir, souffrir, ces mots sont une
ivresse!
NINA Mon Chérubin, je
crois en toi! Je crois en toi! Mon Chérubin, je
crois en toi! Toujours à toi!
CHÉRUBIN Viens contre moi,
tout contre moi! Tout contre moi! O Nina! viens tout
contre moi? Je crois en toi!
(Au moment où Chérubin et Nina sont
encore enlacés, revient le Duc avec le
Philosophe et les officiers qui devaient
être témoins dans le duel.
Ils portent des
épées de combat sous
le bras)
LE DUC
(Suffoqué, en apercevant sa
pupille
dans les bras de ce
petit gredin
de Chérubin) Dans ses bras, ma
pupille! O rage!
ô triple rage!
RICARDO
(se tordant de rire) Quel gaillard!
LE DUC
(hors de lui) A qui s'en
prendra-t'il demain!
CHÉRUBIN
(s'inclinant devant le Duc, ébahi) Ce n'est pas un
nouvel outrage, La Nina m'accorde
sa main.
(La Nina va supplier son tuteur qui
semble lui dire: «Pauvre fille»!)
RICARDO
(goguenard, à Chérubin) Tu parles
mariage... Quoi, tu sonnes
déjà la retraite à ton âge?
CHÉRUBIN
(radieux, frappant sur
l'épaule
de Ricardo) La retraite!
Allons donc.
(Cloches lointaines. Souriant et doux)
Dans ce lever du
jour Ecoute le clocher
qui s'éveille et résonne... Ecoute, ce n'est
pas la retraite qui sonne... C'est la diane
pour l'éveil de notre amour!
LE PHILOSOPHE
(bas à Chérubin en apercevant le
ruban
de la Comtesse qui sort de
son habit) Ces gages,
jette-les. Nina doit te
suffire!
CHÉRUBIN
(après un mouvement d'hésitation, ne
pouvant se décider à se dessaisir des
gages d'amour, avec en sourire
indéfinissable, il renfonce le ruban;
parlé) Bah!!
(courant à Nina qui a conquis son
tuteur
et le plus ingénument du
monde; parlé)
Nina, je t'aime!
RICARDO
(regardant Chérubin et joyeusement) C'est Don Juan!
LE PHILOSOPHE
(pensif, regardant Nina) C'est
Elvire!

|
ACTO
PRIMERO
(Una sala que se
abre al fondo
sobre la terraza del castillo. Terminación
de una escalera
que sube desde el parque. Todos los
sirvientes del castillo, hombres y mujeres,
rodean a Jacobo, el preceptor de
Querubín,
apodado el Filósofo, que
este momento los
está
arengando)
EL FILÓSOFO (en voz alta)
¡Sirvientes!
3 SERVIDORES (3 sopranos) ¡Aquí estamos!
EL FILÓSOFO
¡Criadas y lavanderas!
3 OTROS
SERVIDORES (3
mezzo-sopranos) ¡Aquí estamos!
EL FILÓSOFO
¡Camareros, mozos, cocineros!
3 SERVIDORES (3 bajos, con voz
gruesa) ¡Aquí estamos!
EL FILÓSOFO
¡Panaderas y queseras!
6 SERVIDORES ¡Aquí! ¡Aquí!
¡Aquí! ¡Aquí!
EL FILÓSOFO
¡Cocineros con triple barba! ¿Qué habéis preparado
para celebrar al señor? Porque Querubín ya
no es un paje de cabellos
rubios.
(altivo)
Lleva ceñida
desde ayer,
con más habilidad que un veterano,
la espada de cero que golpea en sus
talones.
SERVIDORES ¡Viva! ¡Viva!
¡Viva! ¡Viva!
EL FILÓSOFO (galantemente) En un momento
llegará Querubín.
SERVIDORES
(alegres) ¡En un
momento aparecerá Querubín! ¡Viva! ¡Viva!
¡Viva! ¡Viva!
EL FILÓSOFO
¡Pongámonos de acuerdo! Organicémonos
antes que lleguen los
invitados. ¡Organicémonos!
SERVIDORES (muy atareados) Antes de que
lleguen todos sus
invitados. ¡Ya está! ¡Ya
está! ¡Listo! ¡Listo!
(3 bajos, con
locuacidad)
Pavas, pavos y
pavitas dan vueltas en
nuestros asadores.
(3 tenores, con
locuacidad)
Y el fuego de los
hornos los doran como los
bollos.
(6 criadas,
repitiendo con locuacidad)
¡Los doran
como los bollos!
SIRVIENTES ¡Los doran como
los bollos! ¡Como bollos! Los hemos rayado, colado, deshuesado, enharinado y
despiezado a lo largo y a lo ancho.
SIRVIENTAS En nuestras
cocinas enfriamos doscientos
sorbetes... ¡Y mil
garrapiñadas! Doscientos
sorbetes... ¡Mil garrapiñadas! ¡Doscientos
sorbetes, y mil
garrapiñadas!
EL FILÓSOFO (quien, por un
momento, se ha tapado los oídos) ¡Silencio!
¡Me estáis dejando sordo! ¡Me estáis
sofocando!
CORO (cada vez más
excitados) ¡Y el parque está
como un salón! ¡Sí! ¡El parque está
como un salón! Nos hemos
esforzado mucho,
EL FILÓSOFO ¡Silencio! ¡Ay de
mí!
SERVIDORES Preparamos todo,
pavos y pavitas.
¡Como bollos!¡Bollos! ¡Bollos!
¡Todo está listo!¡Listo! ¡Listo!
EL FILÓSOFO ¡Me estáis
sofocando! ¡Me estáis sofocando!
(Tratando de
gritar más fuerte
para ser
escuchado por todos)
¡Compañeros, mis
buenos compañeros! ¿Conocéis la otra
razón por la que estamos aquí? Para festejar
que
Querubín hoy ha recibido sus primeros
galones. Nuestro joven señor, a todos los
presentes, quiere rendir un
generoso homenaje: ¡a los sirvientes
se les duplicará su salario!
SERVIDORES (con deleite) ¡Ah!
EL FILÓSOFO ¡Y dejará de
cobrar a los campesinos un año de diezmos
y rentas!
SERVIDORES (Con alegría
delirante) ¡Viva! ¡Viva! ¡Querubín! ¡Querubín!
(se
alejan gritando)
¡Viva Querubín!
(Los gritos se
atenúan en la distancia)
¡Viva Querubín!
(Los gritos disminuyen y el Filósofo,
en la terraza, escucha con placer el
nombre de Querubín, a quien todos
aclaman. Mientras, el Conde, el
Duque y el Barón han entrado)
¡Viva Querubín!
(Las
aclamaciones se apagan juntamente con la
música)
DUQUE (exasperado) ¡Viva Querubín!
¡Diablos, no se escucha más que eso!
CONDE (fríamente) ¡Toda la chusma
está enloquecida por ese maldito
tunante!
EL BARON (Irónico, al
Filósofo, que viene y los saluda)
Mis felicitaciones, señor Filósofo.
CONDE ¡Su alumno es un
granuja vanidoso!
DUQUE (elevando los
brazos al cielo) ¡Dilapidar su
fortuna de ese modo!
CONDE ¡Es la ruina! ¡Un desastre!
EL FILÓSOFO ¡Es generoso, eso
es todo!
CONDE (exaltándose) ¡Está loco, señor,
está loco! (el Conde se
encoge de hombros y se va, el Filósofo
permanece callado)
BARÓN
(al Duque, con mal humor) Pensar que he
dejado Granada para venir a celebrar el
nuevo rango... de ese pequeño
demente.
DUQUE (burlándose de
él) Fue tu esposa
quien lo quiso.
BARÓN (con un aire
contrito) ¡Es mi esposa
quien lo ha querido!
DUQUE (para sí,
irritado) Y yo... ¡es mi
pupilo!
(aparte)
Por ese
sinvergüenza...
BARÓN (aparte) Cualquiera se
enardece... pero que tenga
cuidado...
DUQUE ... ese verdadero
sinvergüenza!
BARÓN (enfatizando) El marido observa, el marido
observa...
DUQUE (con
exageración) ... pero que tenga
cuidado...
BARÓN (igualmente) ... y si se pasa
de la raya...
DUQUE (en voz baja y
haciendo el gesto de matarlo) ¡A ti,
Querubín!
BARÓN (haciendo el
mismo gesto que el Duque) ¡A ti,
Querubín!
DUQUE ¡A ti,
Querubín!
BARÓN ¡A ti,
Querubín!
DUQUE, BARÓN ¡A ti,
Querubín!
EL FILÓSOFO (aparte) ¡Pobre Querubín!
¡Pobre Querubín!
DUQUE (imitando el
tono del Filósofo y parodiándolo) ¡Pobre Querubín!
BARÓN (al Filósofo
con sorna) Pero que tenga cuidado...
DUQUE Ese verdadero
sinvergüenza... ¡Pero que tenga cuidado! ¡A ti, Querubín!
BARÓN El marido
observa... observa... y si se
extralimita... ¡A ti, Querubín!
EL FILÓSOFO ¡Pobre Querubín!
(con emoción)
Querubín, ¿cuál
será tu destino en esta vida?...
(el
Duque y el
Barón, saliendo, amenazan al
Filósofo,
con imaginarios golpes de espada)
DUQUE, BARÓN ¡A ti,
Querubín! ¡A ti, Querubín!
¡A ti,
Querubín!
(desaparecen)
EL FILÓSOFO ¿Y
cuando alcances
la gloria? Oscuro será, si ya te tienen
envidia. ¡Ay! ¿Quién te
amará?
NINA
(precipitándose, feliz, y expresándose,
vivamente) ¡Seré yo,
Filósofo!
EL FILÓSOFO (feliz,
juntando las manos) ¡Oh destino!
(sonriendo)
¿Y bien?
(con alegría
íntima)
¡Aquí está tu
respuesta!
(cambiando de
tono, a Nina)
¿Dónde vas?
NINA (contrita) Renuncio a
encontrarlo esta mañana.
EL FILÓSOFO
(maliciosamente) ¡Nina, apuesto, a
que estás buscando a Querubín!
(al oír el
nombre de Querubín, Nina sonríe)
¡Ese pícaro!
(ante la
palabra pícaro, Nina lanza un grito de
sorpresa indignada)
¡Ese bribón!
NINA (rebelándose) ¡Ah,
eso es
demasiado ofensivo!
EL FILÓSOFO (haciéndose el
asombrado) ¡Oh!
NINA (furiosa,
enfrentándose al Filósofo) ¡Él es encantador,
sí, señor! Encantador y muy
valiente. Él no tiene un semblante adusto. ¡Y
cuánta alegría tiene en sus ojos! Usted dice: ¡es un
pícaro! Pero yo sé que
sólo es voluble. Y, además, es
lógico que tenga los defectos de su
edad. Lo odian...
dicen que hay que tener cuidado
con él, eso es por despecho, pues más de uno
está celoso de él,
(con un poco de
emoción)
Y es
que él
le gusta a más de una...
(muy cantado)
Nos
agrada, no sabemos por qué. Nos agrada nada
más abrir la boca, y cuando...
tímido... se queda callado... nos agrada porque
parece una rosa.
(más cálida)
Además, es al
amigo al que estoy defendiendo.
(más acentuado)
Y lo defenderé...
(más vibrante)
... más que a mí
misma...
(Ella observa
al Filósofo que, encantado, le sonríe,
radiante)
Pero me estaba
enfadando... ¡Si seré niña!
(Nina cae
emocionada en los brazos del
Filósofo que la
besa)
¡Usted lo ama!
EL FILÓSOFO (con entusiasmo
y cariño) ¡Sí, lo amo!
NINA Lo ama...
¿Tanto como yo?... ¿Tanto?
(los dos permanecen así por un
momento. Oleadas
ruidosas de
risa se acercan
poco a poco. Asustada)
¡Mi tutor!
(amable y
suplicante)
Señor, delante de
él, ¡olvide lo que
acabo de decir! (Ella huye.
Nuevas carcajadas del Duque y el Barón, que
llegan por las escaleras del parque)
DUQUE (desde el fondo
de la escena) ¡Es maravilloso!
BARÓN ¡Es inaudito!
DUQUE (señalando
a un
costado del parque, siempre riendo) ¡Realmente, es
para morirse de risa! (Las voces y
las risas se acercan, y luego se oyen
plenamente)
DUQUE ¡Es
muy tan divertido!
BARÓN (avanza riendo
a carcajadas, se desternilla
de risa) ¡Estoy llorando, Duque!
DUQUE (igualmente) ¡Barón, me muero! (risas)
EL FILÓSOFO (ligeramente
estupefacto) ¿A qué se debe
esta hilaridad?
(nuevos estallidos de risa)
DUQUE (al
Filósofo) Querubín, ese
loco...
(con intención)
Su alumno...
(estallidos de
risa)
Me río tanto que
tengo que sentarme...
(repitiendo su
actuación)
Ayer envió a
Madrid, a toda velocidad,
un mensajero...
(sacudido por
la risa)
Para que esta misma
noche... viniera a actuar y
a bailar aquí, ¿adivine quién?
DUQUE,
BARÓN (insistiendo) ¿Adivine quién?
EL FILÓSOFO (temblando un
poco) Pero... supongo...
que algún histrión...
DUQUE, BARÓN
¡No!
DUQUE A la máxima
bailarina que toda Europa
admira,
DUQUE, BARÓN ¡Ensoleillad!...
La de la ópera.
EL FILÓSOFO (como
desconociendo de quien se trata)
¿Ensoleillad?
DUQUE, BARÓN ¡Sí!
BARÓN (imitando a
Ensoleillad) Esa que baila como
si volara.
DUQUE (igualmente)
Ella, Thais,
Phyrne, Cypris... ¿va a venir aquí?
(bien cantado)
Sin duda,
Querubín está bebido.
BARÓN Él esta alegre.
DUQUE Él esta alegre.
QUERUBÍN (entra y
continúa jocosamente la frase del
Duque y el Barón) Estoy alegre.
DUQUE, BARÓN (un poco
avergonzados) ¡Él!
EL FILÓSOFO (feliz) ¡Él!
QUERUBÍN ¡Estoy alegre!
(con locura
juvenil)
¡Estoy borracho!
Es el sol el que me puso alegre. ¡Es el sol, quien
me emborrachó! Duque, estoy tan
contento de vivir, que podría...
abrazarlo. ¡Tengo diecisiete
años, eso me marea, tengo diecisiete
años! ¡No más tutor! ¡La
libertad!
(con
volubilidad)
¡Quiero hacer
tantas tonterías que ustedes se
horrorizarían! Es el sol el que
me emborrachó...
(con deleite)
¡Estoy ebrio!
(Se echa a
reír, luego recobra el aplomo)
En definitiva, les
digo... en confianza. ¡Miren esta nota!
¡Barón! ¡Duque! ¡Vean!... ¡La estrella de
Madrid, la reina de la danza, La Ensoleillad,
por fin...
(triunfante)
llega esta noche!
DUQUE (sofocado por
la sorpresa, con enojo y cólera) ¡No! ¡Eso no es
cierto! ¡Es imposible!
BARÓN (dando su
opinión con gravedad) ¡Es inadmisible! ¡Grotesco!
DUQUE (apopléjico) ¡Esto es una
locura!
QUERUBÍN (afirmando) Así es. (él lee la nota
de La Ensoleillad con deleite)
DUQUE (con voz
sofocada por la ira, sin atreverse a enfrentarse
con
Querubín directamente, y dirigiéndose
al Filósofo que no sabe como responder) La Ensoleillad...
bailando aquí... ¡Pero eso es una
estupidez inaudita! Muéstreme, señor,
por favor, ¿dónde está el telón?...
BARÓN
(socarronamente) El escenario...
DUQUE (se enjuga el
sudor) Las bambalinas...
BARÓN ¿Los accesorios
del ballet?
DUQUE (Jadeando) Para bailar
la escena de los rebeldes Alciones,
¿Dónde están los portadores? ¿Y las
velas?
BARÓN (escéptico,
volviendo a encarar al
Filósofo) Señor, ¿y la trampilla? Para la
escena de
Belfegor, porque
se necesita una trampilla en
ausencia de decorado.
DUQUE (acalorado,
rojo, fuera de sí, encara al
Filósofo que gira y no sabe a qué
santo pedir ayuda) ¿Y para imitar la
estrella que deben iluminar a los Reyes
Magos?
BARÓN (a Querubín) ¿Dónde, señor, van a colgar
las
nubes?
QUERUBÍN (con la
mayor gracia del mundo) ¡Oh, cálmense,
por favor! No tendremos
apoteosis, ni grandes pasos de ballet.
(galantemente)
Bailaremos algo
muy distinto.
(muy rítmico,
al estilo antiguo)
Bailaremos, es
mucho mejor, a pesar de las
nuevas modas, los viejos bailes
de antaño.
(sin respirar)
¡No conozco otros
más hermosos! Tendremos por
decorado móvil, el follaje donde
Febea se extravía. Y, entre el
lamento del viento, el bello sonido de
las guitarras. No hay necesidad,
para estos ballets, de bastidores,
frisos o telones. Tendremos al
bosque como recinto y por velas... ¡las
estrellas! (Los invitados
de Querubín llegan a la terraza, se saludan y se
asoman sobre
la balaustrada para ver a los
jóvenes que vienen del
pueblo. A lo
lejos se oye el
ritmo de la danza. Querubín pasa
entre los invitados, saludado a los hombres y
besando la mano de las más hermosas)
DUQUE (criticándolo) ¡Está loco!
BARÓN (con compasión) ¡El pobre
muchacho!
EL FILÓSOFO (dulcemente) ¡Qué locura
tan razonable!
(Feliz, a dos
invitados, señalando a lo
lejos)
¡Venga a ver, don
Sancho! ¡Los aldeanos! ¡Tienen puesta su
ropa de domingo! ¡Bailan! ¡Escuche
usted!
QUERUBÍN (dirigiéndose a
la Condesa que acaba de llegar) ¡Condesa! ¡Por
fin!
CONDESA ¡Habla bajo!
QUERUBÍN (besando sus
manos) Madrina... ¡Te
adoro!
CONDESA (turbada) ¡El
Conde se
acerca! ¡Cállate!
QUERUBÍN (por lo bajo y
vivamente) No, aún no puede
vernos... Al fondo del
jardín, en el viejo sauce hueco, cubierto de musgo,
he ocultado esta mañana una carta donde te
digo cuánto te adoro.
CONDESA (emocionada) ¡Una carta!
(alerta)
¡Mi esposo!
¡Cállate! (Llega el
Conde. Querubín hace una graciosa
reverencia. La
Condesa se va con su marido)
BARONESA (Saliendo al
encuentro de Querubín, aspira sales
para ocultar su emoción) ¡Ven aquí!
QUERUBÍN (inclinándose
profundamente) ¡Baronesa!
BARONESA (con excesiva
compasión) ¡Oh, pequeño
imprudente! Hablas en voz baja
a la Condesa... El Conde es muy
celoso, por lo tanto, tiemblo por tu
juventud...
QUERUBÍN ¡Eres demasiado
buena! (La
Baronesa se va con un tierno
suspiro, dejando a Querubín un poco
sorprendido. Luego, Querubín
corre hacia Nina, que llega)
NINA (como una
niñita, a querubín) ¡Ah, Querubín, es
malo, es malo!... Ayer me
hiciste la promesa de acompañarme a
misa ¡y hoy te han
visto montando a caballo!
QUERUBÍN (muy gentil) ¡Ay, es verdad! No
puedo fingir. Pero por estar
lejos de ti, me perdí un
momento muy dulce, y por eso soy
digno de compasión. (Querubín mira
si es observado.
Mientras los
invitados observan la
llegada de los
campesinos, él
aprovecha la oportunidad
para intentar besar a la muchacha,
que lo elude con una carcajada y
huye, amenazándolo
con el dedo)
NINA, CONDESA
BARONESA, NVITADOS (felices) ¡Los campesinos!
EL FILÓSOFO, INVITADOS (dichosos)
¡Van a bailar!
DUQUE (aparte,
señalando a los campesinos que llegan) ¡Los campesinos!
BARÓN (con disgusto) ¡Los campesinos!
EL FILÓSOFO (con
satisfacción) ¡Los campesinos!
¡Van a bailar!
DUQUE, BARÓN (molestos) ¡Van
a bailar!
TODOS, EXCEPTO QUERUBÍN ¡Ellos bailarán! ¡Será divertido!
(El Duque y el Barón, irónicos)
¡Es divertido!
QUERUBÍN (Subiendo a la
escalera del parque se dirige a sus
vasallos, con energía) ¡Venid aquí,
hermosas muchachas! ¡Venid, con
vuestros muchachos! Desde tan
lejos, no vemos brillar vuestros bonitos
ojos. (Muchachos y
muchachas invaden la terraza)
EL FILÓSOFO (aparte,
radiante) ¡Oh, mi Querubín!
¡Oh, mi Querubín!
DUQUE, BARÓN (aparte,
siempre molestos) ¡Campesinos!
¡Van a bailar!
NINA, CONDESA
BARONESA,
INVITADOS ¡Viva Querubín!
¡Viva Querubín!
DUQUE, BARÓN (a un lado,
levantando los hombros) Él es nuestro
anfitrión, ¡Así debe ser!
(lúgubremente)
¡Viva Querubín! Fiesta
pastoral
NINA, CONDESA
BARONESA,
INVITADOS (con
admiración, a Querubín) ¡Bravo! ¡Bravo!
¡Bravo! ¡Bravo! ¡Bravo! ¡Bravo!
¡Bravo! ¡Bravo! ¡Es precioso! ¡Es precioso!
NINA, CONDESA
BARONESA, INVITADOS ¡Es exquisito!
LOS INVITADOS ¡Es adorable,
querido marqués! ¡Es precioso!
¡Adorable! ¡Precioso! (Los muchachos
y las muchachas salen
bulliciosamente)
QUERUBÍN (a las damas,
galantemente) Para ustedes es que se
han decorado las mesas.
(Las mujeres le agradecen)
DUQUE,
BARÓN (para sí
y recíprocamente, gruñendo mucho) ¡Este joven es
insoportable! (Los invitados
salen entre alegres sonidos de risas y
cumplidos. Música a lo lejos)
VOCES (sopranos y
mezzos, a lo lejos) ¡Ah! ¡ah! ¡ah!
¡ah! (una música
dulce suena en el parque a la llegada de los
invitados a la terraza. Querubín se
sienta y se abanica con su pañuelo de
encaje)
EL FILÓSOFO
(radiante, para sí) Cantan, ríen.
Todos están contentos. A esta alegría, a
esta primavera, no hay
aburrimiento que se le resista.
(Querubín lanza un gran suspiro)
¡Qué! ¡Querubín! ¿Estás triste?
(nuevo suspiro)
Hace un momento estabas muy alegre,
(afectuosamente)
¿por qué ahora hay
lágrimas en tus ojos?... ¿Y por qué, tú,
tan alegre, tienes esa cara?
QUERUBÍN (con gravedad) Mi alegría,
Filósofo, es sólo aparente.
EL FILÓSOFO (sorprendido) ¿Por qué? ¡Justo
cielo!
QUERUBÍN ¡No lo sé!
EL FILÓSOFO Pero,
¿por qué!
Celebramos tu ascenso, vas de éxito en
éxito... ¿De dónde viene
tanta tristeza?
QUERUBÍN ¡Ah, siento que
estoy enfermo!
EL FILÓSOFO ¿Enfermo? ¡Estoy
desconcertado!
QUERUBÍN ¡Sí, tengo miedo
de una catástrofe!
EL FILÓSOFO ¿De qué sufres,
querido muchacho?
QUERUBÍN (amablemente
triste) ¡Del corazón, mi
pobre Filósofo!
(lo abraza,
infantil y tiernamente)
Filósofo, dime por
qué mi corazón flaquea cuando escucho a
mi lado el sonido de una falda. Dime por qué me
turbo y me pongo pálido, cuando veo que el
viento levanta los flecos de un
chal. Dime por qué mi
pobre corazón, sin una buena
razón, por una cinta, un
lacillo, se emociona o
desfallece... ¿Cómo puede uno,
por una tela, por un pedazo de
tela, ser afectado tan
profundamente...
(sencillamente)
mi querido
Filósofo?
EL FILÓSOFO (con
cariño y con una dulce tristeza) Pequeño, el mal
que te devora lo conocí hace
mucho tiempo. Me gustaría
sufrirlo de nuevo, porque sólo se
sufre a los veinte años.
(con infinita
ternura)
Ama tu dolor,
pequeño. Ama tu dolor,
pequeño. Nadie lo ha
experimentado sin bendecirlo.
(con exaltación
progresiva)
¡Ama tu dolor! ¡Es tu juventud la
que te estremece, es el amor y es el
futuro!
QUERUBÍN (muy emotivo,
emocionado y feliz) ¡Ah! ¡Filósofo!
¡Qué destino... qué destino!...
EL FILÓSOFO Ama tu dolor,
pequeño.
QUERUBÍN ¡El amor! ¿Ese
es
mi tormento? ¿Él era mi
delirio?
EL FILÓSOFO Ama tu dolor,
pequeño. Es tu juventud la
que te estremece... es el amor.
QUERUBÍN ¡Qué repentina
luz! ¡Al infierno con
la melancolía! ¡Ah, vislumbro la
felicidad!
(Siempre
un poco infantil, con emoción y
ardor)
Y ese
futuro... ¡es el futuro! ¡Quiero amar, amar
con locura, quiero amar a
todas las mujeres a la vez!
EL FILÓSOFO (a Querubín,
tratando de contenerlo, con una sabia
filosofía) Sólo con amar a
una... ya es una opción
peligrosa.
QUERUBÍN (huyendo
alegremente) ¡Pues amo al
menos a dos!
EL FILÓSOFO (mientras
escucha estas últimas palabras, observa
como se
aleja Querubín por la terraza,
sacudiendo la cabeza) ¡Eso significa que
no amas a ninguna! (El Conde
entra, furioso, y le habla al Filósofo que
acude corriendo a su encuentro)
CONDE (con tono seco
y violento) ¿Dónde se esconde
Querubín, lo sabes?
EL FILÓSOFO
(sorprendido y prudente) ¿Qué?
CONDE
¡Si lo sabes, habla!
EL FILÓSOFO ¡Qué indignado
estáis!
CONDE ¿Hablarás?
EL FILÓSOFO Calmaos señor,
vuestra
cólera... ¿Qué hizo Querubín
que tanto os disgusta?
CONDE
¡Quiero verlo!
EL FILÓSOFO (dubitativo) ¿Verlo? ¿Puedo
sustituiros yo?
CONDE ¡Imposible, señor!
¡Voy a matarlo!
EL FILÓSOFO
(estremeciéndose) ¡Matarlo!
CONDE ¡Ese sinvergüenza! Se
ha atrevido a enviarle esta
carta... ¡a la Condesa!
(autoritario,
viendo aparecer a la Condesa
con Nina)
¡Ni una palabra! (El
Filósofo, junto con Nina,
se mantiene un poco aparte)
CONDESA (al
Conde) Te estoy
buscando desde hace rato... Hemos preguntado
por ti en el bosque,
entre los robles...
CONDE (enojado, en
voz baja a la Condesa) ¡Y entre los
sauces!...
CONDESA (aparte) ¡Oh, Dios mío!
CONDE (a la
Condesa,
mostrándole abruptamente los versos de
Querubín) ¿Conoces estos
versos?
CONDESA (muy turbada)
Pues... no. (El
Filósofo y
Nina
se acercan y escuchan)
CONDE (furioso) ¡Puses sí!
(irónico)
El madrigal
comienza así: "¡Para aquella a
quien amo en secreto!"
NINA (aparte, muy
conmovida, vehemente) ¡Mis versos!
CONDE (a la
Condesa) ¿Y bien?
CONDESA Los desconozco...
CONDE (violentamente,
por lo bajo) ¡Pérfida, son para
ti!
NINA (muy
sencillamente) ¡No, no son para ella! ¡Esos versos son
para mí!
CONDE ¿Para ti?
CONDESA (en voz baja a
Nina, que no entiende y la mira con
grandes ojos de asombro) ¡Me salvaste!
EL FILÓSOFO (aparte) ¡Ángel querido!
CONDE (a Nina) ¿Quieres
engañarme?
NINA ¿Yo?
CONDE ¿Cómo puedes probar
que estos versos son para ti?
NINA (sencillamente) ¿Por qué estáis tan
enojado?
CONDESA (aparte,
desolada) ¡Estoy perdida!
EL FILÓSOFO (aparte) ¡Señor, ten piedad
de nosotros!
CONDE (imperativo, a
Nina) ¿Y bien?
EL FILÓSOFO (al
Conde,
tratando de desviar su cólera) Ella es todavía
una niña...
CONDE (furioso) Que me engaña...
NINA
(Ingeniosamente, recitando
los versos de Querubín) "Para aquella a
quien secretamente amo!"
(afectuosamente)
Estos versos
fueron hechos para mí, me lo ha jurado
Querubín.
CONDESA (aparte) ¡Ah! ¡El traidor,
el infame!
EL FILÓSOFO (aparte,
mirando al cielo) ¡Oh, maldito
bribón!
NINA (repite
lentamente la canción de Querubín) "Como no tienes
nada que hacer, llévame pronto a tu lado.
Mi paraíso
preferido, es un cojín sobre
tus rodillas. Apenas notarás mi
presencia, me abstendré de hablar y contendré el
aliento, si mi aliento
puede perturbarte. Así, en mi
corazón doliente, el invierno dará paso a la
primavera. Te pido muy poco: una sonrisa de vez
en cuando... Y si es
demasiado... incluso una mirada será suficiente
para transformarme. Porque sin decir
nada, te amo tanto como un ser
puede amar ".
(sinceramente)
¡Ya lo ve! ¡Conozco todo el
poema de memoria!
CONDE (a Nina,
entregándole el papel) Entonces te lo
devuelvo, Nina, es tuyo.
(a la
Condesa)
¡Y tú, perdóname! (Nina,
confundida, toma el escrito y sale con el
Filósofo que la acompaña a la
terraza)
CONDESA
(Para sí, decepcionada, mientras
el Conde se inclina besando su mano) ¡Es a Nina a quien
él ama!
CONDE ¡Mis sospechas,
señora, eran un delirio! ¡Me arrepiento de
ellas!
CONDESA (se aleja, el
Conde la sigue) Pero...
CONDE Se buena.
CONDESA (tomando, tras
una vacilación, el brazo que le ofrece el Conde) ¡Por esta vez, te
perdono!
(Sale, diciendo
en voz baja, con rencor)
¡Es a Nina a quien
él ama!
EL FILÓSOFO (solo, con una
tierna emoción) ¡Es a Nina a quien
ha elegido! ¡Ah! ¡Querubín!
¡Estoy sorprendido! Yo que temí por tu
joven alma, que temblaba por
tu futuro, ¡sueñas con
casarte con la mujer a la que soñé
unirte!
(Entra Querubín, alegre)
QUERUBÍN ¡Filósofo!
EL FILÓSOFO ¡Ah! pequeño!
¡Ven
rápido! Debo felicitarte. ¡Ven en mis
brazos, estoy feliz!
QUERUBÍN
También yo,
Filósofo... ¡Estoy enamorado!
EL FILÓSOFO Sí, lo sé.
QUERUBÍN (sorprendido) ¿Sabes que la amo?
EL FILÓSOFO Sí.
QUERUBÍN ¿La viste?
EL FILÓSOFO A ella misma
QUERUBÍN ¡Ah! ¿No es verdad
que es maravillosa?
EL FILÓSOFO Su corazón puro se
refleja en el cristal de
sus ojos.
QUERUBÍN (ligeramente
burlón) ¿Es muy pura?
EL FILÓSOFO (pensando que
había oído mal) ¿Qué, cómo?
QUERUBÍN (feliz) ¡Escucha esa
alegre melodía! ¡Mira, allí, va en su silla!
¡Y la llevan dos negros a hombros!
EL FILÓSOFO ¿Quién de nosotros
está loco?
QUERUBÍN ¡Mira, allí,
allí está!
EL FILÓSOFO Pero, ¿no estás
enamorado de Nina?
QUERUBÍN (sorprendido) ¿Yo?
EL FILÓSOFO ¿De quién,
entonces? (señalando el
cortejo de Ensoleillad, que aparece en
escena)
QUERUBÍN (orgulloso y
entusiasta) ¡Mira! ¡Eso se
puede adivinar! ¡Amo a
Ensoleillad!
EL FILÓSOFO (espantado) ¡No!
QUERUBÍN (triunfante) ¡Si! (Envía un beso
a Ensoleillad, que pasa en su
silla de manos y le sonríe) EL FILÓSOFO (desolado) ¡Bondad divina!
ACTO
SEGUNDO
(Patio y jardín
de una antigua e importante posada con un
letrero que dice: "Buen
alojamiento a buen precio". Los viajeros
gritan y despotrican
contra el dueño, contra los mozos y
mucamas de la posada)
VIAJEROS (a gritos) ¡Una habitación!
MUCAMAS (en voz alta) ¡Nada!
VIAJEROS ¡Una habitación!
MUCAMAS ¡Nada!
POSADERO (gritando)
¡Les digo que está todo ocupado!
VIAJEROS ¡Una habitación!
¡Una habitación! ¡A cualquier precio!
POSADERO ¡Nada! Les digo que todo está
ocupado.
MUCAMAS ¡Les digo que
todo está ocupado!
VIAJEROS ¡A cualquier
precio! ¡Una habitación!
¡Una habitación! ¡Una habitación! ¡A cualquier
precio!
POSADERO ¡Todo está
ocupado!
¡Todo está ocupado! ¡Todo está ocupado!
¡Les aseguro que todo está ocupado!
MUCAMAS ¡Todo está ocupado!
¡Todo está reservado! ¡Todo está ocupado! ¡Ya les digo
que todo está ocupado!
VIAJEROS
(Mujeres) (al posadero, amenazantes) ¡No debería poner
un cartel que diga: "Buen alojamiento
a buen precio!" ¡Si no puede
alojar a la gente! LOS VIAJEROS
(Hombres) (igualmente) ¡No debería poner
un cartel que diga : "Buen alojamiento
a buen precio!" ¡Cuando no puede
alojar a la gente!
POSADERO (apoplético) ¡Ah! ¡No tanto
desenfado! ¡A fe mía, que ustedes
no son nobles! ¡El rey da
mañana un gran baile! ¡Vayan a dormir a sus
carruajes!
VIAJEROS (lanzan
exclamaciones de enojo e impaciencia) ¡Ah!
POSADERO ¡Y no estropeen
mi jardín!
VIAJEROS (todos,
exasperados) ¡Majadero!
¡Bribón! ¡Que lo azoten, ¡Que lo maten! ¡Miserable!
POSADERO (acosado por
los viajeros) ¡Criados, a mí!
¡Fuera, turba plebeya!
MUCAMAS ¡Fuera! ¡Fuera!
¡Fuera! ¡Fuera!
VIAJEROS ¡Majadero!
¡Majadero! ¡Bribón! ¡Bribón! ¡Miserable!
MUCAMAS ¡Fuera! ¡Fuera!
VIAJEROS (todos,
gritando) ¡No! ¡No! (Los
mozos y
las criadas, expulsan a los viajeros a
golpes de cepillos, rastrillos, escobas, etc...
Entre gritos y
tumultos, llegan la Condesa y la Baronesa)
CONDESA ¡Ah, Baronesa, por fin estamos
aquí!
BARONESA ¡No puedo más,
mi querida Condesa!
POSADERO
(para sí) ¡Condesa! ¡Baronesa!
(con
suficiencia)
¡Ah,
estas sí que son auténticas nobles!
(adelantándose
e inclinándose)
Señoras, mis
respetos, me postro a sus
pies.
BARONESA (al dueño,
interrumpiéndolo) ¿Dónde están
nuestras habitaciones?
CONDESA ¿Supongo que
nuestros esposos ya reservaron
nuestros apartamentos?
POSADERO
(precipitadamente) Sí, dos encantadores
apartamentos. Uno de ellos es totalmente
azul; el otro es de
color rosa, Sus señorías
pueden comprobarlo... Es allí.
CONDESA (mirando con
gestualidad) ¿Ese balcón de en
medio?
BARONESA (pretenciosa,
sentimental) ¿Donde las glicinas
se enredan?...
POSADERO No... las dos
ventanas vecinas... Allí...
CONDESA
(sobresaltándose) ¡Un tragaluz!
BARONESA (horrorizada) ¡Un ojo de buey!
POSADERO Los muebles son
totalmente nuevos.
BARONESA ¡Es espantoso!
CONDESA ¡Horrible!
BARONESA ¡Lúgubre!
POSADERO (alabando el
lugar) Da al sur... ¡y eso es muy
saludable!
CONDESA (ultra
nerviosa) ¡Elegirnos estos
tugurios! ¡Nuestros esposos
estaban ebrios!
(decididamente)
¡Arrendaré la otra
habitación a cualquier precio!
POSADERO Es imposible.
CONDESA ¡Ah! ¡Qué,
bellaco! ¿Ignora usted mi rango?
BARONESA ¿Mi título?
POSADERO (inclinándose
profundamente) Aunque fueran
princesas de Bagdad, ¡lo mismo las
rechazaría!
CONDESA La ira me domina. ¡Villano! ¿Alojas
esta noche al Rey de España?
POSADERO
(misteriosamente) El rey, no... pero
¿quién sabe... la Reina? ¡La Ensoleillad!
CONDESA ¡La bailarina!
BARONESA ¡Una cualquiera!
CONDESA ¡Ah, qué sofoco!
BARONESA ¡Estoy furiosa!
CONDESA ¡Me sofoco!
BARONESA ¡Estoy furiosa!
POSADERO (de improviso) ¿Qué es ese
ruido?
CONDESA (al Conde,
con agitación) Señor, ¡es un
ultraje indignante!
BARONESA (encumbrándose) ¿De qué sirve
nuestra virtud?
CONDESA (de igual modo) ¿De qué vale
nuestra nobleza? Si para alojar a
una desvergonzada...
BARONESA Si para alojar a
una desvergonzada...
CONDE (amilanado) ¡Silencio!
EL BARON (que entró con
el Conde, de igual modo) ¡Silencio!
CONDESA, BARONESA ¡Nuestro prestigio
decae! ¡De qué sirve nuestra virtud!
CONDE, BARÓN, POSADERO.
(Los tres con misterio) ¡Silencio!
¡Silencio! ¡Hablad quedamente!
CONDESA,
BARONESA ¡Nuestra
virtud!
CONDE, BARÓN, POSADERO. ¡Silencio! ¡Hablad en voz
baja!
CONDE Lo aconseja la
prudencia.
CONDESA,
BARONESA ¿Por qué?
BARÓN
(confidencialmente) Parece ser que...
CONDE, BARÓN, POSADERO.
... es el Rey quien la
envía.
DUQUE (Entrando) ¡Hola! ¡Hay alguien aquí!
CONDESA,
BARONESA ¡El Duque!
DUQUE (a la
Condesa y
a la Baronesa) ¡Señoras!
(Lea besa las manos y
saluda al Conde y al Barón)
Caballeros, el deber los reclama. ¡El Rey
recibe dentro de un momento!
CONDE,
BARÓN ¡Vamos! (El
Conde y el
Barón se inclinan, los sirvientes los ayudan)
DUQUE
(misteriosamente, al posadero) ¿El apartamento?
POSADERO (mostrando la
ventana del balcón) ¡Aquel es!
DUQUE (al posadero) Bien...
El huésped
llegará pronto... (le da unas
monedas al posadero)
POSADERO (inclinándose
profundamente) Que bondadoso es
su señoría...
DUQUE ¡Adiós, señoras!
CONDESA,
BARONESA
(haciendo una reverencia) ¡Duque, adiós!
(Salen el Duque, el Conde y el Barón)
CAPITAN
RICARDO, 6 MANOLAS y 6
OFICIALES (Acercándose, se oyen
las voces de los oficiales y sus
acompañantes) ¡El vino te pone alegre y
el amor te vuelve loco!
POSADERO (yendo
a mirar afuera) ¡Ahí llegan los
oficiales! (Da
una palmadas y los sirvientes llegan
trayendo mesas, sillas, etc)
RICARDO ¡Viva Baco!
RICARDO,
MANOLAS, OFICIALES ¡Viva Afrodita! ¡La
vida es muy corta!
RICARDO
¡Hay que divertirse!
RICARDO,
MANOLAS, OFICIALES ¡Por eso hay que
divertirse! (El alegre
grupo invade
el jardín de la posada)
MANOLAS (sopranos,
gritando) ¡Pasteles!
¡Pasteles! (Oficiales y
Manolas se sientan,
se abrazan, ríen y
gritan)
OFICIALES (tenores,
exclamando) ¡No ese vino! ¡No!
CONDESA (al posadero) ¿Quiénes son esas
mujeres?
POSADERO Hijas del placer.
BARONESA
(entrando con la Condesa a la posada)
¡Este albergue es infame!
RICARDO,
MANOLAS, OFICIALES ¡El vino te alegra
y el amor te vuelve loco!
RICARDO ¡Soy yo, Ricardo,
el que invita!
POSADERO ¡Hola! A estos señores
servidles mi viejo vino de
Manzanilla.
(Nuevas exclamaciones de felicidad)
MANOLAS (Gritando) ¡Pasteles!
RICARDO (al posadero,
antes de beber y mostrando su vaso lleno) ¿Es bueno?
POSADERO (sin atreverse
a avanzar demasiado) ¡El mejor!
MANOLAS,
OFICIALES (con alegría) ¡La
vida es muy corta!
RICARDO (Arrogante,
al posadero) Si todo no está
perfecto, posadero, te
ahorcaremos. Dentro de un momento
celebraremos, con estas hermosas chicas,
la llegada de un nuevo compañero... ¡El corneta
del regimiento!
POSADERO (alejándose) Quedarán
satisfechos. (las Manolas
arreglan sus
peinados, y
sacuden sus mantillas)
UNA MUCHACHA ¿Qué edad tiene
ese corneta?
RICARDO (sin darle
importancia) ¡No sé!
OTRA NIÑA ¿Veinte años?
OTRA ¿Treinta años?
OTRA ¿Es rubio?
OTRA ¿Es guapo?
OTRA ¿Sus títulos?
LA
1ª ¿Su país?
LA 2ª ¿Su rango?
RICARDO ¡Basta de
tonterías!
(Agarrando por
el talle a una tal Pepa)
¡Piensa en
nosotros! ¡Que él se vaya al diablo!
DOS OFICIALES ¡Tiene razón!
OTROS CUATRO
OFICIALES ¡Tiene razón!
TODAS LAS
MANOLAS (gritando) ¡Pero
estamos aquí para recibirlo!
QUERUBÍN (apareciendo en
el umbral de la posada) ¡Camaradas!
¡Guapas! ¡Os saludo!
RICARDO, OFICIALES (sorprendidos) ¡Es él! ¡Es él!
¡Qué pequeño es!
MANOLAS (sorprendidas) ¡Es él! ¡es él!
¡Qué amable! ¡Qué gracioso!
RICARDO ¡Mi sable es más
alto que él!
UN OFICIAL MUY
GRANDE (bajo o
barítono, con gran voz) ¡Nos llega a la
cintura!
RICARDO, MANOLAS, OFICIALES ¡Qué
bajito
es!
QUERUBÍN (mordiéndose
los labios, llega con gallardía junto a ellos)
No soy alto, pero... soy muy dulce. Veréis que bajo la
metralla podré mantenerme erguido. ¡Y en la
primera batalla pareceré más alto
que todos vosotros!
MANOLAS (aplaudiendo a
Querubín) ¡Bravo! ¡Bravo!
¡Bravo! ¡Bravo! (Querubín
abraza y galantea a una
de las chicas,
justamente a Pepa)
OFICIALES (furiosos)
¡Cómo, la abraza!...
¡La acaricia!...
RICARDO (furioso)
¿A mi chica? ¡Le daré una lección!
(avanzando)
¡Eh, dos
palabras, muchachito!
QUERUBÍN (Se estremece
ante esta interpelación) ¡Estoy a su
servicio, buen hombre!
RICARDO (sin
respiración) ¡Buen hombre!
¿Quieres que te aporree?
QUERUBÍN (pone la mano
sobre su espada) ¡Hazlo, si te
atreves!
LAS MANOLAS (con arrebato) ¡Bravo! ¡Bravo!
RICARDO (fuera de sí) ¡Su audacia es
insuperable!
(a Querubín)
¡Si
le das un
beso más, te cortaré las
orejas! (Él pone la
mano sobre su espada, Querubín lo detiene con
un gesto)
QUERUBÍN (a Ricardo,
gentilmente) Si sacas a
ventilar tu espada por cada beso que
doy, ¡te batirías
demasiado a menudo!
RICARDO (a sus amigos,
señalando a Querubín) ¡Se está riendo de
nuevo!
QUERUBÍN (continuando) Pero si tientas a
tu destino, te batirás hasta
quedar sin aliento. ¡Te batirás de la
tarde, a la mañana
(sin respirar) y por la noche!
¡La noche me inspira!
(con un pequeño
ataque de rabia)
¡Te batirás hasta
el infinito, tendrás calambres
y fiebres!
(muy sonriente
y burlón) ¡Hay menos abejas
en una colmena que besos en mis
labios!
RICARDO (desenvainando) ¡Batámonos
entonces!
QUERUBÍN (con su mejor
sonrisa) ¡De acuerdo! (Los
mozos
corren y abren la gran puerta del
fondo. Una joven, muy elegante, baja
de un carruaje, lleva un antifaz)
LAS MANOLAS (a Ricardo, a
Querubín y a los oficiales) Envainad las
espadas. ¡El duelo está prohibido!
QUERUBÍN (Observando los
movimientos de la joven mujer) ¡Qué figura! ¡Y
qué rostro tan bonito!
(a las Manolas) Señoras, déjenme
pasar, voy a abrazar a
esa enmascarada. (Entra Ensoleillad enmascarada, seguida por su
séquito de damas)
LAS MANOLAS (a Querubín)
¿La conocéis?
QUERUBÍN (sin cuidado) ¡Para nada! (Querubín besa
a Ensoleillad en el cuello y ella se quita la máscara.
Querubín, sorprendido, la
reconoce)
ENSOLEILLAD (a Querubín) ¿Eres tú?
QUERUBÍN ¡Eres tú!
(doblando la
rodilla y besando su mano)
¡Ah, tengo
el alma pesarosa! ¿Me perdonarás
mi brusquedad?
ENSOLEILLAD (haciéndole
señas para que se levante) Pues sí, ¡el beso
fue brusco y mal dado!
(ofreciendo su
mejilla)
¡Hazlo mejor esta
vez, y serás perdonado! (En medio de
los vítores y las risas de las Manolas,
Querubín besa a Ensoleillad en los labios)
RICARDO (a Querubín,
impaciente) ¡Señor, estoy esperando!
QUERUBÍN (desenvaina) ¡En guardia!
ENSOLEILLAD (queriendo
detenerlo) ¿Qué? ¡Un duelo!
¡Están locos!
QUERUBÍN Un buen ángel me
cuida porque me bato
delante de ti.
(a las Manolas,
simple y galante)
Les pido que se
acomoden.
(a los
Servidores)
Doncellas,
criados, traigan sillas... (Los oficiales
ayudan a las damas para que se ubiquen
cómodamente para asistir al duelo,
tiempo durante el cual llegan los violines)
GRAN OFICIAL ¡Aquí están los
violines para la fiesta!
RICARDO (nervioso)
¡Que se vayan!
QUERUBÍN (muy alegre) De ningún modo, ¡batámonos con
música!
RICARDO ¡Que se vayan! ¡Esto es pueril!
QUERUBÍN ¡No! ¡Dejadlos
entrar!
ENSOLEILLAD (enviándole un
beso y una rosa) ¡Es heroico!
RICARDO (a Querubín) ¿Estás preparado? Porque la mano me
está picando.
QUERUBÍN (a
Ensoleillad, habiendo recogido la rosa) Tus pies no tienen
taburete.
(a Ricardo)
¡Estoy listo!
(a los
violines)
¡Señores!
(Les arroja una
bolsa de monedas a los músicos,
luego se pone en la boca la rosa de
Ensoleillad y se pone en guardia. Los
violines afinan)
¡Una gavota!
(El duelo comienza al ritmo de la música)
ENSOLEILLAD ¡Tengo miedo!
RICARDO ¡En guardia!
QUERUBÍN (hablando) ¡Fallaste!
ENSOLEILLAD (escondiendo la cara
con su abanico) ¡Dios mío!
DOS MANOLAS (a dúo) ¡Tengo calor!
OTRAS ¡Tengo frío!
ENSOLEILLAD ¡Señor! ¡Tiemblo!
LAS MANOLAS (pequeño grito
de miedo) ¡Ah!
QUERUBÍN
(a los músicos, mientras se bate) Eso, señores
del arco, oigamos... ¡un pequeño
ensamble!
(el posadero entra con El Filósofo. Las
chicas gritan. Querubín está a punto de ser
herido. Ensoleillad
se desmaya y todos la rodean)
EL FILÓSOFO (desconsolado) ¡Un duelo!
POSADERO ¡Un duelo, en mi
casa!
(gritando)
¡Alguaciles!
(ante esta
palabra, gran bullicio)
¡Alguaciles!!
QUERUBÍN (agarrando al
posadero por el cuello) ¡Cállate!
¡Cállate! (Querubín
suelta al posadero
para correr a los pies de
la desmayada Ensoleillad)
MANOLAS,
OFICIALES ¡Qué algarada!
RICARDO (Al ver a
Querubín a los pies de La
Ensoleillad) Pero... ¿qué estás
haciendo ahora?
OFICIALES (calmando a
Ricardo) ¡Calma, camarada!
EL FILÓSOFO (con pánico, al
capitán Ricardo) ¡Qué! ¡Estoy temblando!
¡Quería usted matar
a ese niño?...
RICARDO (furioso) Di más bien: ¡a
este insolente!
(temblando de
ira)
¡Abrazó a Pepa, mi chica! Es un ultraje. EL FILÓSOFO
(indulgentemente) ¡Una caricia!
RICARDO ¡La ofendió!
EL FILÓSOFO (corrigiéndolo) La abrazó.
RICARDO ¡Es un insulto, no
me cabe duda!
EL FILÓSOFO ¡Ah!
(con vivacidad)
¡Como se ve que
usted no es mujer!
(Toda esta
escena se desarrolla con agitación,
tierna emoción y calor
creciente)
Recuerde, señor,
que estamos en primavera... Que la niña es
bonita ¡y que él tiene
diecisiete años!
(Con emoción y agitación)
¡Diecisiete años! Es un corazón al
que el amor ilumina. Uno sueña...
canta... ríe... se quiere morir,... Y se siente
desdichado por no poder sufrir...
(apasionado)
¡Y el alma florece
como hierba en primavera! Así que piense
usted... ¡diecisiete años! Así que piense...
¡diecisiete años! ¡Diecisiete años!
(con lágrimas)
¡Diecisiete años!
RICARDO (emocionado,
tomando las manos del Filósofo) ¡Ah,
tiene usted
razón!
POSADERO (entra
corriendo, limpiándose la frente mientras mira a
Ensoleillad que le sonríe a
Querubín) ¡Qué descrédito
para mi casa!
QUERUBÍN (yendo hacia
Ricardo) ¡Vamos! RICARDO
(bondadosamente, tendiéndole
la mano a Querubín) ¡Lu mano!
POSADERO (desesperado de
lo que está pasando) ¡Ensoleillad se
desmayó!
MANOLAS,
OFICIALES ¡Era
Ensoleillad!
POSADERO (con la voz
quebrada por la emoción) ¡Señores! Tengo el
honor... de recibir en casa... a Ensoleillad... convocada a Palacio... ¡por el Rey!
RICARDO,
MANOLAS, OFICIALES ¡Por el Rey! (Mientras que
Querubín ha vuelto
junto a Ensoleillad,
el Filósofo aprovecha la oportunidad
para influir en los asistentes)
EL FILÓSOFO Si el
Rey se
entera de esto, estaremos
perdidos...
RICARDO, POSADERO,
MANOLAS, OFICIALES
(asustados) Si el Rey se
entera de lo sucedido, ¡estaremos
perdidos! ¿Qué podemos
hacer?
ENSOLEILLAD (Se levanta
mientras se abanica, muy graciosa y
provocativa) ¡Bah, señores, todo está
arreglado! Ustedes hablan de un crimen,
pero no se han matado. El duelo fue
sólo un juego de esgrima.
(El Filósofo,
encantado, regresa de la posada sofocado
y enjugándose el rostro. Trae una copa de
champán en la mano y sonríe)
¡No más
preocupaciones! ¡Alegría! ¡Ah, bebamos para que la
alegría renazca en nuestras almas! Muchachas, ¡bebed
por la juventud!
(estallido de
risas y embriaguez)
¡Ah,
jóvenes,
bebamos por la belleza!
(dulcemente)
¡Por la Belleza!
(tierna y
amorosa)
Bebo por
los amantes, por los corazones felices, por los corazones
rotos... ¡Amigos! ¡Bebo
por las caricias, y por todos
los besos! ¡Sí! ¡Bebo por
todos los besos! Bebo por los besos
y caricias... ¡Por todos los
besos!
QUERUBÍN,
RICARDO, MANOLAS, OFICIALES (Las Manolas y
los Oficiales, con alegría
entusiasta) ¡Por
Ensoleillad! ¡Por Ensoleillad! ¡Por la reina del
amor y la belleza!!
ENSOLEILLAD ¡Bebo por la
belleza!
(rodeada de
todos los jóvenes y muchachas bonitas)
Está bien, acepto
la realeza, y dado que soy
soberana, en el lugar del
duelo, aquí mismo... ¡Abro el baile! ¡Que me siga quien
me ame!
(muy marcado y
bruscamente)
¡La! ¡La! ¡La! (baila una danza española) TODOS
(entusiastas) ¡Brava! (grito
prolongado)
POSADERO (acudiendo
presuroso) Señora, en su
apartamento ya está preparado el
tocador.
QUERUBÍN (con pena) ¿Se marcha?
RICARDO,
MANOLAS, OFICIALES (desolados) ¿Se marcha, usted?
ENSOLEILLAD (con
melancolía) Los mejores
momentos, por desgracia, tienen corta
duración.
QUERUBÍN,
RICARDO, MANOLAS Y
OFICIALES ¿Se marcha, usted?
ENSOLEILLAD ¡Adiós, adiós, mi
pequeña corte, un destino lejos de ustedes me
llama! Pero en palacio,
cuando sea Reina, añoraré este reinado de un
día. ¡Adiós, mi
pequeña corte! ¡Adiós!
QUERUBÍN,
RICARDO, MANOLAS, OFICIALES ¡Adiós, reina de un día! ¡Adiós!
ENSOLEILLAD (a Querubín,
antes de marcharse) Espero volver a
verte.
QUERUBÍN (muy tierno) ¡Ah! ¡Cuánto te
amo! (Ensoleillad desaparece)
OFICIALES (a Querubín,
antes de partir) ¡Adiós, camarada,
hasta mañana!
RICARDO (a Querubín)
Mi estima por ti es extrema. ¡Estrechémonos
la mano de nuevo!
OFICIALES (cordialmente) ¡Adiós, camarada,
hasta mañana!
QUERUBÍN (a los amigos
que se están alejando) ¡El vino te
alegra, el amor te vuelve loco! ¡Viva Baco!
MANOLAS, OFICIALES
(desapareciendo) ¡Viva Afrodita!
QUERUBÍN ¡La vida es mu y corta!
MANOLAS,
OFICIALES (bastante
lejos) Por eso hay que
divertirse...
QUERUBÍN ¡Es necesario
divertirse mucho!
(el crepúsculo comienza a caer)
OFICIALES (muy lejos ya) ¡El vino te
alegra, el amor te vuelve loco! ¡Viva Baco!
EL FILÓSOFO (que acaba de
entrar y escucha las voces menguantes, a
Querubín) Medita sobre esto,
Querubín, y ten cuidado...
QUERUBÍN (nervioso, y
cortándole la palabra) ¡Déjame, hablas
demasiado!
EL FILÓSOFO (agarrándolo) ¿Qué tienes?
QUERUBÍN ¡Me contengo para no
provocarte!
EL FILÓSOFO ¡Cómo!
¿A mí?
QUERUBÍN He fallado en mi
primer combate; y mi primer duelo
ha sido un fracaso.
EL FILÓSOFO (estupefacto) ¡Qué!
¿Es eso lo que te molesta? Realmente, es para
desesperarse.
QUERUBÍN (mirando la
ventana iluminada de
Ensoleillad) Ensoleillad
delante de su espejo debe, en este
momento, estar acicalándose.
EL FILÓSOFO (preocupado) ¡Vámonos!
QUERUBÍN ¡No! (Mientras
Querubín va y viene
tratando de ver a
Ensoleillad, el Filósofo lo sigue mientras
habla, y Querubín
responde muy
distraídamente)
EL FILÓSOFO El Duque te
detesta, y el Conde se
aloja aquí.
QUERUBÍN (en voz
baja) Razón de más para
que me quede; así veré a mi
madrina también.
EL FILÓSOFO Piensa en el
peligro que corres.
QUERUBÍN ¿Me tomas por
un cobarde?
EL FILÓSOFO (cada vez más
agitado) Esa ventana es la del
Barón.
QUERUBÍN ¡Bravo! ¡Veré a la
Baronesa!
EL FILÓSOFO Pero elige una a
la vez.
QUERUBÍN (muy
seriamente) Me gustaría, pero
no puedo.
EL FILÓSOFO ¡Las amas a todas
juntas!
QUERUBÍN (finalmente se
detiene para aclarar una vez más el
espíritu de su antiguo maestro) No puedo elegir
solamente a una, ¡las mujeres son
demasiado hermosas! ¡Una mujer! ¡Una
mujer!
(muy
dulcemente y animado)
Esa palabra me
enternece... ¡Perfuma mi alma!
(sin aliento)
¡Mujer! Esa palabra es mi
palabra favorita, qué dulce palabra:
¡mujer! No puedo dejar de suspirar... ¡ese
nombre me embriaga! ¡Mujer! Qué palabra
tan encantadora... Qué caricia... Y no puedo elegir. ¡Cada una
de ellas, convierte a mi corazón, en una
llama!
(dulcemente)
Y me enamoro al
instante... ¡Tan pronto como
pasa una!
EL FILÓSOFO Para ser mi
alumno, ¡menudo bribón estás hecho!
QUERUBÍN (Al
Filósofo,
que se aleja cansadamente) ¡Ese es tu
castigo!
(sigilosamente
va hacia
la ventana de
Ensoleillad)
¡Ah, si pudiese hablarle! EL FILÓSOFO (exhortándolo
cariñosamente) Pequeño,
apártate... Ensoleillad trata todos los días
con los más
refinados seductores de la
Corte. ¡Vas a hacer
el ridículo!
QUERUBÍN Me quedo.
EL FILÓSOFO ¿Por qué te
obstinas?
QUERUBÍN (con aire
rebelde y decidido) Porque... tú,
(con ímpetu)
me diste los
consejos necesarios para seguir.
EL FILÓSOFO
¿Yo? ¡Dios
todopoderoso! Estaría borracho...
QUERUBÍN (con gran
seriedad) Filósofo, ¡estabas
borracho!
EL FILÓSOFO (consternado) ¡Justo cielo! ¿Y
qué te dije?
QUERUBÍN (sentencioso) Me has dicho:
(ligero, vivo,
con volubilidad)
Si quieres seducir
a muchas mujeres, es así como tienes
que comportarte...
EL FILÓSOFO (salta,
interrumpiéndolo) ¡Dulce Jesús!
QUERUBÍN (con un
sentimiento de ruego en la voz) ¡Ah!
(de repente,
observando que la ventana de Ensoleillad
se abre)
¡Vete!
EL FILÓSOFO Pero no, no hace
falta.
QUERUBÍN (más imperioso
cada vez) ¡Vete de una
vez!
EL FILÓSOFO (saliendo
abrumado) ¡Mea culpa! (Ensoleillad
aparece detrás de la baranda de su balcón de
hierro forjado)
ENSOLEILLAD ¿Quién
está hablando en plena noche? ¿Qué es esa sombra
sobre la hierba?
QUERUBÍN (en voz baja)
Seamos dulces y tú, mi musa, inspírame alguna
canción.
ENSOLEILLAD (iluminada por
la luz de su habitación) La luna se
extiende en un marco de oro, la brisa es cálida
como un baño... La noche me pone
sentimental.
QUERUBÍN (aparte) Estás enfermo,
Querubín.
(Canta mientras
se acompaña con su espada como guitarra)
¡Señora! Tengo
apenas veinte años y soy un
adolescente;
(sin aliento)
Pero tengo tanto
amor y tanta pena que ya me estoy
consumiendo... Mis labios
desconocen lo que es un beso, todos mis sueños
son huérfanos, y soy muy joven
aún.
ENSOLEILLAD (con un interés
ligeramente burlón) ¿Te jactas de eso?
QUERUBÍN ¡Lo lamento!
ENSOLEILLAD ¡Pobre niño!
¡Pareces sincero!
(Ella piensa
por un segundo y
regresa lentamente a la
habitación donde desaparece diciendo)
No lo lamentes... ¡Voy a bajar para
consolarte!
(la luna ilumina todo el jardín)
QUERUBÍN (de repente
emocionado y temblando) ¡Ensoleillad
aquí! ¡Estaremos juntos! ¡Dios mío! Realmente esta vez
estoy temblando...
(aparece
Ensoleillad, un momento de emoción, luego con
voz temblorosa)
¡Ensoleillad!
(Él lleva a
Ensoleillad a un banco y la mira extasiado)
¡Aquí! ¿Junto a
mí?
ENSOLEILLAD ¡Niño!
QUERUBÍN ¡Qué hermosa
eres!
(sinceramente
conmovido)
¡Ay! ¡Ensoleillad! (se produce una
pausa)
ENSOLEILLAD (plácidamente y
acariciante) ¿Por qué hay
melancolía en esos grandes
ojos?
QUERUBÍN (con llanto en
la voz) Te vas mañana... (Sonriendo,
secando las lágrimas de Querubín con su
fino pañuelo)
ENSOLEILLAD Pero esta noche
no.
QUERUBÍN (muy
desdichado) Pero no podré
verte de nuevo... Y pronto, quién
sabe, mañana mismo... te habrás olvidado
de mí...
(muy
emocionado)
El Rey te ama.
ENSOLEILLAD (amorosamente y
con ímpetu) ¡Qué importa el
mañana y todo el futuro!
(con infinita
ternura)
Mi alma te habla
(en voz baja)
y tu corazón me
escucha. Sueña que esta
noche no va a terminar...
(con abandono)
Porque por una
noche te pertenezco
totalmente. Admira la noche. La luna tiene tanta claridad que un pájaro,
sorprendido, creyendo ver el
amanecer, desde su
nido ha comenzado a cantar. Escucha, toda la
foresta está despertando... Escucha... El viento, muy
suave, nos susurra al oído: ¡amantes, habláis demasiado, apresuraos a
amar!
QUERUBÍN Tu alma me
habla...
ENSOLEILLAD, QUERUBÍN
... y mi / tu corazón la escucha... Soñemos que esta
noche no debe terminar. ¡Ah! ¡Qué importa
el mañana! ¡Y todo el futuro! ¡Tú eres
yo, y yo soy totalmente mía /tuya! ¡Totalmente tuya /
mía)
ENSOLEILLAD (muy
amorosamente) Te pertenezco
totalmente... Te pertenezco
totalmente...
(la luna se oculta)
QUERUBÍN ¡Totalmente!
ENSOLEILLAD, QUERUBÍN (caminando hacia el
bosque) ¡Totalmente (tuya
/ mía)! (Abrazados, los
dos enamorados se dirigen al bosque)
CONDE (apareciendo
por la puerta del carruaje que
cierra tras de él) ¿Y bien?
DUQUE (en la puerta
del albergue) ¿Nadie?
BARÓN (en la puerta
de los apartamentos) ¡No, nadie!
DUQUE (mientras el
Conde y el Barón
inspeccionan) Ni la Condesa ni la
Baronesa me dan miedo esta
noche. ¡Si tiemblo es por
el Rey! ¡Por el Rey!
CONDE Situémonos.
DUQUE Ubiquémonos.
BARÓN Aclarémonos.
DUQUE Yo vigilo la
puerta.
BARÓN Yo vigilo el
huerto.
CONDE Yo vigilo los
pasillos.
DUQUE De esta manera
conjuraremos el peligro. ¡Seamos
inteligentes!
CONDE ¡Seamos prudentes!
BARÓN ¡Seamos
diligentes!
DUQUE, CONDE, BARÓN.
Mientras todos
descansan... ¡Vigilemos!
¡Vigilemos!
DUQUE Tened en
cuenta, amigos míos, ¡que sólo debemos
pensar en el Rey!
CONDE ¡Seamos
inteligentes!
BARÓN ¡Seamos
prudentes! (Mientras que
el Duque, el Conde y el Barón van hacia
el fondo de la escena, Ensoleillad
y Querubín aparecen en la linde del bosque)
QUERUBÍN (amorosamente) ¡Ensoleillad!
ENSOLEILLAD (Muy
sobresaltada, viendo a los tres hombres) ¡Tengo miedo!
¡Están allí!
QUERUBÍN (observando,
luego tomando rápidamente una decisión) ¡Mi pajarito! Voy a
despistarlos. Los voy a engañar. Da tú un rodeo por
ese sendero. ¡Por allí!
(Él la abraza,
burlándose)
¡Para un certero cazador,
una presa astuta!
(Ella elude a
los tres hombres y entra en la posada. Querubín
desaparece en el momento en que
los tres hombres se separan. Se escucha la
voz de Querubín)
Como no tienen
nada que hacer... (Los tres
hombres regresan
rápidamente uno junto al
otro)
DUQUE, CONDE Y BARÓN. ¡Querubín! ¡Es él!
QUERUBÍN Iré rápidamente junto a ustedes...
BARÓN
¡De allí sale su
voz!...
DUQUE Se ha callado...
VOZ DE
QUERUBÍN ¡Ah!
CONDE ¡No!
DUQUE ¡Todavía canta!
BARÓN ¡Todavía está
cantando!
VOZ DE
QUERUBÍN (como más
alejado) ¡Mi paraíso
preferido es un cojín sobre
tus rodillas!
DUQUE, CONDE, BARÓN. El sinvergüenza
está en el bosque... Esta vez lo
tenemos. (Ensoleillad,
preocupada, aparece en el balcón, escucha
las voces de los tres hombres y
grita: «Ea»)
ENSOLEILLAD ¡Ea!
(emocionada)
Los escucho en su
persecución... Pero Querubín se
ríe de ellos. ¡Ay, la felicidad
qué rápido pasa
(plácidamente y
acariciante)
¡Estábamos tan
bien. los dos solos! Sus labios
buscaban mis labios en las sombras...
(apasionada)
¡Querubín!
¡Vuelve! ¡Ah, regresa!
VOZ DE
QUERUBÍN ¡Estoy aquí!
ENSOLEILLAD (mirando en
vano) ¡Querubín!
QUERUBÍN (siempre
invisible) He despistado a
esos pesados.
(riendo)
El
Duque maldice
tan fuerte que el bosque se
alborota.
ENSOLEILLAD Pero... no te
veo... ¿Dónde te ocultas?
QUERUBÍN (apareciendo a
horcajadas sobre el muro) ¡Aquí estoy!
ENSOLEILLAD ¡Cielos! ¡Sobre el muro!
QUERUBÍN (aprestándose a
bajar) ¡Ay!
ENSOLEILLAD ¿Qué tienes?
QUERUBÍN (descendiendo a
través del enrejado) ¡Me duele!
ENSOLEILLAD ¿Dónde?
QUERUBÍN (continuando su
descenso) No en la oreja. Es que me he
sentado sobre un culo de
botella.
ENSOLEILLAD (divertida y
feliz) ¡Ten cuidado!
QUERUBÍN (saltando al
suelo) ¡Ya bajo!
(Toma una
escalera y la aplica al balcón de
Ensoleillad. Querubín sube y se encuentra
inmediatamente en la parte superior de la
escalera, pero no puede saltar la baranda del
balcón. Alegremente)
¡Para
subir mejor!
ENSOLEILLAD ¡Ah, Dios mío!
QUERUBÍN (logra, a
través de los barrotes abrazar a su amiga, y dice
triunfante) ¡Aquí estoy!
ENSOLEILLAD ¡Querubín!
QUERUBÍN ¡Mi hermosa dama! (Se abrazan, la
luna los baña
con gran luminosidad)
ENSOLEILLAD (con ansiedad) ¡Amor! ¡Amor!
(siempre
apasionadamente)
Cuando tú
intervienes, los celos parecen surgir de
todos lados. Los amantes que
se quieren....
QUERUBÍN Tú los
atraes con tu aleteo...
(con impulso)
¡Amor! ¡Amor!
(siempre
apasionado)
Escucha mi voz.
ENSOLEILLAD Febe brilla sobre nuestros
rostros.
QUERUBÍN Los celosos nos verán desde el bosque...
ENSOLEILLAD
Se esconde la luna... Se esconde tras una nube.
(la luna se oscurece)
QUERUBÍN (alegre) ¡Milagro! Eros
responde... ¡Y Febe se
oscurece!
ENSOLEILLAD, QUERUBÍN ¡Eros,
dios de la
alegría, Eros! ¡Oh tú, que nos
haces morir con mano
acariciadora!... ¡Divino Eros, Eros
gracias! (De repente, las
persianas de las ventanas de la
Baronesa y de la
Condesa se abren)
ENSOLEILLAD (asustada) ¿Oyes ese ruido?...
¡Baja!
(Querubín se desliza por la escalera. Ensoleillad
se oculta por un momento en su habitación)
CONDESA (desde su
ventana) ¿Quién anda ahí?
QUERUBÍN (Para sí) ¡Mi madrina!
BARONESA (apareciendo de
la misma manera) ¿Quién está
hablando ahí?
QUERUBÍN (Para
sí) ¡Señor, también la otra!
(en voz alta, a
la Baronesa)
¡Soy yo!
CONDESA ¿Qué?
QUERUBÍN (a la Condesa) ¡Soy yo!
CONDESA (muy bajo) ¡Tú aquí!
ENSOLEILLAD (regresando al
balcón) ¡Habla más alto,
apenas te escucho!
CONDESA,
BARONESA ¡Imprudente!
ENSOLEILLAD ¿Qué? (sorprendida de
escuchar varias voces)
¿Quién está
cuchicheando ahí?
CONDESA,
BARONESA (sorprendidas
al escuchar varias voces) ¿Quién está
cuchicheando ahí?
QUERUBÍN (buscando una
excusa) ¡Es el viento!
ENSOLEILLAD, CONDESA
BARONESA. ¿Qué?
QUERUBÍN ¡Silencio!
Desde tan lejos no nos podemos
abrazar, ni tampoco besar.
(tiernamente)
Te lo imploro...
¡Lánzame una prenda! Un recuerdo, a falta de un
beso.
ENSOLEILLAD, CONDESA
BARONESA ¡Ah, cómo
resistirme, hermoso paje!
BARONESA (arrojándole un
ramillete de flores) ¡Toma!
ENSOLEILLAD (tirándole su
liga) ¡Toma!
CONDESA (tirando
la
cinta de su cuello) ¡Toma!
QUERUBÍN (atrapando las tres prendas, las aprisiona
contra su corazón) ¡Ah ,qué buena
jugada! ¡Estoy totalmente
colmado de amor!
ENSOLEILLAD (asustada) ¡El
Duque! (todas las
ventanas se cierran abruptamente tras cada
exclamación)
BARONESA (asustada) ¡El Barón!
CONDESA (tímidamente) ¡El
Conde! (Querubín, al
ver a sus
enemigos, sube por la escalera)
BARÓN (llegando, con
un farol) ¡Está atrapado!
DUQUE ¡Rodeemos el
jardín!
CONDE ¡Será un escándalo!
DUQUE ¡Una vergüenza! (Querubín tira
la escalera y, burlón y
provocativo, se cruza de brazos)
BARÓN ¡Bandido!
DUQUE ¡Bribón!
(Los tres hombres están exasperados)
CONDE (con ira fría) ¿De
dónde vienes?
DUQUE (con explosión) ¿De qué
habitación?
CONDE (señalando la
cámara de la Condesa,
para sí) ¿Vendrá de ahí?
BARÓN (señalando la
habitación de la Baronesa,
aparte) ¿Vienes de allí?
DUQUE,
CONDE, BARÓN. ¡Responde!
¡Responde!
QUERUBÍN (estallando de
risa) ¡Tra la la la la
la!
DUQUE, CONDE Y BARÓN. ¡Responde!
¡Responde!
QUERUBÍN ¡Cómo me divierto!
¡Cómo me divierto!
BARÓN (alumbrando a Querubín) ¡Ese ramillete es
de mi esposa!
CONDE (rugiendo de
rabia) ¡Ese lazo es de
la Condesa!
DUQUE (con una
explosión de ira) ¡Su liga!
QUERUBÍN ¡Cómo me divierto!
¡Cómo me divierto!
DUQUE
(descubriéndose) ¡Pobre Rey!
CONDE ¡Esa cinta!
BARÓN ¡Ese ramillete!
DUQUE ¡Devuélveme la liga!
BARÓN (desenfunda su
espada) ¡Devuélvelo!
DUQUE (desenfunda su
espada) ¡Devuélvela!
CONDE (desenfunda su
espada) ¡O
morirás! ¡Morirás! ¡Morirás!
DUQUE (avanzando con
terrible mirada) ¡Al
cementerio!
BARÓN ¡Al
cementerio! (Los tres
cargan contra
Querubín con gritos feroces)
QUERUBÍN ¡Jamás! ¡Jamás!
¡Jamás!
DUQUE, CONDE Y BARÓN. ¡Toma! ¡Toma!
¡Toma! ¡Toma! ¡Toma!
¡Toma! ¡Toma! (Querubín se
enfrenta a los tres
fanáticos, pero los gritos de todos
ellos
atraen de inmediato al
Posadero
y al Filósofo que implora)
POSADERO (corriendo
desesperadamente) ¡Alguaciles!!
¡Alguaciles!!
DUQUE, CONDE, BARÓN. ¡Toma! ¡Toma!
EL FILÓSOFO
(implorando angustiado) ¡Tres duelistas!
¡Ah, mi pobre muchacho! ¡Contra tres
duelistas! ¡Tres duelistas! (La campana
suena, el duelo se detiene, la puerta de
entrada está abierta, el
patio de la posada es
invadido por una multitud de
sirvientes, con antorchas y faroles.
Criadas,
transeúntes, viajeros de ambos sexos
despertados con un sobresalto. que aparecen
vestidos con ropa de dormir)
POSADERO,SERVIDORES,
MOZOS, CRIADAS
VIAJEROS ¡Qué escándalo!
¡Qué escándalo! ¡Qué escándalo!
DUQUE ¡Mañana mataré a
ese muchacho! ¡El Rey me dará la
razón! ¡El Rey me dará la
razón!
CONDE, BARÓN ¡Mi esposa ama a
ese depravado! ¡Ah! ¡Qué traición
indigna! ¡Ah! ¡Qué traición
indigna!
QUERUBÍN ¡Tra la la! ¡Tra
la la! ¡Cómo me divierto!
¡Cómo me divierto! (llega el
Corregidor con los alguaciles)
SIRVIENTES (anunciando en
voz alta) ¡El Corregidor!!
BARÓN (Se lanza sobre
el Corregidor, aparte, preocupado)
Observe a
quien le resulte sospechoso; pero si es la
Condesa, ¡estará bien!
CONDE (de la misma
manera) ¡Ah! Señor, no se lo diga a
nadie, ¡él viene de la
habitación de Ensoleillad!
(del otro lado)
¡Silencio! ¡No
diga nada!
BARÓN (del otro
costado) ¡Silencio! ¡No
digas nada! ¡No digas nada!
¡Nada!
DUQUE (de igual
manera) ¡Él viene de la
recámara de la Baronesa, silencio! ¡Pero a la
Baronesa no le diga nada!
POSADERO,
SERVIDORES, MOZOS ¡Qué escándalo
para mi posada! ¡El patrón va a
volverse loco! (Las tres
ventanas se abren, y las
tres mujeres aparecen
en ellas)
DUQUE, CONDE, BARÓN ¡Silencio! ¡No
digas nada!
(Las tres mujeres están en sus ventanas)
ENSOLEILLAD (llorando,
aparte) ¡Tres duelos
consecutivos! ¡Lo matarán!
CONDESA,
BARONESA (aparte) ¡Lo matarán!
EL FILÓSOFO ¡Tres duelos a la
vez! ¡Lo matarán! ¡Dios
mío! ¡Oh, Dios mío! ¡Oh, Dios mío! ¡Oh,
Dios mío!
QUERUBÍN ¡Tra, la, la, la, la, la,
la! ¡Soy tan feliz como un
pinzón! ¡Zon! ¡Zon! ¡Zon! ¡Ah! ¡Cómo me
estoy divirtiendo! ¡La! ¡La! ¡Qué noche! ¡Cómo
me divierto! ¡La! ¡La!
POSADERO,
SERVIDORES,
MOZOS,
MUCHEDUMBRE ¡Qué escándalo!
¡Qué escándalo!
ENSOLEILLAD, CONDESA
BARONESA. ¡Pobre muchacho!
¡Lo matarán!
DUQUE, CONDE, BARÓN. ¡Mirad, se está
riendo! ¡Mirad, se ríe! ¡Mataré a este
chico mañana!
ENSOLEILLAD ¡Ay de mí! ¡Ay de
mí!
CONDESA, BARONESA Es
seguro, ¡lo
matarán! Es seguro, ¡lo
matarán!
POSADERO,
SERVIDORES
MOZOS,
MUCHEDUMBRE ¡Qué escándalo, para la posada!
EL FILÓSOFO ¡Dios mío!
¿Tendrá que afrontar tres duelos?
DUQUE, CONDE, BARÓN. ¡El
Rey me dará la
razón!
DUQUE ¡Sí, mataré a ese
muchacho!
CONDE, BARÓN ¡Qué traición
indigna!
CONDE (a Querubín,
muy categórico) ¡Mañana te mataré!
POSADERO,
SERVIDORES
MOZOS, MUCHEDUMBRE ¡Qué escándalo
para la posada! ¡Qué escándalo
para la posada! ¡Ah!
ENSOLEILLAD,
CONDESA
BARONESA. ¡Ah! ¡Ah! ¡Dios mío!
EL FILÓSOFO ¡Dios mío! ¡Dios
mío! ¡Ah!
DUQUE, CONDE, BARÓN. ¡Morirá! ¡Morirá!
¡Ah!
QUERUBÍN ¡Tra, la, la! ¡Tra, la, la! ¡Tra, la, la! (A una señal
del Corregidor, los alguaciles
rodean y detienen al Duque,
al Conde y al
Barón, quienes protestan y se debaten
como locos furiosos. Las tres mujeres se
desmayan cada
una en su balcón. Gritos y Tumulto
indescriptible)
ACTO
TERCERO
(El pintoresco
patio de la misma posada
española. Una escalera
de madera conduce a la galería en el primer
piso. A la derecha, laureles, rosales y granados, en
macetones, forman un rincón primaveral, en
el centro del cual Querubín, apoyado en una
mesa, escribe en silencio. Aparece el
Filósofo que avanza
discretamente hacia Querubín y lo observa sin
ser visto)
EL FILÓSOFO (en
voz baja) ¡Querubín!
QUERUBÍN (sigue
escribiendo, casi sin levantar la
cabeza) ¡Un momento!
EL FILÓSOFO
(en voz baja) ¡Querubín!
(intrigado)
¿Qué estás escribiendo?
QUERUBÍN (de buen humor) ¡Mi testamento!
¡Tengo tres duelos por delante!
EL FILÓSOFO (sorprendido) ¡Desdichado!
QUERUBÍN (pensativo, pero con frivolidad) ¡Ah,
suspiro...
(muy
ligeramente)
Pero no tengo el
alma ensombrecida... Siempre he visto
la vida color azul;
(ante la
palabra "muerte", el pobre Filósofo se
pone muy pálido)
La Muerte...
quiero verla de color rosa.
(lee su testamento)
Si recibo una
herida de daga, si esta noche debo
morir, A Nina, dejo mi
anillo... para ser un poco
su prometido. A Ensoleillad,
rosa y morena, que con su amor
una noche me embriagó, le dejo toda mi
fortuna, que vale mucho menos que su beso.
(con emoción)
A mi único
amigo...
(el desesperado
Filósofo le hace señas de que no
quiere escuchar nada)
... le dejo mis
bosques y mi mansión. Algunas veces lo
he puesto en aprietos... ¡Pero sé que él me
perdona! (ante estas
palabras, el Filósofo, sollozando, se
lanza a los brazos de Querubín)
EL FILÓSOFO (muy
emocionado) ¡Morir! ¡Cuando se
tiene ese aspecto! ¡Cuando el amor
brilla en sus ojos!
(fuera de sí)
¡Morir, cuando el amor brilla en sus ojos! ¡Morir, cuando la
vida despierta! ¡Morir, cuando se tiene ese
aspecto!
QUERUBÍN ¿Qué dices?
EL FILÓSOFO ¡Morir,
con semejantes colores! ¡Morir! ¡Morir!
(violentamente
conmovido)
¡Morir!
QUERUBÍN ¿Qué dices?
EL FILÓSOFO (con furia) ¡Que tu muerte
sería abominable! ¡No! ¡No morirás,
por mil diablos!
QUERUBÍN (divertido) ¡Júralo!
EL FILÓSOFO (transfigurado) ¡En guardia!
QUERUBÍN ¿Por qué?
EL FILÓSOFO
(confidencialmente) Quiero enseñarte
un golpe maestro.
QUERUBÍN (muy divertido) Así que
¿tú también te has
batido?
EL FILÓSOFO (confesando) Como un veterano.
QUERUBÍN ¿Tú?... ¡Tan prudente! (El
Filósofo, con una chaira, le da una lección de
esgrima)
EL FILÓSOFO ¡Desenvaina tu
espada! Simulo un ataque
en cuarta, en sexta, en
cuarta, en sexta de nuevo, tu espada quiere
pasar, la desvío, golpeo, te
separas.
(se parte)
¡Estás muerto!
QUERUBÍN (excitado) ¡Bravo!
¡Excelente!
POSADERO (llegando desde
afuera) ¿Otro duelo?
¡Alguaciles! ¡Alguaciles!
QUERUBÍN ¡Cállate,
pajarraco! ¡Era sólo un
juego!
(el posadero sale)
EL FILÓSOFO (cuando
aparecen la Condesa y la Baronesa) ¡La Condesa!
QUERUBÍN ¡Y la Baronesa!
BARONESA (a la Condesa)
¡Tranquilidad!
CONDESA (a la Baronesa) ¡Calma!
QUERUBÍN (al Filósofo,
aparte) ¡Qué mirada tan
enfurecida!
EL FILÓSOFO (a Querubín,
aparte) Quien comete
errores, los paga.
QUERUBÍN ¡Ve a vigilar la
puerta!
(El
Filósofo se va muy
fastidiado,
viendo a las dos mujeres venir
hacia él. Para sí)
¡Ah! ¡Qué momento
me espera!
(a ambas
mujeres)
¡Caigo a los pies
de tanta gracia! (ambas mujeres
irritadas, y muy nerviosas)
CONDESA,
BARONESA ¡Basta de palabras
grandilocuentes! ¡Y basta de
frases!
QUERUBÍN Pero...
CONDESA,
BARONESA (seca e
imperativa) ¡Contéstanos!... ¡La
verdad! ¡La verdad! ¡La
verdad! ¿Para quién
cantabas, hermoso paje, anoche?
QUERUBÍN (turbado) ¿Anoche?
CONDESA,
BARONESA (Mirándose
la una a la otra) ¿Por qué pedías
prendas? ¡Si, anoche!
QUERUBÍN ¿Anoche?
CONDESA,
BARONESA (ambas con
irritación y firmeza) ¡La verdad, vamos,
señor, la verdad!
QUERUBÍN (empezando a
cansarse de la situación) Pues bien, ¡ya no
importa!... Ayer canté...
CONDESA (suspirando) ¿Para mí?
BARONESA (de igual modo) ¿Para mí?
QUERUBÍN (un poco
confundido) No... ¡para otra!
CONDESA,
BARONESA (Habiendo
adivinado todo, furiosas y
exasperadas) ¡Ensoleillad!
EL FILÓSOFO (llegando
apresurado) ¡Sus maridos!
(sale tan rápido como entró)
CONDESA (aparte) ¡Bien! (El Conde y el
Barón se detienen
al
ver a sus
esposas charlando con Querubín. Ellas fingen
ignorar la presencia de sus esposos
y auguran a Querubín que sufrirá
mil muertes)
CONDESA (en voz alta,
aumentando su cólera hacia Querubín y
mostrándose muy amorosa cuando se trata
de su esposo) ¡Me comprometiste
ante los ojos de un marido al
que adoro!
BARONESA (de igual modo,
mas indignada aún) Cantabas para
Ensoleillad. Y mi pobre esposo, sí, ¡mi esposo lo
ignoraba!
BARÓN (atrapado por
el juego, al Conde) ¿Las escuchas?
QUERUBÍN (aparte,
exasperado) ¡Son unas pécoras!
BARONESA ¡Responde!...
CONDESA ¿Es verdad?,
¡Responde!
(en
voz baja, a
Querubín)
Responde o me
pierdes...
QUERUBÍN (temblando de
rabia, pero todavía
con ganas de exculpar a
las dos mujeres) ¡Es verdad! ¡Es
verdad!
BARÓN (corriendo
hacia su esposa que se muestra sorprendida de
encontrarlo. con
expresividad) ¡Querida, mujer
adorada!
BARONESA (simulando
asombro) ¡Tú!
CONDE (de la misma
forma que el Barón) ¡Amada esposa!
CONDESA (de la misma
manera que la Baronesa, pero con más
altivez) ¡Ah, eres tú!
QUERUBÍN (Pataleando de
rabia ante esta doble comedia) ¡Qué pérfidas!
¡Qué pérfidas!
CONDE (por lo bajo, a
su esposa) ¡Perdóname!
BARÓN (dulcemente, a
la suya) ¡Perdóname!
QUERUBÍN (no soportando
más, se vuelve a los dos hombres, muy
decidido) Nuestros duelos
¿aún se mantienen? ¡Espero que sí!
BARONESA
(descaradamente) ¿Qué dices?
CONDESA (astuta y
despectiva) ¿Un duelo? ¿Y para qué?
BARONESA (de igual modo) ¡Este muchacho ha
perdido la cabeza!
CONDESA (bromeando) ¡Se ha vuelto
loco!
QUERUBÍN (ansioso) ¿Qué significa?
CONDESA (siempre con el
mismo tono) ¡Se necesita una
razón para arriesgar la
vida!
CONDESA, BARONESA Para que haya un
duelo es necesario una
ofensa, ¡y la ofensa ya no
existe!
QUERUBÍN (con ira) ¡Qué significa
esto!
CONDESA,
BARONESA ¡Abandona esos
grandes aires altaneros, que no se ajustan
a tu edad!
CONDE, BARÓN (bromeando) ¡Mis
disculpas, pequeño muchacho!
CONDE Todas mis
disculpas...
BARÓN Adiós pequeño.
QUERUBÍN (reaccionando
ante el agravio) ¡Se lo prohíbo!
CONDESA,
BARONESA (riéndose de él)
¡Él os los
prohíbe!
(en son de
burla, a sus queridos
esposos)
¡Oh! ¡Tened
cuidado!
(todos se disponen a marcharse)
QUERUBÍN (Indignado,
fuera de sí) ¡Ah! ¡Bribonas!¡Sinvergüenzas! ¡Cómo me hacen
sufrir!
CONDE (dándose
vuelta) Todas mis
disculpas...
BARÓN (igualmente) Adiós, pequeño.
CONDESA, BARONESA (igualmente)
¡Adiós, pequeño!
QUERUBÍN (muy nervioso, estridente, irritado) ¡Ah,
ni siquiera
puedo morir!
(llega el
Duque, enviado por el Rey, rodeado de
oficiales, señores y pajes)
¡Ah! ¡El
Duque! Al menos él...
(se precipita hacia el Duque)
DUQUE (solemnemente,
en voz alta a la multitud que acude
corriendo) ¡Atrás! ¡En nombre
del rey!
(al posadero,
jadeando)
¡Apresúrate en
entregar a La Ensoleillad este mensaje real!
QUERUBÍN (sorprendido,
para sí) ¡Ensoleillad!
POSADERO (a la multitud
que invade el patio, a gritos) ¡Atrás todos!
¡Dejad paso a la silla de
manos del rey! (Se apresura a
subir las escaleras hacia el
alojamiento de La Ensoleillad. Los músicos han subido
rápidamente
las escaleras y le tocan una
alborada a Ensoleillad, frente a su puerta, en
el primer piso. La multitud
escucha con deleite. Querubín está
solo, aparte, muy conmovido)
ENSOLEILLAD (Se oye la voz
de Ensoleillad que acompaña a la
música) ¡Viva el amor que
sueña, abraza y huye! ¡Viva el amor que
muere en una noche! ¡Llorad
doncellas, pero con lágrimas
frívolas! ¡Llorad
doncellas, pero con lágrimas
frívolas!
QUERUBÍN (aparte, muy
emocionado) ¡Hacia ella me
arrastra mi corazón! Durante una noche,
la eternidad, ¡yo fui el rey de
esta reina! ¡Cuánta belleza! (Ensoleillad
aparece iluminada por
un rayo de sol
radiante. Retoma la canción de la alborada,
mientras permanece inmóvil cerca de
la puerta)
ENSOLEILLAD (a toda voz) ¡Viva el amor que
sueña, abraza y huye! ¡Viva el amor que
muere en una noche! ¡Si el amor tiene
alas, es para que vuele! ¡Si el amor tiene
alas, es para que vuele! ¡Si el amor tiene
alas, es para que vuele!
LA MULTITUD (extasiada) ¡Ensoleillad, eres
reina por tu belleza!
ENSOLEILLAD ¡Ah! (Ensoleillad
se adelanta, pero al ver la
actitud de Querubín, se
detiene turbada)
QUERUBÍN (a
Ensoleillad, loco de desesperación y amor) ¡Por piedad! ¡No
te vayas! ¡Ah! ¡Que tu
corazón me escuche! Me has dicho: ¡Te
pertenezco totalmente! Me has dicho:
¡Esta noche no debe terminar!
(con acento
desgarrador)
¡Qué importa el
mañana y todo el
porvenir! ¡Ah! (Ensoleillad
desciende lentamente, mirando
a Querubín, palpitando al pie de las
escaleras, trata de
ocultar su emoción y,
para vencer
la atracción
que siente hacia
Querubín, se dirige a la multitud señalando
al muchacho)
ENSOLEILLAD ¿Quién es este?
QUERUBÍN (quebrado) ¡Oh, Dios mío!
DUQUE, MULTITUD (a
Querubín) ¡Insolente!
¡Retrocede! ¡Dejad paso a la
gente de Su Majestad! (Ensoleillad
ha subido a su silla. La multitud la
aclama mientras se aleja. Querubín queda angustiado y llorando en
los brazos del Filósofo, que acaba de
llegar y es presa de una
profunda emoción)
LA MULTITUD (avanzando) ¡Ensoleillad es
dos veces reina: por el favor real
y por su belleza! ¡Por su belleza! ¡Adiós!
(todos se inclinan. Salida general) (pausa)
QUERUBÍN (abatido, al
Filósofo que lo consuela como a un niño) Sólo me queda tu
amistad... Y sólo te tengo a
ti... ¡Detesto el
amor, pues han mancillado lo que amaba!
EL FILÓSOFO
(afectuosamente) Es tu primera
aflicción... Bendícela si te ha
transformado;
(muy
emocionado)
Acabas de sufrir
como un hombre, al fin eres digno
de amar.
QUERUBÍN (con amargura) No quiero amar
nunca más... Mi alma está
sumamente apenada... ¡No quiero amar
nunca más!...
(violentamente)
¡La mujer es
un ser vil!
¡Infame!
EL FILÓSOFO (Con una
filosofía dulce y consoladora) ¡No volver a amar
nunca más! ¿Por qué, pequeño,
tanto rencor? ¡No volver a amar
nunca más! Es un error que te irrites por una
mujer sin corazón... ¡Las
mujeres son lo que son! ¡Pequeño! Espera a
la mujer dulce que te consuele en
tu infortunio. Todos la hemos conocido... Espera hasta
haberla encontrado... ¡Ya verás,
pequeño, ya verás!
QUERUBÍN (sincero,
resuelto) ¡Ah! ¡Nunca he
deseado tanto tener
(palpitante y
nervioso)
un hombro sobre el
que llorar, un brazo en el que
apoyarme!
EL FILÓSOFO ¡Ya verás,
pequeño, ya verás!
QUERUBÍN
¿Cuándo?
EL FILÓSOFO ¡Espera!!
QUERUBÍN (con mucha
ternura) ¡Espero!! (Escuchamos el
rodar de un carruaje y luego, un
suave tintineo de campanas)
EL FILÓSOFO (Percibiendo a
Nina aún invisible, lentamente) Y cuando Eliezer
vio a Rebeca, dijo: Dios mío, ¡esta es la
esposa para mi señor! (sale
apaciblemente cuando Nina aparece en el
umbral de la posada, ella va con sus ropas de luto)
QUERUBÍN (emocionado,
yendo hacia ella) ¡Nina!
NINA (temblorosa se
detiene turbada) ¡Querubín!
QUERUBÍN ¡De
luto! ¿Por qué tan
pálida?... ¿Por qué tu semblante tiene esa dulce
tristeza?
NINA (Dulcemente,
sin malicia ni
resentimiento) ¡Señor! ¿No lo
sabes?
QUERUBÍN (la acompaña
hasta un rincón florido del patio de la
posada) ¡Nina! Mi corazón
palpita y tiembla... ¿Soy yo quien te
ha hecho llorar?
NINA (con sencillez) Ya no lloro... Mañana abandonaré
este mundo pues entraré en el convento.
Aquí están tus versos... te perdono. ¡Me los creí!...
Era una niña... Habrás pensado que era un poco tonta.
Creía, viéndote
lleno de emoción, que te había
conquistado y que esos versos
eran para mí... Debo haberte
parecido un poco tonta. Cuando estabas a
mi lado, el corazón se me subía a la cabeza.
Temblaba... no sé por qué, pero perdía la
cabeza cuando estabas a mi
lado...
(en voz baja)
Y ahora... que
estoy a punto de no volverte a ver,
(emocionada)
siento tanta
emoción... que mi entereza me
abandona...
(sencilla)
¡Adiós, adiós...
mañana el claustro! Te amé...
¡Olvídame! ¡Olvídame!
(mirando a
Querubín)
¿Lloras?
QUERUBÍN (con lágrimas
en los ojos) ¡Nina!
NINA (muy
emocionada) Dime... ¿Estás
llorando?
QUERUBÍN Estas lágrimas son
mejores que todos los placeres
vanos que una vez conocí.
NINA (palpitando) ¡Ya no tienes tu
risa burlona!
QUERUBÍN (feliz) Una sonrisa más
bella despierta en mi corazón.
NINA (con emoción
creciente) ¿Qué? ¿No te
burlas? ¿Tu ternura es verdadera?
QUERUBÍN ¡Veo el mundo con
nuevos ojos! ¡Ven! ¡Nina,
vamos! ¡Nina, vamos! ¡Ven a mi lado!
NINA (vencida,
confiada, enamorada) ¡Querubín, creo
en ti!
QUERUBÍN Del amor sólo
había entendido las caricias...
NINA, QUERUBÍN ¡Amar, sentir,
sufrir, palabras
embriagantes! ¡Amar, sentir,
sufrir, palabras embriagantes!
NINA ¡Mi Querubín, creo
en ti! ¡Creo en ti! ¡Mi Querubín, creo
en ti! ¡Siempre tuya!
QUERUBÍN ¡Ven junto a mí,
junto a mí! ¡Junto a mí! ¡Oh, Nina! ¿Vienes
a mi lado? ¡Creo en ti! (En el momento
en que Querubín y Nina aún están
entrelazados, el Duque vuelve con el Filósofo
y los oficiales que iban a ser los testigos en
el duelo. Llevan las
espadas
bajo el brazo)
DUQUE (sofocado,
viendo a su pupila en los brazos del
pequeño bribón de Querubín) ¡Mi pupila en sus
brazos! ¡Oh, rabia! ¡Oh, triple
rabia!
RICARDO (retorciéndose
de risa) ¡Qué muchacho!
DUQUE (fuera de él) ¿Quién será la
elegida de mañana?
QUERUBÍN (inclinándose
ante el Duque, asombrado) Este no es un
nuevo ultraje, Nina me concede su
mano. (Nina va a
rogar a su tutor que parece
decir: "¡Pobre niña!")
RICARDO (burlón, a
Querubín) ¿Hablas de
matrimonio?... A tu edad, ¿ya estás de
retirada?
QUERUBÍN (radiante,
golpeando el hombro de Ricardo) ¡Retreta! Vamos
entonces.
(campanas lejanas.
Sonriente)
Amanece... ¡escucha las campanas! Indican que
hay que levantarse... Escucha, no es la
retreta lo que suena... ¡Es la diana por
el despertar del amor!
EL FILÓSOFO (a
Querubín, en voz baja. Le señala la cinta de la Condesa
que le asoma) ¡Deshazte de esa prenda!
Nina debe ser suficiente para ti.
QUERUBÍN (Tras un
momento de vacilación, no pudiendo desprenderse de las prendas de
amor, con una sonrisa indefinible, guarda la
cinta. Hablado) ¡Bah!!
(Corre
hacia Nina que está
junto a su
tutor. Hablado)
¡Nina, te quiero!
RICARDO (mirando a
Querubín, jovialmente) ¡Es Don Juan!
EL FILÓSOFO (pensativo,
mirando a Nina) ¡Es Elvira!
Digitalizado y
traducido por:
José Luis Roviaro 2020
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